350 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ne pas devoir conserver ; du Roi enfin qui est venu se jeter dans nos bras, et qui, ce matin encore, nous offrait et nous demandait une constante et amicale confiance ! Dans ce beau jour, que chacun recueille sa récompense, que chacun ait son bonheur ; que le bonheur public en soit le dernier résulat ; que l’union du Roi et du peuple couronne l’union de tous les ordres, de toutes les provinces et de tous les citoyens. C’est au milieu des Etats généraux que Louis XII a été proclamé Père du peuple. Je propose qu’au milieu de cette Assemblée nationale, la plus auguste, la plus utile qui fut jamais, Louis XVI soit proclamé le Restaurateur de la liberté française. La proclamation a été faite à l’instant par les députés, par le peuple, par tous ceux qui étaient présents et l’Assemblée nationale a retenti pendant un quart d’heure des cris de vive le Roi ! vive Louis XVI, restaurateur de la liberté française ! La séance s’était étendue bien avant dans la nuit, quand M. le président, après avoir pris le vœu de l’Assemblée, suspend le cours de ces déclarations patriotiques, pour en relire les chefs principaux, et les faire décréter par l’Assemblée, sauf la rédaction ; ce qui est exécuté sur l’heure à l’unanimité, sous la réserve exigée par les serments et les mandats de divers commettants. Suivent les articles arrêtés. Abolition de-la qualité de serf et de la mainmorte, sous quelque dénomination qu’elle existe. Faculté de rembourser les droits seigneuriaux. Abolition des juridictions seigneuriales. Suppression du droit exclusif de la chasse, des colombiers, des garennes. Taxe en argent, représentative de la dîme. Rachat possible de toutes les dîmes, de quelque espèce que ce soit. Abolition de tous privilèges et immunités pécuniaires. Egalité des impôts, de quelque espèce que ce soit, à compter du commencement de l’annéo 1789, suivant ce qui sera réglé par les assemblées provinciales. Admission de tous les citoyens aux emplois civils et militaires. Déclaration de l’établissement prochain d’une justice gratuite, et de la suppression de la vénalité des offices. Abandon du privilège particulier des provinces et des villes. Déclaration des députés qui ont des mandats impératifs, qu’ils vont écrire à leurs commettants pour solliciter leur adhésion. Abandon des privilèges de plusieurs villes, Paris, Lyon, Bordeaux, etc. Suppression du droit de déport et vacat, des annales, de la pluralité des bénéfices. Destruction des pensions obtenues sans titres. Réformation des jurandes. Une médaille frappée pour éterniser la mémoire de ce jour. Un Te Deum solennel, et l’Assemblée nationale en députation auprès du Roi, pour lui porter l’hommage de l’Assemblée, et le titre de Restaurateur de la liberté française, avec prière d’assister personnellement au Te Deum. Les cris de vive le Roi ! les témoignages de l’allégresse publique, variés sous toutes les formes, les félicitations mutuelles des députés et du peuple présent, terminent la séance. [8 août 1789.] Avant de la lever, M. le président lit une* lettre qui lui est écrite par Mi\l. Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux, Le Franc de Pompignan archevêque devienne, et M. le comte de LaTour-Du-Pin, appelés par le Roi au ministère. Elle est conçue en ces termes : « Monsieur le président, appelés par le Roi dans ses conseils, nous nous empressons de déposer nos sentiments dans le sein de l’Assemblée nationale. « Les marques de bienveillance dont nous avons été comblés depuis l’instant heureux de notre réunion, et surtout notre fidélité aux principes de l’Assemblée nationale, et notre respectueuse confiance en elle, sont les motifs les plus capables de soutenir notre courage. « Nous ne perdrons jamais de vue que, pour bien répondre aux intentions du Roi, nous devons toujours avoir présente à la pensée cette grande vérité, que l’Assemblée nationale a ramenée, et qui ne retentira plus en vain: que la puissance et la félicité des rois ne peuvent dignement s’asseoir et durablement s’affermir que sur les fondements du bonheur et de la liberté des peuples. « Daignez, monsieur le président, être notre interprèle auprès de l’Assemblée, et lui offrir, en notre norn, la protestation sincère de ne vouloir exercer aucune fonction publique qu’aulant que nous pourrons nous honorer de son suffrage, et conserver notre dévouement à ses maximes. « Nous sommes avec respect, etc. « Signé: -{* J. G., arch. de Vienne ; J.M., arch. de Bordeaux , Latour-Dü-Pin. » (On applaudit.) La séance est suspendue à deux heures après minuit, et continuée à demain midi. ASSEMBLEE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHAPELIER. Séance du mercredi 5 août 1789 (1). M. le Président déclare la séance ouverte. M. le bailli de Crussol dit : Messieurs, permettez-moi d’avoir l’honneur de vous rendre compte d’un fait très-simple, arrivé hier, mais que les circonstances peuvent rendre de quelque importance. L’absence de M. le comte d’Artois ayant permis de donner des congés à plusieurs de ses gardes du corps, des palefreniers ont été chargés, à mon insu, par le major et le commandant de l’hôtel, de porter les mousquetons des gardes absents dans leur salle au château; ils portent l’inscription des gardes du corps, et l’on m’assure qu’ils sont au nombre de vingt. Ges palefreniers, qui ont vu sortir de l’hôtel des gardes, où sont aussi mes écuries, ma voiture vide qui venait me prendre au château pour me mener dîner dans la ville de Versailles, ont (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 août 1739.] 351 [Assemblée nationale.] trouvé plus commode sans doute de placer ces mousquetons dans ma voiture, que de les porter eux-mêmes. Deux d’entre eux l’ont accompagnée. Cette voiture, arrivée dans une cour du château, a été arrêtée et visitée par la milice bourgeoise. Cette voiture est connue dans Versailles depuis longtemps. Mon cocher était vêtu de ma livrée. Il était deux heures et demie après midi. Ce fait évident ne mériterait peut-être pas, Messieurs, de vous être présenté ; mais j’espère que vous ne blâmerez pas le sentiment de délicatesse qui me porte à vous en instruire, et à en laisser sur le bureau ma déclaration signée ce 5 août 1789. Signé : Bailli de Crussol. II�l été donné acte à M. le bailli de Crussol de la déclaration qu’il a laissée par écrit sur le bureau. Le comité des rapports demande un moment d’audience pour proposer les moyens de prévenir le danger qui résulterait des difficultés continuelles que les villes elles-mêmes apportent à la communication des denrées. j Un membre observe que cet objet doit être renvoyé à la séance du soir ; que celle du matin est consacrée à la constitution. On répond que cette séance est précisément la suite de celle accordée hier soir au comité des rapports. Le comité obtient en conséquence la parole. M. d’Antraîgucs, au nom du comité des rap-Sorts. Paris a établi, sur la route de cette ville au avre, quatre commissaires, pour faciliter la circulation des grains et l’approvisionnement, de la capitale. Malgré ces précautions, les convois sont > fort souvent arrêtés. Des bateaux de grains, escortés par la milice bourgeoise d’Elbeuf, descendaient à Louviers ; ils étaient destinés pour Paris ; un des chefs de la milice, revêtu de son uniforme, était sur un des bateaux. La milice bourgeoise de Louviers a rencontré ce convoi et l’a arrêté ; le peuple s’est rassemblé; le chef de la milice, qui était sur un des bateaux, a été mis aux fers et jeté dans les cachots, pour le dérober à la fureur du peuple, et les grains ont été conduits dans Louviers. L’Assemblée a été frappée des inconvénients qui résultaient de ces obstacles dans la circulation des denrées, et des malheurs affreux qui seraient la suite de ces violences. Le comité propose, pour faire cesser ces désordres, le projet d’arrêté suivant : « L’Assemblée nationale, occupée constamment de la constitution, et affligée des excès auxquels I se livrent les différentes villes, etc., autorise la milice bourgeoise et les tribunaux à se servir de toute leur autorité pour s’opposer à toutes voies de fait, etc. » Cet arrêté n’est pas approuvé. On y ajoute l'amendement suivant : « Que les juges, baillis, sénéchaux, etc., seront autorisés à requérir la force militaire. » Un membre propose de faire deux arrêtés our Louviers et Elbeuf, et un troisième pour aris ; l'Assemblée ne juge pas à propos de multiplier ainsi ses décrets. M. Dupont. De tous côtés on se plaint d’entreprises faites contre les personnes et les propriétés par des brigands qui courent les provinces, et des obstacles qu’on oppose partout à la libre circulation des subsistances. ‘Je crois donc devoir reproduire la motion que j’avais faite hier, tendant à rendre au pouvoir exécutif et aux tribunaux toute leur énergie. Cette proposition n’a pas de suite. Il s’élève quelques débats pour fixer la manière dont la force publique sera employée, savoir : si l’on emploiera les troupes réglées à la réquisition des municipalités, ou si l’on ne se servira que des milices bourgeoises actuellement armées, pour repousser les violences et rétablir l’ordre dans les provinces. Après quelques difficultés, les esprits se réunissent en faveur d’un projet de proclamation qui est arrêtée ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, constamment occupée de procurer à la France un bonheur général quinepeut être assuré que par une sage constitution, apprend à chaque instant, avec une nouvelle douleur, les violences et voies de fait dont on use en différents lieux contre les propriétés et les personnes de divers citoyens, et particu-lièment contre des convois de grains et farines destinés à l’approvisionnement de différentes villes du royaume. «Elle déclare en conséquence qu’il est du devoir des municipalités et milices bourgeoises de s’opposer à de telles entreprises. Elle inviteenmême temps le gouvernement à prêtera l’autorité municipale l’assistance de la force militaire dans le cas de nécessité, et lorsqu’il en aura été requis, pour rétablir la sécurité des citoyens, la liberté du commerce et le bon ordre universel. » « Le comité de vérification a annoncé que M. l’abbé de Pannat, député du bailliage de Chaumont en Vexin, a donné sa démission; que M. Delettre, curé de Berny-Rivière, député du Soissonnais, a rapporté le procès-verbal de son élection ; que les pouvoirs de M. le baron de Luppé, député de la sénéchaussée d’Auch; de M. Lemoine de Belle-lsle, député du bailliage de Chaumont en Vexin ; deM. le marquis d’Angosse, député de la sénéchaussée d’ Armagnac; ceux de MM. de Sassenay et de Yarennes, députés du bailliage de Châlon-sur-Saône; de MM. le duc de Caylus, baron d’Aurillac et baron de Rochebrune, députés du bailliage de Saint-Flour, sont en règle ; que M. le comte d’Escars, député de la sénéchaussée de Limoges, ayant donné sa démission, a été remplacé par M. le comte de Roys, dont les pouvoirs sont également en règle, ainsi que ceux de M. le marquis Du Hart, député par la noblesse du bailliage de Soûles, qui a rapporté le procès-verbal de son élection, faite avec celle des députés des communes; qu’enlin les pouvoirs de MM. de Chaillouet et marquis de Vrigny ont été vérifiés le 1er juillet, et que c’est par erreur qu’il n’en a pas été fait mention jusqu’ici. En conséquence de ce rapport, l’Assemblée nationale a admis et reconnu pour députés vérifiés MM. De-lettre, curé de Berny-Rivière, le baron de Luppé, Lemoine de Belle-lsle, le marquis d’Angosse, de Sassenay, de Yarennes, le duc de Caylus, le baron d’Aurillac, le baron de Rochebrune, le comte de Roys, le marquis du Hart, de Chaillouet, et le marquis de Vrigny. Ces deux derniers ont représenté une ampliation de pouvoirs qui leur a été