157 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [n avril 1791.) pourvoir ainsi qu’il appartiendra, pour établir et faire régler légalement le montant de leurs créances. L’Assemblée nationale décrète, au surplus, que le directeur du Trésor public et, après lui, les commissaires de la trésorerie ne seront tenus de donner d’autre certificat relativement au non-payement des particuliers non compris dans les états ordonnancés ou dans les ordonnances en masse, sinon que l’ordonnance n’a pas été acquittée, ou qu’elle ne l’a été que jusqu’à concurrence de cette somme. » (Ce décret est adopté.) M. Camus, au nom du comité de la caisse de l'extraordinaire. J’ai l’bonneur de faire part à l’Assemblée qu’il sera brûlé, dans le cours de la semaine, pour 12 milions d’assignats, ce qui fera la somme de 80 millions brûlés. M. Canjuinais, au nom du comité de liquidation (1). Messieurs, votre comité central de liquidation se trouve arrêté dans ses travaux par une difficulté que vous seuls pouvez résoudre, et que je suis chargé de vous soumettre. 11 s’agit de fixer l’autorité des arrêts ou jugements en dernier ressort, et spécialement des arrêts du conseil, en fait de liquidation de créances snr l’Etat. Vous savez combien de libéralités injustes et de déprédations se trouveraient couvertes par l’autorité d’un arrêt du conseil, si c’était une décision irréfragable en finances. Il n’y a donc pas de question plus importante sur la dette nationale, que celle qui va être mise en délibération. Les arrêts et jugements, quand ils ne sont pas contradictoires avec ceux qui étaient chargés de défendre les intérêts de l’Etat, ne peuvent jamais obtenir contre l’Etat l’autorité de la chose jugée. Ainsi, les arrêts du conseil qu’on appelait en finances ou en commandement, et qui étaient rendus, soit sur requête non communiquée au contrôleur des bons d’Etat, soit sur rapport ou sans rapport, mais sans parties, et du propre mouvement, tous ces actes de la volonté ministérielle n’ont aucun caractère légal : ils n’ont pas même le véritable caractère d’un jugement : ils ne portent donc pas avec eux cette présomption de justice et de vérité qui interdit tout examen, toute preuve contraire. Votre comité est convaincu que ces décisions où le ministre prononçait en despote, où les magistrats du conseil, lorsqu’on daignait les y appeler, n’avaient que la voix consultative, attestent bien les anciens désordres, mais ne peuvent pas les rendre légitimes. Le gouvernement se jouait lui-même de cette forme, et il n’est pas rare de rencontrer deux, trois et quatre arrêts de ce genre, qui se contredisent et se réforment successivement. Mais, lorsque l’arrêt du conseil était rendu contradictoirement avec le contrôleur des bons d’Etat, alors on avait observé du moins des formes ; il y avait eu instruction, comme entre particuliers ; le contrôleur des bons d’Etats était dans la main du ministre ; mais enfin ce contradicteur avait assisté au rapport, il avait pu en relever les inexactitudes : les magistrats du conseil avaient jugé ; le ministre n’avait eu que sa voix. Si la partie avait succombé, elle ne pouvait revenir que par des moyens de cassation ou de requête civile qui, relativement aux arrêts (1) Lo Moniteur no donne que des extraits de ce rapport. du conseil, étaient des moyens de cassation. Si elle avait obtenu gain de cause, le ministre pouvait bien empêcher le payement pendant un temps indéfini ; mais il ne pouvait pas faire anéantir le jugement, si ce n’était par des moyens de cassation bien ou mal fondés. Le pouvoir arbitraire gardait du moins cette bienséance. Il est vrai qu'il avait des Bastilles ; et d’autres moyens encore le dédommageaient d’une gêne qu’il avait cru indispensable de s’imposer à lui-même. Ces arrêls contradictoires, votre comité de liquidation peut-il en examiner le mérite au fond ? S’il les trouve injustes, peut-il, en les soumettant à votre jugement, vous proposer de les réformer vous-mêmes, et sans avoir recours aux formes judiciaires : ou doit-il, s’il ne trouve pas de moyens de cassation, vous proposer d’exécuter ces jugements; et, s’il y a de tels moyens, faire poursuivre la cassation par le contrôleur des bons d’Etat ? Votre comité a toujours droit d’examiner le bien jugé des arrêtés contradictoires, quelque système qu’on embrasse à l’égard des questions subséquentes. Ne pût-il que proposer la demande en cassation, il faut toujours qu’il délibère si la nation a un intérêt légitime de prendre cette voie; et, pour le découvrir, il faut bien examiner le fond. Sous ce point de vue il semble qu’il ne peut y avoir aucune difficulté sur la première question. Les autres sont plus difficiles et peuvent être examinées, soit relativement à l’ancien régime, soit par rapport aux décrets que vous avez rendus sur le mode de liquidation des créances de l’Etat. Telles sont les deux sources de décision qui nous amèneront peut-être au même résultat. Nous l’avons déjà observé, Messieurs; dans l’ancien système, un arrêt du conseil sur une créance contre le Trésor public, soit que cet arrêt fût ou non favorable au prétendu créancier, ne pouvait être attaqué que par les voies de droit, c’est-à-dire par voie de cassation fondée ou sur la violation des lois du royaume, ou sur des moyens tels que ceux qui autorisent une requête civile. Il n’était pas avoué de tout le monde que l’injustice évidente au fond et sans contravention à une loi positive, fût un moyen de cassation ; mais, dans le fait, il y a eu bien des arrêts du conseil dont la cassation n’a pas eu d’autre fondement. D’un autre côté, l’on peut observer que, dans les vrais principes de l’ancien gouvernement français, le conseil du roi ne pouvait pas être compétent en première instance, en matière contentieuse; ce n’était pas un tribunal légal; ce n’était exactement qu’une commission au choix du prince, et divisée en bureaux, un conseil domestique du monarque, et non un tribunal reconnu par les lois du royaume. Concluons que, dans l’ancien régime, un arrêt du conseil, même contradictoire en première instance, était, dans le droit, un acte réprouvé par la loi, un fruit odieux du despotisme. Dans le fait, c’était un jugementirréfragable en apparence, et néanmoins sujet à être réformé, non seulement pour contravention aux lois positives, ou par des moyens tels que ceux de la requête civile, mais même pour prétendue injustice au fond. Ainsi, d’après l’ancienne pratique, on ne pourrait pas, si ce n’était en prenant la voie de la cassation, et par des moyens de cassation réels ou colorés, attaquer un arrêt du conseil contradictoire et portant liquidation d’une créance sur l’Etat ; et