504 [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. £14 mai 1790.-) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. THOURET. Séance du vendredi 14 mai 1790, au matin (1). La séance est ouverte à 9 heures du matin. M. Chabrond, secrétaire, fait lecture de diverses lettres, adresses et délibérations dont l’énumération suit : 1° Une lettre des procureurs-syndics des Etats du Dauphiné, contenant envoi des titres d’une rente au capital de 610 livres, due par le Trésor public à M. Thomé, curé de la Baune-Gorniliane, dont celui-ci a déclaré faire don pour sa eontrir-hution patriotique ; 2° Une délibération du conseil général de la commune de Vigan, du 30 avril dernier, contenant l’expression de son vœu pour la destination ultérieure de remplacement occupé dans cette ville par les Capucins ; 3° Une délibération du conseil général de la communauté de Gugan, du 30 mars, contenant l’hommage de son adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale, et de sa confiance dans les vues et la constance des représentants de la nation ; 4° Une adresse du conseil général de la commune de la ville de Lille, dans laquelle il offre de se rendre adjudicataire de biens nationaux jusqu’à concurrence de 18 millions ; Une lettre des municipalités et des gardes nationales réunies de Loriol et de Livron en Dauphiné, à la municipalité de Nîmes, contenant dénonciation à cette dernière municipalité d’un imprimé ayant pour titre : Délibération des citoyens catholiques de la ville de Nîmes, etc. ; 6* Une adresse des officiers municipaux de la ville de Pézenas, à laquelle est joint un exemplaire imprimé d’une lettre en réponse à l’envoi de la délibération prétendue des citoyens catholiques de Nîmes. La municipalité de menas demande d’être autorisée à un emprunt pour se mettre en état d’armer la garde nationale de cette ville. Celte adresse contient en substance ce qui suit : « Vous nous avez proposé de concourir avec vous au maintien delà religion, de l’ordre public et de l’autorité légitime du roi : noua avons le même but, le même zèle, les mêmes soins ; mais nos moyens différent comme nos opinions... Vous armez à la fois le fanatisme civil et le fanatisme religieux... N’avez-vous pas frémi des maux que le fanatisme a causés dans des siècles d’ignorance? Pensez-vous transformer les Français du XVIIIe siècle en zèlateursfcenthousiastes ? Qu’ils aillent à Avignon, qu'ils renouvellent ce tribunal qui changeait les prêtresen bourreaux... Vous dites que la religion est en danger : quel est donc ce danger? Les temples sont-ils violés? une secte nouvelle répand-elle ses erreurs ? Nos augustes représentants ont vraiment rendu à César cequi appartient à César, à Dieu ce qui appartient à Dieu, en prescrivant au prince la justice, au peuple l’obéissance, aux prêtres la simplicité et la sainteté. Vous dites que des mains sacrilèges portent atteinte à la puissance temporelle de l’Eglise : ce prétendu danger de la reli-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur. gion consiste à la soustraire aux plus grands dangers. Les fonctions de l’autel seront désormais remplies par des hommes libres des soins du monde, et dégagés des illusions de la vanité... Est-ce le sanctuaire enfin que vous défendez, ou les trafiquants qui sont à la porte du temple?... C’est le nom du roi que vous outragez, la religion que vous prostituez: rien n’est sacré pour vous: Vous osez dire que l’on égare l’Assemblée nationale. Citoyens aveugles ! que ne dites-vous aussi qu’on égare l’opinion de la France entière 1 car l’opinion générale a toujours devancé les décrets de nos augustes représentants... Se peut-il que des citoyens, qui ont juré fidélité à la Constitution, veuillent l’asservir à leurs erreurs ! ils se rendent coupables envers Dieu, envers le roi, envers la nation... » (L’Assemblée renvoie la lettre des procureurs syndics du Dauphiné, ainsi que l’adresse de la ville de Pézenas au comité des linances, et les délibérations du Vigan et de la commune de Lille au comité pour l’aliénation des biens nationaux.) Plusieurs membres demandent l’impression de l’adresse des gardes nationales de Loriol et de Livron. M. Dufraisse-Diichey.il faut suspendre toute espèce de délibération jusqu’à ce que le maire de Nîmes soit venu à la barre : ainsi il n’y a pas lieu à délibérer sur la demande qui vient de vous être faite. Il serait imprudent d’ordonner l’impression de ces adresses, qui sont presque toujours le fruit de la surprise. Une municipalité n’a pas le droit de prononcer une peine contre une autre municipalité. Un membre. Le préopinant n’a pas bien entendu la pièce dont il s’agit. La municipalité de Loriol n’improuve pas celle de Nîmes; elle dénonce au contraire un écrit qu’elle attribue à de mauvais citoyens, et dont elle argue de faux les signatures. L’Assemblée décrète que l’adresse de Loriol et de Livron sera insérée dans son procès-verbal, imprimée et distribuée séparément. Elle est ainsi conçue; Réponse des municipalités et gardes nationales réunies de Loriol et de Livron , à la lettre du président et des commissaires de l'Assemblée des pénitents de Nîmes; ladite réponse adressée aux officiers municipaux de la ville de Nîmes. A Loriol, ce 4 mai 1790. « Messieurs, nous venons de recevoir une lettre circulaire imprimée, portant le timbre de Nîmes, et signée à la main par des personnes qui s'y qualifient de président et de commissaires de la ville de Nîmes , dont voici les noms : Lapierre, Faure , Robin, Fernel , Vellu, Vigne , Froment , Mar quiond , Fosacher. Cette lettre est accompagnée a’un imprimé en quatre pages, de format wi-40., ayant pour titre ; Délibération des citoyens catholiques de la ville de Nîmes , et adresse au roi . « Gomme il y a lieu de croire que ces deux écrits, sont l’ouvrage des ennemis de la France, et que les perturbateurs! dp repos public, et les brigands qui en sont les auteurs, ont poussé l’impudence jusqu’à oser compromettre les noms et la signature de plusieurs citoyens de votre ville, et les exposer par là à ranimad version générale, nous nous hâtons de dénoncer à votre patriqtisme ce libelle dangereux, dirigé contre la nation, et [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 mai 1790.] 5QK contre les plus utiles décrets rendus par ses augustes représentants, et sanctionnés par le monarque. « Un écrit aussi criminel serait le plus grand tort au civisme de votre ville, si vous ne vous empressiez d’en faire rechercher et poursuivre, par toutes les voies légales, les coupables auteurs ; car cette prétendue délibération ne tend à rien moins qu’à renouveler et à provoquer des scènes de fanatisme et d’horreurs, dont l’aristocratie sacerdotale a fait plus d’une fois usage pour le malheur de l’humanité. « Nous ne sommes plus dans un temps barbare, et le peuple est trop éclairé, quoi qu’on veuille en dire, pour ne pas discerner, avec évidence, que toutes les ruses et les manœuvres qu’on ne se lasse point de mettre en usage dans ce moment, pour l’induire en erreur, ne sont que l'ouvrage d’une perfide coalition formée par des hommes sans principes, qui ne s’aiment ni ne s’estiment entre eux, mais qu’un même but fait mouvoir : la soif de l’or et la vanité, « Nos gardes nationales de Dauph i né, confédérées avec celles de plusieurs cantons de Languedoc, et notamment avec nos braves confrères et amis du Vivarais, ont juré, comme citoyens et comme soldats, de maintenir la Constitution : rien au monde n'est capable de leur taire violer ce serment. Elles sont donc prêtes à voler à votre secours, si les ennemis de l’Assemblée nationale, c’est-à-dire de la nation même, cherchaient à y répandre leurs poisons, et à faire naître des convulsions que nos coeurs et nos bras sont disposés à prévenir, même au péril de notre vie. « Nous sommes avec une inviolable fraternité, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs. « Les officiers de la municipalité, et ceux de la garde nationale de Loriul et de Livron en Dauphiné. » M. le Président fait donner lecturedela lettre suivante , concernant les troubles de Toulon, qu’il vient de recevoir de M. de La Luzerne, ministre de la marine. « Monsieur le président, « Le roi m’ordonne d’instruire l’Assemblée nationale des nouvelles qui me sont parvenues hier de Toulon. Elles m’apprennent que l’opinion publique est entièrement changée, et que non seulement on a mis fin à la détention de M. le commandant de Glandèves, mais qu’il est devenu, pour ainsi dire, l’objet de l’affection générale et a été partout accueilli avec des applaudissements répétés. « Je crois ne pouvoir mieux peindre ce qui s’est passé pendant quatre jours à Toulon, qu’en vous adressant copie des dépêches que je viens de recevoir du commandeur lui-même et du commissaire ordonnateur. « Je dois joindre à ces pièces une lettre de M. de Gholet, ancien officier et père d’un lieutenant de vaisseau grièvement blessé, lettre qui m’a été transmise uon cachetée et qui est adressée au président de l’Assemblée nationale. « Je suis, etc. Signé : La Luzerne. * Lettre de M. de Glandèves au ministre de la marine. Monsieur, « J’ai eu l’honneur de vous rendre compte, de l’hôtel de la commune, de l’affreux événement qui m’y a amené et je ne vous ai parlé que bien succinctement des dangers auxquels je n’ai échappé que par l’intérêt que j’ai inspiré à des citoyens vertueux ; mais j’ai appris après ma sortie le danger de mort auquel a été exposé M. de Gholet, lieutenant de vaisseau, qui n’a échappé à cet événement que par le plus grand des bonheurs. Vous trouverez les détails qui le concernent particulièrement dans le mémoire ci-joint que M. son père avait eu le projet d’adresser directement à l’Assemblée nationale; mais sa confiance en moi l’ayant porté à me le communiquer, je l’ai prié de trouver bon que je vous l’adresse moi-même. « M* d’Archambaud, élève de la marine, voulant me donner des secours, fut assailli par une bande de furieux, desquels il eut le bonheur de se débarrasser. Il fut sauvé par une femme qui le fit entrer chez elle et le fit sauver par une porte de derrière. Quelques autres officiers ont aussi couru bien des risques. On a mémo été jusqu’au point d’aller les chercher dans une auberge où ils di u aient, avec le projet de les tous égorger. Vous jugez par là de la position où étaient ce jour-là les membres du corps. « Je dois actuellement vous rendre compte de ce qui s’est passé depuis l’époque de la dernière lettre que j’ai eu l’honneur de vous écrire de la maison commune. Le conseil .municipal a passé la nuit avec moi en me disant qu’il ne voulait pas m’abandonner. J’obtins, et non sans peine, que M. le maire, qui était déjà d’un certain âge, irait la passer chez lui. Il rentra à cinq heures du matin. Le conseil fut assemblé sur-le-champ et il fut délibéré qu’on assemblerait toutes les compagnies de la milice, pour connaître leur vceu, sur ce qui me concernait. Elles furent effectivement assemblées sur-le-champ et délibérèrent toutes de s’assembler devant l’hôtel de ville; qu’ayant eu horreur de l’attentat commis sur ma personne, elles voulaient me ramener à l’hôtel avec le plus grand apparat et au milieu de la journée. « A midi, dix hommes par compagnie, se formèrent avec leurs drapeaux et leur musique et je sortis de la commune accompagné du maire, de tous les officiers municipaux et notables et un nombre prodigieux de citoyens. Nous nous mîmes en marche et pendant toute la longueur du trajet, tout le peuple battit des mains, criant: vive notre commandant l et quelquefois: vive le maire et notre commandant ! Toute la municipalité entra dans l’hôtel, où elle me témoigna de nouveau combien elle était fâchée de ce qu’elle avait éprouvé, désirant me le faire oublier par toutes les marques de déférence possibles de leur part. Le maire et les municipaux, sortant de i’hôtel, voulurent absolument qu’il y restât un détachement de la garde nationale, ce qui me décida à appeler aussi un détachement de canonniers-matelots, avec lesquels ils font depuis la garde ensemble. Tous les officiers de la marine qui étaient alors chez moi, après m’avoir témoigné la satisfaction qu’ils éprouvaient de mon retour au milieu d’eux, me proposèrent d’accompagner la municipalité jusqu’à l’hôtel de la commune, et j’applaudis infiniment à leur proposition. « Sur les quatre heures après midi, presque toute la garde nationale, conduite par les colonel et officiers, se rendit chez moi pour venir me témoigner particuliérement tout l’intérêt qu’elle avait pris à cet événemeut, quoiqu’elle me l’eût