[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 janvier 1791.) « M. Despeyron, commandant le régiment de Sois-« sonnais, en garnison à Avignon; cette note m’a « été remise par un officier du régiment, dépêché « par le commamiant pour me l’apporter. J’ai or-« donné à cei officier de se rendre sur-le-champ « près des différents comités de l’Assemblée na-« tionale, nui doivent connaître les affaires d’Avi-« gnon, afin de leur rendre personnellement « compte des faits dont il a été témoin. «i J’espère que l’Assemblée nationale aura reçu « de sou côie des détails plus circonstanciés que « ceux que j’ai l’honneur de mettre sous ses yeux, « d’après lesquels elle pourra déterminer dans Penthièvre ont suivi la troupe, qui s’est portée « sur Garpentras. « Signé : DESPEYRON. « Pour copie : Duportail. » Plusieurs membres demandent le renvoi de cette affaire aux comités diplomatique, militaire et d’Avignon. M. Charles de Lameth. Il me semble qu’il faut attend iv des nouvelles plus détaillées ( Murmures à droite.), non pas pour renvoyer celte note aux comités, mais pour déterminer qu’ils en rendront compte demain à l’Assemblée. En effet, il est impossible qu’ils le fassent sans connaître toutes les cii constances et les détails de l’affaire; d’ailleurs celle lettre est envoyée du commandant du régiment de Soissonnais seulement. Il serait possible que ce chef, dont je ne dis encore rien, se soit abandonné à de, fausses inductions. ( Murmures à droite.) Je crois que la seule règle qu’il y ait à suivie ici est d’agir d’après les principes qui ont toujours gui é l’Assemblée, et de ne prononcer qu’apiès connaissance de cause. De ià je conclus a ce que l’on charge vos comités de s’informer des causes de l’insurrection arrivée à Avignon ; que la lettre dont on vient de faire lecture leur soit renvoyée, pour en faire le rapport le plus tôt possible, dès qu’on aura reçu les procès-verbaux des faits. M. Tuant de La IBcuvcrîe. La municipalité 287 ne peut ni ne doit avoir de communication avec vous. M. de Ta Tour-Maubourg. Loin d’acquiescer à la proposition qui vient de lui être faite, j’espère que l’Assemblée voudra bien ordonner sur-le-champ la réunion de ses trois comités, qui, s’étant occupés dès hier soir decettenffaire, seront, j’imagine, en état de présenter avaot la lin de la séance un projet de decret. Voici les faits que je tiens de l’officier dépêché ici : Le dimanche 9 de ce mois, apiès la messe du régiment, la garde nationale d’Avignon emmena dans des cabareis une grande partie des grenadiers, des chasseurs et des soldats. Lorsque l’ivresse fut un peu forte, on dansa des faridou-daiues. Depuis l’arrivée du régiment, ce genre d’amusement était proscrit formellement, comme pouvant entraîner des suites fâcheuses. Aussi, sur-le-champ, le lieutenant-colonel, qui en prévit toutes les conséquences, lit-il battre la générale et prévenir les officiers municipaux de ce qui se passait. Le régiment se rassemble dans ses différents quartiers: car, malgré les promesses de la ville, d’un côté, et de l’autre, malgré les demandes positives du ministre pour que ce régiment fut réuni en un seul corps de caserne, quoiqu’il y ait à Avignon, daus la ville, des bâtiments capables de le contenir, on a toujours eu soin de le tenir divisé dans quatre quartiers différents. Le régiment se rassemble donc dans ses differents quartiers, le lieutenant-colonel en fait faire l’appel et s’aperçoit qu’il lui manque beaucoup de monde. Alors il imagine que les soldats voyant les drapeaux se rallieront autour. Il commande en conséquence au peu de grenadiers qu’il a autour de lui d’aller les chercher. Lorsque le détachement est arrivé à peu près vis-à-vis le palais du légat, où est toujours un corps considérable de gardes nationales, cette troupe sort en grand nombre, reconnaît militairement le détachement de Soissonnais, et après l’avoir reconnu lui fait défense de passer outre, et le menace en termes injurieux de faire feu s’il poursuit. Le commandant de ce détachement se porte cinq pas en avant de sa troupe, s’annonce avec les intentions les plus pacifiques à la garde nationale d’Avignon, lui représentant que le régiment de Soissonnais, envoyé pour rétablir la paix, l’ordre, est bien loin de vouloir porter le trouble; que cependant il lui demande de lui laisser le passage libre pour exécuter les ordres de son chef. Les injures n’en sont que plus loi te-, les menaces de faire feu sont réitérées. Le capitaine des grenadiers fait faire demi-tour à droite à sa troupe, et se replie sur l’hôtel de ville, et de là envoie un sergent rendre compte au colonel de ce qui se passe, et lui demande des ordres ultérieurs. Le lieutenant-colonel lui ordonne de rester au poste de l’hôtel de ville, et, ne croyant pas devoir quitter le régiment ni pouvoir lé conduire dans la disp isi tion où il était, envoie sur-le-champ trois officiers à la maison de ville pour demander aux officiers municipaux de se porter au palais du lég it, et de faire en sorte que l’oflicier des grenadiers puisse apporter les drapeaux. Les officiers municipaux se rendent à la tête du régiment, disent au lieutenant-colonel que l’insurrection du peuple est (elle qu’il est impossible d'aller chercher les drapeaux sans encourir les risques d’augmenter le mal. Ils lui demandent de retirer l’ordre qu’il avait donné, ce qu’il fait sur-le-champ. Inquiet sur son régiment, il prie les officiers municipaux d’aller dégager la coin- |Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (16 janvier 1791.) 288 pagaie qui se trouve sur la place de l’hôtel de ville, si par hasard elle était empêchée par le peuple de se réunir au régiment. Les craintes du colonel étaient fondées, car le peuple avait effectivement arrêté cette compagnie, avait serré de très près l'olivier supérieur, en menaçant de le pendre, et de plus près encore un lieutenant qui n’avait pu se débarrasser des mains du peuple qu’en sortant deux pistolets de sa poche; par ce moyen il se fit jour. En se retirant il aperçut un officier municipal ; il alla à lui et lui dit : J’ai été obligé de montrer mes pistolets pour empêcher qu’on ne me fît violence. Du moment qu’il y a quelqu’un pour maintenir le peuple dans le bon ordre, je suis assuré qu’ils ne me sont plus nécessaires; et, pour vous prouver que je suis loin de vouloir en faire un mauvais usage, je viens vous les remettre. Voilà, Messieurs, l’état des choses. Je dois cependant ajouter encore qu’il manque à la retraite 74 hommes, qui, pendant que le régiment était assemblé, se sout formés en ba-tai île devant le palais du légat. Les armes des soldats de Soissonnais leur avaient été fournies par les soldats de la garde nationale; et dans le palais du vice-légat, on attendait des ordres pour aller attaquer le régiment. A dix heures et demie du soir la garde nationale est partie. Les soldats l’ont suivie. Depuis ce moment tous les officiers sont insultés, dans les rues, parles sentinelles mêmes de la garde nationale. L’oflieier qui a été dépêché ici craint beaucoup pour eux; il craint qu’il n’y en ait dans ce moment-ci plusieurs égorgés. L’insurrection du peuple doit tout faire craindre, surtout après ce qui s’est passé à Avignon au mois de juin. J’observerai qu’il n’était pas possible de charger cet officier de procès-verbaux. Il a été an été vingt fois depuis Avignon jusqu’aux frontières de France; et s’il eût été porteur de pareilles pièces, il ne fût point arrivé jusqu’ici. Je demande que vos comités se retirent sur-le-champ pour conférer sur cette affaire, et nous en rendre compte aus.-itôt. (Cette motion est adoptée.) M. Bouche. Il n’est pas possible de décider celte affaire séance tenante, mais on y peut décider que le régiment de Soissonnais sortira d’Avignon, afin que l’officier puisse partir dès ce soir. Je réponds sur ma tête, et en mon propre et privé nom, de la véracité du compte qui vous est rendu. M. d’André. Les trois comités se sont rassemblés hier pour l’examen de cette affaire ; d’après l’exposé qui vient de vous être fait et qui nous le lut hier aux comités, nous convînmes unanimement qu’il fallait retirer d’Avignon le régiment de Soissonnais. M. le Président. On observe également que la compagnie des dragons de Penthièvre, qui est aussi à Avignon, est dans le même cas que le régiment de Soissonnais, et que l’on fait pour elle la même réclamation. Plusieurs membres : Aux voix ! Le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale décrète que le roi sera prié de faire retirer à l’instant, de la ville d’Avignon, le régiment de Soissonnais et la compagnie du régiment dePenthièvre-dragons.» M. Goupillon» . Nous n’avons pas entendu ce qui a été mis aux voix. M. le Président. La proposition a été faite de renvoyer l’affaire aux trois comités réunis, pour en rendre compte ; elle a été ado dée. Il a été ensuite demandé que le régiment de Soissonnais fût retiré de la ville d’Avignon; pareille demande a enfin été faite pour la compagnie des dragons de Penthièvre. M. Muguet de Aanthou. Par qui? M. le Président. ParM. de Noailles. Ce sont ces deux dernières propositions que l’Assemblée vient d’adopter. M. Goupilleau. Il n’y a pas de preuves contre la compagnie de Penthièvre ; s’il y en avait, elles nous auraient été fournies par les officiers de cette compagnie; alors je n'aurais rien à dire. Mais puisque cela n’est pas, on ne peut suspecter la note, au moins sur cette disposition. Plusieurs voix à droite : Il y a un décret. M. Bouche. Si vous prononcez tout d’un coup la retraite de Penthièvre et de Soissonnais, vous allez livrer Avignon et le coinlat à des désordres affreux. Une compagnie de dragons est peu de chose ; mais elle est capable de contenir les séditieux. D’ailleurs la compagnie de Penthièvre a montré des sentiments conformes à la Révolution. Quoique je ne sache rien de positif sur les sentiments des officiers du régiment de Soissonnais, tout fait présumer qu’ils n’eu ont pas montré de pareils. (Applaudissements à gauche.) Le peupleaété alarmé. (Interruptions à droite.) Monsieur le président, si ces messieurs (en montrant les membres de la droite ) s’imaginent que je suis ici pour leur déplaire, je conclus, d’après le danger que j’aperçois à retirer tout d’un coup la compagnie de Penthièvre, que le décret rendu ne concerne que le régiment de Soissonnais. M. de La Tour-Maubourg. M. Bouche ignore certainement que lorsqu’il y a deux régiments ensemble, le plus ancien des deux régiments les commande. C’est comme commandant des troupes à Avignon et non comme lieutenant-colonel que M. Despeyron vous a rendu le compte que vous venezd’enlendre; d’ailleurs cette compagnie, dont il est question, est depuis longtemps en insurrection, car, dès le 6, M. Despeyron avait prié le ministre de la faire retirer. La chose était telle que l'officier de cette compagnie voulait se retirer, si M. Despenroy ne s’y était opposé. Ii faut donc que la compagnie de Penthièvre soit comprise dans le décret. Il est notoire, d’après la note, que les soldats de cette compagnie se sout portés avec les autres sur Carpentras. M. Voidel. Je ne m’oppose pas aux mesures que vous venez de prendre, mais elles me paraissent insuffisantes dans la situation critique où se trouvent tout à la fois et le régiment de Sois-sonnais, et la compagnie de Penthièvre, et la ville, et vos établissements. Je crois qu’il faut prendre des précautions ultérieures; je demande que, sans désemparer, les comités nous présentent leurs vues sur tous ces objets-là à la fois. M. de Menou. Ayant été nommé rapporteur