465 [Assemblée nationale J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 février 1790, | sible qu’ils lussent confirmés dans cette résolution aussi contraire à leurs devoirs qu’à leurs intérêts, par le compte qui sera rendu dans les papiers publics de ce qui se passe dans l’Assemblée nationale par rapport à ce serment. Les ennemis de la Gonstitntion ne manqueront pas de publier qu’un grand nombre de membres de l’Assemblée nationale refusent de prêter le serment ; que plusieurs hésitent, et ces bruits, artificieusement répandus, alarmerontles consciences timorées. « Il n’est qu’un moyen de prévenir ce danger, j’invite tous les ecclésiastiques députés de l’Assemblée nationale à l’adopter. Je suis persuadé qu’ils sont tous dans l’intention de donner à la nation cette preuve de soumission à ses lois , rendons tous ensemble cet hommage à la patrie: donnons-lui au même moment cette assurance de cette fidélité qu’elle exige de nous. Cette démarche solennelle enlèvera aux malintentionnés l’occasion d’interpréter malignement les délais que plusieurs pourraient prendre sans affeetation. Plus notre obéissance sera prompte, moins elle sera suspecte, et plus l’exemple que nous aurons donné aura d’influence sur la détermination des pasteurs , à qui il resterait encore quelque incertitude sur la conduite qu’ils doivent tenir. c Signé : Lindet. » 2e Annexe à la séance de l'Assemblée nationale du 6 février 1790. Mémoire four la ville de La Rochelle (I). L’Assemblée nationale, consultant le droit naturel des choses et le droit naturel des positions , a décrété l'union de l’Aunis et de la Sain-tonge. L’Assemblée nationale a consacré, par ce décret, une union déjà formée, et qui subsistait depuis l’établissement de la généralité de La Rochelle. Les députés de Saintonge demandent le département pour la ville de Saintes , ceux de l’Aunis le demandent pour la ville de La Rochelle. Si ces prétentions sont décidées par des raisons de droit et de convenance, elles ne peuvent rester longtemps douteuses, et la décision doit être nécessairement en faveur de la ville de La Rochelle. Raisons de droit. Si l’on se permet de parler de droits devant une Assemblée de législateurs, lorsque toutes les provinces , toutes les villes du royaume ont abaissé les leurs devant le grand intérêt national, c’est que les droits, que défend la ville de la Rochelle, ont l’heureux avantage de s’allier à l’intérêt national, sans blesser réellement aucun intérêt particulier. La ville de La Rochelle a été, depuis l’établissement de la généralité qui porte son nom, la capitale et le siège de l’administration de cette généralité. C’est une propriété, c’est un rang que son importance lui a acquis, que le temps a confirmé, et dont on ne peut la dépouiller sans injustice. Gomment voudrait-on aujourd’hui enlever à la ville de La Rochelle ce qu’elle possède, ce qu’elle mérite, pour en investir une ville inférieure, sans aucune sorte d’industrie et d’activité? Ne serait-ce pas un renversement d’idées et de choses; et l’Assemblée nationale, si circonspecte, si sévère dans ses principes de justice, voudrait-elle faire une exception pour la province d’Aunis seulement, et la rendre, en quelque sorte, la seule qui eût à mêler des regrets à l’heureuse révolution que doit immortaliser l’auguste Assemblée dans le cœur de tous les Français? Si la ville de la Rochelle demandait une concession nouvelle, si, comme celle de Saintes, elle aspirait à un nouvel ordre de choses, à s’élever sur le patrimoine d’autrui; cette demande, portant sa réprobation avec elle, mériterait sans doute d’être mise au rang de ces suggestions d’un intérêt particulier, dont l’Assemblée nationale a dû être fatiguée de plus d’une manière ; mais la ville de la Rochelle ne demande qu’à rester en possession de ce qui lui appartient, en vertu du titre le plus respectable. Raisons de convenance. La ville de La Rochelle réunit en grand tous les établissements d’ordre public; un hôtel pour le commandant général des trois provinces d’Aunis, Poitou et Saintonge: un hôtel de l’intendance; un palais, rebâti en 1788 avec étendue, et même magnificence; un palais épiscopal, dont la construction ne remonte pas à quinze ans ; un vaste hôtel de ville; un hôteldes monnaies; un hôtel de la Bourse, etc. Tous ces établissements offrent le choix le plus varié, et les commodités les plus étendues. Partout ailleurs, dans les autres villes de la généralité, la plupart de ces établissements manquent ; ceux qui peuvent exister, sont dans un état d’imperfection ou de faiblesse, qui les rend insuffisants. On dira bien qu’on trouvera dans la suppression des communautés religieuses des moyens d’établissements également gratuits ; mais cês moyens, qui n’existeraient pas moins à La Rochelle, cesseront bientôt de paraître suffisants. On fera des changements : insensiblement peut-être, on voudra des établissements qui aient de la dignité, et la province se verra soumise à des dépenses qu’on pouvait lui épargner. Les différents tribunaux, qui sont àLa Rochelle, offrent des magistrats exercés dans tous les genres, dont les lumières et l’expérience peuvent devenir très utiles pour la composition des nouveaux tribunaux. L’agriculture et le commerce se tiennent par la main ; ils se soutiennent l’un par l’autre ; leur activité dépend absolument du même principe, c’est une grande production. Le développement de ce principe, si nécessaire aujourd’hui, ne peut être bien senti que dans une ville de commerce ; c’est là que le mouvement et le jeu journalier de l’industrie des hommes peuvent frapper l’esprit et le sens des représentants d’une province, et les conduire à des vues et des rapports qui échapperont longtemps, dans une ville intérieure, à des représentants qui ne connaîtraient que leur horizon (1). La ville de Saintes dont la population (1) S’il était permis de s’appuyer d’un grand exemple. on dirait que l’avantage qu’ont acquis les Anglais par le commerce, tient à la situation de Londres, qui l’a rendu un port de mer. (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. Ie SÉRIE. T. XI. 30 466 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 février 1790.] a’excède pas sept à huit mille âmes, n’a de commerce que celui qui résulte de ses propres consommations, un peu augmentées par un assez grand nombre d’ecclésiastiques qui l’habitent toute l’année ; et dans Etayer, par une grande quantité de noblesse. Une ville de commerce a nécessairement besoin du mouvement des caisses publiques, pour le placement de son papier, et la régénération du numéraire que ses achats consomment sans cesse : les caisses publiques ont besoin, à leur tour, du commerce pour la facilité de leurs reluises. Ces besoins, ces secours mutuels et indispensables ne trouveraient aucun aliment à Saintes; sans commerce et sans papier, il faudrait voiturer les espèces, ou subir la loi d’un agiotage qui s’établirait bientôt, et le commerce de La Rochelle, réduit aux plus onéreux expédients, serait frappé d’une langueur, dont les tristes effets atteindraient promptement l’agriculture. On veut que les chefs-lieux de département en soient, autant qu’il est possible, le point central. Il faut encore comparer, à cet égard, la ville de Saintes et celle de La Rochelle* S’il n’était question que de mettre les deux villes en oppositions de distance, elle n’auraient aucun avantage l’une sur l’autre; mais en assujettissant La Rochelle à Saintes, il y aurait cette différence très marquée au préjudice de La Rochelle, c’est qu’ayant par la population et par son commerce, beaucoup plus d’affaires que n’en aurait la ville de Saintes, les habitants de La Rochelle seraient bien plus fréquemment appelés à Saintes, que ne le seraient les habitants de Saintes à La Rochelle. Il y a des points au delà de Saintes, qui se trouveraient plus éloignés de La Rochelle; mais cette augmentation est tout au plus de dix lieues ou d’une journée, tandis que plusieurs points de la Saintonge sont plus rapprochés de La Rochelle que de Saintes; et qu’il est également à 8 et 10 lieues de la Rochelle, des points importants dans UAunis tels que l’île de Ré dont la population excède 20,000 âmes; Marans qui en compte 12,000; Mauzé, 3,000, qui se trouveraient à l’égard de Saintes, dans la même position que seraient les points au delà de Saintes, à l’égard de La Rochelle. Ainsi point de motif en faveur de la première de ces villes, qui ne parle plus fortement en faveur de La Rochelle ; et l’on verra même bientôt que cette dernière ville est bien plus réellement le point central du département que ne peut l’être Saintes. La Rochelle, environnée de ses superbes rades, compte trois îles qui lui servent en quelque sorte de ceinture: l’île de Ré et l’île d’Aix en Au-nis, l’île d’Oléron en Saintonge. Ces îles mettent géométriquement La Rochelle au centre du département. Des bateaux de passage en rendent la communication journalière et presque sans frais; et dans un vent favorable, il ne faut pas à l’île d’Oléron une heure de plus pour gagner le port de La Rochelle que ses ports ordinaires de déchargement sur la côte de Saintonge. Tous les établissements de cette côte jouiront de l’avantage d’aborder par mer à La Rochelle (il y a des bateaux de passage qui font régulièrement cette navigation) ; on le répète, il n’y a nulle comparaison entre les frais d’un trajet par eau, et ceux d’un trajet par terre; ainsi l’on voit que la situation de La Rochelle sur le bord de l’Océan, loin* d’en faire un point d’extrémité, la rend un point central; que cette situation ouvre des moyens de communication et d’économie infiniment précieux, qui ne peuvent se rencontrer à Saintes-Au surplus, la ville centrale d’un département quelconque n’est point celle qui divise les distances dans la proportion la plus géométrique, mais celle vers laquelle tendent, par une pente d’habitude ou de circonstance, les principales relations d’ordre public et d’intérêt particulier. On a vu que les relations d’ordre public étaient formées depuis longtemps à La Rochelle ; les relations d’intérêt particulier le sont également par le commerce. Les consommations seules de la ville de La Rochelle offrent un débouché considérable aux productions de la Saintonge. Les négociants de la Rochelle font acheter une partie des vins, des eaux-de-vie et des sels de la Saintonge; ils achètent presque en totalité les eaux-de-vie de l’île d’Oléron, et les font exporter par le port de La Rochelle. Ces relations d’intérêts appellent les habitants de la Saintonge à La Rochelle; et ils ne pourraient l’être à Saintes que par une loi de devoir. Si l’on veut enfin joindre à toutes ces considérations, celles du caractère des Rochelois, dont les traits sont si bien conservés par l’histoire, pn verra qu’ils ont repoussé, autant qu’ils l’ont pu, l’oppression et l’injustice. Ce souvenir peut avoir encore des droits aux bontés de l’Assemblée nationale; La Rochelle a été le dernier boulevard qui ait résisté à l’intolérance d’un siècle peu philosophique, et au despotisme d’un ministre sultan. Il fallut tout le poids de la France et tout le génie de Richelieu, pour abattre ce que l’on nommait alors la dernière tête de la rébellion, et ce que l’on nommerait aujourd’hui la dernière tête de la liberté publique. Cet esprit, ce courage, ce feu patriotique régnent dans le peuple roche-lois. Des citoyens y sont aussi communs que des esclaves l’étaient ailleurs. Je n’en veux citer qu’un exemple célèbre, l’éloquent et intrépide Dupaty : c’est à la Rochelle qu’il a reçu le jour, l’éducation et cette mâle vertu avec laquelle il a le premier ébranlé le colosse effrayant de la tyrannie judiciaire. Signé : NAIRAC, député extraordinaire du commerce de La Rochelle. 3° ANNEXE à la séance de V Assemblée nationale du 6 février 1790. Observations de la Société royale d’agriculture, sur l'uniformité des poids et mesures, par MM. TII-let et Abeille. M. le marquis de Bonnay, président du comité d’agriculture et de commerce de l’Assemblée nationale, a fait l’honneur à la Société royale d’agriculture de lui demander des observations sur un mémoire de M. de Villeneuve, tendant à établir l'unité et la conformité des mesures dans tout le royaume. En conséquence, nous avons été chargés, M. Tiflet et moi, d’exécuter ce travail. Nous nous en sommes occupés avec tout le zèle qu’inspire une matière si intéressante. Le mémoire de M. de Villeneuve a deux objets: l’un relatif à l’ordre public; l’autre à la situation actuelle de quantité d’ouvriers qui manquent d’occupation. Quoiqu’il n’entre dans aucun détail sur nos poids et nos mesures en eux-mêmes, nous