16 juillet 1791.] 3 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « Art. 4. Après l'approvisionnement desdits départements et les fournitures qui doivent être faites aux Suisses, conformément aux traités, ce qui restera du sel fabriqué dans lesdiles salines sera vendu au profit de l’Etat. « Art. 5. A l’exception des bois actuellement exploités pour le service de la saline deMontmo-rot, il est provisoirement réglé qu’il ne sera employé à la cuite des sels de cette saline que la houille ou le charbon de terre, ou la tourbe, et en conséquence elle est déchargée du chauffage de la ville de Lons-le-Saunier. A l’égard du chauffage d’autres villes et communautés du département du Jura,ilensera provisoirement usé commedu passé, jusqu’à ce qu’il y ait été définitivement pourvu. » M. Gaultier-Biauzat. Le décret qui est proposé par le comité des domaines n’est autre chose que l’établissement d’un privilège pour une partie du royaume et le renversement des principes d’égalité et de liberté qui doivent être la base de notre nouveau régime. Avant de rien statuer à cet égard, l’Assemblée doit peser les avantages et les inconvénients qui en résulteraient. Je demande, en conséquence, l’impression et l’ajournement du rapport et du projet de décret, afin que les membres del’Assemblée puissent réfléchir sur les motifs quelconques de la mesure proposée. MM. Vernier et Pierre Dedelay ( ci-devant Delley d’Agier) soutiennent qu’il ne s’agit que d’un abonnement qu’ils considèrent comme nécessaire au maintien du commerce des fromages du Jura. Plusieurs membres appuient la motion de M. Gaultier-Biauzat. (L’Assemblée, consultée, décrète l’impression et l’ajournement du rapport et du projet de décret présentés par M. Christin.) M. Giraud-Duplessis, au nom du comité de judicature, propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, instruite par son comité de judicature qu’il n’existe aucun acte authentique d’acquisition ou de partage entre les cohéritiers de l’office de premier président à la ci-devant chambre des comptes de Grenoble, et considérant que cet office ne peut être comparé à aucun des autres offices de la même compagnie, décrète que ledit office sera liquidé conformément à l’évaluation qui en a été faite en 1771. ». (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Lecouleulx de Canteleu. Messieurs, j’ai à vous faire part d’un évènement arrivé dans la ville de Rouen. Vous savez que la ville de Rouen est un port réputé extrême frontière; que les vaisseaux qui partent de Rouen, quand ils sortent des ports, sont censés être en mer, quoiqu’ils aient encore la traversée d’environ trente lieues de rivière ; mais, munis de leur expédition, ils ne doivent plus être assujettis à de continuelles visites et de nouvelles perquisitions par-toutes les municipalités qui bordent la rivière. Un vaisseau français, V Africain, capitaine Quibel, partant de Rouen pour Hambourg, a été arrêté et conduit à Caudebec, où le peuple a exigé qu’on en fasse le déchargement, sous prétexte d’une délation d’un matelot qui disait y avoir des barils remplis d’or et d’argent. Je dois vous prévenir, Messieurs, que ce matelot, d’apiès les informations qui ont été prises juridiquement et les interrogations faites à tout l’équipage, ce même matelot, dis-je, s’est rétracté et a nié sa délation. Voici, à ce sujet, la lettre des administrateurs de la Seine-Inférieure à M. le président : « Monsieur le Président, « Nous avons l’honneur de vous informer des inquiétudes conçues par tous les citoyens qui occupent la rive de la Seine qui fait partie de notre département, relativement à un vaisseau arrêté d’abord par la municipalité de Caudebec, et maintenant au quai de Caudebec. Il paraît que les propos d’un matelot, qui les a rétractés ensuite, ont valu une certitude au peuple pour lui persuader que ce vaisseau renfermait de l’or et de l’argent. Les pièces jointes à cette lettre vous en informeront et vous en instruiront en même temps que de notre réponse au district de Gau-debec. Aujourd’hui, on insiste; on nous demande le déchargement; on nous prévient que, si le vaisseau poursuit son trajet, il sera arrêté à Quillebœuf. Dans cette position, Monsieur le Président, nous demandons les intentions de l’Assemblée nationale. Devons-nous faire partir le vaisseau? Devons-nous le faire décharger? « Dans le premier cas, vu l’opinion du peuple, nous seront contraints de déployer la force pour faire exécuter notre arrêté, et encore ne garantissons-nous le bâtiment que jusqu’à Quillebœuf qui est soumis à l’administration d’un autre département. « O, ms le second, nous attentons à la liberté du commerce, nous nous exposons aux frais inévitables du retard et du déchargement, et nous donnons lieu à toutes les demandes en indemnité que le capitaine pourra faire. » C’est à l’Assemblée nationale que nous avons recours dans cette circonstance. Nous la supplions de prononcer formellement ou le départ ou le déchargement; quel que soit son ordre, il sera exécuté. Nous désirons d’autant plus avoir un décret de l’Assemblée nationale, qu’il nous servira de règle de conduite en toutes les occasions semblables. « Signé : Les administrateurs du département de la Seine-Inférieure ». Messieurs, je crois qu’il serait convenable de vous donner lecture de la lettre que les administrateurs du département ont écrite au secrétaire du district de Caudebec : « Messieurs, « Nous avons senti toute l’importance de l’affaire que vous soumettez à notre décision, et la délibération que nous avons prise (celle de relâcher le vaisseau) est le résultat des plus mûres réflexions. C’est sans doute dans les circonstances, qui doivent avoir la plus grande influence, que l’administration doit faire céder la possibilité d’un inconvénient particulier au grand intérêt d’un mal général, destructeur de la tranquillité publique. « Nous avons considéré qu’il n’existe aucune preuve d’embarcation prohibée; qu’un seul individu n’a fait naître le soupçon que pour le dissiper aussitôt; que les connaissements pris sont aussi réguliers qu’ils peuvent l’être, puisque ceux dont le capitaineest porteur n’ont pas besoin d’être signés de lui. Nous avons pris, des préposés à la douane, tous les renseignements qu’ils pouvaient nous donner : il en est résulté que les -i pièces dont le capitaine est saisi s'accordent parfaitement avec leur déclaration, et le contenu en leur registre. Enfin, Messieurs, portant nos vues sur les conséquences qu’entraînerait la décharge entière du navire, car une décharge partielle ne prouverait rien, nous avons pensé qu’une démarche hasardée, dans la circonstance où nous nous trouvons, allait semer le long de nos côtes la méfiance et les soupçons, multiplier les entraves dans le cours du commerce, éloigner l’étranger de nos ports, et dégoûter le Français lui-même de sa propre patrie. « Le véritable intérêt de nos concitoyens nous a dicté le parti que nous avons pris. Que, tranquillisés sur nos sentiments et nos motifs, ils plaignent lesadministrateurs de ne pouvoir concilier, dans toutes les circonstances, avec les précautions de détail propres à éclairer et dissiper les moindres soupçons, les grands principes de la liberté. Quant aux étrangers qui ne s’embarquent pas sur notre teiritoire, vous n’avez aucune surveillance à observer; et nous ne doutons pas que vous ne preniez à leur égard les précautions prescrites par la loi. Signé : Les administrateurs du département de la Seine-Inferieure ». Messieurs, je dois aussi vous donner lecture des dépositions. (L’opinant fait lecture du procès-verbal des dépositions, desquelles il résulte que tous les matelots ignoraient s’il y avait de l’ur et de l’argent embarqués sur le vaisseau, et que le nommé Douar el, matelot, a dénié la prétendue déclaration qu’il avait laite, qu’il y avait des matièr s d’or et d’argent sur le vaisseau.) Je vous ai déjà dit qu’un vaisseau expédié du port de Rouen était censé en pleine mer, et ne pouvait plus être arrêté dans sa navigation, et voilà, d’après cette circonstance, le projet de décret que je devais vous soumettre. Auparavant, je crois devoir vous lire la lettre du directoire du district de Caudebec : « Messieurs, « La nécessité des circonstances, surtout celbs qui ont lieu depuis le départ de notre courrier, nous forcent de produire sous vos yeux les motifs qui nous ont engagés à vous écrire; nous vous prions, Messieurs, de remarquer qu’il ne s’agit pas ici d’un intérêt privé; mais au contraire de l'intérêt général, qui commande les plus grands sacrifices. « L’arrestation du vaisseau V Africain w'd, en lieu que d’après une dénonciation ; elle a été rétractée, à la vérité; il est possible, et nous le croyons, que cette dénonciation soit le fruit d'un mécontentement particulier; mais au moins elle a produit sur l’opinion publique l’effet qu’aurait produit la vérité même. Mais, devons-nous le dire, il n’est plus en notre pouvoir de faire rétrograder les esprits exaltés qui paraissent disposés à obtenir par la force ce que notre prudence leur a refusé. Jusqu’à présent, nous avions réussi à contenir l’impatience des citoyens. L’espérance d’avoir de vous une réponse favorable à leurs désirs, les avait décidés à attendre; mais depuis le départ de notre courrier les murmures augmentent. Déjà on nous rend l’objet de la censure, el, pour peu que la fermentation s’augmente, nous serons dans la triste nécessité de mettre en activité la force publique. 11 y a plus, nous sommes informés que les municipalités des côtes de la Seine sont armées, qu’elles attendent ce navire 16 juillet 1791.] au passage, et que bien certainement il n’échappera pas aux perquisitions qui seront faites. Si par événement Jes faits d’imputation se trouvaient vrais, l’administration compromise perdrai! nécessairement la confiance qui fait sa force. <- D’un autre côté, on dit que le commerçant français se dégoûterait de sa patrie : permette z-nous ne croire au contraire que le Français est trop brave et trop grand pour ne pas faire les sacrifices que le patriotisme exige, surtout lorsqu’il s’agit du repos et de la tranquillité de son pays. Le uiomentd’une crise violente, mais peu durable, ne sera pas pour lui un motif de découragement. « En revenant aux motifs de considération, il pourrait même se faire que le vaisseau contînt de l’or et de l’argent. Si le rapprochement de ces circonstances, l’intérêt du moment ne suffit pas pour déterminer l’administration à un examen rigoureux, qui, d’ailleurs, est l’objet d’une défiance et d’une suspicion générale, prendra-t-on le parti d’abandonner la surveillance, et de confier au hasard les résultats des événements que la sagesse doit prévenir? « Enfin, Messieurs, nous avons l’honneur cle vous assurer que malgré nos efforts le vaisseau sera déchargé dans sa rouie pour Quillebceuf. Si cette certitude ne nous détermine pas à presser qu’il soit déchargé ici, pour éviter le désordre qu’il éprouverait ailleurs, nous vous prions de vouloir bien prendre une. décision ostensible, afin que nous puissions la faire afficher : ce moyen étant Je seul qui puisse nous sauver des reproches qu’on nous prépare, et du danger qui nous menace; le temps presse, les moments sont précieux, et nous espérons que vous voudrez bien prescrire la conduite que nous devons tenir dans cette conjoncture délicate. » Plusieurs membres : Lisez la dénonciation! M. Lecontenlx de Canteleu. Voici le projet de décret que je propose : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture des dépêches des administrateurs composant la direction du département de la Seine-Inférieure, considérant que les vaisseaux partis des ports réputés extrêmes frontières, munis rie leur expédition en due forme, et naviguant pour leur destination, ne doivent pas être assujettis à de nouvelles visites ni à aucune inquisition qui nécessiteraient le déchargement, a décrété que le vaisseau français l'Africain , capitaine Quibel, parti de Rouen pour Hambourg muni de ses expéditions, maintenant détenu à Caudebec, sera relâché pour se rendre à sa destination. » Plusieurs membres : La question préalable! M. Ganltier-llianzat. Je crois qu’il faut au contraire rendre un décret qui contredise celui qui vous est présenté et je pense, conformément à l’avis du district de Caudebec, que le bâtiment doit être soumis à la visite à Caudebec. Le peuple argumente avec raison des décrets qui défendent l’exportation de l’argenterie et du numéraire hors du royaume; les directoires de district et de département annoncent qu’il y a du danger à ne pas calmer ses inquiétudes. D’ailleurs, l’Assemblée nationale, qui doit répondre par une vigilance nécessaire, plus que jamais, à la confiance que lui témoignent toutes les parties de i’Empire, ne doit pas laisser échapper cette occasion de faire exécuter la loi : toutes les circonstances présentes en demandent l’application. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES.