SÉANCE DU 7 FLORÉAL AN II (26 AVRIL 1794) - N° 29 385 Sainte -Pélagie .......................... Madelonnettes .......................... Montprin, rue N° Dme des Champs ..... Abbaye ................................. Bicêtre .................................. A la Salpêtrière ........................ Chambres d’arrêt, à la Mairie .......... Termes ................................. Luxembourg ............................ Maison de suspicion, rue de la Bourbe . . Brunet, rue de Buffon ................... Les Picpus, fauxbourg S. -Antoine ....... Réfectoire de l’abbaye .................. Caserne des Petits Pères ................. Les Angloises, rue Saint-Victor ......... Picquenot, rue et à Bercy ............... Les Angloises, rue de Loursine ........ Caserne rue de Vaugirard .............. Les Carmes, rue de Vaugirard ......... Les Angloises, fauxbourg St-Antoine .... Coignard à Picpus n° 6 ................. Ecossois, rue des fossés Saint-Victor .... Saint Lazare, fauxbourg Saint-Lazare . . . Mahay, rue du Chemin-Vert ...... ) Maison Escourbiac, rue S. -Antoine, j La Chapelle, rue de la Folie-Renaud .... Belhomme, rue Charonne, n° 70 ........ Bénédictins anglois, rue de l’Observatoire 257 292 50 109 904 523 173 33 653 494 49 206 118 47 140 35 119 97 368 72 41 102 670 30 30 100 114 Total général ........ 6,874 29 La section de Marat est admise à la barre, et offre à la Convention trois cavaliers armés et équipés (1) L’ORATEUR de la députation : Représentons du peuple français, Vous voyez la section de Marat qui vient elle même vous rendre grâce des bienfaits renaissans que vous ne cessez chaque jour de répandre sur la patrie, et vous offrir trois cavaliers armés, montés et équipés et prêts à voler aux frontières pour fondre sur les tyrans et pour les terrasser. Ils vous attestent par ma voix que deux d’en-tre-eux, Laporte, Winant, un autre nommé [blanc] cavalier de notre société populaire de l’Ami du peuple sont trois des réfugiés de Liège que leur tyran prélat avait précipité dans ses cachots, et qui n’en sont sortis que délivrés par nos défenseurs républicains; ceux-ci forcés de sortir de Liège par la trahison de l’infâme Dumouriez, ont emmené avec eux ces jeunes braves républicains qui brûlent comme cavaliers de concourir avec nous à délivrer Liège de leur tyran et à faire partie, au sein du lieu qui les a vu naître, de notre République immortelle et victorieuse. Vous avez accueilli avant hier un de leurs camarades avec bonté comme réfugié liégeois venu parmi nous, comme eux par la haine qu’ils ont tous vouée à leur tyran et à la tyrannie et par amour pour notre République et pour la Convention nationale. Quel plaisir eut-ce été pour moi de vous présenter en même temps cinq cavaliers dévoués comme autant de De-cius à la patrie et à la section de Marat, l’ami du peuple que j’ai défendu seul et nourri 3 jours contre une foule de ses persécutés armés jusqu’aux dents contre lui. Je l’avais caché 3 jours dans une des cellules des Cordeliers. 3 de ces cavaliers pour la section de Marat, dont un le citoyen Comtesse est un de nos braves de l’Alsace, un autre de la société populaire de Marat, et un cinquième, le citoyen Eglin, de 22 ans et de près de sept pieds de haut l’un des liégeois que notre dévouement aux ordres de la Convention ne nous a pas permis de vous présenter en même temps au nom du bataillon des vétérans, que j’ai créé dans le district des Cordeliers de l’aveu des 59 autres. O Montagne sacrée, jette un coup d’œil vivifiant sur ces braves cavaliers de la section de Marat et sur le vieillard qui te parle. Nous sommes tous prêts à voler pour te défendre et à aller jusques dans la nouvelle Carthage arborer le tricolore et y présenter le bonnet de la liberté (1) . (Applaudissements.) Réponse du PRESIDENT : Le héros, dont vous vous honorez de porter le nom, fut pendant toute sa vie la terreur des esclaves et l’effroi de tous les conspirateurs que son génie lui faisait découvrir sous quelques masques qu’ils aient cherché à se cacher. Les vils satellites des despotes n’ayant pu corrompre l’ami du peuple, l’ont fait assassiner; mais ils n’ont pu malgré toute leur scélératesse, assassiner son esprit et son courage, qu’ils nous a laissés pour héritage. C’est l’héritage de la vertu; la vertu seule a le droit exclusif de le réclamer et de le recueillir. Vous, généreux défenseurs de la patrie, vous qui allez, sous les 'auspices de Marat, combattre ses ennemis, souvenez-vous qu’il fut l’ami du peuple et le défenseur incorruptible de ses droits, et qu’il est mort pour les faire triompher. Voilà, citoyens, quelles que soient nos fonc-tios respectives, voilà les devoirs que l’ombre de Marat qui plane au milieu de nous, nous impose à tous l’obligation de remplir; voilà le modèle que nous devons tous nous empresser de retracer; et vous surtout, soldats de la patrie, montrez-vous dignes de la section qu’habitait Marat, et qui vous procure aujourd’hui l’honneur d’aller sur les frontières venger la mort de ceux de nos frères qui ont eu le glorieux avantage d’arroser de leur sang les lauriers dont se couvrent partout les armées de la République. Mourez pour elle, s’il le faut, comme l’immortel ami du peuple, votre glorieux patron, et comme lui, vous vivrez à jamais dans la mémoire des républicains reconnaissans que vous laisserez après vous pour recueillir le fruit de vos travaux guerriers. La Convention reçoit avec satisfaction l’hommage que vous venez de lui offrir de 3 cavaliers armés et vous accorde les honneurs de la séance (2) . (1) P.V., XXXVI, 155. Bin, 8 flor.; J. Perlet, n° 582; M.U., XXXIX, 92; Mon., XX, 322; J. Univ., n° 1625. (1) C 303, pl. 1106, p. 13; M.U., XXXIX, 124; Ann. patr., n° 481; J. Mont., n° 165. (2) Débats, n° 586, p. 113. 28 SÉANCE DU 7 FLORÉAL AN II (26 AVRIL 1794) - N° 29 385 Sainte -Pélagie .......................... Madelonnettes .......................... Montprin, rue N° Dme des Champs ..... Abbaye ................................. Bicêtre .................................. A la Salpêtrière ........................ Chambres d’arrêt, à la Mairie .......... Termes ................................. Luxembourg ............................ Maison de suspicion, rue de la Bourbe . . Brunet, rue de Buffon ................... Les Picpus, fauxbourg S. -Antoine ....... Réfectoire de l’abbaye .................. Caserne des Petits Pères ................. Les Angloises, rue Saint-Victor ......... Picquenot, rue et à Bercy ............... Les Angloises, rue de Loursine ........ Caserne rue de Vaugirard .............. Les Carmes, rue de Vaugirard ......... Les Angloises, fauxbourg St-Antoine .... Coignard à Picpus n° 6 ................. Ecossois, rue des fossés Saint-Victor .... Saint Lazare, fauxbourg Saint-Lazare . . . Mahay, rue du Chemin-Vert ...... ) Maison Escourbiac, rue S. -Antoine, j La Chapelle, rue de la Folie-Renaud .... Belhomme, rue Charonne, n° 70 ........ Bénédictins anglois, rue de l’Observatoire 257 292 50 109 904 523 173 33 653 494 49 206 118 47 140 35 119 97 368 72 41 102 670 30 30 100 114 Total général ........ 6,874 29 La section de Marat est admise à la barre, et offre à la Convention trois cavaliers armés et équipés (1) L’ORATEUR de la députation : Représentons du peuple français, Vous voyez la section de Marat qui vient elle même vous rendre grâce des bienfaits renaissans que vous ne cessez chaque jour de répandre sur la patrie, et vous offrir trois cavaliers armés, montés et équipés et prêts à voler aux frontières pour fondre sur les tyrans et pour les terrasser. Ils vous attestent par ma voix que deux d’en-tre-eux, Laporte, Winant, un autre nommé [blanc] cavalier de notre société populaire de l’Ami du peuple sont trois des réfugiés de Liège que leur tyran prélat avait précipité dans ses cachots, et qui n’en sont sortis que délivrés par nos défenseurs républicains; ceux-ci forcés de sortir de Liège par la trahison de l’infâme Dumouriez, ont emmené avec eux ces jeunes braves républicains qui brûlent comme cavaliers de concourir avec nous à délivrer Liège de leur tyran et à faire partie, au sein du lieu qui les a vu naître, de notre République immortelle et victorieuse. Vous avez accueilli avant hier un de leurs camarades avec bonté comme réfugié liégeois venu parmi nous, comme eux par la haine qu’ils ont tous vouée à leur tyran et à la tyrannie et par amour pour notre République et pour la Convention nationale. Quel plaisir eut-ce été pour moi de vous présenter en même temps cinq cavaliers dévoués comme autant de De-cius à la patrie et à la section de Marat, l’ami du peuple que j’ai défendu seul et nourri 3 jours contre une foule de ses persécutés armés jusqu’aux dents contre lui. Je l’avais caché 3 jours dans une des cellules des Cordeliers. 3 de ces cavaliers pour la section de Marat, dont un le citoyen Comtesse est un de nos braves de l’Alsace, un autre de la société populaire de Marat, et un cinquième, le citoyen Eglin, de 22 ans et de près de sept pieds de haut l’un des liégeois que notre dévouement aux ordres de la Convention ne nous a pas permis de vous présenter en même temps au nom du bataillon des vétérans, que j’ai créé dans le district des Cordeliers de l’aveu des 59 autres. O Montagne sacrée, jette un coup d’œil vivifiant sur ces braves cavaliers de la section de Marat et sur le vieillard qui te parle. Nous sommes tous prêts à voler pour te défendre et à aller jusques dans la nouvelle Carthage arborer le tricolore et y présenter le bonnet de la liberté (1) . (Applaudissements.) Réponse du PRESIDENT : Le héros, dont vous vous honorez de porter le nom, fut pendant toute sa vie la terreur des esclaves et l’effroi de tous les conspirateurs que son génie lui faisait découvrir sous quelques masques qu’ils aient cherché à se cacher. Les vils satellites des despotes n’ayant pu corrompre l’ami du peuple, l’ont fait assassiner; mais ils n’ont pu malgré toute leur scélératesse, assassiner son esprit et son courage, qu’ils nous a laissés pour héritage. C’est l’héritage de la vertu; la vertu seule a le droit exclusif de le réclamer et de le recueillir. Vous, généreux défenseurs de la patrie, vous qui allez, sous les 'auspices de Marat, combattre ses ennemis, souvenez-vous qu’il fut l’ami du peuple et le défenseur incorruptible de ses droits, et qu’il est mort pour les faire triompher. Voilà, citoyens, quelles que soient nos fonc-tios respectives, voilà les devoirs que l’ombre de Marat qui plane au milieu de nous, nous impose à tous l’obligation de remplir; voilà le modèle que nous devons tous nous empresser de retracer; et vous surtout, soldats de la patrie, montrez-vous dignes de la section qu’habitait Marat, et qui vous procure aujourd’hui l’honneur d’aller sur les frontières venger la mort de ceux de nos frères qui ont eu le glorieux avantage d’arroser de leur sang les lauriers dont se couvrent partout les armées de la République. Mourez pour elle, s’il le faut, comme l’immortel ami du peuple, votre glorieux patron, et comme lui, vous vivrez à jamais dans la mémoire des républicains reconnaissans que vous laisserez après vous pour recueillir le fruit de vos travaux guerriers. La Convention reçoit avec satisfaction l’hommage que vous venez de lui offrir de 3 cavaliers armés et vous accorde les honneurs de la séance (2) . (1) P.V., XXXVI, 155. Bin, 8 flor.; J. Perlet, n° 582; M.U., XXXIX, 92; Mon., XX, 322; J. Univ., n° 1625. (1) C 303, pl. 1106, p. 13; M.U., XXXIX, 124; Ann. patr., n° 481; J. Mont., n° 165. (2) Débats, n° 586, p. 113. 28 386 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE lia Convention décrète mention honorable du civisme de cette section, insertion au bulle-tion du discours de l’orateur et de la réponse qui lui a été faite par le président (1). 30 Léonard Leblois, ci-devant journaliste à Saint-Domingue, annonce qu’il est au moment de succomber sous les efforts de l’intrigue et de l’aristocratie de ce pays, qui cherche à se venger des coups qu’il n’a cessé de lui porter depuis 1789 : il demande d’être mis sous la sauve-garde de la loi, et que le comité de sûreté générale prenne connoissance des faits qu’on lui impute. La pétition est renvoyée au comité de sûreté générale (2). [Paris, 1er flor. 11 ] i(3). Citoyens représentants du peuple français, Je viens vous dénoncer un nouvel attentat des colons blancs contre un de leurs irréconciliables ennemis, un défenseur des citoyens de couleur. Indignement persécuté dans la colonie par ces rebelles à toutes les lois et aux sentiments de la nature et de la raison, ruiné, emprisonné, déporté par eux, il m’était encore réservé d’éprouver en France, dans ma famille et jusque sous l’égide de la Convention nationale, l’effet redoutable de leur acharnement de leur influence. En vain l’assemblée nationale, d’après l’intime conviction de ma conduite pure et révolutionnaire, avait décrété par sa loi du 17 août 1792 que mes oppresseurs seraient poursuivis, la justice dont l’assemblée nationale me couvrit alors ne m’a pas empêché de devenir victime de nouvelles persécutions; les colons blancs de cette espèce ne perdent jamais l’espoir de la vengeance, et la perte d’un ami de l’humanité est le triomphe de leurs âmes. Il y a 4 mois, à mon retour des colonies, j’ai passé par Orléans pour me rendre auprès de la Convention; né dans cette ville, je restai quelque temps chez mon père, étant exténué par les traversées successives que les suppôts de l’assemblée coloniale me faisaient éprouver. Dans cette ville, un colon blanc, ennemi implacable des hommes du 4 avril, et devenu par suite de son caractère souple et intrigant, administrateur du département, me suscita de concert avec un autre individu également attaché au système rebelle de ces colons, la persécution la plus atroce. Je fus inopinément frappé par le comité de surveillance de la commune d’un mandat, les scellés furent apposés et répandirent l’effroi chez un père vertueux, patriote, dont le second fils était à l’agonie dans l’appartement même où les gendarmes firent leur subite apparition. Mais cette fois je parvins devant le comité, je lui parlai, mes accusateurs furent confondus. Je les accusai à mon tour, le mandat fut révoqué et la levée (1) P.V., XXXVI, 155. (2) P.V., XXXVI, 155. J. Sablier, n» 1282; Ann. patr., n° 481; Sans-Culotte n° 436; Mess, soir, n° 617; C. Eg., n° 617, p. 209. (3) F7 47711. des scellés confirma au comité que si j’étais malheureux, j’étais pur et injustement persécuté. Je me suis après cet événement rendu à Paris. La Convention nationale, instruite par Gouly, organe de son comité de marine et des colonies, de ma conduite révolutionnaire à St-Domingue et de la ferme et constante défense que j’y ai pris des citoyens de couleur contre leurs oppresseurs, a décrété le 11 ventôse que la loi du 29 août rendue en ma faveur par l’assemblée législative, serait exécutée littéralement, que le conseil exécutif me conférerait un emploi à St-Domingue et qu’enfin il me serait accordé une somme déterminée à titre de subsistance jusqu’à mon départ. Couvert de deux lois et de l’estime précieuse des représentants de la République, je me suis rendu à Orléans par permission du ministre, pour y demeurer en attendant l’exécution de la loi du 11 ventôse. C’est là où ces mêmes colons blancs viennent encore au mépris des lois de s’acharner à me faire perdre l’estime publique par leurs calomnies et leurs intrigues nombreuses dont, pendant mon absence, ils s’étaient prémunis et environnés pour m’accabler dans cet endroit. Je vous le déclare avec douleur représentants, cette ville de ma naissance est le refuge de bien des intrigants, les colons dont je parle avec le caractère souple et adroit qu’on leur connaît en France y ont acquis une influence étonnante, le peuple est bon à Orléans mais il n’est pas instruit, il semble qu’il existe un système de persécution contre ceux qui osent se charger d’une tâche aussi auguste; la Société populaire semble ignorer que c’est là son plus bel apanage; dominée par quelques individus qui ne s’occupent qu’à des personnalités contre l’un et l’autre, qui ne chérissent exclusivement que leurs personnes, elle ne donne au peuple qui l’écoute avec le besoin et l’envie de s’instruire, que le spectacle de ses divisions et non celui des vertus morales et politiques. J’ai osé dire à sa tribune ces grandes vérités, mais la foudre est tombée sur moi et je suis couvert de ses ruisseaux. Osez attaquer le vice par des généralités, les vicieux s’en font soudain l’application, se lèvent en masse, vous accusent de les apostropher, la patrie n’est plus rien, l’orgueil, l’amour propre sont tout, et les vérités sont pour eux des injures qu’il faut punir. C’est donc en vain que j’ai voulu faire entendre ma voix contre les horreurs dont les colons et leurs partisans m’ont flétri publiquement. Si je repoussais leurs traits envenimés, je tenais, disaient-ils, des discours incendiaires, si je m’appuyais de mes écrits pour la cause de la liberté, de mes principes et des décrets qui les avaient justifiés, j’étais un intrigant qui voulait diviser les patriotes, qui avait par ses intrigues trompé le Comité de salut public sur les colonies et extorqué à la Convention la loi du 11 ventôse, comme à l’Assemblée Législative celui du 24 août. Nicole, l’un de ces furieux, m’a crié en pleine société populaire : « Va, scélérat, retourne à St-Domingue avec tes beaux décrets, l’arbre pour te pendre à ton arrivée est tout planté !... Forcé de céder à cette lave brûlante de persécution, sachant que clandestinement j’étais dénoncé par ces adroits intrigants à un comité de surveillance composé de patriotes vertueux, mais peu éclairés, que l’on provoquait avec impudeur la dénonciation, qu’on écrivait secrètement par-386 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE lia Convention décrète mention honorable du civisme de cette section, insertion au bulle-tion du discours de l’orateur et de la réponse qui lui a été faite par le président (1). 30 Léonard Leblois, ci-devant journaliste à Saint-Domingue, annonce qu’il est au moment de succomber sous les efforts de l’intrigue et de l’aristocratie de ce pays, qui cherche à se venger des coups qu’il n’a cessé de lui porter depuis 1789 : il demande d’être mis sous la sauve-garde de la loi, et que le comité de sûreté générale prenne connoissance des faits qu’on lui impute. La pétition est renvoyée au comité de sûreté générale (2). [Paris, 1er flor. 11 ] i(3). Citoyens représentants du peuple français, Je viens vous dénoncer un nouvel attentat des colons blancs contre un de leurs irréconciliables ennemis, un défenseur des citoyens de couleur. Indignement persécuté dans la colonie par ces rebelles à toutes les lois et aux sentiments de la nature et de la raison, ruiné, emprisonné, déporté par eux, il m’était encore réservé d’éprouver en France, dans ma famille et jusque sous l’égide de la Convention nationale, l’effet redoutable de leur acharnement de leur influence. En vain l’assemblée nationale, d’après l’intime conviction de ma conduite pure et révolutionnaire, avait décrété par sa loi du 17 août 1792 que mes oppresseurs seraient poursuivis, la justice dont l’assemblée nationale me couvrit alors ne m’a pas empêché de devenir victime de nouvelles persécutions; les colons blancs de cette espèce ne perdent jamais l’espoir de la vengeance, et la perte d’un ami de l’humanité est le triomphe de leurs âmes. Il y a 4 mois, à mon retour des colonies, j’ai passé par Orléans pour me rendre auprès de la Convention; né dans cette ville, je restai quelque temps chez mon père, étant exténué par les traversées successives que les suppôts de l’assemblée coloniale me faisaient éprouver. Dans cette ville, un colon blanc, ennemi implacable des hommes du 4 avril, et devenu par suite de son caractère souple et intrigant, administrateur du département, me suscita de concert avec un autre individu également attaché au système rebelle de ces colons, la persécution la plus atroce. Je fus inopinément frappé par le comité de surveillance de la commune d’un mandat, les scellés furent apposés et répandirent l’effroi chez un père vertueux, patriote, dont le second fils était à l’agonie dans l’appartement même où les gendarmes firent leur subite apparition. Mais cette fois je parvins devant le comité, je lui parlai, mes accusateurs furent confondus. Je les accusai à mon tour, le mandat fut révoqué et la levée (1) P.V., XXXVI, 155. (2) P.V., XXXVI, 155. J. Sablier, n» 1282; Ann. patr., n° 481; Sans-Culotte n° 436; Mess, soir, n° 617; C. Eg., n° 617, p. 209. (3) F7 47711. des scellés confirma au comité que si j’étais malheureux, j’étais pur et injustement persécuté. Je me suis après cet événement rendu à Paris. La Convention nationale, instruite par Gouly, organe de son comité de marine et des colonies, de ma conduite révolutionnaire à St-Domingue et de la ferme et constante défense que j’y ai pris des citoyens de couleur contre leurs oppresseurs, a décrété le 11 ventôse que la loi du 29 août rendue en ma faveur par l’assemblée législative, serait exécutée littéralement, que le conseil exécutif me conférerait un emploi à St-Domingue et qu’enfin il me serait accordé une somme déterminée à titre de subsistance jusqu’à mon départ. Couvert de deux lois et de l’estime précieuse des représentants de la République, je me suis rendu à Orléans par permission du ministre, pour y demeurer en attendant l’exécution de la loi du 11 ventôse. C’est là où ces mêmes colons blancs viennent encore au mépris des lois de s’acharner à me faire perdre l’estime publique par leurs calomnies et leurs intrigues nombreuses dont, pendant mon absence, ils s’étaient prémunis et environnés pour m’accabler dans cet endroit. Je vous le déclare avec douleur représentants, cette ville de ma naissance est le refuge de bien des intrigants, les colons dont je parle avec le caractère souple et adroit qu’on leur connaît en France y ont acquis une influence étonnante, le peuple est bon à Orléans mais il n’est pas instruit, il semble qu’il existe un système de persécution contre ceux qui osent se charger d’une tâche aussi auguste; la Société populaire semble ignorer que c’est là son plus bel apanage; dominée par quelques individus qui ne s’occupent qu’à des personnalités contre l’un et l’autre, qui ne chérissent exclusivement que leurs personnes, elle ne donne au peuple qui l’écoute avec le besoin et l’envie de s’instruire, que le spectacle de ses divisions et non celui des vertus morales et politiques. J’ai osé dire à sa tribune ces grandes vérités, mais la foudre est tombée sur moi et je suis couvert de ses ruisseaux. Osez attaquer le vice par des généralités, les vicieux s’en font soudain l’application, se lèvent en masse, vous accusent de les apostropher, la patrie n’est plus rien, l’orgueil, l’amour propre sont tout, et les vérités sont pour eux des injures qu’il faut punir. C’est donc en vain que j’ai voulu faire entendre ma voix contre les horreurs dont les colons et leurs partisans m’ont flétri publiquement. Si je repoussais leurs traits envenimés, je tenais, disaient-ils, des discours incendiaires, si je m’appuyais de mes écrits pour la cause de la liberté, de mes principes et des décrets qui les avaient justifiés, j’étais un intrigant qui voulait diviser les patriotes, qui avait par ses intrigues trompé le Comité de salut public sur les colonies et extorqué à la Convention la loi du 11 ventôse, comme à l’Assemblée Législative celui du 24 août. Nicole, l’un de ces furieux, m’a crié en pleine société populaire : « Va, scélérat, retourne à St-Domingue avec tes beaux décrets, l’arbre pour te pendre à ton arrivée est tout planté !... Forcé de céder à cette lave brûlante de persécution, sachant que clandestinement j’étais dénoncé par ces adroits intrigants à un comité de surveillance composé de patriotes vertueux, mais peu éclairés, que l’on provoquait avec impudeur la dénonciation, qu’on écrivait secrètement par-