574 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 décembre 1789.] Adresse du même genre de la ville de Jallais en Mauges, province d’Anjou ; elle demande une justice royale. Adresse du même genre de la ville de Rodez: elle renonce expressément à tous ses privilèges ; elle fait à la patrie le don des boucles d’argent de ses habitants, en attendant l’exécution du décret concernant la contribution patriotique : enfin, elle fait remise à la nation d’une créance, sur l'Etat, de 22,470 livres, payées par la ville de Rodez pour l’acquisition dès offices municipaux dont les titres sont joints à l’adresse. Adresse du même genre du comité municipal de la ville d’ Argentan en Normandie: elle demande d’être le siège d’un tribunal supérieur. Adresse des religieuses de la Visitation dePont-à-Mousson,en Lorraine, qui, pénétrées du respect le plus profond envers l’Assemblée nationale, la supplient, avec les plus vives instances, de les laisser vivre et mourir dans l’état qu’elles ont embrassé sans contrainte, qu’elles exercent avec zèle, et qui fait le bonheur de leur vie. Adresse des officiers du bailliage royal de Saint-Omer, qui présentent à l’Assemblée nationale l’hommage du plus entier dévouement pour l’exécution de ses décrets. Ils se plaignent de la lenteur que l’on met dans leur envoi, et demandent pour cette ville le siège d’une assemblée de département. M. le Président fait lecture d’une délibération des officiers du présidial de Besançon, qui, animés d’un zèle ardent pour la régénération de l’Etat, se sont fait un devoir, dès la rentrée de la Saint-Martin dernière, d’offrir à leurs justiciables l’hommage de l’exercice gratuit des fonctions qui leur sont confiées, et de s’engager en même temps de redoubler de zèle et d’activité pour les remplir. Considérant néanmoins que des circonstances fâcheuses ont opéré une diminution sensible dans les ressources d’une classe nombreuse du peuple, que des secours extraordinaires sont indispensables pour soutenir cette portion de la nation dans la crise au milieu de laquelle se prépare le bonheur général, ils ont délibéré de remettre entre les mains des représentants de la commune de cette ville, l’abandon qu’ils font des émoluments attribués aux fonctions de leurs offices, pour que le profit en soit versé dans la caisse patriotique, établie pour fournir à la subsistance de la classe indigente. Ils supplient l’Assemblée nationale d’agréer cette délibération comme une preuve de leurs sentiments de respect, de soumission et de dévouement pour ses décrets. Cette offre est accueillie avec applaudissement par l’Assemblée. M. le Président fait part d’une réclamation de MM. les députés de Saint-Jean-d’Angely, contre une erreur du procès-verbal du 2 de ce mois. Ils ont demandé qu’au lieu de la relation qui y est faite, que l’abbaye royale, établie dans leur ville, soit remplacé par un collège, il soit inséré dans le procès-verbal de ce jour, que l’esprit de l’adresse de cette ville est que l’abbaye soit conservée pour y établir un collège à l’instar de ceux de Pontlevoy et Sorèze, tenus et administrés par les bénédictins de la congrégation de Saint-Maur. La rectification de cette erreur est décrétée. M. Latyl, prêtre de Voratoire , dévuté de la sénéchaussée de Nantes, dit qu’on a omis dans le procès-verbal du 19 novembre dernier, de mentionner qu’après la lecture et l’acceptation faite de la démission de M. Chevalier, et ses pouvoirs ayant été vérifiés, il avait été admis et proclamé député à l’Assemblée nationale; il a demandé que celte mention fût faite dans le procès-verbal de ce jour, ce qui lui a été pareillement accordé. M. Garou d© La Bévière, député de Bresse , donne sa démission; elle est acceptée. M. le comte de Faucigny-Lucinge, son suppléant, dont les pouvoirs out été vérifiés, est admis comme député à l’Assemblée nationale. M. Bureaux de Pu*y.L’Assembléeavaitchargé j des commissaires d’examiner une machine dont M. l’abbé Demandre est auteur. Il résulte de notre examen que ce mécanisme, très-simple et infiniment ingénieux, peut s’appliquer avec avantage 4 aux pompes d’épuisement, aux sonnettes à battre ’ des pieux, etc., et qu’il double les forces des hommes. M. l'abbé Bemandre a aussi fait l’application de sa machine à la navigation. Des pièces très-authentiques et la notoriété publique prouvent que, dans un des endroits où le Rhin a le plus de rapidité, trente bateaux, attachés à la suite les uns des autres, et dont quatre étaient remplis de gravier, ont facilement remonté ce fleuve par le moyen de ce mécanisme, auquel huit hommes étaient emp lovés. r* M. Malouet. On a fait à Toulon l’essai de la machine de M. Demandre, et le succès a été complet. L’Assemblée témoigne le désir de voir cette machine : M. le président annonce qu’elle sera exposée sur le bureau avant l’ouverture d’une des prochaines séances. M. Malouet qui, dans la séance de la veille, i avait demandé que M. le président fût autorisé I d’écrire une lettre à Toulon dans les vues qu’il 1 avait expliquées, désire que sa proposition soit de A nouveau prise en considération. � M. le Président lui fait observer que l’Assemblée a rendu un décret, qui porte que sa demande est ajournée pour cejourd’huià deux heures, à la charge par le comité des rapports de ' faire, le plus promptement possible, celui qui est relatif à cette affaire. Après quelques observations de la part de quelques membres, M. le président met aux voix la question de savoir si le décret est véritablement dans les termes ci-dessus rapportés ; elle décide l’affirmative. En conséquence, elle renvoie la dis-! cussion à l’ordre de deux heures. M. le duc de Aillequier présente sa démission, motivée, d’après un certificat de médecins, sur sa santé, qui ne lui permet pas de remplir ses fonctions. 11 annonce, par la lettre qu’il a é-crite à M. le président le 11 de ce mois, que son suppléant a été choisi en même temps qu’il a été nommé lui-même, et quoique ce suppléant n’ait pas encore été admis, l’Assemblée, sans tirer à conséquence, accepte la démission de M. le duc ~i de Yillequier. M. le comte d’Aremberg de la MarcL j demande la permission de s’absenter pendant ■% quelque temps pour aller dans sa patrie; cette l permission lui est accordée ; il en remercie A l’Assemblée par sa lettre à M. le président, en lui J annonçant qu’il se fera toujours une gloire depor-1 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 décembre 1789 ] 575 ter partout les leçons, les sentiments et les principes de l’Assemblée. M. Pinterel de Louverny, député de Château-Thierry, demande la permission de s’absenter pendant deux jours , pour des affaires très-iutéressantes. Cette permission lui est accordée. M. Malouet reprend sa motion de la précédente séance tendant à fixer des bornes à la juridiction des municipalités. Ce que je propose, dit-il, et ce que j’ai déjà proposé deux fois, tend à empêcher les grandes municipalités de prendre un empire sur les municipalités de moindre considération. (L’Assemblée se montre impatiente). L’orateur se hâte de lire deux articles portant : 1° qu’aucune municipalité n’aura, en administration, autorité ni juridiction sur une autre ; qu’elle ne pourra rendre ses arrêtés exécutoires ni les faire proclamer et afficher hors de son territoire ; 2° qu’il sera défendu à toutes les municipalités des villes capitales et principales et à toutes autres, de prononcer par statuts et règlements sur les détails de la haute police et d’administration générale, autrement qu’en exécution des décrets de l’Assemblée nationale sanc-;onnés par le Roi. M. Charles de Lameth. La disposition qui nous est proposée est inadmissible dans les circonstances actuelles. Si elle était admise, personne ne pourrait prévoir où s’arrêterait le désordre dans la capitale, car vous n’ignorez pas à combien de pouvoirs la municipalité de Paris a succédé et dans combien d’occasions elle a été obligée d’outrepasser les attributions qui lui sont confiées dans un autre ordre de choses. Si vous adoptiez la motion, vous mettriez la subsistance de la capitale entre les mains du premier intrigant venu. Voilà les motifs qui m’engagent à demander la question préalable. M. Defermon. Qu’avons-nous décrété sur les municipalités ? qu’elles seront chargées de la perception et du recouvrement des impôts. Vous décréterez plus tard quels statuts elles pourront faire relativement à la police ; mais le faire à présent serait exposer les campagnes aux plus grands désordres. Je demande que la motion soit ajournée jusqu’au moment où l’on s’occupera de l’organisation du pouvoir judiciaire. M. Dufraisse-Duchey. Les craintes des préopinants sont autant de chimères, tandis qu’il serait du plus grand danger que les grandes villes, profitant de l’influence que leur donne nécessairement leur population, s’arrogeassent une espèce d’empire surfes villes d’une faible importance. M. le vicomte de Alirabeau parait à la tribune. On demande la clôture de la discussion. Elle est prononcée. M. le vicomte de Alirabeau, s’écrie : On nous ferme la bouche dès que nous voulons décadré les provinces et les opprimés 1 M. le Président consulte l’Assemblée quidé-ide qu’il n’y a pas lieu à délibérer, quant à présent, sur la motion de M. Malouet. L’ordre du jour appelle la discussion de la motion de M. le comte de Mirabeau relative aux grades administratifs et aux conditions d’éligi - bilité. M. le Président rappelle que cette motion, faite dans la séance du 10 décembre au matiu , propose qu’il soit décrété que, pour être membre de l’Assemblée nationale, il faudra y avoir été député une fois, ou avoir rempli pendant deux ans, des fondions graduellement dans les municipalités , les districts et les départements, ou avoir occupé, durant trois ans, un office de judi-cature. M. Barrère de Vieuzac (1). Messieurs, quoique le premier soin des législateurs soit de se défier de l’éloquence, et d’examiner froidement ce qu’elle lui présente avec enthousiasme, je ne peux m’empêcher de rendre un hommage public aux grandes vues que M. de Mirabeau a développées hier dans cette même tribune. C’est une sublime pensée de mettre de la fraternité entre toutes les fonctions publiques. C’est une belle conception législative de jeter un voile d’honneur sur toutes les magistratures, de changer tous les emplois publicsien témoignage de vertu, défaire de ces dépôts, que la patrie confie à un citoyen, autant de titres pour parvenir aux fonctions les plus éminentes de la société. Il fallait surtout, en régénérant les municipalités, effacer les traces de cette espèce de flétrissure que l’orgueil, les préjugés , le despotisme des agents subalternes du pouvoir, et le fisc lui-méme, leur avaient imprimées depuis un siècle. 11 fallait engager tous les citoyens sans distinction à servir la patrie avec le même zèle, dans les magistratures les plus inférieures, pour mériter la préférence sur leurs concurrents. Il fallait enfin ouvrir le trésor de l’honneur, au lieu d’accorder à ces faits odieux de privilèges, des exemptions et de vaines prérogatives. C’est ainsi, Messieurs, qu’à Rome, par une allégorie admirable, on n’arrivait au temple de l’honneur qu’en passant par celui de la vertu. Mais, en adoptant ces grandes vues de législation, devons-nous adopter aussi l’application qu’en fait M. de Mirabeau? Devez-vous exiger rigoureusement cette marche expérimentale, et ces honneurs graduels? Devons-nous exclure, avec sévérité, des grands honneurs ceux qui n’auront pas parcouru toute l’échelle politique que l’auteur de la motion a élevée devant vous ? C’est ici que les doutes se présentent.... Je ne dirai pas que la motion de M. de Mirabeau détruit absolument vos décrets qui admettent des éligibles à l’Assemblée nationale, âgés de 25 ans, puisque, d’après son calcul, il faudra avoir 35 ans révolus pour y parvenir. Je ne dirai pas que cette motion fait revivre les trois degrés d’élection que vous avez sagement proscrits, dans l’idée de donner au peuple une influence plus directe, et un champ plus vaste à l’élection. Je ne dirai pas que la motion tend à faire administrer toutes les municipalilés par des jeunes gens âgés de 21 ans, tandis qu’il importe à la nation que des hommes mûrs soient chargés de ces fonctions importantes mêlées de justice, de police, d’administration et de pouvoir militaire; le bon sens de l’administration est bien différente du génie des lois. (1) L’opinion de M. Barrère de Vieuzac n’a pas été insérée au Moniteur.