428 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 mai 1790.] senter pendant quinze jours ou trois semaines. (L’Assemblée le lui permet.) M. de Cernon, rapporteur du comité de constitution. Votre décret du 26 février dernier a donné aux électeurs du département des Ardennes, la faculté de délibérer sur la fixation du chef-lieu de département. Les électeurs, réunis à Mézières ont voté, à une très grande majorité, pour placer dans cette ville le chef-lieu de département, Gharleville restant chef-lieu de district. La ville de Sedan se plaint de la forme du scrutin et des moyens qu’on amis en usage pour fatiguer les électeurs, surtout ceux des campagnes qui étaient pressés de retourner à leurs travaux. Le comité de Constitution est d’avis que toutes les opérations ont été régulières, qu’il n’y a pas lieu de s’arrêter aux réclamations de la ville de Sedan et il vous propose de consacrer, par un décret, le choix fait par les électeurs des Ardennes. M. Mangin, député de Sedan. Depuis le traité de commerce avec l’Angleterre, le commerce de Sedan ne s’élève pas à dix millions et menace de tomber à six, tandis que s’il était protégé et encouragé il dépasserait vingt millions. Si vous enlevez à Sedan le directoire du département, vous consommez la ruine de cette ville. (On demande à aller aux voix.) Le projet de décret du comité de Constitution est adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport du comité de Constitution, confirmant le choix fait par les électeurs du département des Ardennes, en vertu du décret du 26 février dernier, décrète que l’assemblée du département des Ardennes se tiendra dans la ville de Mézières, et que la ville de Charleville demeurera définitivement chef-lieu de son district. » M. de Cernon. L’Assemblée a accordé à la ville d’Avail les la faculté d’opter entre le département de la Charente et celui de la Vienne. Elle a opté pour la Vienne et nous vous demandons de consacrer son choix par le décret suivant : « L’Assemblée nationale, confirmant l’option faite par la ville d’Availles, a décrété et décrète ue cette ville fera partie du département de la ienne et du discrit de Civray. » (Ce décret est adopté.) Sur la proposition du comité des finances, l’Assemblée adopte ensuite, sans discussion, un projet de décret qui permet à la ville d’Albi de faire un emprunt de 100,000 livres, afin d’acheter des grains pour la subsistance des habitants du Haui-Albigeois. Suit la teneur du décret adopté : « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, vu les délibérations prises dans le conseil général de la commune d’Albi les 27 mars et 25 avril derniers, autorise les officiers municipaux de ladite ville à faire l’emprunt de la somme de 100,000 livres pour être employée en achat de grains, et pourvoir à l’approvisionnement, tant des habitants, que des communautés du Haut-Albigeois, à charge et condition que le remboursement sera fait des deniers provenant de la vente, et que, dans le cas de perte sur le prix d’achat et frais accessoires, la somme qui se trouvera manquer sera prise : 1° sur les fonds provenant de ta vente des grains de l’année dernière ; 2° sur la masse des souscriptions faites par plusieurs habitants de ladite ville; 3° et, en cas d’insuffisance, sur les revenus annuels de la commune; de telle sorte que le remboursement à faire ne puisse donner lieu à aucune contribution nouvelle, directe ou indirecte, et, au surplus, sous l’obligation de rendre compte dans la forme ordinaire. » M. Decretot. Par un effet tout naturel de la confiance publique pour votre décret sur les assignats, tous les effets de la place ont remonté, et cependant l’argent s’échange toujours à un taux très cher contre les billets de caisse, c’est-à-dire qu’il coûte 4 à 4 et demi pour 100. Il y a, pour cela, une cause de détail que je crois devoir vous faire connaître. D’après votre décret du 15 du mois dernier, les billets de caisse, comme vous le savez, portent les mêmes intérêts que doivent porter les assignats contre lesquels ils doivent être échangés. Beaucoup de banquiers et de négociants (et je suis porté à croire que c’est le plus grand nombre), prenant l’esprit de votre décret comme il doit l’être, remettent en argent, à ceux qui les payent en billets de caisse, les intérêts échus depuis le 15 du mois dernier, jusqu’à l’époque où ils les reçoivent; mais beaucoup de banquiers aussi, cherchant à détourner le sens de ce même décret d’après leurs intérêts particuliers, ne veulent tenir compte de ces intérêts qu’en moins sur la somme qu’on leur paie en billets de caisse, c’est-à-dire que, si on leur remet 1,000 livres en billets de caisse, ils demandent 900 livres en billets de 2 et de 300 livres, avec l’appoint de 98 livres et tant de sous en argent, ou de 100 livres moins les intérêts dus sur les 1,000 livres de billets, et ils s’attachent si rigoureusement à la loi, ou plutôt à l’interprétation, que leur intérêt en a faite, qu’ils refusent de recevoir la somme entière en billets de caisse, lors même qu’on préfère la perte des intérêts à celle qu’il y a à éprouver sur un appoint qui coûte plus que ne vaut cet intérêt. Il résulte de là, qu’on est obligé de se procurer de l’argent pour tous les appoints ; qu’ainsi la somme de numéraire nécessaire pour la circulation est augmentée au delà du besoin réel, et que ceux qui vendent l’argent profitent de ce besoin pour faire payer ce numéraire à un prix immodéré. Je demande donc que, pour remédier à cet abus, qui est tout à fait opposé à vos bonnes et loyales intentions, vous décrétiez ce qui suit: « L’Assemblée nationale, considérant qu’elle ne peut donner trop d’attention aux abus qui occasionnent le renchérissement du numéraire, décrète que les intérêts échus de la somme qu’on paiera en billets de caisse seront remis en argent par ceux qui la recevront, tant que ces mêmes intérêts ne passeront pas 50 livres. » M. Dupont {de Nemours). Le comité des finances s’est occupé de cet objet ; il se proposait de vous en entretenir aujourd’hui; mais nous avons appris que les juges-consuls ont déjà rempli nos vues. Leur décision fait jurisprudence, et nous avons cru inutile de provoquer un décret à cet égard. (L’Assemblée renvoie la proposition de M. Decretot au comité des finances, pour en faire incessamment le rapport.) M. Dupont {de Nemours). La Caisse d’escompte est pressée par le public d’échanger les billets de 1 ,000 iîv. contre des billets de 200 et de 300 livq [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 mai 1790.] 429 la caisse a cru devoir demander l’autorisation des commissaires, qui n’ont pas cru devoir la donner sans consulter l’Assemblée. M. de Follevllle. Je demande qu’elle est la masse des billets de la Caisse d’escompte actuellement en circulation ? M. le duc de Fa Rochefoucauld, membre du comité des douze. Voici un état qui établit que le chiffre des billets en circulation s’élève à 169,124,000 livres. La nation doit à la Caisse 240 millions dont 170 millions, payables en assignats, vont retirer de la circulation les billets de la Caisse ; le restant delà dette nationale est payable en annuité. M. le Président métaux voix 1 e projet de décret proposépar le comité de l'aliénation des biens nationaux et de la surveillance de la Caisse d'escompte. Ce décret est adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale autorise la Caisse d’escompte à échanger pour douze millions de billets de 300 et 200 livres contre pareille somme de billets de 1,000 livres, à la charge de brûler lesdits billets del,000 qu’elle retirera de la circulation jusqu'à la concurrence desdits 12 millions, en présence des commissaires chargés de l’inspection de cet établissement, qui en présenteront le procès-verbal à l’Assemblée nationale. » M. Dupont (de Bigorre), membre du comité des finances, fait rapport que la commission intermédiaire du Bigorre ne s’occupe point de la confection des rôles des impositions, prétendant n’y être point autorisée; il propose, au nom du comité, un projet de décret que l’Assemblée adopte, et dont la teneur suit : « L’Assemblée nationale autorise la commission intermédiaire des ci-devant Etats de la province de Bigorre à faire, conjointement avec deux commissaires de chaque district, le rôle des impositions, tant de l’année 1790 que celui des six derniers mois desci-devantprivilégiésdel789,etàles rendre exécutoires ; eu conséquence, déclare qu’elle rend commuas à la province deBigorre les décrets rendus pour le Béarn, Navarre et autres pays adjacents, en tout ce qui est conforme aux anciens réglements de la province. » M. de ¥ïsmes. Vous avez renvoyé aux comités des domaines, des finances, du commerce et agriculture, une réclamation portée par des élus de la province de Bourgogne et par les administrateurs des établissements de Montcenis. Parmi les canaux déjà ouverts, celui du Gharo-lais est un des plus intéressants. A une demi-lieue de ce canal, s’est élevé le superbe établissement de Montcenis; le canal du Charolais s’exécutait alors . C’est sous l’assurance de l’achèvement de ce canal que les administrateurs ont formé ce grand établissement. Des emprunts successifs faits par la province de Bourgogne, ont fourni à la dépense de la confection du canal du Charolais ; il pourrait être navigable au mois d’octobre prochain, mais les fonds manquent en ce moment. Il est impossible que la province de Bourgogne ouvre un nouvel emprunt, puisqu’elle n’existe plus comme province. Si cependant, faute de fonds, les travaux sont suspendus, il se fera dans ce canal des in-combrements, des dégradations, qui doubleront la dépense; quinze cents ouvriers que ce canal emploie seront licenciés ; la manufacture de Montcenis sera peut-être obligée de congédier les siens : vous sentez quels seraient les inconvénients de ces circonstances fâcheuses, et quels avantages ils donneraient aux entreprises des ennemis de la Constitution. L’Etat perdra la somme de 60,000 livres, à laquelle s’élèvent les contributions auxquelles doune lieu l’établissement de Montcenis. Il ne s’agit pas seulement de l’intérêt de l’Etat comme actionnaire et comme créancier de la direction Saint-James; il ne s’agit pas seulement de l’intérêt d’un grand établissement, mais de l’intérêt d’une province qui attend la plus grande utilité de l’établissement du canal du Charolais. Il est impossible de continuer les travaux de ce canal, si l’Etat ne fait l’avance des fonds nécessaires ; ils ne s’élèvent pas à une somme très considérable : avec 600,000 livres on terminera tous les travaux. Nous avons prévu une objection. On dira ; Pourquoi donner une pareille somme pour l’utilité d’une province seule ? Je n’examine pas si ce canal sera seulement utile à la province ; le temps presse, la décision ne sera que provisoire ; je me contente d’observer, d’une part, qu’il est impossible de se procurer des fonds autrement, puisque la province de Bourgogne n’existe plus. Et, cependant, c’est à la fin de ce mois que les fonds manqueront. J’observe, d’une autre part, que cette somme ne sera qu’une avance, et que, par la suite, on verra qui doit la payer, et que rien ne préjugera la grande question de savoir si les travaux de navigation ne sont pas des travaux publics. Vos comités réunis vous proposent un projet de décret. M. de Follevllle. Il est étonnant qu’on fasse supporter au Trésor royal des dépenses particulières. M. Frfeot. Le gouvernement doit beaucoup à la province de Bourgogne ; il ne courra pas de grands risques en faisant une avance aussi peu considérable. M. Le Bois Desguays. Il est étonnant qu’on veuille diviser d’intérêt les départements, comme on divisait les provinces. Je soutiens, dans le point de fait, que l’utilité des nouvelles ressources et les nouvelles communications accordées au commerce refluent sur tout le royaume. M. Fréteau. Je demande si les comités se se sont concertés avec le premier ministre des finances, et si la somme de 600,000 livres entre dans les dépenses pour lesquelles on nous a demandé 20 millions ? M. de Vismes. Le rapport du comité a été communiqué au ministre, qui a approuvé toutes les dispositions du projet de décret. M. de Follevllle. Ne pourrait-on pas assigner le remboursement des 600,000 livres sur le canal lui-même, par un droit de péage? M. Dupont (de Nemours). L’Assemblée n’a point encore examiné la question de savoir si l’on doit mettre des péages sur les canaux ; la demande du préopinant est donc prématurée. Le projet de décret présenté par M. de Vismes, au nom des trois comités, est adopté en ces termes :