[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 février 1790.] 041 celle-ci : qu’il faut accorder à chacun ce qui lui est dû, et qu’on doit à chaque religieux tout ce qui est nécessaire à ses besoins, même d’habitude. Ceux des religieux qui quitteront leur cloître pourront se rendre utiles à la chose publique, et l’on peut espérer que le plus grand nombre le deviendra, quoiqu’il soit malheureu-sement vrai que longtemps ils se sont abandonnés à l’oisiveté. Mais l’Assemblée serait injuste à leur égard si elle exigeait que, pour exister et pour subvenir à leur besoins, ils trouvassent des ressources dans leur travail. Il est une espèce de travail qui, réellement utile, n’a pas d’utilité certaine pour l’individu qui s’y livre etqui lui donne même des besoins.Un bénédictin, par exemple, qui a passé une partie de sa vie dans une bibliothèque, à rassembler les fruits du travail de ses prédécesseurs, et qui s’est livré à l’étude des sciences, peut rendre de grands services ; il serait affreux de le réduire à l’impossibilité de conserver ses habitudes avec les gens de lettres. Vous verrez une partie des jeunes religieux, heureux de vos décrets, se livrer à des travaux utiles à la Révolution : la constitution a encore des ennemis; elle aura longtemps besoin d’être défendue contre eux. — Il faut consacrer l’inégalité dans le traitement, et se réserver de statuer sur la quotité avec connaissance de cause. M. Lanjuinais. Vous avez prononcé la dissolution des ordres religieux : les monastères étaient des établissements publics ; les hommes qu’ils renfermaient ne sont que des individus ; il n’y a pas de différence entre le froc et le froc, entre le prêtre en fonctions et le prêtre sans fonctions. Il faut respecter ce que protégeait la loi; la loi n’assurait que l’habit, la subsistance, et non les abus. Si vous ménagez les anciennes habitudes, les sangsues publiques que vous devez dépouiller viendront aussi faire valoir leurs habitudes anciennes. On ferme la discussion sur le fond de la matière ; elle s’ouvre sur la manière de poser la question. M. l’abbé Maury. Je demande que la question soit ainsi posée : « Dans le traitement des religieux aura-t-on égard à la richesse des ordres et des congrégations? » M. Treilhard. Cette manière de poser la question est très habile, mais très insidieuse. En effet, elle tendrait à établir une proportion de traitement, d’après les richesses des religieux et à priver ainsi la nation de tous les avantages qu’elle espère retirer de la vente des biens ecclésiastiques. M. le Président annonce qu’on demande la priorité sur la motion tendant à établir une différence entre les religieux mendiants et les religieux non mendiants. La priorité est accordée à cette motion qui est adoptée ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale décrète que le traitement des religieux mendiants qui sortiront de leurs maisons, sera différent de celui des religieux non mendiants. » M. Le Chapelier. Messieurs, conformément aux ordres de l’Assemblée, votre comité de constitution vous apporte un projet de loi ayant pour lre Série. T. XI. objet d'arrêter les troubles qui se produisent dans les provinces. Il est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, instruite des désordres arrivés dans plusieurs parties du royaume, des excès commis contre les propriétés et les personnes, et des obstacles mis à la perception des impôts; « Considérant que le respect pour les personnes et les propriétés est la première loi sociale, et le paiement des impôts le premier devoir des citoyens ; « Que si les impôts indirects doivent être changés ou modifiés, ce n’en est pas moins une obligation de les payer tant qu’ils subsistent, et que leur paiement est devenu d’autant plus sacré que les représentants de la nation, en prorogeant les contributions publiques, en ont légitimé la perception ; « Considérant que la propriété de chaque citoyen doit être à l’abri de toute atteinte, et que les seuls ennemis du bien public ont pu exciter la fermentation qui se manifeste en divers lieux; « Considérant, enfin, qu’il n’y a point de liberté politique lorsque l’exercice du pouvoir militaire, dans l’intérieur de l’empire, n’est pas subordonné au pouvoir civil, mais qu’il n’y a point de sûreté pour les citoyens, lorsque la révolte contre la loi n’est pas réprimée à l’instant par une force légale ; et que le bonheur public, dépendant de la liberté et de la sûreté de tous, ne peut être affermi que par un ordre de choses qui concilie ces deux principes ; « A décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les officiers municipaux et les tribunaux de justice sont spécialement chargés de veiller au maintien de la tranquillité publique, à la conservation de la vie et des propriétés des citoyens, et de protéger la perception des impôts. Art. 2. « Lorsque le secours, soit d’une garde de milice nationale, soit d’une main-forte de maréchaussée, sera suffisant pour la défense des citoyens dont les biens ou la vie seront en danger, et pour le soutien des préposés troublés dans la perception des impôts, les officiers municipaux seront tenus d’accorder ce secours aussitôt qu’ils en seront requis, et même sans réquisition, aussitôt que le trouble sera parvenu à leur connaissance. Art. 3. « Dans tous les cas où la vie et les propriétés des citoyens seront menacées, où la perception des impôts directs ou indirects sera troublée par un attroupement séditieux, les officiers municipaux seront tenus de proclamer la loi martiale, et de se conformer exactement à ses dispositions, à peine d’être déchus de leurs fonctions et déclarés incapables de remplir aucun emploi de l’administration publique. Art. 4. « S’il arrivait que les officiers municipaux fussent convaincus d’avoir excité ou favorisé les troubles apportés à la perception des impôts, et les attroupements et émeutes, ils seront poursuivis extraordinairement, déclarés prévaricateurs dans leurs fonctions et punis comme tels. Art. 5. « Toutes les fois que l’emploi de la force armée sera nécessaire au rétablissement de la tranquillité publique, si les officiers municipaux négligent de requérir les chefs des milices nationales, des troupes réglées et de la maréchaussée, les officiers de justice, ou, à leur défaut, les notables du conseil de la commune, au nombre de quatre, ou à défaut de ceux-ci, les citoyens de la classe des éligibles, au nombre de huit, pour-41