[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [Paris, in tra muros.] 301 blé en l’église des Mathurins,sur le bruit-gui s’est répandu que MM. les officiers de ville étaient disosés à ne point recevoir de dépôt dudit procès-ver-al, ni le cahier de l’assemblée, ladite assemblée a arrêté qu’elle continuerait de tenir, jusqu’à ce que les électeurs par elle nommés, et qui se transporteront ceiourd’hui à l’hôtel de ville, en exécution de l’article 22 du règlement du 13 du présent mois, soient venus lui rendre compte, ou l’aient informée de la manière dont ils auront été reçus. Arrêté, en outre, qu’il sera fait deux originaux, tant du procès-verbal que du cahier, dont l’un restera entre les mains du secrétaire. Fait en ladite assemblée tenante, le mercredi 22 avril 1789. Signé Gaillaü, président ; ÂGIER, secrétaire. Et ledit jour, 22 avril 1789, 10 heures du soir, MM. les électeurs, de retour de l’hôtel de ville, ayant annoncé à l’assemblée que leur procès-verbal avait été reçu, que l’on était occupé à former la liste générale des élections, et que demain jeudi, dès le grand matin, M. Agier devait recevoir la liste particulière des électeurs du présent district, le procès-verbal a été clos définitivement, et l’assemblée s’est séparée. Signé Agier, Treilhard, Blonde, anciens avocats au parlement ; GaüCHEZ, dessinateur et graveur ; CAFFIN, marchand chapelier ; Baudoin, MOUTARD, GloüSIER, imprimeur s-libraires-, Boul-LANGER, marchand papetier ; SERPAUD, avocat au parlement ; Choron, notaire ; GÉRARD DE MELCY, procureur au parlement. Gaillau, président ; Agier, secrétaire. Discours de MM. les députés de rassemblée de la noblesse convoquée aux Bernardins. Messieurs, L’assemblée, partielle de la noblesse séante aux Bernardins, nous a chargés de témoigner à nos concitoyens du tiers le regret que nous éprouvons dè la dissolution de cette commune, où tous les citoyens, sans distinction d’ordre, confondaient paternellement tous leurs nœuds dans l’intérêt public et général ; que si nous nous sommes soumis aujourd’hui à cette disposition pour ne pas nous rendre coupables d’avoir différé les Etats généraux, nous n’en espérons pas moins fermement de la justice du Roi et de celle des Etats généraux le rétablissement de cette commune si précieuse ; qu’en attendant, nous adhérons de tous nos cœurs à la résolution prise par la noblesse de toutes les provinces, de supporter toutes les contributions publiques, dans la plus parfaite égalité, avec nos concitoyens du tiers. Signé Le comte de Lally-Tollendal, président et député, et Bigeon, secrétaire. Le comte de Lally-Tollendal, président de l’assemblée partielle de la noblesse convoquée aux Bernardins, et député vers les assemblées de ce lieu. Le chevalier d’Aubocide, député. Discours de MM. les députés de l'assemblée de la noblesse convoquée en la maison de Sorbonne. Messieurs, L’assemblée de la noblesse du quatorzième département, assemblée dans la même maison de Sorbonne, où se tient celle des communes, a l’honneur de vous porter son vœu sur la confraternité des deux ordres, et sur la renonciation particulière à ses privilèges pécunaires, pour partager avec vous tous les impôts dans une proportion égale. Signé Le vicomte de La Grange ; le comte de Malestroist-Pontkalleck, membres des États de Bretagne. CAHIER De l'assemblée partielle du tiers-état de la ville de Paris , tenue dans l'église de Sorbonne, les 21 et 22 avril 1789 (1). L’assemblée proteste, avant toutes choses , contre le mode de convocation des assemblées de district, en ce que les intérêts de la capitale s’y trouvent blessés par la destruction de la commune, dont tous les habitants ont fait partie jusqu’à présent, sans distinction d’ordres; et encore en ce qu’on n’a pas laissé le temps de pouvoir rédiger avec soin les propositions particulières que chaque assemblée de district aurait pu faire, pour contribuer à la rédaction du cahier général : En conséquence, l’assembiée demande que, pour éviter de tels inconvénients, il soit avisé dans la prochaine tenue des Etats généraux au moyen de fixer une forme de convocation générale, et telle qu’en réunissant tous les citoyens de cette grande ville, elle procure à chacun d’eux le double avantage de faire connaître son vœu personnel, et de profiter des lumière de tous ; n’entendant néanmoins, ladite assemblée, que la présente protestation puisse retarder la tenue si désirée des Etats généraux, et priver le royaume des fruits qu’il doit se promettre de la réunion des connaissances, du zèle et des représentants de toute la nation. L’assemblée se bornera à présenter ici l’aperçu général des grands objets qui doivent occuper les députés aux Etats généraux, le temps ne lui permettant pas de donner à des matières aussi importantes, le développement qu’elles exigeraient, mais sur lequel il s’en rapporte avec confiance aux lumières et au zèle de ses représentants. Constitution. Art. 1er Aucune loi désormais ne pourra devenir obligatoire qu’elle n’ait été délibérée et consentie par les Etats généraux sous l’autorité du Roi. 1 . Il sera établi et reconnu comme maxime fondamentale, et qui seule peut assurer la tranquillité et la propriété des citoyens, que lés Etats généraux ont seuls le droit de consentir les emprunts et les impôts. 2. Les impôts ne pourront être accordés que pour un temps limité. 3. Les Etats généraux feront une loi constitutionnelle de leur retour périodique à des époques certaines. Il serait à désirer que ce terme ne pût jamais excéder trois ans. 4. 11 sera également reconnu et irrévocablement assuré, par une loi fondamentale, que tous les ordres doivent contribuer aux impôts, et dans la même proportion, sans qu’il puisse en être établi aucun qui frappe exclusivement sur le tiers-état ; qu’en conséquence, l’impôt de franc-fief, et tous autres personnels au tiers - état, seront et demeureront dès ce moment anéantis et remplacés, s’il est jugé nécessaire, par un autre impôt commun à tous les ordres. (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. 302 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris, intra mnros. 5. La responsabilité des ministres, tant pour leur administration que pour l’emploi des fonds qui leur seront confiés, sera établie comme une maxime sans laquelle le bon ordre ne peut ja-maie subsister : ils seront tenus de rendre compte tous les ans dans la forme qui sera prescrite par les Etats généraux. 6. On assurera comme une loi sacrée la liberté individuelle des citoyens. Celle de la presse sera également assurée , avec les précautions que le bon ordre exige, mais en telle sorte que la liberté soit dirigée sans être enfreinte. 7. Les habitants des colonies françaises d’Amérique, étant citoyens de la même patrie, seront désormais convoqués, et assisteront par leurs députés aux Etats généraux qui doivent représenter la nation française dans son intégrité. 8. Les Etats généraux régleront la forme de leurs convocations pour l’avenir, et décideront, dans la prochaine tenue, la question de savoir si l’on doit opiner par ordre ou par tête. 9. Les articles précédents accordés et sanctionnés, les Etats généraux s’attacheront à connaître : 1° l’état au vrai de la situation actuelle des finances ; 2° arrêteront toutes les économies, les suppressions et réductions des pensions et autres dépenses non nécessaires, pour parvenir à acquitter la dette nationale; 3° ils fixeront les dépenses nécessaires de chaque département, et les secours convenables pour en faire le service, dont il sera pareillement rendu compte annuellement, dans la forme qui sera déterminée par les Etats généraux. 10. Les députés aux Etats généraux demanderont la réformation de tout ce qu’il y a de défectueux dans nos lois civiles, et plus encore dans les lois criminelles qui intéressent si essentiellement tout ce que l’homme a de plus cher, l’honneur et la vie. 11 est bien à souhaiter surtout que les peines soient mieux graduées et qu’en réservant la peine de mort pour les crimes énormes, on évite dans ce cas-là même les supplices attroces, et qu’il n’y ait plus à l’avenir qu’un même genre de supplice pour les citoyens de tous les ordres. 11. Une réforme moins importante sans doute, mais néanmoins très-essentielle pour le bien de l’agriculture, dont on ne s’est pas assez occupé dans le royaume le plus fertile, et le plus propre à rassembler les productions du monde entier, est la suppression des capitaineries, et la destruction des lapins, mêmes dans les terres particulières. 12. Enfin on demandera la suppression des jeux de hasard , celle des loteries, établissement immoral et cruel, qui expose le sort des familles aux caprices de la fortune, et celle de l’agiotage, dont l’effet est d’enrichir les uns sans aucun travail utile de leur part, et de ruiner les autres qui se laissent entraîner à de mauvaises spéculations. Ces accroissements et ces diminutions subites de fortunes, font dans l’ordre politique des secousses toujours funestes et dangereuses. Du commerce. Art. 2. Il n’est pas possible d’entrer dans les détails qu’exigerait cette portion importante de la richesse nationale; mais présentons quelques idées générales, que les députés aux Etats généraux voudront bien développer. 1. On demandera donc que le commerce national soit protégé et dégagé de toutes entraves ; qu’en conséquence toutes les douanes de l’intérieur du royaume soient portées sur les frontières. 2. Qu’il soit pris des précautions efficaces pour assurer un approvisionnement suffisant, au royaume, et prévenir les disettes et les chertés, avant qu’aucune exportation de grains et de farines soit permise. 3. Qu’il soit également pris de justes mesures pour empêcher et pour punir même toute espèce d’accaparement sur les grains et autres denrées de première nécessité. 4. Qu’il soit avisé aux moyens d’assurer la bonne foi dans le commerce, et de prévenir et punir les banqueroutes frauduleuses. 5. En conséquence, qu’il ne soit plus accordé de lettres d’Etat, saufs-conduits, lettre de répit, arrêts ou lettres de surséance, tous moyens propres à enhardir la mauvaise foi, et que les lieux privilégiés ne puissent plus servir de refuge pour soustraire les débiteurs injustes aux poursuites de leurs créanciers. 6. Que, pour l’avantage du commerce, on établisse dans tout le royaume l’uniformité des poids et mesures, même à l’égard des fonds de terres ; en sorte que les noms d’arpent, boisseaux, journal, etc., présentent toujours à l’esprit une idé j juste et partout la même. Demandes particulières à la ville de Paris. Art. 3. Les citoyens de la bonne ville de Paris ont eu la douleur, dans ces derniers temps, de se voir renfermer dans une enceinte de murs qui, en leur dérobant le spectacle de la campagne et les beautés de la nature, les a privés de la salubrité de l’air. Les auteurs d’un projet si humiliant pour la capitale n’ont pas considéré qu’en doublant l’enceinte de la ville, ils doubleraient la difficulté de la garde, et qu’un circuit de sept lieues exigerait une armée de gens oisifs et onéreux par leur inutilité, leur consommation et leur paye. 1. On demandera donc que ce mur soit démoli, et que les barrières, si même on les estime nécessaires, soient rétablies dans leur ancien état, sauf à les supprimer tout à fait si, par un système dont on croit l’exécution très-possible, on parvient à retrancher ou à modifier l’impôt indirect, et, par cette raison, infiniment onéreux, sur les consommations. La seule objection est la dépense faite. Mais elle peut n’être pas tout à fait perdue ; et la démolition de ces guérites ridiculement fastueuses, destinées à loger des commis, peut servir à construire les hôpitaux qu’on avait annoncés à la capitale, et opérera deux biens à la fois, en rendant à tous la liberté, et aux malheureux la santé et la vie. Quel monarque que celui qui saura ainsi tirer le bien du mal, et que de bénédictions il se prépare ! 2. Les députés du tiers-état de la ville de Paris sont invités à profiter de toutes les lumières qui se trouvent répandues dans les différents cahiers des différents bailliages du royaume, pour assurer, autant qu’il sera en leur pouvoir, la gloire du trône et le bonheur des citoyens. C’est un trésor commun dont les ressources doivent profiter à tout le monde. 3. Us demanderont encore qu’il soit avisé aux moyens de réformer les abus qui peuvent s’être glissés dans l’administration des revenus municipaux, et qu’à l’exemple des ministre et de tous les autres administrateurs des deniers publics, les officiers municipaux rendent compte tous les ans à la commune, en la forme qui sera réglée par les Etats généraux, des revenus d’octroi et autres appartenant à la ville, et de leur emp loi, qui sera [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris, intra muros.] 303 délivré en commun lorsqu'il s’agira d’entreprises importantes. 4. Que, conformément aux lois générales du royaume, l’élection des prévôt des marchands, échevins, quarteniers, etc., appartienne à la commune, et se fasse librement et dans la forme qui sera déterminée par les Etats généraux ; en sorte que ces différents officiers puissent être véritablement les représentants et mandataires de la commune. 5. Que les anciens privilèges accordés par nos rois à leur bonne ville de Paris, et que d’autres villes moins importantes ont conservés, lui soient rendus. 6. Que l’impôt connu sous le nom de logement de gens de guerre soit aboli, comme étant aujourd’hui sans objet, ou du moins infiniment plus considérable que ne l’exige sa destination; et qu’à l’effet de connaître la mesure du besoin, s’il en existe, les Etats généraux se feront représenter les rôles de cette imposition, et se feront rendre compte de l’emploi des sommes reçues. 7. Que la capitation de la ville de Paris soit fixée par un règlement précis, qui préserve les citoyens de l’arbitraire odieux qui règne dans la répartition de cet impôt. 8. Que le droit de petite voirie soit supprimé, ou du moins fixé d’une manière si modérée, qu’il cessera d’être une surcharge onéreuse pour les citoyens de la capitale. 9. Enfin, que les députés de la ville de Paris réclament aux Etats généraux, contre tous les abus préjudiciables aux intérêts des habitants de cette ville, et qui peuvent exciter les plaintes des différentes assemblées de district. On croit devoir comprendre au nombre de ces abus la multiplicité des petits spectacles, qui corrompent en même temps et le goût et les mœurs, et sont pour le peuple une source d’oisiveté et de dérèglement. Fait et arrêté dans l’assemblée partielle du tiers-état de la ville de Paris, tenue dans l’église de Sorbonne, les 21 et 22 avril 1789. Signé Minier, avocat au parlement, commissaire et électeur; Maton, commissaire et électeur; Arsandaux, avocat au parlement, commissaire; Théry, docteur en médecine, commissaire; Voisin, commissaire; Gauche, avocat au parlement, commissaire: Ponce, commissaire; Le Camus, commissaire et électeur; Le Long, commissaire et électeur; Gourtin, avocat au parlement, président; Pain, secrétaire. CAHIER Du tiers-état du district assemblé dans l'église de Saint-Eustache, à Paris , le 21 avril 1789 (1). Art. 1er. Les électeurs ne pourront prendre les députés que dans les membres du tiers-état. Art. 2. Les députés ne délibéreront aux Etats généraux sur aucun objet particulier, avant que la constitution de l’Etat n’ait été fixée et arrêtée. Art. 3. Pouvoir législatif dans la nation. Art. 4. Le nombre des députés de chaque ordre proportionné à la population. Art. 5. La fixation du retour périodique des Etats généraux. Art. 6. Celle des formes et du délai des convocations pour les assemblées relatives aux Elats généraux. (1) Nous publions ce cahier d’après un imprimé de la J Bibliothèque du Sénat. Art. 7. La liberté absolue de toute délibération. Art. 8. Opiner aux Etats généraux par tête. Art. 9. La réforme dans l’élection des membres des municipalités, qui a lieu sans le concours des citoyens compris dans ces municipalités. Art. 10. La liberté individuelle. Art. 11. La faculté de se transporter librement dans tous les lieux de la nomination du Roi, et môme hors du royaume. Art. 12. La liberté de la presse. Art. 13. Le droit de n’être jugé que par des tribunaux légalement constitués par la nation. Art. 14. Consolider la dette publique. Art. 15. La réforme de la justice criminelle. Art. 16. La simplification des formes judiciaires. Art. 17. Le respect pour les propriétés, à moins quelles ne soient utiles à la chose publique, et à la charge d’indemniser. Art. 18. La responsabilité des ministres. Art. 19. Le respect dû aux secrets que les citoyens confient sous leur cachet aux agents despostes. Art. 20. La concurrence entre les ordres pour tous les emplois civils, militaires et ecclésiastiques, et l’abolition du Concordat. Art. 21. L’égalité des peines envers les criminels, sans distinction de rang ni d’état. Art. 22. La suppression des barrières et droits d’entrée. Art. 23. La perception des impôts à attribuer aux Etats provinciaux, avec versement direct dans le trésor national. Art. 24. L’assujettissement de tous les ordres aux contributions et aux charges publiques. Art. 25. Abolir la vénalité des charges. Art. 26. La suppression de tout privilège exclusif, à moins qu’il ne s’agisse d’une découverte ou d’un ouvrage qui puisse être considéré comme une propriété. Art. 27. L’admission des colonies aux Etats généraux, comme faisant partie de la nation. Art. 28. La faculté de recevoir des évêques les dispenses de parenté dans tous les degrés pour lesquels la cour de Rome les accorde. Art. 29. La suppression des billets de confession et autres formes iusolites tendant à établir des tribunaux inquisiteurs, ou des opinions capables d’alarmer les consciences. Art. 30. La défense de prononcer des vœux en religion avant l’âge de trente ans. Art. 31. La suppression des ordres religieux reconnus inutiles, ou plutôt leur extinction successive, et l’application des biens dont ils jouissent à des objets d’utilité publique. Art. 32. Les mariages mixtes avec les effets civils. Art. 33. La suppression du droit de franc-fief. Art. 34. La réduction du droit de chasse, excepté celle du souverain, dans les limites qui circonscrivent chaque fief. Art. 35. Abolition des arrêts de surséance et de répit, des sauf-conduits, évocations, commissions, lettres de cachet, et privilège du Temple et lieux semblables. Art. 36. Suppression du droit de committimus , de celui du scel attributif et autres du même genre. Art. 37. L’exemption de tous droits et impôts eu faveur des pères et mères de dix enfants. Art. 38. La fixation d’un sort suffisant aux curés et vicaires réduits à portion congrue. Art. 39. Que le corps national s’occupe, par des délégués, d’améliorer et de surveiller l’éducation publique. Art. 40. L’éducation et l’emploi des enfants trouvés.