(21 janvier 1791. | (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 3o6 dire leur crime, et qu’on devait ajouter quelque confiance à la promesse de se représenter, faite par un homme qui avait déjà obéi d’une manière si précisé; mais votre comité, eu se rappelant vos refus multipliés d’accéder à de pareilles dispositions, ne s’est pas permis de vous présenter un article favorable à la dema.de de Chalons; il abandonne à votre sagesse les considérations qu’il vous présente, et il se borne à vous représenter que la justice, et la justice la plus sévère, exige que vous donniez promptement un tribunal aux dilférents criminels de lèse-nation qui sont arrêtés dans ce moment, et qu’il est urgent que votre comité de Constitution vous propose une mesure provisoire à cet effet. Voici le projet de décret : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports; » Considérant que, d’après l’information faite par les juges de Belfort, en suite de son décret du 30 octobre dernier, on ne peut imputer les délits qui ont été commis, le 21 octobre, dans cette ville, qu’à quelques individus, et non aux régiments de Royal-Liégeois et de Lauzun, décrète que les deux régiments, ci-dessus dénommés, pourront, comme tous les autres corps de l’armée, êire placés partout où le service public l'exigera, sans aucune distinction de départements frontières et de ceux de l’intérieur, et que son président se retirera devers le roi, pour lui présenter le présent décret. » M. Prieur. Je crois qu’il est satisfaisant pour l’Assemblée de pouvoir lui attester que le régiment de Lauzun, qui est actuellement en garnison à Vitry-le-François, a mérité par son patriotisme la confiance de tous les bons citoyens. M. BLoys. Le refus que l’Assemblée a fait dans plusieurs occasions d accueillir les demandes en élargissement provisoire a été déterminé par des circonstances particulières qui ne se montrent pas dans cette affaire. M. de Chalons a en sa faveur d’abord de s’être mis lui-même en prison, ce qui me semble un acte de loyauté et de franchise qui, si j’étais juré, me donnerait une conviction morale en sa faveur. La procédure ne présentant point de charges, le comité ne disant rien contre M. de Chalons, je demande qu’il obtienne la ville de Belfort pour prison. M-Prieur. Je suis bien obligé de chercher à atténuer L s présomptions qui résultent en faveur de l’innocence de M. de Chalons, de ce qu’il s’est rendu de lui-même en prison. Si les choses étaient encore dans le même état, c’est-à-dire s’il n’y avait pas eu depuis une information et une instruction criminelle, l’Assemblée, qui avait cru, d’après les premiers renseignements, pouvoir ordonner son arrestation, pourrait aujourd’hui lui accorder la liberté provisoire; mais prenez bien garde que les choses ne sont plus dans le même état : l’iuformatiun a été faite devant les tribunaux, et le résultat de cette information juridique est un décret de prise de corps. Or, je pense que, dans aucun cas, l'Assemblée ne peut prononcer de jugement : ils sont du ressort du pouvoir judiciaire. Un article de la Constitution lut interdit cette faculté. Il y aune chose juste que nous devons faire en faveur de M. de Chalons, c’est de le mettre le plus tôt possible à même de purger son décretde prise de corps, de subir interrogatoire, et de présenter ensuite sa requête au tribunal pour avoir son élargissement. Ve pourriez-vous pas, sans blesser les règles de la justice, déléguer au tribunal de Belfort, par suite de la première délégation, la faculté de recevoir l’interrogaioire de M. de Chalons, et de statuer sur son élargissement, s’il y a lieu? (L’amemiement, mis aux voix, est rejeté.) (Le projet de décret du comité est adopté.) M. le Président lève la séance à neuf heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ GRÉGOIRE. Séance du vendredi 21 janvier 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture des procès-verbaux des deux séances de la veille. M. d’André. L’observation que j’ai à faire sur le procès-verbal vient d’une conversation d’une minute que j’eus hier avec M. Rabaud de Saint-Etienne. Vuus avez rendu un décret relativement à l’affaire d Belfort; vous u’avez point ordunné l’élargissement provisuire de M. de Chalons, par la raison que M. de Chalons étant sous un décret de prise de corps, vous avez pensé jus ernent que l’Assemblée ne pouvait pas cas.-er uq tel décret. Mais vous devez à la justice et à l’humanité de fournir aux gens qui sont décret s de prise de corps un moyen de se faire juger. Cela est incontestable. Une autre observation importante est celle de la sûreté national»- : la sûreté nationale ne sera sûrement établie que lorsqu’il y aura un tribunal pour juger les crimes de lèse-nation. Nous demandons l’établissement de ce tribunal depuis un temps infini; on nous a répondu qu’il fallait l’etablissement des jurés et ensuite l’établissement d’un code pénal, qu’il fallait définir le crime de lèse-nation. Tout cela est fort bon; mais les gens qui sont en piisou depuis longtemps ne trouvent pas cela très bon. D’un autre côté, la nation a droit de ne pas le trouver bon : car tant que l’on saura qu’il n’y a pas un tribunal pour réprimer, pour punir, pour poursuivre des gens qui conspuent contre la sûreté nationale, c’est-à-dire contre la Constitution, vous verrez sans cesse se renouveler des projets de complots réels on supposés: il est donc de votre justice, de votre humanité, de votre intérêt, d’établir bientôt un tribunal de lèse-nation. Si l’établissement des jurés, qui est retardé, qui peut encore vous mener loin par sa discussion et qui, lorsqu’il sera décidé, exigera encore du temps par les élections qu’il faudra faire, si, dis-je, rétablissement des jurés et d’uns haute cour nationale peut essuyer de très loûgs reiarus, if ne faut pas moins prendre des précautions à t�et égard. Il me semble qu’il y aurait des moyens très simples de se lirer d affaire la-üessus et dVtab ir un tribunal provisoire pour juger ces (1) Cette séance est incomplète au Moniteur . [21 janvier 1791.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. délits ou du moins pour juger les personnes qui, étant décrétées de prise de corps, sont innocentes, sauf à réserver la connaissance défîni'ive de ces sortes d’aff ires et des crimes de )èse-nation au tribuual qui sera établi définitivement. Je demande donc que l’Assemblée veuille bien ordonner au comité de Constitution de lui présenter incessamment, c’est-à-dire mardi, pour tout délai, un plan à cet égard. Un membre : Le délai est trop court. M. d’André. Si ce délai n’est pas suffisant pour le comité de Constitution, je propose de lire mardi un projet que M. Rubaud et moi avons conçu sur la matière. L’A«semblée, consultée, rend le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que, mardi prochain, le comité de Constitution lui présentera un projet de décret pour l’établissement provisoire d’un tribunal chargé de juger les crises de lèse-nation. » (Les procès-verbaux sont adoptés.) Un membre fait une observation sur le décret rendu le 20 de ce mois et relatif au visa à délivrer par le directeur général de liquidation ; il demande que les reconnaissances et autres actes, qui seront remis par le directeur général de liquidation, soient délivrés gratis et sans frais. Il observe que tous les actes qui sortent des bureaux de liquidation, administration de l’extraordinaire, et autres du même genre, sont expédiés gratuitement et doivent l’être ainsi, les chefs desdits bureaux et les employés étant payés par l’Etat. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) Un des MM. les secrétaires donne lecture des décrets prononcés à la séance du dimanche, 16 de ce mois, qui n’ont pu être rapportés plus tôt à l’Assemblée. M. le Président donne lecture : 1° D’une lettre de M. Dubuat, qui le prie de faire agréer sa démission à l’Assemblée. (Sur cette demande, il est décidé que l’on passe à l’ordre du jour.) 2° D’une lettre de M. Mayre, qui le prie de lui permettre de remettre sous ses yeux le premier numéro des jugements remarquables des tribunaux. M. de Liancourt, au nom du comité de mendicité. Messieurs, vous avez continué provisoirement, l’année dernière, à l’établissement de la Charité maternelle, la jouissance des annexes de la loterie, qui se montent à 2,000 livres par mois, et vous avez chargé votre comité de mendicité de prendre une connaissance particulière de cet établissement, auquel vous avez assuré protection. Votre comité vous a fait distribuer, ces jours derniers, sou rapport à cet égard (1). Ce i apport n’est principalement que le mémoire donné par les citoyennes vertueuses qui régissent cet établissement, formé et soutenu par b uis soins, et vraiment digne d’éloi>es; dans ce mémoire, l’historique, l’intention et l’administration de cette association charitable sont complètement développes. Votre comité y a ajouté quelques réflexions. Il (1) Voyez ce document aux annexes de la séance de ce jour, p. 368. 357 pense que cet établissement est un de ceux qui doit être entretenu avec succès par la bienfaisance particulière, qui, plus compatissante, plus libre dans ses dons, complète et perfectionne la bienfaisance publique qui, pour être juste, doit être soumise à des b fis exactes, et presque sévères, dont elle ne doit jamais s’écarter. Il p�nse que si l’établissement ue la charité maternelle était habituellement soutenu par les deniers du Trésor public, son administration devrait être positivement surveillée par les corps administratifs à qui appartient, par vos décrets, l’administration des fonds publics de secours. C’est dans ces principes que le comité vous proposait, à la fin de son rapport, de donner, pendant trois ans seulement, et par forme de souscription, une somme de 15 à 20,000 livres, prise sur les fonds de secours dont v nus pourrez disposer, afin de conduire cet établissement au moment où il devrait aller absolument par ses propres ressources. Votre comité croit aujourd’hui devoir remettre cette proposition définitive au moment où vous vous occuperez de l’organisation des secours dans la capitale. Il se borne seulement à vous proposer de décréter la continuation des mêmes s cours de 2,U00 livres par mois sur la loterie, dont jouit l’association de la Charité maternelle depuis sa formation ; secours que vous lui avez continué au mois de juillet dernier, et dont le payement n’est suspendu par le trésorier que parce que l’année dans laquelle vous l’avez décrété est finie. Ce dun cessera quand vous aurez prononcé sur l’organisation des secours de Paris ou sur le sort des loteries. Voici ie projet de décret : « L’Assemblée nationale décrète que rétablissement connu sous le nom de la Charité maternelle de Paris continuera de juuir provisoirement de 2,000 livres par mois, qui lui ont été accordées sur la loterie, jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné. » (Ce décret est adopté.) L’ordre du jour est un rapport du comité de l'emplacement des tribunaux et corps administratifs sur une pétition du département du Gard. M. Prugnon, rapporteur (1). Messieurs, dans une adresse du 10 décembre, le département du Gard expose qu’à sa première session il s’est occupé de la recherche d’un lieu convenable pour un établissement fixe dont les frais ne pouri aient plus être renouvelés ; qu’il a épuisé toutes les démarches préliminaires exigées par vos décrets. Après l’examen le plus exact, dit-il, il a été reconnu que la partie de la maison commune, qui n’est point occupée par la municipalité, ne pouvait fournir, par sou peu d’étendue, que le logement du district qui a été autorisé à s’y placer. Quant au palais de justice, il présente à peine l’espace nécessaire pour le tribunal, et pour celui du commerce qui a été accordé à la ville de Nîmes. C’est donc, continue le conseil du département, sur les bâtiments nationaux qu’elle renferme, que nous avons été obi gés de diriger nos vues, et à l’instant une pensée assez heureuse, peut être, s’est trouvée naturellement liée à une grande convenance. Le corps administratif d’un arrondissement destiné à rappeler, par sa dénominat on nou-(1) Le Moniteur ne donne que des extraits de ce rapport.