504 (Convention nalionale.J AKCHIVKS PARLEMENTAIRES. S ?ivôse,an '* I 31 décembre 1793 Lettre du représentant du peuple Lanot, datée du quartier général de Meymac, qui annonce que les têtes de Lafond, juge de paix, Audin et Pra-deloux, maires des communes insurgées contre la République, viennent de tomber sur l’écha¬ faud. Insertion au « Bulletin » et renvoi au comité de Salut public (1). Suit la lettre de Lanot (2). « Du quartier général de Meymac, le 2 ni¬ vôse de l’an II de la République fran¬ çaise, une et indivisible. « Citoyens collègues, La raison triomphera, la guillotine cimen¬ tera son empire malgré les mille formes hideuses que prend tour à tour le monstre du fanatisme dans ces contrées. Les trois têtes de Lafont, juge de paix, d’ Audin et de Pradeloux, maires des communes insurgées contre la République, viennent de tomber sur l’échafaud. Ces trois fonctionnaires publics, après une instruction publique de près de quinze heures, dans laquelle plus de cent témoins ont été entendus contra¬ dictoirement, ont été unanimement condamnés comme chefs et principaux moteurs de la conspiration; ils ont été convaincus de l’avoir préparée depuis longtemps, d’avoir formé le projet de faire massacrer les patriotes et de s’être répandus à dix lieues à la ronde pour y prêcher une croisade contre-révolutionnaire, et d’y avoir, sous le prétexte de la liberté des cultes, exhorté les habitants des campagnes à s’armer et se rassembler au son du tocsin pour se porter sur les grandes communes et y exter¬ miner les protestants qui voulaient, disaient-ils, leur enlever avec leurs prêtres, leurs vases sacrés et leur sainte religion; et ils désignaient comme ces protestants tous les républicains qui por¬ taient les bonnets rouges et les cocardes natio¬ nales. Ils ont été de plus convaincus de s’être mis à la tête des rebelles, d’avoir dirigé leur marche et présidé à toutes leurs actions, d’avoir modéré ou exalté leur fureur contre les personnes et les propriétés, etc., etc. « Le tribunal remplit avec dignité et énergie ses fonctions; d’autres conspirateiu's sont sur la sellette et vont être jugés, aucun d’eux n’échappera à nos recherches, chaque jour voit éclore de nouveaux indices d’un vaste et ténébreux complot ourdi contre la liberté par¬ les prêtres qui cherchent aujourd’hui à lever des armées contre la liberté des cultes. Je viens d’être instruit, que sur les confins du Cantal, des prêtres déguisés en pauvres et quelques-uns en agriculteurs, parcourent les hameaux et les campagnes pour y prêcher contre les lois du Maximum et y annoncer la famine comme une punition de Dieu; ils cherchent à y exciter l’indignation contre les villes, ils y racontent entre autres miracles contre-révolutionnaires que la colère de Dieu aurait déjà éclaté puisque son bras foudroyant est levé pour anéantir et exterminer le peuple français si la miséricor-(1) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 184. (2) Archives nationales, carton AFii 171, pla¬ quette 1403, pièce 3. Aulard : Recueil des actés et de la correspondance du comité de Salut public, t. 9, p. 589. dieuse Vierge n’était accourue pour le suspendre, espérant que bientôt les bonnes âmes qui lui étaient dévouées feraient soulever le peuple contre les impies et les blasphémateurs et que la religion devait renaître d’une insurrection dont ils proclamaient l’époque au 1er nivôse, sa clémence et sa miséricorde devant expirer ce jour-là, si elle n’éclatait pas. « Je pars à l’instant pour porter le flambeau de la vérité et des consolations dans ces cantons, où je ferai faire des battues pour chasser des. bois et des cavernes les bêtes à miracles. J’ima¬ gine qu’il doit s’y trouver des transfuges des forêts incendiées de la Lozère et de l’Aveyron. Comptez sur mon activité et mon implacable sévérité contre l’infâme engeance des prêtres et de leurs agents (1). « Ci-inclus la proclamation et l’arrêté que j’ai cru nécessaires pour l’instruction du peuple et pour la punition de ses ennemis. « Salut et fraternité. « Le représentant du peuple, « Lanot. » Proclamation du citoyen Lanot (2). Le citoyen Lanot, représentant du peuple, délé¬ gué dans les départements de la Haute-Vienne et de la Corrèze. En séance à Meymac, le 29 frimaire de l’an II de la République française, une et indivisible, Aux cultivateurs du département. Républicains, Sont-ce bien des Corréziens., qui, dès l’aurore de la Révolution sonnèrent le tocsin de la liberté, qui viennent de sonner dans les environs de Meymac le tocsin de la trahison et du mas¬ sacre des patriotes? Sont-ce bien les Corréziens qui arborèrent les couleurs nationales et plantèrent les' arbres de la liberté avec tant d’enthousiasme, qui viennent de déchirer le drapeau tricolore, arra¬ cher les cocardes, les bonnets rouges, les fouler aux pieds et renverser la statue de la liberté? Sont-ce bien des Corréziens qui, les premiers, firent la guerre aux châteaux ët aux étangs, qui viennent de dévaster les maisons nationales, enfoncer les portes de celles des patriotes, bri¬ ser leurs meubles, piller leurs boutiques et demander leurs têtes? Sont-ce bien des Corréziens, qui ont constam¬ ment abhorré la noblesse, les aristocrates et chéri la Révolution, qui se sont attroupés en armes à Ambrugeat, et qui ont tiré à deux reprises sur les gardes nationales, lorsqu’elles venaient leur porter des paroles de paix, de fraternité, et rétablir l’ordre public? Sont-ce bien des Corréziens, dont les batail¬ lons se sont distingués dans toutes les armées, par leur amour pour la liberté, leur bravoure (1) Applaudissements, d’après les Annales patrio¬ tiques et littéraires [n° 365 du 12 nivôie an II (mer¬ credi 1er janvier 1793), p. 1645, col. 11. (2) Archives nationales, carton AFit 171, pla¬ quette 1403, pièce 4. • [Convention nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 1 « nivôse an il 505 1 1 31 decembie li93 et leur intrépidité à combattre les tyrans, les émigrés et les prêtres, qui viennent prendre la défense et se déclarer les protecteurs des enne¬ mis de leurs frères, de leurs enfants et de la République! Non, ce sont des brigands semblables à ceux qui sortirent des repaires de la Vendée; ce sont des contre-révolutionnaires, dont les têtes vont tomber sous le glaive de la loi et rouler sur l’écbafaud. Voilà le fruit qu’ils retireront de tant de forfaits.. Si cet exemple terrible ne vous sert point de leçon et vous laisse de l’incertitude sur les trames criminelles de ceux qui veulent vous égarer, vous tromper et vous précipiter dans l’abîme au fond duquel ils voudraient savoir-tous les patriotes, réfléchissez sur les avan¬ tages réels que vous abandonneriez et sur les peines inévitables auxquelles vous vous expo¬ seriez, vous et votre postérité. Vous savez que la Révolution a détruit les dîmes, les corvées, les nobles, les moines, le haut clergé, les gabelles, les parlements, les avocats, les procureurs et toutes ces sangsues publiques qui avaient le droit de vous voler et de vous vexer, sans que vous eussiez celui de vous plaindre. La guerre civile, au contraire, vous armerait les uns contre les autres, elle vous forcerait à quitter vos foyers, vos femmes et vos enfants, à vous battre contre vos frères : vous succombe¬ riez sûrement sous leurs coups; vos bestiaux et vos grains seraient consommés sans utilité pour vous ni pour la République; vos granges et vos maisons seraient livrées aux flammes, comme celles des brigands de la Vendée, et ce département n’offrirait plus à l’œil du voya¬ geur que vos femmes éplorées, vos enfants aban¬ donnés, vos campagnes ensanglantées, jonchées de cadavres, de ruines et de cendres. Eh ! quoi, républicains, placés dans l’alter¬ native d’un bonheur assuré ou des désastres incalculables, repousserez-vous les bienfaits dont vous a comblés la Révolution, pour vous liver aux maux qui vous menacent? Aurez-vous la lâcheté de mettre entre deux feux vos enfants et vos frères qui combattent les tyrans et les émigrés, et de les forcer, après avoir terrassé nos ennemis, de venir vous réduire par la force des armes, pour les plonger, peut-être, dans le sein de ce qu’ils ont de plus cher. Quel est donc le génie malfaisant qui vous tourmente, quelle est la main qui vous égare, quels sont les émissaires qui ont parcouru vos campagnes, semant le désordre et la désolation ; quels sont les monstres qui vous ont affirmé que les patriotes voulaient égorger les enfants et les vieillards, qui vous ont déterminés à sonner le tocsin et vous ont annoncé que 400 paysans avaient été assommés à Ambrugeat, et nombre d’enfants écrasés par les chevaux? Républicains, le temps vous a appris com¬ bien ces nouvelles sont fausses; le temps vous apprendra que ce sont les prêtres qui sont les auteurs de tous les troubles qui sont arrivés, les instigateurs de tous les crimes qui ont été com¬ mis, et qu’ils n’attendaient que le moment où l’aveuglement et le fanatisme fussent à leur comble, pour voler au milieu des attroupés, prendre un crucifix d’une main, un poignard de l’autre, et vous prêcher par paroles et par actions, l’assassinat, le pillage, l’incendie et la contre-révolution. Républicains, plus éolairées que les cam¬ pagnes, les villes ont déclaré ne vouloir plus de prêtres; cet hommage rendu à la raison a servi de prétexte aux malveillants pour abuser de votre simplicité. Ils l’ont saisi avec empres¬ sement pour vous irriter contre les habitants des villes, et principalement les Sociétés popu¬ laires qui ont fait la Révolution, qui vous ont constamment montré les pièges que vos enne¬ mis n’ont cessé de vous tendre, qu’ils sont vos frères, qu’ils ont les mêmes' intérêts que vous, qu’ils reconnaissent un Etre suprême, qu’ils veulent être heureux tout comme vous, que les campagnes ne peuvent pas exister sans les villes, ni les villes sans les campagnes, et que vous devez vous fournir réciproquement ce qui vous est nécessaire, d’après les règles établies par la loi. Vous connaissez les crimes qui ont été com¬ mis; sans doute, la plupart de ceux qui y ont concouru ont été séduits et égarés : la patrie est avare du sang de ses enfants que l’erreur a ren¬ dus momentanément criminels, mais elle ne peut l’être qu’à ce prix : c’est que ceux de vous qui avez été trompés, déclariez franchement les chefs et les principaux moteurs de votre égare¬ ment et les livriez à la vengeance nationale. Républicains, surveillez tous les malveillants au lieu de leur donner asile parmi vous pour les faire punir et assurer le triomphe de la liberté. Et vous, prêtres, qui dans tous les siècles avez compté au nombre de vos jouissances les plus douces, celle de secouer la torche de la guerre civile, de vous identifier avec la religion, de vous donner pour de petits dieux sur la terre et de faire répandre le sang des humains, je vous déclare que je regarderai comme perturbateurs de l’ordre public et ferai poursuivre comme tels tous ceux de vous qui habiterez dans une com¬ mune dont les citoyens s’attrouperaient ou occasionneraient des troubles pour des opinions religieuses. Arrêté. Considérant qu’il est de principe que les dépenses locales doivent être payées par des contributions locales; considérant que l’insur¬ rection qui vient d’éclater dans quelques com¬ munes du district d’Ussel, a nécessité des dé¬ penses militaires et administratives qui doivent être payées par les provocateurs, auteurs et complices de l’insurrection ; considérant que les habitants des campagnes sont moins coupables qu’égarés, puisque jusqu’à présent ils s’étaient conduits en bons républicains, et que ceux-là sont présumés les auteurs et les moteurs de la rébellion contre la loi, qui jusqu’à présent ont montré de l’aversion et même de l’indifférence pour la Révolution, qu’ils sont au moins cou¬ pables par égoïsme de l’ignorance et du fana¬ tisme du peuple, car il est démontré que par¬ tout où les riches et les propriétaires aisés ont été bons patriotes, le peuple a été paisible et heu¬ reux observateur des lois faites pour son bonheur; Considérant encore que s’il est instant de rechercher et de punir les auteurs de la conspi¬ ration, il ne l’est pas moins d’en prévenir les effets ; Arrête : 1° Qu’il sera fait dans le distriot d’Ussel une taxe de guerre prise sur les riches, les égoïstes, les modérés, les prêtres, leurs parents et agents et principalement sur les complices de la rebel-