[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. L Ainsi donc, Messieurs, puisqu’il est démontré que les déclarations des titulaires doivent donner une connaissance plus parfaite et plus exacte des biens du clergé, que celle de l’apposition des scellés suivis de l’inventaire, je conclus que, pour empêcher le divertissement des titres, et l’enlèvement des effets appartenant aux églises et sacristies, les titulaires des bénéfices, chefs de communauté et tous autres possédant biens ecclésiastiques, seront tenus de faire dans le plus bref délai leurs déclarations de toutes leurs possessions et effets dépendant des sacristies et églises de leurs bénéfices, ou maisons d’ordre, dont ils seront personnellement garants et responsables envers la nation. M. Target. 11 n’est pas question d’une prise de possession, mais d’un acte d’administration, d’inspection et de conservation. La motion de M. l’évêque d’Àutun n’est donc pas susceptible d’ajournement. M. l’abbé de Montesquiou. L’Assemblée a le droit d’ordonner l’apposition du scellé sur les chartriers et de faire faire l'inventaire du mobilier ; mais je pense que, si ces dispositions pouvaient être utiles, elles seraient déjà tardives, et qu’en montrant de la confiance, on empêcherait plus sûrement le divertissement que l’on paraît redouter. Ondemande l’ajournement de toutes les motions présentées dans le cours delà séance. M. Barnave.On vient de reconnaître que vous avez droit et intérêt à délibérer sur la conservation des biens ecclésiastiques ; on a dit qu’on avait eu le temps d’emporter des titres, c’est un fait qu’il faut empêcher au plus tôt de se reproduire, aussi je demande qu’on délibère sur-le-champ sur la motion de M. l’évêque d’Autun et qu’on ajourne les autres. La motion de M. Martineau est ajournée. M. le Président consulte l’Assemblée qui décide qu’elle délibérera immédiatement article par article sur la motion de l’évêque d’Autun. Les suffrages ont été pris sur l’ajournement du premier article de la motion ; l’Assemblée l’a ajourné. Sur le second article de la même motion, l’Assemblée a rejeté l’ajournement, et elle a décrété ce second article dans les termes suivants : « Les biens ecclesiastiques, les produits et récoltes, et notamment les bois, sont placés sous la * sauvegarde du Roi, des tribunaux, assemblées administratives, municipalités, communes et gardes nationales, que l’Assemblée déclare conservateurs de ces objets, sans préjudicier aux jouissances des titulaires ; et tous pillages, dégâts et vols, particulièrement dans les bois, seront poursuivis contre les prévenus, et punis sur les coupables, des peines portées par l’ordonnance JL des eaux et forêts, et autres lois du royaume ». Sur le troisième article, l’Assemblée a rejeté l’ajournement, et a décrété ce troisième article en ces termes: « Les personnes de toute qualité, o coupables de divertissement, soit d’effets, soit de titres attachés aux établissements ecclésiastiques, seront punies des peines établies par les ordonnances contre le vol, suivant la nature des circon-\ stances et l’exigence des cas. » ° Sur le quatrième article, l’Assemblée a de même rejeté l’ajournement, et a décrété ce quatrième article dans les termes suivants : ir* Série, T. IX. 1 r [9 novembre 1789.] 721 « Sans préjudice des poursuites qui seront faites par les officiers des maîtrises, dans les matières de leur compétence, les juges ordinaires sont tenus de poursuivre, par prévention avec les maîtrises, les personnes prévenues de ces délits, et donneront, ainsi que les procureurs du Roi des maîtrises, dans les matières de leur connaissance à l’Assemblée nationale, des dénonciations qui leur seront apportées, et des poursuites qu’ils feront à cet égard. » Sur le cinquième article, l’Assemblée a encore rejeté l’ajournement, et a décrété ce cinquième et dernier article de la première motion, ainsi qu’il suit : « Il sera particulièrement veillé par les officiers des maîtrises à ce qu’il ne soit fait aucune coupe de bois contraire aux règlements, à peine d’être responsables à la nation de leur négligence. L’Assemblée a ensuite été aux voix sur la proposition d’ajourner la motion de M. Treilhard relative à la suspension de la disposition des bénéfices autres que les archevêchés, évêchés, dignités et canonicats des églises cathédrales ; et elle a rejeté l’ajournement. Ensuite plusieurs amendements qui ont été successivement proposés ayant paru de nature à prolonger la discussion, il a été proposé d’ajourner la continuation de l’examen de la matière à lundi prochain à deux heures ; ce qui a été adopté. M. le Président a représenté que le règlement prescrivait à l’Assemblée de procéder aujourd’hui à la nomination d’un nouveau président et de trois secrétaires, dont le temps est expiré; mais l’Assemblée, ayant éprouvé l’embarras de faire des élections dans le local où elle se trouve maintenant, et l’heure étant d’ailleurs trop avancée, a arrêté qu’elle y procédera lundi, lorsqu’elle sera séante aux Tuileries. M. le Président lève la séance. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CAMUS. Séance du lundi 9 novembre 1789 (1). (Dans la salle du Manège aux Tuileries.) M. le Président a rendu compte de l’acceptation et de la sanction royale apposées aux décrets de l’Assemblée nationale. Il a été arrêté que, dans la formule des lois, les décrets de l’Assemblée seraient copiés sans intitulé ; qu’elles seraient envoyées au nom du pouvoir exécutif à tous les tribunaux et à toutes les municipalités, par les voies que le gouvernement jugerait à propos d’employer; qu’enfin le pouvoir exécutif se fera certifier l’envoi des lois, et qu’il en justifiera à la réquisition de l’Assemblée. Il a été pareillement arrêté qu’il serait délivré à chaque député une carte signée des secrétaires et destinée à constater sa qualité. 11 en sera remis d’autres pour faire reconnaîire les suppléants, les députés du commerce et ceux de la commune de Paris. Les billets d’entrée pour les personnes étrangères à l’Assemblée seront remis au secrétariat chaque jour, et délivrés sans distinction à (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 46 [Assamblée nationale.] ARCHIVES parlementaires. [9 novembre 1789.] 722 tous les députés, suivant l’ordre de leur inscription sur la liste. Un exprès de Vernon est venu demander samedi à M, le Président si la procédure prévôtale, faite d’après les anciennes formes, sur la sédition qui a eu lieu dans cette ville, est valable. M. le Président a répondu que cette procédure était nulle, puisqu’elle avait été commencée après la publication du décret rendu sur la procédure criminelle, L’Assemblée confirme cette réponse. On fait lecture d’un mémoire par lequel le chevalier de Villemotte représente que la translation de l’Assemblée au Manège lui fait perdre sa place d’écuyer, ses appointements et les avantages qu’il retirait de cet établissement ; il invoque la justice de l’Assemblée. Son mémoire est envoyé au comité des finances. Sur la lecture du procès-verbal, un membre observe qu’à l’article 1er de la motion de M. l’évêque d’Autun, il devait être ajouté après ces mots : sans préjudicier à la jouissance, ceux-ci : des titulaires. U est reconnu que cette expression ne devait point entrer dans l’article; mais l’Assemblée en décrète l’addition. On passe à l’ordre du jour, qui consiste dans la suite de la discussion du plan du comité sur la division du royaume. M. Pétion de Villeneuve. Depuis plusieurs jours nous agitons les questions les plus importantes; mais il serait difficile de parvenir à un résultat, si nous n’adoptions pas un ordre de travail. Je vous le proposerai ; mais avant tout, je vais vous communiquer rues réflexions. J’examinerai d’abord s’il est avantageux de diviser le royaume , tant pour les assemblées communales que pour les élections à l’Assemblée nationale. Ces divisions deviendront un jour utiles, soit pour le ressort des nouveaux tribunaux, des diocèses. On sait que les divisions actuelles sont on ne peut pas plus fautives ; et par la suite elles ne peuvent être convenables. Il s’agit donc de savoir en combien de parties vous diviserez le royaume. Le comité de constitution vous propose une division de quatre-vingts départements ; un autre plan vous propose une division de cent vingt. Je choisirais la première ; car la seconde est trop multipliée, trop coûtéuse, trop embarrassante pour les représentés. La correspondance serait trop difficile. Je passe à la seconde division, celle des assemblées communales qu’il faut établir dans chaque assemblée provinciale. Je pense, à la différence du comité, que ces assemblées varieront selon les localités, selon les villes, les bourgs, les villages plus ou moins considérables. 11 s’agit de savoir maintenant de quelle manière vous ferez ces arrondissements. Je pars d’un point : je suppose que vous preniez les généralités et les pays d’états; je suppose que vous déclarerez qu’il y aura dans telle généralité tant d’assemblées provinciales; les députés des généralités, des pays d’états, s’assembleront, fixeront les chefs-lieux des assemblées provinciales, détermineront l’arrondissement des assemblées communales. J’estime que les députés qui se trouveront dans ces assemblées se réuniront ensuite pour déterminer les cbefs�lieux des assemblées de districts. La seule difficulté sera pour les assemblées primaires ; et c’est ici que les choses deviennent plus minutieuses ; car il sera très-difficile de choisir le chef-lieu des assemblées primaires et de former des cantons. U serait avantageux que toutes ces opérations fussent faites par l’Assemblée ; car il faut, avaut d’organiser les municipalités, savoir comment les législatures seront composées, et sans doute vous' ne voulez vous retirer que quand vous aurez des successeurs nommés selon le nouveau régime. 11 n’y a qu’une difficulté: c’est celle de savoir si vous voulez franchir les limites des provinces. Il est très-nécessaire, vous a-t-on dit, de rompre les anciennes habitudes, les préjugés, il faut confondre les provinces. Ce raisonnement est spécieux. Les provinces ont été divisées, mais pourquoi? mais quelle en était la cause? c’était les immunités, les privilèges. Tel était le germe des divisions ; mais dès que le même régime sera uniforme pour toutes les provinces, ne craignez plus l’esprit particulier des habitants des provinces. Cependant si les habitants de ces provinces, pour gagner les chefs-lieux, sont obligés de faire trop de dépense; si la population l’exige, il faudra alors rompre les limites des provinces ; c’est un échange qu’il faudra faire de gré à gré. J’ai examiné la division des provinces; je vais maintenant examiner la constitution des assemblées, soit part rapport à l’Assemblée nationale, soit par rapport aux assemblées primaires. La division des opinions ne vient que parce que l’on a considéré les objets sous différents rapports. Sans doute vous laisserez, au moins pour la collecte des impôts, une municipalité à chaque bourg et à chaque village. Ceux qui connaissent l’administration des affaires savent combien il est difficile de faire des rôles dans les campagnes. Vous savez que les assemblées des départements sont nombreuses ; qu’elles s’assemblent comme les assemblées provinciales ; le moyen de remédier à ces inconvénients eût été de les admettre par égalité dans le nombre des personnes. Quant aux élections, le plan de M. de Mirabeau paraît le plus juste; les fractions qu’il vous présente sont également justes. Il s’agit de savoir si électeurs iront aux assemblées communales ou aux assemblées provinciales. Il me paraît que l’on est d’accord quant aux degrés de représentation, parce qu’il importe de rapprocher le représentant des représentés. Il s’agit de savoir si les électeurs iront à l’assemblée du district, et si là ils choisiront les députés à l’Assemblée nationale : mais il est possible que chaque district n’ait pas un député ou deux députés à nommer ; ou s’il ne faut pas que les électeurs de toute la province se réunissent, et j’insiste pour ce dernier parti. Maintenant il s’agit de savoir quelles seront les bases de la représentation. Le comité vous en propose trois. L’idée de ce comité est plus ingénieuse que solide : car il est impossible, d’après des bases irrégulières, de parvenir à un juste résultat; la base territoriale, la base de population, la base de contribution sont irrégulières, prises ensemble. Plus vous réunirez d’irrégularités, plus vous vous éloignerez du but. L’on convient que ce n’est pas le territoire ni la fortune qu’il faut représenter. Le droit de représentation est un droit personnel, c’est celui du citoyen. Le sol, dit-on, est plus ou moins fertile, telle ville est plus ou moins riche, tel canton est