720 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 juin 1791.] des délits ; c’est en appréciant les circonstances de chaque délit qu’on pourra se déterminer sur le genre de peine. Je demande donc qu'on passe au titre qui concerne les délits; ensuite, on discutera le titre des peines actutliement proposé par M. le rapporteur. M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Il faut définir les peines avant de savoir pour quels crimes elles seront prononcées. D’ailleurs la graduation que nous vous proposons n’exclut pas tous les autres genres de peines qu’on pourra proposer, lorsqu’il sera nécessaire d’en faire l’application aux délits. Je demande donc que le projet, dont je viens de vous donner lecture, soit mis aux voix article par article. (L’Assemblée décide que les dispositions proposées par M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, et relatives aux peines, seront d’abord mises en discussion article par article.) M. Le Pelletier-Saint-Fargeau. L’article premier est ainsi conçu : « Les peines qui seront prononcées contre les “ accusés trouvés coupables par le juré, sont la peine de mort, la chaîne, la réclusion dans la maison de force, la gêne, la détention, la déportation, la dégradation civique, le carcan. » Gomme il ne contient que l’énumération de toutes les peines, il ne pourra être mis en délibération que lorsque tous les autres auront été décrétés. L’article 2 n’est autre chose que la rédaction du principe que vous avez décrété ; le voici : Art. 2. « La peine de mort consistera dans la simple privation de la vie, sans qu’il puissse jamais être exercé aucune torture envers les condamnés. » (Adopté.) M. Le Pelietier-Saint-Fargean, rapporteur. Messieurs, vous avez posé le principe que la peine de mort existerait, mais quelle serait exempte de torture, et réduite à la simple privation de la vie; votre comité a donc nû. chercher le genre de mort qui faisait le moins souffrir le condamné. Il se trouvait partagé entre celui de la potence et celui de la décollation : La peine de la potence lui a paru être la plus longue, et, par com-équent, la plus cruelle. line autre considération a encore déterminé l’avis de votre comité, c’est que vous avez déjà énoncé votre vœu d’éloigner de la famille des condamnés toute espèce de tache ou d’infamie résultant des crimes d’un de ses membres. Or, en présence des préjugés actuels de l’opinion, le genre de supplice que nous vous proposons est celui qui dispose le plus les esprits à accueillir le principe qui est dans vos cœurs : il nous a donc paru que c’était la décollation que vous deviez adopter. Nous vous proposons, en conséquence, l’article suivant : Art. 3. « Tout condamné à mort aura la tête tranchée ». M. Chabroud. Il me semble que le comité défère à un préjugé qui n’existe plus. La décapitation exige beaucoup d’adresse. Elle peut exposer le condamné à des souffrances horribles. Je voudrais d’ailleurs que dans au une espèce de supplice il n’y eut du sang répmdu ; ce serait à mon avis le plus horrible spectacle à présenter au peuple que celui de la décollation. Je pencherai donc à préférer le supplice de Ja potence. M. Tuant de La Bouverie. Il faut un spectacle terrible pour contenir le peuple. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! M. Begnaud (de Saint-Jean-d’ Angély). Je demande que la discussion ne se prolonge pas sur un sujet aussi douloureux ; chacun doit trouver dans son cœur un motif de sa décision et je demande que l’on aille aux voix à l’instant. Il ne faut pas prolonger la peine que chacun de nous éprouve en ce moment. M. Coroller du lÜoustoir. Quand il s’agit d’arracher la vie, on ne peut pas penser à quelque douce manière; il faut bien que le cœur se ferme un instant pour prononcer la loi terrible que l’intérêt de la société demande au législateur. M. de Lachèze. Ce qui peut rendre plus douces ou plus atroces les mœurs du peuple n’est certainement pas un objet étranger à nos observations. Je demande que la discussion soit continuée, et je rappelle aux comités que, quand il s’est décidé à nous proposer pour l’exemple un appareil au supplice de la mort, il nous a dit qu’il y répugnait, parce qu’il ne fallait pas accoutumer le peuple à voir périr son semblable. Je lui demande si cette considération ne s’élève pas avec la plus graude force contre la décollation qu’il veut faire adopter : Accoutumer le peuple à voir ruisseler le sang de son semblable, n’est-ce pas faire croire au peuple irrité contre un coupable, qu’il ne peut se venger qu’avec son sang? Je demande donc que la peine de la décollation disparaisse ; que l’on choisisse la plus douce, la moins douloureuse, et nous nous réunirons tous pour l’adopter. Si le supplice de la potence paraît encore trop douloureux, je demande que le comité soit chargé de nous présenter un genre de mort plus doux. M. Boutteville-Dumetz . Nous partageons la sensibilité du préopinant, mais vous avez remarqué que le grand objet du comité était d’épargner au peuple des spectacles féroces et barbares. Il y a une expérience certaine, c’est que le supplice de la décollation exigera une très grande adresse. 11 y a des exemples où l’on a vu le supplicié exécuté avec beaucoup de maladresse. Je demande s’il peut ÿ avoir des spectacles plus propres à occasionner ia férocité des mœurs que celui où l’on est témoin d’un supplice de cette nature. Je crois qu’il faut inviter le comité à vous proposer une autre peine. Voix diverses : Oui 1 oui 1 — Non 1 non 1 M. Boutteville-Dumetz. Je m’élève de toute ma force contre le supplice de la décollation. M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur. Il est difficile de purifier par les expressions que l’on emploie et par les* objections que l’on fait une discussion de ce genre. Vos opinions sont partagées entre deux propositions : celle qui vous a été faite par M. Chabroud et celle du comité. Il faqt( d’abord juger la priorité.