464 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { ,§ déc�bre 1793 Hérault, représentant du peuple près l’armée du Rhin, rend compte à la Convention de sa mission; il repousse les calomnies répandues contre lui pendant son absence; il rappelle les principes qu’il a toujours professés depuis le commencement de la Révolution, sa liaison intime avec le premier martyr de la liberté; il demande à être autorisé à faire imprimer son rapport; et dans le cas où sa présence dans le comité de Salut public, dont il invoque le témoi¬ gnage sur la conduite qu’il y a tenue, peut deve¬ nir une cause de division dans l’Assemblée, il déclare que, se sacrifiant tout entier à la patrie, il donne sa démission. La Convention passe à l’ordre du jour sur cette proposition (1). Compte rendu du Moniteur universel (2). Hérault. Pendant que les soldats de la liberté repoussent victorieusement l’ennemi loin du territoire du B as-Rhin, et vous envoient chaque jour la nouvelle d’un succès contre les satellites des despotes, j’ai rempli la mission qui m’était assignée de garantir la sûreté intérieure du dé¬ partement du Haut-Rhin. J’ai épuré les Sociétés populaires, et toutes les autorités constituées; j’ai accéléré leur mouvement; j’y ai ranimé l’exécution des lois, les assignats, le maximum,, la taxe; j’ai purgé les usines, arrêté un grand nombre d’individus suspects, préservé la fron¬ tière des communications conspiratrices; en un mot, ma conscience me rend témoignage que ce département n’a plus besoin que d’être sou¬ tenu, qu’il est actuellement remonté au niveau des autres parties de la République, et que les patriotes qui y étaient en petit nombre, ou sans appui et sans force, y ont repris ce caractère d’énergie avec lequel ils sont toujours sûrs de reconquérir la prééminence qui leur appartient. Je me borne à vous présenter ce résultat général. Je n’abuserai point des moments de la Con¬ vention par de plus longs détails. Comme j’ai eu l'honneur d’être calomnié pour avoir rempli sé¬ vèrement mon devoir, et comme je rapporte avec moi des pièces décisives, il est essentiel que ma conduite soit mise au plus grand jour. Je le demande avec instance. Soit que j’en rende compte au comité de Salut publie; soit que je publie ce compte par la voie de l’impression, si vous le préférez, on verra qui, de mes dénon¬ ciateurs ou de moi, a le mieux servi la Répu¬ blique. Actuellement, qu’il me soit permis de vous entretenir un instant d’une autre inculpation dirigée contre moi; inculpation non moins facile à détruire que toutes les autres, et que ne méri¬ tait pas d’éprouver un ami sincère de la liberté, un homme dont le patriotisme ardent et pur n’a pas varié une seule minute depuis le commence¬ ment de la Révolution. J’ai appris, citoyens, par les papiers publios, qu’un membre de la Convention (3), m’atta-(1) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 166. (2) Moniteur universel [n° 100 du 10 nivôse an II (lundi 30 décembre 1793), p. 403, col. 3], (3) Voy. Archives parlementaires, lre série, t. LXXXI, séance du 26 frimaire an II (lundi 16 décembre 1793), p. 529, la dénonciation de Bourdon (de l'Oise). quant en mon absence, avait cherché à vous présenter en moi des liaisons intimes et sus¬ pectes avec Proly, Pereyra et Dubuisson. Ma réponse est bien simple. J’ai vu quatre à cinq fois dans ma vie Pereyra et Dubuisson; je les connais à peine. Quant à Proly, je l’ai rencontré, non pas habituellement, mais plus souvent. Il était répandu au milieu des patrio¬ tes; il n’a jamais proféré en ma présence une seule parole qui m’eût mis à portée de le dénon¬ cer, comme je n’y aurais pas manqué, si j’eusse découvert qu’il fût en contradiction avec les intérêts de la liberté et de la République. Au surplus, je déclare que je l’ai beaucoup moins connu que plusieurs excellents patriotes dont la vertu républicaine est aussi notoire qu’irréprochable. Je déclare aussi que je n’ai jamais eu de 'correspondance avec ces hommes auxquels on me suppose si intimement lié. Au commencement de l’année, j’ai été six mois absent dans le Mont-Blanc; je viens encore d’être absent deux mois. Pendant ces huit mois, je n’ai jamais entendu parler d’eux que par les gazettes. Appréciez maintenant cette grande intimité, et voyez à quoi elle se réduit. Je vais plus loin : quand même je me serais trompé sur le compte d’individus qui, suivant un décret de la Convention nationale, avaient bien mérité de la patrie en accusant Dumouriez, mon erreur ne pourrait m’être imputée à crime qu’au mo¬ ment où je persisterais à les soutenir en dépit de l’opinion publique, et des découvertes qu’on a pu faire postérieurement à mon départ. Au surplus, qu’on me juge non par mes pa¬ roles, mais par mes actions. On accuse ces hommes de projets ultra-révolu¬ tionnaires, capables de provoquer la perte de la République en outrant avec malveillance la démocratie. Eh bien ! je suis en état de prouver, par toutes les mesures que j’ai prises dans le département du Haut-Rhin, que j’avais en quelque sorte pressenti vos décrets, et que je n’ai pas cessé de me conformer à l’esprit qui anime le comité de Salut public. D’avance je me suis tenu dans la juste limite, où le bien que l’on fait ne peut devenir un mal, et où l’ardeur révolutionnaire hâte et mûrit la liberté sans la compromettre. Veut-on encore une autre preuve! On accuse ces hommes d’avoir cherché à diviser les pa¬ triotes de la Montagne. Eh bien ! moi, fidèle à des principes bien opposés, j’ai, le premier, dénoncé et fait arrêter au comité de sûreté générale un émissaire des puissances étrangères, un Français parricide qui, semant mystérieu¬ sement les propos les plus infâmes, s’efforçait de nous désunir d’ avec Danton, de le rendre suspect, et d’annuler la brûlante et redoutable énergie de ce soutien de la liberté. Citoyens ! voilà ma conduite. Ah ! comment serais-je assez vil pour m’abandonner à des liaisons criminelles, moi qui, dans le monde, n’ai jamais eu qu’un seul ami intime, depuis l’âge de six ans. Le voilà... (en montrant le tableau de Lepelletier), Michel Lepelletier! O toi! dont je ne me séparerai jamais, dont la vertu est mon modèle; toi qui fus en but comme moi aux haines et aux vengeances parlementaires : heureux martyr ! j’envie ta gloire. Je me précipiterais comme toi, pour mon pays, au-devant des poignards li-berticides; mais fallait-il que je fusse assassiné par le poignard d’un républicain!... Voici ma profession. Si d’avoir été jeté par le hasard de la naissance dans cette caste que Le-t [Convention nationale.1 pelletier et moi nous n’avons pas cessé de com¬ battre et de mépriser, est un crime qui me reste à expier; si je dois encore à la liberté de nou¬ veaux sacrifices; si un seul membre de cette assemblée me voit avec méfiance au comité de Salut public; si ma prorogation, source de tracasseries continuellement renaissantes peut nuire à la chose publique, devant laquelle je dois disparaître, alors je prie la Convention nationale d’accepter ma démission de ce comité, et de permettre que je n’en fasse plus partie. Rentré tout à fait dans le sein de l’assemblée, j’inviterai mes collègues à vérifier mes fautes en patriotisme; j’appellerai le témoignage du vertueux Couthon, qui nous préside en cet ins¬ tant. Je le prie de vous dire si, lorsque j’ai eu le bonheur de concourir avec lui à la rédaction de la Déclaration des droits et de l’Acte constitu¬ tionnel, mes collègues, dans ce travail, ne m’ont pas toujours vu rechercher avec ardeur, jusqu’à la dernière limite, ce qu’il y avait de plus popu¬ laire, de plus démocratique, de plus sacré dans les intérêts du peuple, et dans la dignité de la nature humaine. Citoyens, mes plus chères affections, ma vie entière appartiennent nécessairement, irrévo¬ cablement à cette Constitution, à la République, et quand on me suppose des relations contre-ré¬ volutionnaires, je serais le dernier des hommes, et en même temps le plus stupide, si j’en pouvais avoir à côté de pareils souvenirs ! La Convention ordonnel’impression du compte de Hérault (1) et passe à l’ordre du jour sur sa démission de membre du comité de Salut public. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport fait au nom de ses comités de Salut public et de l’examen des marchés [Ludot, rap¬ porteur (2)], décrète ce qui suit : Art. 1er. « A compter du 15 de ce mois, les rations d’avoine accordées par la loi du 23 vendémiaire dernier, pour la subsistance des chevaux de remonte ou autres, au service de la République, répartis dans les différents dépôts établis par le ministre de la guerre ou les généraux français, sont supprimées. Art. 2. « Il sera substitué à cette nourriture un mélange de paille, de trèfle ou de luzerne, hachés le plus menu possible, de son et avoine. Art. 3. « Cet amalgame sera fait dans les proportions ci-après : « Il y entrera moitié de paille, un quart de trèfle ou de luzerne, un huitième de son et un huitième d’avoine. « Il ne pourra y être procédé qu’en présence d’un commissaire des guerres, ou, à défaut, (1) Voy. ci-après aux annexes de la séance, p. 483, le compte rendu d’Hérault de Sechelles. (2) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 287, dossier 851 et d’après le rapport imprimé. Voy. ce rapport imprimé, ci-dessus, séance du 1er nivôse an II, p. 92. lre SÉRIE, T. LXXXII. 465 d’un officier municipal du lieu de l’établissement; il sera dressé procès-verbal de chaque mélange; ce procès-verbal, signé du commissaire des guerres ou de l’officier municipal qui y a assisté, sera fait double; l’un sera envoyé au comité de l’examen des marchés, et l’autre restera à l’employé des subsistances militaires. Art. 4. « La ration de cette substance ainsi combinée sera uniforme : elle sera composée d’un bois¬ seau, mesure de Paris, pour tous les chevaux, quel que soit le genre de leur arme, et leur ser¬ vice. Art. 5. « Les préposés à la garde des dépôts, à qui cette substance sera délivrée, ne pourront la faire manger aux chevaux qu’après l’avoir légèrement imprégnée d’eau. Art. 6. « L’Administration des subsistances mili¬ taires est spécialement chargée de l’exécution de la présente loi, sous sa responsabilité; elle est en conséquence tenue de se pourvoir des instru¬ ments nécessaires à la préparation de la substance dont il s’agit. Art. 7. « Les commissaires des guerres sont tenus de surveiller l’exécution de la présente loi, sous leur responsabilité. Art. 8. « Tout civil, agent ou militaire, convaincu de l’avoir enfreinte, sera puni de cinq années de fers. Art. 9. « La loi du 23 vendémiaire dernier continuera d’être exécutée en tout ce qui n’est pas contraire à la présente (1). » Le citoyen Deraggio, ci-devant procureur syndic de la commune de Mirebalais, île et côte Saint-Domingue, est admis à la barre. Il donne des détails sur l’état malheureux de cette colonie. Renvoyé aux comités réunis de marine et colonies et de Salut public (2)1 Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (3). Un citoyen, fonctionnaire public à Saint-Domingue et déporté par ordre des commis¬ saires civils Polvirel et Sonthonax, fait, à la Convention, un tableau détaillé de la conduite contre-révolutionnaire de ces deux commis¬ saires. Il appelle toute l’attention de la Con-(1) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 166. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 168. (3) J ournal des Débats et des Décrets l nivôse an 1 1. n° 467, p. 144). ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j ÿ.v6se? ïn » (29 décembre i793 30