[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 octobre 1789.] 613 indiqué celle de demain pour neuf heures et demie du matin. * ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CAMUS. Séance du samedi 31 octobre 1789 (1). La séance a commencé par la lecture du pro-leès-verbal de celle du jour précédent ; cette lecture a été suivie de celle de plusieurs adresses de villes et municipalités du royaume, portant remerciements et félicitations à l’Assemblée nationale, et adhésion à ses décrets ; D’une adresse des officiers de la sénéchaussée rdes Lannes, séant à Saint-Sever-Cap, contenant une délibération du 25 septembre dernier, par jaquelle ils s’engagent à distribuer la justice gratuitement ; D’une délibération de la communauté de Saint-André de Valborgne en Gévennes, contenant félicitations, remerciements et adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale, notamment à celui concernant la contribution patriotique du quart des ’ revenus de chaque citoyen ; D’une délibération des officiers du bailliage et æt siège présidial de Vesoul en Franche-Comté, où ils adhèrent de même audit décret concernant ta contribution patriotique ; D’une délibération du même genre du siège prévôtal de ladite ville ; D’une délibération de la ville de Saint-Marcellin en Dauphiné, où elle renouvelle son vœu d’adhésion sans réserve à tous les décrets de l’Assem-►,blée nationale, et arrête que son député aux Etats de la province, et celui du doublement, attendront que leur convocation soit confirmée par un décret de l’Assemblée nationale, sanctionné par le souverain, avant de se rendre à l’assemblée extraordinairement convoquée à Ro-mans le deux du mois prochain ; D’une adresse et délibération de la ville de Joinville en Champagne, contenant félicitations, remerciements et adhésion aux décrets de l’Assemblée, notamment à celui qui invite tous les �habitants du royaume à la contribution patriotique du quart de leur revenu ; y joint un arrêté du comité permanent pour arrêter les fraudes des droits sur le sel et le tabac, et un mémoire tendant à obtenir une juridiction royale an lieu de la justice seigneuriale qui se trouve supprimée ; D’une délibération du même genre de la ville �.de Fumay. Les habitants déclarent qu’ils regarderont toujours comme un devoir inaltérable de sacrifier jusqu’à la dernière goutte de leur sang pour le maintien de la liberté de la nation, et de F autorité légitime d’un Roi qu’ils adorent comme le plus beau présent que la Divinité ait jamais pu leur faire. La municipalité offre, comme don patriotique, la somme de 1,200 livres qu’elle avait obtenue du gouvernement pour le �soulagement des malheureuses familles que la rigueur du froid avait affligées ; D’une adresse de félicitations, remerciements et adhésion de la ville d’Eu, qui demande une (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. justice royale ; y joint un arrêté pour proléger la perception des impôts, et un mémoire sur la formation de sa milice bourgeoise. D’une délibération de la ville de Donzy en Nivernais, par laquelle, en persistant dans celle du 6 du mois dernier, où elle souscrit à tous les décrets rendus et à rendre par l’Assemblée nationale, elle ratifie spécialement le décret du 6 du présent mois, concernant la contribution patriotique, et renonce au remboursement promis aux contribuants. Et enfin, des délibérations du comité de Saint-Péray en Vivarais, contenant plusieurs observations sur les décrets de l’Assemblée nationale, relativement à sa permanence, à la sanction royale, et à la contribution du quart des revenus. M. le président a annoncé que M. Sabathier, conseiller-administrateur d’une municipalité de Bourgogne, a fait hommage à l’Assemblée nationale d’un ouvrage intitulé : Vues consolantes et impartiales ; que M. Fenouillot de Falbaire a présenté un mémoire concernant les finances, qui va être distribué dans les bureaux ; et que M. Prieur, graveur, a fait don d’une estampe allégorique sur le rétablissement de la paix. M. le Président annonce que M. Sancy père, député de Chalon-sur-Saône, demande à être remplacé par son fils, élu pour suppléant, dont les pouvoirs ont été vérifiés. L’Assemblée admet M. Sancy fils, à la place de son père. M. le Président, s’apercevant que l’extinction de sa voix le met hors d’état de remplir ses fonctions dans le cours de la séance, se fait remplacer au fauteuil par M. Fréteau, ex-président. . PRÉSIDENCE DE M. FRÉTEAU. On lit une lettre de M. le maréchal de Castries à l’Assemblée nationale, ainsi conçue : « Messieurs, la dignité dont je suis revêtu, le ministère que j’ai exercé, et dont je suis prêt à rendre compte, le respect que j’ai pour les décrets de l’Assemblée, exigent de moi que je vous prévienne que je suis forcé de m’éloigner pendant quelque temps. Madame la maréchale de Castries désire consulter M. Tissot. Nous allons à Lausanne, et je serai prêt de revenir pour donner à l’Assemblée tous les renseignements nécessaires dans mon administration, et qui pourront être utiles à la nation et au Roi. « Signé : le maréchal de CASTRIES. » M. le marquis de Foucault demande que les membres aient la permission de se couvrir 1a. tête, permission nécessaire aux vieillards et à ceux qui ont contracté cette habitude. L’observation de M. de Foucault est trouvée juste et accueillie. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion sur les notions relatives à la propriété des biens ecclésiastiques. M. le duc de La Rochefoucauld demande la parole sur l’ordre du jour. M. le duc de La Rochefoucauld (1). Mes-(1) La motion de M. le duc de La Rochefoucauld est incomplète au Moniteur. 014 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 octobre 1789.] sieurs, si j’ai demandé la parole sur l’ordre du jour, ce n’est pas pour l’interrompre, mais seulement pour vous observer que la question qui vous est soumise a été discutée avec étendue et profondeur pendant six séances tant à Versailles qu’à Paris ; que la France en attend avec impatience la décision, et que cette décision intéresse le plus peut-être ceux qui semblent la craindre. Je ne dirai rien sur le principe de la 'propriété des biens du clergé qui me paraît avoir été suffisamment traité ; mais j’attirerai votre attention sur un autre principe collatéral à celui-là, et sur lequel les préopinants me semblent ne s’être pas assez expliqués. Un grand ministre, dont le nom prononcé hier avec respect a été très-indécemment relevé, M. Turgot, de qui je me ferai toujours gloire d’avoir été le disciple et l’ami, bien convaincu que la nation peut disposer des biens de tous les corps qui n’existent que par sa volonté, M. Turgot, Messieurs, était également convaincu que la jouissance usufruitière appartenait aux titulaires actuels et que le droit public du royaume et surtout la bonne foi la leur assuraient, à la déduction seulement des charges tant publiques que particulières dont ces sortes de biens peuvent être tenus. Un Etat de qui la France aurait dû plutôt être le modèle que l’imitatrice, la Pologne, qui vient cette année même de prononcer un décret semblable à celui qu’on vous propose, a conservé les droits des titulaires actuels. Je n’examine point le plan des finances proposé par M. de Talleyrand, évêque d’Autun; lorsqu’il sera soumis à la discussion, j’aurai mon avis, et peut-être penserai-je que la vente des biens ecclésiastiques ne doit être faite qu’à mesure des extinctions, et qu’en économie politique comme en finance, cette opération faite successivement sera préférable à une vente totale et simultanée des biens du domaine et des biens ecclésiastiques ; mais aujourd’hui je dois me borner à vous proposer de décréter le principe de la propriété des biens du clergé , et à solliciter votre sagesse et surtout votre justice pour le principe du droit des titulaires actuels . J’ai donc l’honneur de vous proposer la motion suivante : Que l’Assemblée nationale statuera aujourd’hui sans désemparer sur l’objet de la discussion actuelle. Et j’adopte la motion telle qu’elle vous a été présentée par M. Thouret, en vous proposant d’y ajouter : 1° Que le traitement des curés, outre le logement et le jardin, sera au moins de 1,200 livres évaluées en grains sur le prix moyen depuis 10 ans; 2° Que le taux numérique de ce traitement augmentera par la suite à proportion de l’augmentation du prix des grains ; 3° Qu’à l’égard des évêques et autres bénéficiers, si la vente des biens ecclésiastiques était ordonnée avant l’extinction des titulaires actuels, il sera fixé à ces titulaires un traitement honorable et proportionné, tant à l’importance de leurs fonctions qu’à la valeur de leurs bénéfices ; 4° Que tous les ordres religieux seront incessamment supprimés ; 5° Que les religieux et religieuses recevront une pension convenable et proportionnée aux facultés de l’ordre et qu’il sera assigné des maisons où ceux et celles qui voudront continuer à vivre en commun pourront se réunir; 6° Qu’aussitôt ce décret rendu, l’Assemblée ordonnera que les scellés soient apposés sur tous les chartriers ecclésiastiques. M. de Béthisy de Mézières, évêque d’Uzès, rejette cette proposition, en observant que l’Assemblée ne peut pas savoir si dans la suite on ne présentera pas la question sous de nouveaux points de vue qui pourraient rendre nécessaire une plus longue discussion. MM. de Lameth et Mougtns de Roquefort s’opposent à cette opinion. M. le marquis de Criilon. Sur l’observation faite par un des secrétaires, que cinquante personnes ont demandé la parole, je pense qu’il serait convenable d’autoriser le clergé à choisir des défenseurs auxquels un nombre égal de membres répondraient. M. l’abbé d’Eymard rejette cette motion, parce que la question que l’on discute n’intéresse pas seulement le clergé, mais toute la nation. On demande la division de la motion de M. le duc de La Rochefoucauld. M. le Président consulte l’Assemblée sur la première proposition seulement tendant à rendre un décret, dans la séance de ce jour, sur la question des biens ecclésiastiques. L’Assemblée décide que le décret sur la propriété des biens ecclésiastiques sera rendu aujourd’hui. ' . La discussion est ouverte sur les diverses motions précédemment faites sur cette question. M. Jallet, curé de Chérignè (1) . Je ne conçois pas qu’une propriété puisse appartenir à un corps, encore moins au grand corps de la nation. Le souverain ne peut posséder des biens, mais il peut présider à leur usage et en régler la destination. Ce n’est donc pas comme propriétaire, c’est comme souverain que la nation disposera des biens du clergé. Leur emploi est un objet très-urgent, car les décimateurs chargés des portions congrues ont déclaré qu’au premier de janvier prochain ils n’en payeraient plus aucune; il faut donc prendre des précautions pour cette époque. Je propose de décréter les articles suivants : Art. 1er. La nation, à raison du droit de souveraineté, peut et doit faire l’application des biens ecclésiastiques de la manière la plus avantageuse à la société. Art. 2. La dépense nécessaire pour l’entretien décent du culte public, et pour la dotation honnête des ministres, est une dette nationale privilégiée dont l’Assemblée assurera l’acquittement pour le 1er janvier prochain. Art. 3. La nation, en qualité de souverain, peut et doit supprimer tous les établissements religieux inutiles; ainsi l’Assemblée ordonnera provisoirement : 1° Qu’il ne sera point nommé aux bénéfices simples qui vaqueront par la suite, et que ces sortes de bénéfices seront supprimées à la première vacance; 2° Que le Roi sera supplié de ne plus nommer aux abbayes et aux prieurés en commende, et de différer la nomination aux églises cathédrales, (1) La motion de M. Jallet n’est pas exactement reproduite au Moniteur.