372 [Assemblée nationale.] d’assurer l’exécution des principes constitutionnels, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Tout citoyen français qui, à compter du jour de la publication du présent décret, insérera dans ses quittances, obligations, promesses, et généralement dans tous ses actes quelconques, quelques-unes des qualifications supprimées par la Constitution, ou quelques-uns des titres ci-devant attribués à des fonctions qui n’existent plus, sera condamné, par corps, à une amende égale à six lois la valeur de sa contribution mobilière, sans déduction de la contribution foncière; lesdites qualifications ou titres seront rayés par procès-verbal des juges du tribunal; et ceux qui auront commis ce délit contre la Constitution, seront condamnés en outre à être rayés du tableau civique, et seront déclarés incapables d’occuper aucun emploi civil et militaire. Art. 2. « La peine et l’amende seront encourues et prononcées, soit que lesdits titres et qualifications soient, dans le corps de l’acte, attachés à un nom, ou réunis à la signature, ou simplement énoncés comme anciennement existants. Art. 3. « Seront punis des mêmes peines, et sujets à la même amende, tous citoyens français qui porteraient les marques distinctives qui ont été abolis s, ou qui feraient porter des livrées à leurs domestiques, et placeraient des armoiries sur leurs maisons ou sur leurs voitures. Les officiers municipaux et de police seront tenus de constater cette contravention parleurs procès-verbaux, et de les remettre aussitôt aux mains du greffier du tribunal, ou au commissaire du roi, qui, sous peine de forfaiture, sera tenu d’en faire état au juge dans les 24 heures de la remise qui lui aura été faite desdits procès-verbaux par la voie du greffe. Art. 4. « Les notaires, et tous autres fonctionnaires et officiers publics, ne pourront recevoir des actes où ces qualifications et litres supprimés seraient contenus ou énoncés, à peine d’interdictio i absolue de leurs fonctions, et leur contravention pourra être dénoncée par tout citoyen. Art. 5. « Seront également destitués pour toujours de leurs fonctions, tous notaires, fonctionnaires et officiers publics qui auraient prêté leur ministère à établir les preuves de ce qu’on appelait ci-de-vant noblesse ; et les particuliers contre lesquels il serait prouvé qu’ils ont donné des certificats tendant àccttefin, seront condamnés àuneamende égale à six ibis la valeur de leur contribution mobilière, et à être rayés du tableau civique; ils seront déclarés incapables d’occuper à l’avenir aucune fonction publique. Art. 6. « Les préposés aux droits d’enregistrement ne pourront, à compter de la publication de la présente loi, enregistrer aucun acte passé ou consenti, dans lequel seraient contenu s quelques uns des titres ou qualifications abolis, souspoinededestitutioD.» (Ce décret est adopté.) [27 septembre 1791.] M. Duport. J’ai une observation très courte à faire à l’Assemblée, qui me paraît de la plus haute importa i ce et qui exige toute son atten ¬ tion. Vous avez réglé, Messieurs, par la Constitution, quelles sont les qualités nécessaires pour devenir citoyen français, puis de citoyen français citoyen actif : cela ‘suffit, je crois, pour régler toutes les questions incidentes qui ont pu être soulevées dans l’Assemblée relativement à certaines professions, à certaines personnes. Mais il y a un décret d’ajournement qui semble porter une espèce d’atteinte à ces droits généraux ; je veux parler des juifs; pour décider la question qui les regarde, il suffit de lever le décret d’ajournement que vous avez rendu et qui semble mettre en suspens la question à leur égard. Ainsi, si vous n’aviez pas rendu un décret d’ajournement sur la question des juifs, il n’y aurait rien à faire du tout ; car, ayant déclaré par votre Constitution comment tous les peuples de la terre peuvent devenir ciioyens français et comment tous les citoyens français peuvent devenir citoyens actifs, il n’y aurait aucune difficulté sur cet objet. Je demande donc que l’on révoque le décret d’ajournement et que l’on déclare que relativement aux juifs, ils pourront devenir citoyens actifs, comme tous les peuples du monde, en remplissant les conditions prescrites par la Constitution. Je crois que la liberté des cultes ne permet plus qu’aucune distinction soit mise entre les droils politiques des citoyens à raison de leurs croyances et je crois également que les juifs ne peuvent pas seuls être exceptés de la jouissance de ces droits, alors que les païens, les Turcs, les musulmans, les Chinois même, les hommes de toutes les sectes en un mot, y sont admis. ( Applaudissements .) Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! M. Rewbell demande la parole pour combattre la proposition de M. Duport. M. Regnauld. Je demande qu’on aille aux voix sans entendre ceux qui veulent parler contre cette proposition, parce que la combattre c’est combattre la Constitution elle-même. M. Rewbell insiste pour avoir la parole. (L’Assemblée ferme la discussion et adopte la proposition de M. Duport, au milieu des applaudissements.) M. Rewbell. Je demande que le décret soit rédigé et lu dès à présent, afin qu’on sache bien ce qui a été décrété et qu’on n’insère pas dans le procès-verbal un décret qui n’a pas été rendu. On saura du moins que j’ai voulu être entendu pour prouver qu’on a induit l’Assemblée nationale à rendre un décret que la seule ignorance a pu faire rendre. M. le Président met aux voix la proposition de M. Duport dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, considérant que les conditions nécessaires pour être citoyen français, et pour devenir citoyen actif, sont fixées par la Constitution, et que tout homme qui, réunissant lesdites conditions, prête le serment civique, et s’engage à remplir tous les devoirs que la Constitution impose, a droit à tous les avantages qu’elle assure : <■ Révoque tous ajournements, réserves et exceptions insérés dans les précédents décrets re-ARCH1VES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] 373 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. lativement aux individus juifs, qui prêteront Je Ber ment civique. (Ce décret est adopté.) M. de La Rochefoucauld Liancourt, au nom du comité de mendicité. Messieurs, 1rs principes qui ont servi de base au travail de votre comité de mendicité sont consignés dans le plan de travail qu’il vous soumit, if y a 18 mois, et que vous avez approuvé : ils sont développés dans les 6 rapports qu’il vous a présentés : enfin, ils sont sommairement rappelés dans un rapport dont vous avez ordonné l’impression. Qu’il nous soit permis seulement de vous rappeler que vous avez reconnu les droits sacrés et imprescriptibles dn malheur, de l’infirmité indigente et de l’enfance abandonnée ; que vous avez reconnu que la nécessité de les soulager n’était pas seul ment un besoin de l’humanité, mais encore un devoir strict d’une politique juste et éclairée; que vous avez reconnu que les secours ordonnés par vos lois devaient s’étendre sur toutes les parties de l'Empire, et qu’ils devaient être dirigés par les principes de votre Constitution ; que vous avez reconnu que la bienfaisance publique, éclairée dans ses vues, devait êlre, dans ses dons, aussi éloignée de la prodigalité peu réfléchie, qui encourage la fainéantise et crée des pauvres, que de la parcimonie qui refuse au malheur véritable et à l’indigence laborieuse; que les secours, donnés par elle, doivent avoir pour objet de diminuer successivement les causes de la pauvreté qui sont presque toujours les torts des gouvernements, et de donner, par leur suffisance, la force d’opinion nécessaire pour réprimer la mendicité, ce fléau le plus destructeur de toute richesse et de toute prospérité publique. Tels sont les principes que vous avez approuvés dans cette matière importante et difficile. Votre comité n’a rien négligé pour s’y conformer. Je dois vous ajouter un mot sur l’état actuel des secours dans le royaume. Ils se bornent aux hôpitaux dans les villes et à quelques distributions fondées de pain et de bouillie. L’administration d’un grand nombre de ces hôpitaux est nulle parce qu’elle était composée de personnes revêtues de placer et d’emplois supprimés et administrant en vertu de ces places, et parce que vos décrets n’ont rien prononcé de positif à cet égard. Cet état excite des réclamations de toutes parts. Les revenus des hôpitaux sont aussi diminués d’à peu près un tiers par vos différents décrets. Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter : « Art. 1er. L’Assemblée nationale déclare qu’elle met au rang des devoirs les plus sacrés de la nation, l’assistance des pauvres, dans tous les âges et dans toutes les circonstances de la vie, qu’elle en fait une charge nationale, et qu’il y sera pourvu, ainsi qu’aux dépenses pour l’extinction de la mendicité, sur les revenus publics, dans l’étendue qui sera nécessaire. « Art. 2. Il sera accordé à chaque département, la somme nécessaire pour les objets indiqués dans le pi écédent article. « Art. 3. Les bases générales de répartition des secours à accorder aux départements, districts et municipalités, seront : 1° la proportion des citoyens actifs avec le nombre de ceux qui ne le sont pas ; 2° les 3 bases combinées de la représentation nationale, population, contribution, étendue, de manière que cette proportion plus ou moins grande de citoyens actifs, étant toujours la base principale, celui de 2 départements égaux [27 septembre 1791.] en territoire et en population, qui payera moins de contribution, aura une part proportionnellement plus forte, qu’à égalité de contribution; celui-là aura une part plus grande, dont le territoire et la population seront plus considérables; qu’à égalité de co itribution et de territoire, la plus grande population aura droit à une plus grande proportion de secours. « Art. 4. Les sommes à répartir dans chaque département, en conséquence de la proportion résultant des éléments énoncés dans l’article précédent, seront fixées sur le prix commun des journées de travail dans chaque département. « Art. 5. Cette fixation sera faite en estimant le plus haut prix des journées à 20 sols, et mettant dans cette classe, toutes celles payées au-dessus de 16 sols, et en estimant le prix le plus bas à 16 sols, et comprenant dans cette seconde classe, toutes celles payées au-dessous de cette valeur. « Art. 6. Ces fonds auront pour objet les secours à donner aux enfants abandonnés, aux malades, aux vieillards, aux infirmes, les ateliers de secours, les maisons de correction, et autres dépenses relatives aux secours des pauvres et à l’extinction de la mendicité. « Art. 7. La répartition de ces fonds, qui aura lieu à chaque législature, sera faite de la manière suivante. Une partie qui aura pour objet l’entretien des établissements permanents, c’est-à dire les secours à donner en maladie, vieillesse, infirmités, aux enfants abandonnés, aux maisons de correction, sera donnée aux départements sans que ceux-ci payent à cet effet aucune contribution particulière; l’autre, qui aura pour objet les ateliers de secours, sera augmentée d’une contribution payée par les départements, en proportion des sommes qu’ils recevront. « Art. 8. La distribution de ces fonds sera faite entre les divers départements par la législature. La répartition inlérieure se fera des départements aux districts, et de ceux-ci aux municipalités, aux mêmes titres et conditions. « Art. 9. Pour subvenir aux dépenses indiquées dam les articles précédents, il sera affecté dans la distribution des dépenses nationales, un fonds de 50 millions. « Art. 10. Dans cette somme seront compris les biens dont les revenus sont aujourd’hui destinés à l'entretien des hôpitaux, maisons de charité, les biens régis par les ordres hospitaliers, les fonds originairement affectés aux maladreries et autres établissements du même genre, sous quelque dénomination que ce puisse être. Ces biens sont déclarés nationaux. * Art. 11. Les hôpitaux, maisons ou établissements de charité, possédant des biens ou revenus particuliers, continueront d’en jouir dais l’état où ils se trouvent actuellement, d’après les décrets-ci-devant rendus, portant suppression d’octrois, de dîmes, de péages, de biens ecclésiastiques, etc. « Art. 12. Ces revenus seront comptés aux villes ou villages où seront placés ces établissements de charité, dans la part qui devrait leur revenir d’après les bases générales de répartition des secours indiqués en l’article 3, de manière qu’ils recevront du Trésor public une augmentation, si leurs revenus sont au-dessous de la proportion que le calcul général leur assigne, et qu’ils jouiront en entier de leurs revenus, s’ils excèdent la proportion qui leur était destinée. « Dans ce dernier cas, néanmoins, l’excédent