613 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 121 août 179I.J lège ni exception aux droits communs de tous les Français; qu’il n’y a plus ni jurandes ni corporations de profession, arts et métiers; « Et se conformant aux dispositions du décret du 26 mai dernier, qui consacre le Louvre à la réunion des monuments des sciences et des arts; « Décrète provisoirement, et en attendant qu’il soit statué sur les divers établissements de l’instruction et de l’éducation nationale, ce qui suit : « Art. lor. Tous les artistes français ou étrangers, membres ou non de l’Académie de peinture et de sculpture, seront également admis à exposer leurs ouvrages dans la partie du Louvre destinée à cet objet. « Art. 2. L’exposition ne commencera cette année que le 8 septembre. « Art. 3. Le directoire du département de Paris fera diriger et surveiller, de concert avec le ministre de l’intérieur, ladite exposition, quant à l’ordre, au respect dû aux lois et aux mœurs, et quant à l’emplacement qui pourra être nécessaire. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. De Croix. Je pense que, le salon employé jusqu’ici à l’exposition, des tableaux de l’Académie de peinture étant un établissement national, on est maître de n’en accorder la jouissance qu’aux artistes qui ont donné des preuves de talent; il est donc nécessaire de prendre des précautions pour que les murs de ce salon ne soient pas salis par toutes les croûtes, tous les barbouillages des peintres des rues. Un membre : L’opinion publique parera beaucoup mieux à ces inconvénients que toute espèce de précaution censoriale. M. Belzais-CourinéiiII. Je sens que la liberté est un besoin pour les arts, mais je vous prie de considérer que, dans ce moment-ci, il s’instruit devant vous un très grand procès entre l’Académie de peinture et les autres artistes, qui sont dans un véritable état d’insurrection les uns contre les autres. Plusieurs mémoires vous ont été présentés sur l’importante question de savoir si vous devez ou non conserver les académies. Puisque vous n’avez pas en le temps de vous occuper de cet objet, il ne peut être question dans ce moment, où on ne traite pas le fond, que d’un provisoire, parce que vous ne prendrez pas sur vous de juger définitivement une très grande question sans l’avoir mise au moins à l’ordre du jour. Il ne faut pas que le provisoire puisse anticiper sur le fond du jugement définitif que vous aurez à prononcer; et je soutiens que le seul provisoire que vous puissiez ordonner, c’est qu’il en sera usé cette année, comme par le passé, pour l’exposition des tableaux. M. Alexandre «le Beauliarnais. J’ai demandé la parole pour appuyer le projet de décret qui vous est présenté, et qui ne me paraissait pas devoir souffrir de difficultés. Il me semble qu’il renferme des dispositions conformes à vos vues, et des principes semblables à ceux qui ont servi de base à vos travaux. En effet, Messieurs, l’Assemblée nationale a, dans toutes les circonstances, senti la nécessité d’abolir tout ce qui pouvait metire une sorte de gêne ou à l’activité du commerce, ou à l’industrie, ou au libre exercice de toutes les facultés individuelles; elle a en tout temps détruit tous ces obstacles, comment se refuserait-elle à accorder aux arts cette môme liberté protectrice? Les entraves qu’ils éprouvent nuisent évidemment aux développements des talents, et portent une atteinte manifeste à la prospérité nalioftale, sur laquelle les arts ont une influence si puissante. A l’appui du projet de décret et de mon opinion particulière, j'appelle surtout un témoignage qui vous a été cité, et qui mérite d’être pris en considération, c’est celui de cet homme célèbre qui a obtenu l’avantage d’être dans la classe des artistes privilégiés, et qui n’en sont pas moins, le prix de l’égalité des droits; de cet artiste académicien, qui met en ce moment le eomble à sa gloire, en consacrant son pinceau à tout ce qui a servi au succès de la Révolution, à tout ce qui a contribué à la liberté de son pays; j’appelle le témoignage de M. David, qui dit, et avec tous ceux qui aiment les arts et recherchent ceux qui les cultivent, qu’il existe des talents hors des académies; qu’il existe un grand nombre d’artistes auxquels il n’a manqué que cette émulation qui s’acquiert par la censure ou les éloges du public, pour devenir des hommes très distingués. Il me paraît donc convenable et juste de stimuler les hommes modestes, d’encourager les hommes timides, en leur facilitant les moyens de recevoir les suffrages du public, qui sont la récompense la plus flatteuse aux artistes français. {Vifs applaudissements .) Le préopinant vous a parlé de la question des académies, je sens comme lui toute l’importance de cette partie de l’instruction publique; je sens qu’elle exigera dans l’Assemblée une discussion approfondie; aussi, quoique je présume n’êtrepas absolument de son avis sur cette question, ce n’est que parce que la proposition qui vous est faite ne la préjuge point, que j’appuie le projet de décret, et que je prie M. le président de le mettre aux voix. Un membre demande que, dans le dernier article du projet, les mots « de concert avec le ministre de l’intérieur » soient remplacés par ceux-ci : « sous les ordres du ministre de l’intérieur. » (Cet amendement est adopté.) Le projet de décret modifié est mis aux voix dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport des comités de Constitution et des domaines, considérant que, par la Constitution décrétée, « il n’y a plus pour aucune partie de la nation, ni pour aucun individu, aucun privilège ni exception aux droits communs de tous les Français » ; qu’il n’y a plus ni jurande, ni corporation de professions, arts et métiers ; « Et se conformant aux dispositions du décret du 26 mai dernier, qui consacre le Louvre à la réunion des monuments des sciences et des arts; « Décrète provisoirement, en attendant qu’il soit statué sur les divers établissements de l’instruction et de l’éducation publique, ce qui suit : Art. 1er. « Tous les artistes français ou étrangers, membres ou non de l’Académie de peintureetde sculpture seront également admis à exposer leurs ouvraaes dans la partie du Louvre destinée à cet objet. » Art. 2. « L’exposition ne commencera, cette année, que le 8 septembre. « 314 [Assemblée nationale. J, ARCHIVES PARLEMENTAIRES. \ïi août 1791.J Art. 3. « Le directoire du département de Paris fera diriger et surveiller, sous les ordres du ministre de l’intérieur, ladite exposition quant à l’ordre, au respect dû aux lois et aux mœurs, et quant à l’emplacement qui pourra être nécessaire. » (Ce décret est adopté.) M. le Président donne lecture d’une lettre de M. Oster , vice-consul de France au département de l’Etat de Virginie, ainsi conçue : « M. le Président, « Le décret de l’Assemblée nationale du 17 novembre 1790, venant de m’être communiqué officiellement par la voie du chargé d'affaires de Sa Majesté auprès des Etats-Unis, et par celle du consulat général, je m’empresse de me conformer aux dispositions qui m’y sont communes en ma qualité de vice-consul de France au département de l’Etat de Virginie; et j’ai l’honneur de vous en donner le témoignage, en ayant celui de vous transmettre, ci-inclus, mon serment civique daignez, je vous prie, Monsieur le Président, le mettre sous les yeux de l’Assemblée nationale; il manifeste mon respect, ma soumission, mon obéissance à ces décrets, et mon inviolable attachement à la Constitution. « Ci-joint, Monsieur le Président, est une traite de 1,200 livres, sur M. Duptirieux, banquier, rue Dauphine, dont je désire faire hommage à l’autel de la Patrie; permettez qu’elle soit agréée; excusez la modicité de son montant; je ne suis point fortuné. ( Applaudissements .) « Je suis, avec la plus grande vénération et le plus profond respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur. « Signé : Oster. « Norfolk, le 16 mai 1791. » « Suit le serment : « Amérique septentrionale. — Vice-consulat cle France, au département de Virginie. « Je jure d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi; de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale, et acceptée par le roi, et de défendre auprès de l’Etat de Virginie, de ses ministres, gouverneurs et agents, les Français qui se trouveront dans son étendue. » « A Norfolk en Virginie, ce 16 mai 1791 . - Signé : OSTER. » (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette lettre dans le procès-verbal.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur l’organisation de l’administration forestière (1). M. ©elavfgme. 11 me semble que dans l’article lor du titre 111, qui traite de la nomination aux emplois, on a oublié de déclarer que, pour pouvoir être agent de l’administration forestière, il faut être citoyen actif. Je propose d’ajouter dans cet article après les mots « âgés de 25 ans accomplis »; ceux-ci: « citoyens actifs ou fils de citoyens actifs » . (Get amendement est adopté.) (1) Voy. ci-dessus, séance du 20 août 1791, p. 589. , Un membre demande que les candidats aux fonctions de l’ad ministation forestière soient tenus de justifier de la prestation du serment civique. (Cet amendement est adopté.) Eu conséquence, l’article modifié est mis aux voix dans les termes suivants : Art. 1er. « Tous les agents de l’administration forestière devront être âgés de 25 ans accomplis, citoyens actifs ou fils de citoyens actifs, justifier de leur serment civique, être instruit des lofs concernant le fait de leur emploi, avoir les connaissances forestières nécessaires. » (Adopté.) Un membre observe, sur l’article 16 du même titre, que l’incompatibilité pour cause de parenté doit être énoncée dans cet article, entre les inspecteurs et les gardes aux mêmes degrés qu’elle l’est entre le conservateur et l’inspecteur. Il propose pour cet article la rédaction suivante: Art. 16. « Les gardes ne pourront pas être employés sous un inspecteur, leur parent ou allié en ligne directe, ou au degré de frère ou d’oncle et neveu. Il en sera de même des inspecteurs à l’égard des conservateurs. » (Adopté.) M. le Président. Le ministre de la justice demande la parole. L’Assemblée veut-elle l’entendre ?... (Oui ! oui!) M. Duport, ministre de la justice. Messieurs, c’est avec regret que je me vois obligé de dénoncer à l’Assemblée nationale plusieurs faits très graves contre des sociétés qui ont été d’une grande utilité, qui peuvent l’être encore lorsqu’elles se renfermeront dans les bornes que la raison, la loi, les principes du gouvernement leur prescrivent ; je veux parler de quelques sociétés d’amis de la Constitution qui ont abusé de la confiance que l’on avait en elles, et qui déméritent tous les jours le plus beau titre en atta-uant la Constitution, qu’elles font profession de éfendre, qui ont prétendu être un pouvoir politique, et qui ont arrêté la marche des tribunaux d’une manière souvent coupable; je m'en vais en citer quelques exemples à l’Assemblée. Je commencerai d’abord par un fait qui ne me paraît pas en lui-même d’une grande importance, qui n’a rien de criminel, mais dont l’Assemblée sentira promptement les funestes conséquences auxquelles il pourrait entraîner. Déjà j’avais été instruit que le tribunal de la haute cour nationale provisoire établi à Orléans, sur la demande qui lui en avait été faite par la société des amis de la Constitution de cette ville, avait accordé une place marquée dans l’enceinte même des juges à deux des membres de cette société qui s’étaient établis les surveillants de ce tribunal. Instruit de ce fait, j’ai écrit au tribunal pour lui témoigner ma surprise de n’avoir pas reçu l’arrêté qu’il avait pris à cet égard ; la réponse de ce tribunal a été la révocation de ce même arrêté. Depuis, la société des amis de la Constitution d’Orléans, continuant son rôle d’inspection et de surveillance, prit un arrêté dans lequel elle invite la haute cour provisoire à choisir plusieurs citoyens français, connaissantparfaitementlalangue allemande, pour lui servir d’interprète dans les