[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mars 1791.) 327 Plusieurs membres : L’ajournement! l’ajournement! M. de Pardieu. Je demande que le pouvoir exécutif soit chargé de s’assurer de l’authenticité de la lettre. M. Prieur. Les ministres ont envoyé une note, dans laquelle ils ont déclaré qu’ils ne savaient pas bien quels étaient les fonctionnaires absents, ni par conséquent ceux qu’il fallait remplacer. Je demande, moi, que dans le délai que vous fixerez, ils justifient l’exécution de votre décret sur la résidence des fonctionnaires publics. M. d’Estourmel. Dans le troisième titre concernant la régence, il existe un article concernant les fonctionnaires publics. Avant de déterminer la manière dont on traitera les fonctionnaires publics, il faut, à ce qu’il me semble, déterminer ce que l’on entend par fonctionnaires publics. Or, je déclare qu’un maréchal de France qui n’a pas de commandement, qui n’a point d’existence reconnue dans aucune partie du roya-sme, parce qu’il est maréchal de France, n’est pas fonctionnaire public. M. le Président, Ce n’est pas là la question. M. d’Estourmel. Je demande donc, non pas un ajournement indéfini, mais un ajournement après que l’Assemblée nationale aura statué srur le troisième titre de la loi des fonctionnaires publics. Je demande l’ajournement jusqu’après la discussion sur le projet de loi de la régence et des fonctionnaires publics. (L’Assemblée ferme la discussion et ajourne à quinzaine la proposition de M. Voidel.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité de Constitution sur la régence du royaume (1). M. Thouret, rapporteur. Nous arrivons, Messieurs, aux articles du projet de décret relatifs à l’élection du régent lorsqu’un parent du roi mineur ne réunirait pas les qualités requises. Voici ces articles : « Art. 6. Si un roi mineur n’avait aucuns parents réunissant les qualités ci-devant exprimées, le régent sera élu ainsi qu’il va être dit aux articles suivants. « Art. 7. Les citoyens actifs convoqués en assemblées primaires nommeront des électeurs conformément aux vingt premiers articles de la section première du decret du 22 décembre 1789. « Art. 8. Les assemblées primaires seront convoquées d’après une proclamation du Corps législatif, s’il est réuni; et, s’il était séparé, le ministre de la justice sera tenu de faire cette proclamation dans la première semaine du nouveau règne. « Art. 9. Les électeurs nommés parles assemblées primaires de chaque département se réuniront en une seule assemblée, et nommeront, au scrutin individuel et à la majorité absolue des suffrages, dix citoyens éligibles à l’Assemblée. « Art. 10. Les dix citoyens nommés en chaque département seront tenus de se rassembler dans (4) Voyez ci-dessus, séances des 22 et 23 mars 1791, pages 200 et 295. la ville où le Corps législatif aura tenu sa dernière séance, le 50a jour au plus tard, à partir de celui de l’avénement du roi mineur au trône; et ils y formeront le corps électoral, qui procédera à la nomination du régent. « Art. 11. L’élection du régent sera faite au scrutin individuel et à la majorité absolue des suffrages. « Art. 12. Le corps électoral ne pourra s’occuper que de l’élection, et se séparera aussitôt qu’elle sera terminée. » Il se présente sur ces articles la question de savoir si l’élection du régent sera faite ou par la nation au moyen direct et plus constitutionnel du corps électoral qu’elle nommera, ou si cette nomination sera déléguée aux législatures. C’est à cette question qu’il faut s’arrêter. Je répéterai simplement ce que j’ai exposé à l’Assemblée dans mon rapport, que nous n’avons pas cru que la nomination du régeat pût être attribuée au Corps législatif. Par la première raison, c’est qu’elle ne peut faire partie des fonctions qui lui sont confiées. Une législature sera un pouvoir constitué, cette législature n’a, par sa mission naturelle, que le pouvoir de faire des lois et autres actes de la législation, mais pas du tout celui de faire une élection qui appartienne directement à la nation. Il arriverait à la vérité, et vu les circonstances du fait, que la mission de nommer un régent entrerait trop rarement dans l’intention précise des électeurs qui nommeraient les députés au Corps législatif. On peut même prouver aisément que, lors de l’ouverture de la régence, le cas n’aurait pas même éié prévu au moment de la nomination. (Murmures.) Un Corps législatif qui a le droit d’élire le régent s’arrogerait le droit de déterminer les droits de la régence. De là une influence très préjudiciable aux droits de la nation, qui ne peuvent subsister que par l’équilibre parfait entre les deux pouvoirs législatif et exécutif. Je ne dis pas que le mode que nous proposons soit sans inconvénient; mais, dans la balance des inconvénients, s’il y a un grand principe qui doit dominer, c’est que le droit d’élire les fonctionnaires publics est le droit de la nation : c’est que le droit de la nation n’est pas délégable à un pouvoir constitué, quelque éminent qu’il soit; nous ne pouvons pas transiger sur ce droit-là. En conséquence, nous persistons dans le projet qui vous a été présenté de faire nommer le régent par le corps électoral. M. Gonpil-Préfeln. Messieurs, l’état actuel de la famille royale ne nous laisse encore voir que dans un lointain avenir, qui peut-être n’arrivera jamais, une régence à établir, sans qu’il y ait des personnes habiles à être insvesties légalement de l’auguste fonction de la régence du royaume. Mais, enfin, Messieurs, si le cas arrivait, quel serait le résultat, si dans plusieurs siècles il arrivait que personne ne se trouvât dans la famille royale en état d’exercer la régence d’un roi mineur, quel est le plan que l’on vous présente ? Une assemblée électorale formée dans tous les départements, plus considérable même en nombre que l’Assemblée nationale qui procéderait à cette nomination. Mais, Messieurs, a-t-on bien vu qu’une position aussi délicate, aussi critique, éveillerait bien des ambitions, mettrait en jeu tous les orages et toutes les passions! Et c’est au moment d’une fermentation pareille qu'il y aurait au sein de