[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 mars 1791.] 649 (La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain.) M. de Siilery, secrétaire, fait lecture de deux lettres adressées à M. le Président de V Assemblée , l'une par M. Delessart, ministre de l'intérieur , l'autre , par les commissaires de la Côte-d'Or, et relatives à l'arrestation de Mesdames à Arnay-le-Duc. Ces lettres sont ainsi conçues : Lettre du ministre de Y intérieur. <* Monsieur le Président, « Mesdames ayant obtenu la liberté d’envoyer une personne de leur suite à Paris, cette même personne a remis une lettre écrite à l'Assemblée nationale par les commissaires du département de la Côte-d’Or, qui se sont transportés à Arnaÿ-le-Duc. « J’ai en conséquence l’honneur, Monsieur le Président, de vous transmettre cette lettre dont j’ignore le contenu. Mais, suivant ce que me mandent les commis>aires, elle doit présenter des détails dignes de fixer l’attention de l'Assemblée nationale. « Je suis avec respect, etc... « Signé : ÛELESSART. » Lettre des commissaires de la Côte-d’Or. « Monsieur le Président, « Mesdames, tantes du roi, nous ont permis de protiter d’un courrier qu’elles expédient à Sa Majesté, et nous nous empressons de vous rendre compte de ce qui vient de se passer en cette vil e, et de ia conduite que nous avons tenue dans les circonstances difficiles dont nous avons été témoins. Hier, vers les 7 heures du soir, le directoire du dépariement reçut avis par une lettre de M. Narbonne, apportée par un courrier extraordinaire, que Mesdames étaient encore retenues en cette ville et que les consignes étaient portées au point de gêner leur service et leur correspondance. Le directoire arrêta sur-le-champ que deux de ses membres se rendraient à Arnay-le-Duc en qualité de commissaires chargés de procurer, par tous les moyens possibles, l’exécution de la loi du 24 février dernier, de faire toutes réquisitions nécessaires et d’accompagner Mesdames jusqu’aux limites du dépariement, si tdles le jugeaient à propos. Nous partîmes à l’heure même que cette commission nous fut remise, et, arrivés à 4 heures du matin à Arnav-le-Due, nous ne perdîmes pas un instant pour faire avertir MM. les administrateurs du district et MM. les oi liciers municipaux. « Le directoire du district assemblé, nous nous y présentâmes, et il fut délibéré, sur la proposition que nous eu fîmes, qu'aptes avoir enregis-f é la commission dont nous étions porteurs, nous nous transporterions en la maison commune pour, avec Messieurs du district et la municipalité qui y étaient déjà assemblés, concerter les moyens les (lus prompts et les plus efficaces pour procurer la pleine exécution de la loi du 21 février dernier. Lu municipali é annonça les mêmes dispositions que le district, elle proposa seulement d’appeler les notables, qui, par la réunion de leurs voix, fortifièrent les espérances que nous commencions à concevoir du succès de notre mission, en nous donnant plus de moyens encore pour influer sur la détermination des citoyens à l’obéissance. 11 y avait pour lors dans cette ville plusieurs détachements de gardes nationales de Dijon, Beaune, Autun, Semur et des villages circonvoisiris. 11 fit convenu d’inviter tous les commandants et officiers de se rendre à la maison commune. Il leur fut fait lecture de l’arrêté du département, du procès-verbal, qui venait d’être dressé, et ils manifestèrent tous hautement la résolution d’obéir à la loi et de déférer aux réquisitions qui leur seraient faites. « Nous venions à peine de signer cette réquisition, lorsque nous fûmes avertis, de la part de Me-dames, ance que nous jugeâmes do notre devoir de faire connaître à Mesdames cette disposition des esprits. Nous leur fîmes part en même temps du désir que quelques-uns avaient témoigné qu’elles voulussent bien prendre leur route par Dijon. En effet, il s’était formé une députation de quelques-uns des officiers de ces détachements, pour se rendre auprès d’elles et leur en faire la demande. Mesdames y consentirent, elles eurent même l’attention d’ajouter que les commissaires du département les accompagneraient dans cette marche. Alors il s’éleva plusieurs voix qui demandèrent que Mesdames fussent encore accompagnées des gardes nationales, et elles eurent la bonté d’entrer dans tous les arrangements qui pouvaient faciliter ce projet, eu leur laissant partie des chevaux destinés à leurs équipages. « Lorsque nous eûmes quitté Mesdames pour retourner à la maison commune, nous remarquâmes cette fois une bien plus grande agitation dans le peuple, qui formait des groupes multipliés et parmi lesquels on distinguait un assez grand nombre de gardes nationales des villages voisins. Ariivt s à la maison commune, nous entendîmes sonner une assemblée, sans qu’il n’y eût aucun ordre ni permission du corps municipal; nous y vîmes entrer un tambour qui se dérobait aux instances que l’on lui faisait de battre la générale, et peu de temps après il s’y présenta plusieurs citoyens, qu elqnes-uns même en uniforme et portant leurs armes blanches, dont tes discours annonçaient la fermentation la plus inquiétante. Eu touie autre occasion, secondés, comme nous l’étions, des administra-eurs du district, des officiers municipaux et 650 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 mars 1791.] des commandants des détachements, nous n’aurions pas hésité de ['rendre les mesures rigoureuses dont la loi nous fait un devoir dans ces circonstances difficiles; mais il fallait, avant tout, pourvoir à ce qu’exigeait de nous la présence de Mesdames à Arnay-le-Duc, et quoique tous, sans exception, jusque dans leurs discours les plus animés, n’eussent cessé de manifester la résolution de conserver à Mesdames la sûreté, la tranquillité et les témoignages de respect et d’amour pour foules les personnes de la famille royale, il ne nous était pas permis d’oublier un instant ce que Mesdames noua avaient recommandé, en nous exprimant leurs craintes, que cet événement ne pût causer aucun trouble et occasionner la moindre effusion de sang. Il De nous restait alors qu’un parti, c’était d’obtenir de la bonté même de Mesdames de nous autoriser à annonçer qu’elles voulaient bien encore suspendre leur départ; elRs daignèrent y consentirent sur nos instantes prières et celles de Messieurs du district et delà municipalité. Cette nouvelle fut accueillie avec transport et portée si rapidement dans toute la ville, que l’assemblée qui avait été sonnée, que l’on continuait encore de sonner, se trouva dissoute avant que d’avoir été formée, et les citoyens ne songèrent plus à se réunir que pour se livrer à la joie. «Tel est, Monsieur le Président, le récit de ce qui vient de se passer, aussi circonstancié que le permet le peu de temps qui nous reste pour en rendie compte à l’Assemblée nationale. Nous venons d'en donner avis au directoire du département, et nous sommes déterminés à ne quitter Arnay-le-Duc que lorsque notre commission sera remplie. Nous vous prions de prendre en considération la situation pénible et inquiétante où nous nous trouvons, et dont nous informons par le courier le ministre de Sa Majesté. « Nous sommes avec respect, Monsieur le Président, les commissaires du département de la Côte-d’Or. « Signé : A. HernoüX; L.-B. Guyton, procureur général syndic. » M. l’abbé Bonillotte.'Messieurs, je dois ajouter aux renseignements contenus dans cette lettre que depuis cette époque la municipalité d’Arnay-le-Duca envoyé ici une députation qui s’est présentée dans la" matinée, chez le ministre de l’intérieur. Ces députés n’avaient pas d’autre mission que d’informer le roi des mesures prises par la commune et de s’assurer des dernières intentions du roi; aussitôt qu’ils les ont sues, ils ont fait partir un courrier qui doit être arrivé maintenant, et sans doute que Mesdames continuent à cette Heure leur voyage. M. le Président lève la séance à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE NOA1LLES. Séance du ieudi 3 mars 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures et demie du soir. (1) Cotte séance ost incomplète au Moniteur. M. Voulland, secrétaire , fait lecture d’une adresse de la commune de Sézanne , qui s’empresse d’offrir à l’Assemblée nationale l’hommage de la gratitude la plus vive et la plus respectueuse au sujet de la suppression des aides. 11 y est dit ; » 11 est donc entièrement supprimé, ce régime « oppresseur qui n’a que trop longtemps désolé « la France. L’esprit des linances et l’esprit de « chicane ne se coaliseront plus pour assurer la « ruine des familles. On ne verra plus des hommes « vertueux, victimes des combinaisons' perfides, « verser des larmes de sang, obligés d’abandon-« ner leurs femmes et leurs enfants pour se sous-« traire aux horreurs des prisons. « Elles sont rompues, ces chaînes financières « forgées par le despotisme et dont le poids tri-« plait parla dureté et par le crime des traitants. « Le Français ne rougira plus des fortunes scan-'laleuseset du luxe de ces vampires publics dont ‘ l’existence était le plus horrible fléau de l’em-« pire. L’abolition des droits d’aides et celle d’en-« trées des villes sont deux bienfaits nouveaux < dont le souvenir sera éternel. « Il est impossible de vous peindre avec assez < d’expression l’allégresse des citoyens qui ha-« bitent dans les murs de cette ville; elle est « devenue bien plus vive encore, par l’idée juste < de l’ivresse du plaisir de leurs frères de Paris. « Ils voient avec transport que la capitale sera <« enfin indemnisée des sacrifices qu’elle a faits avec « tant de générosité, et qu’elle ne tardera pas à « reprendre toute sa splendeur. « Qu’il fut grand et qu’il se montra digne de « représentercette vaste cilé, l’orateur qui repoussa « Poutrage fait à la nation, qui rappela le courage « des Parisiens dans cette insurrection heureuse « qui a sauvé la patrie, et qui se porta garant de « leur soumission et de leur désobéissance aux « lois. Voilà le plus bel éloge des sentiments des « vrais conquérants de la liberté... Législateurs « suprêmes, continuez vos travaux immortels, « achevez l’édifice majestueux de la plus sainte « Constitution; ne craignez pas les ennemis inté-« rieurs, le patriotisme est armé et veille. Ne « redoutez pas davantage les ennemis du dehors; « une nation qui a brisé ses chaînes et qui sent « le prix de sa liberté, est invincible. « Les Sézannois vous jurent amour, dévoue-« ment et fidélité; ils vous supplient, au nom de « l’intérêt public, de faire reviser tous les comptes « des anciens régisseurs et fermiers; et ils espèrent « que les propriétés dont ils s’enorgueillissent, « rentreront bientôt dans la classe des biens natio-« naux. » M. Vonlland, secrétaire, fait ensuite lecture d’une adresse de la société des amis de la Constitution séant aux Jacobins, à Carcassonne, contenant le procès-verbal d’une de ses séances, dans laquelle tous les membres de la société et tous les spectateurs ont juré de défendre, au péril de leur fortune et de leur vie, tout citoyen qui aurait le courage de se dévouer à la dénonciation des traîtres à la pairie et des conspirateurs contre la liberté. Plusieurs membres à droite disent que cette résolution n’a pu être inspirée que par le club des Jacobins de Paris ou par la lettre imprimée du président de cette société. M. 'Vonlland, secrétaire. C’est une erreur. Ce serment a été prêté à T’occaeion d’un assassinat