[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 septembre 1790.) Kejg M. Bouche propose un autre amendement ayant pour objet de fixer les assemblées de département. M. Féraud objecte que la question est déjà résolue par l'Assemblée et que par conséquent il ne peut y avoir lieu à délibérer. M. Malouet appuie le projet du décret présenté par le comité de Constitution et parle en faveur de la ville de Toulon. Ce projet de décret est mis aux voix et adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Constitution, décrète que la ville de Toulon est le siège du directoire du département du Var. » M. le Président. J’ai reçu de M. Necker, premier ministre des tinances, une lettre dont il va être donné lecture, et qui annonce sa retraite. Cette lettre est ainsi conçue : « Messieurs, ma santé est depuis longtemps affaiblie par une suite continuelle de travaux, de peines et d’inquiétudes; je différais cependant d’un jour à l’autre d’exécuter le plan que j’avais formé de profiter des restes de la belle saison, pour me rendre aux eaux, dont on m’a donné le conseil absolu. N’écoutant que mon zèle et mon dévouement, je commençais à me livrer à un travail extraordinaire, pour déférer à un vœu de l’Assemblée, qui m’a été témoigné par le comité des finances; mais un nouveau retour, que je viens d’éprouver, des maux qui m’ont mis en grand danger cet hiver, et les inquiétudes mortelles d’une femme aussi vertueuse que chère à mon cœur, me décident à ne point tarder de suivre mon plan de retraite, en allant retrouver l’asile que j’ai quitté pour me rendre à vos ordres. Vous approcherez, à cette époque, du terme de votre session, et je suis hors d’état d’entreprendre une nouvelle carrière. « L’Assemblée m’a demandé un compte de la recette et de la dépense du Trésor public, depuis le 1er mai 1789 jusqu’à mai 1790. Je l’ai remis le 21 juillet dernier. « L’Assemblée a chargé son comité des finances de l’examiner, et plusieurs membres du comité se sont partagé entre eux le travail. Je crois qu’ils auraient déjà pu connaître s’il existe quelque dépense ou quelque autre disposition susceptible de reproche, et cette recherche est la seule qui concerne essentiellement le ministre, car le calcul du détail, l’inspection des titres, la révision des quittances , ces opérations nécessairement longues, sont particulièrement applicables à la gestion des payeurs, des receveurs et des différents comptables. « Cependant j’offre et je laisse en garantie de mon administration ma maison de Paris, ma maison de campagne, et mes fonds au Trésor royal; ils consistent depuis longtemps en2, 400,000 livres, et je demande, à retirer seulement 400,000 livres dont l’état de mes affaires, en quittant Paris, me rend la disposition nécessaire; le surplus, je le remets sans crainte sous la sauvegarde de la nation. J’attache même quelque intérêt à conserver la trace d’un dépôt que je crois hono-rable pour moi, puisque je l’ai fait au commencement de la dernière guerre, et que, par égard pour les besoins continuels du Trésor royal, je n’ai pas voulu le retirer au milieu des circonstances ies plus inquiétantes, où d’autres avaient l’administration des affaires* « Les inimitiés, les injustices dont j’ai fait l’épreuve m’ont donné l'idée de la garantie que je viens d’offrir; mais quand je rapproche cette pensée de ma conduite dans l’administration des finances, il m’est permis de la réunir aux singularités qui ont accompagné ma vie. Signé : NECKER. » P. S. de la main du premier ministre des finances. « L’état de souffrance que j’éprouve en ce moment m’empêche de mêler à cette lettre les sentiments divers qu’en cette circonstance j’eusse eu le désir et le besoin d’y répandre* » Mi Gaultier de Biauzat. C’est ici le moment de charger les comités des finances et de Constitution de présenter un projet de décret pour l’organisation et la direction du Trésor public, qu’il convient enfin de prendre en main. (On demande l’ajournement.) M. Begnaud, (de Saint-Jean-cPAngêly). J’ai entendu demander l’ajournement et je m’y oppose. On ne vous a pas proposé de vous décider sur-le-champ à donner une forme nouvelle à l’administration du Trésor, mais d’ordonner à vos comités de Constitution et des finances de vous présenter un plan à cet égard, ce qui est en soi un véritable ajournement. Vous avez dû, Messieurs, d’après votre confiance et celle de la nation dans la pureté des mains qui puisaient au Trésor public, ne prendre aucunes mesures nouvelles pour assurer la comptabilité; mais au moment où le ministre des finances se retire, vous devez assurer la nation que toute dilapidation, tout désordre sera prévenu par l’organisation que vous décréterez. Je demande que la motion de M. Biauzat soit mise aux voix. La proposition de M. Gaultier de Biauzat est adoptée en ces termes : «• L’Assemblée nationale charge ses comités des finances et de Constitution réunis de lui présenter incessamment un projet de décret pour l’organisation et la direction du Trésor national. » M. le Président. L’ordre du jour est là suite des rapports du comité des finances sur toutes le » parties des dépenses publiques. ENSEIGNEMENT PUBLIC. M. Februn, rapporteur. L’éducation publique n’est point étrangère aux finances; la meilleure pourrait bien être encore la plus économique. On va hasarder quelques idées sans prétendre mettre la faux dans la moisson d’un autre comité. Nous n’avons jamais eu d’éducation nationale, ni même d’éducation publique. Quelques établissements, disons-le hardiment, trop d’établissements offrent une instruction partielle à quelques professions particulières. La partie morale a été jusqu’ici, dans ces établissements, ce qu’elle devait être sous une monarchie absolue. Des maîtres y commandent avec empire* et les enfants reçoivent à crédit leurs opinions et leurs mœurs. La crainte y est le grand ressort ; et l’esprit de servitude ou d’indépendance a dû être jusqu’à présent le résultat ordinaire. Si vous voulez avoir des citoyens, il faut qne vos enfants mêmes vivent en citoyens, qu’ils s’accoutument à commander pour s’accoutumer à obéir, qu’ils se fassent eux-mêmes leurs lois* leurs opinions, leur morale; que vos instituteurs ne les dirigent «60 (Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (4 septembre 1790.] que de loin, et presque sans qu’ils s’en aperçoivent. Ne craignez pas que la morale ne se développe pas assez, qu’elle perde de sa rectitude : c’est du choc des intérêts que se compose sa véritable direction ; c’est dans le mouvement et l’action générale qu’elle se façonne et s’épure. Le grand art de vos maîtres doit être d’entourer vos enfants de circonstances où ils soient forcés de raisonner et d’agir, de leur offrir des difficultés à vaincre et la gloire après les avoir vaincues. C’était dans les exercices et les jeux que les jeuoes Spartiates se dressaient à la discipline de Lycurgue, et que la Constitution de leur patrie passait dans leur tempérament : vous n’aurez de patrie, vous n’aurez de constitution, que quand vous les aurez mises dans les habitudes de vos concitoyens. Que votre société naissante soit en tout l’image de celle que vous venez d’organiser ; qu’elle ait ses officiers, ses administrateurs, ses fonds communs, ses juges; et elle vous formera des soldats, des financiers, des magistrats et des législateurs : des orateurs, des négociateurs, vous n’en manquerez pas davantage. Il faudra bien qu’ils apprennent à manier les passions et à concilier les intérêts. De la science, ne les en tourmentez pas. L’émulation, l’ardeur de se distinguer, feront plus en un mois, sur des enfants de dix ans que les bonbons, les menaces et le fouet sur des poupées de quatre : alors vous trouverez, dans vos élèves, des instituteurs pour vos élèves, et l’étude deviendra une partie de leurs jeux. Que si vous portez vos vues jusqu’à l’héritier du trône, vous lui appliquerez encore ces principes d’éducation publique, vous associerez à ses exercices et à ses jeux l’élite de votre jeunesse. Dans les différentes divisions d’enfants de son âge, il en sera choisi chaque semaine un certain nombre des plus sages, des plus instruits, pour les approcher ue lui. Ils formeront sa cour et sa garde, ils l’entoureront des vertus de son âge, et il sentira à chaque instant la nécessité d’être plus vertueux que ceux auxquels il doit commander. On observera que les fonds destinés aujourd’hui à l’enseignement sont dispersés sur differentes caisses et différentes natures de revenus, sur les postes, sur les recettes générales, sur les fermes et sur les domaines; on trouvera des écoles d’équitation mêlées avec des écoles d’institution publique ; le collège de Louis-le-Grand, très riche et très favorisé, jouit de 15,600 livres, à titre d’indemnités des droits d’entrée sur les vins, etc. Le comité a pensé que les écoles d’équitation ne devaient point être entretenues aux dépens de la nation, que le collège de Louis-le-Grand ne devait jouir d’aucune indemnité particulière ï voici, en conséquence, le décret qu'il à l’honneur de vous présenter : ENSEIGNEMENT PUBLIC. « Art. 1er. La somme de 15,600 accordée au collège de Louis-le-Grand sera supprimée de la dépense du Trésor public. « Art. 2. Les sommes payées aux divers collèges et universités de provinces sur les domaines et bois, sur les recettes générales, sur la ferme générale, seront, à compter du Ie' janvier 1791, assignées sur la recette des districts respectifs auxquels ces établissements appartiennent. «Art. 3. Pour cet effet, il sera, dans le délai d’un mois, dressé et arrêté au conseil du roi des états desdites sommes par départements. « Art. 4. Ges états seront ensuite remis au comité des finances qui en rendra compte à l’Assemblée; et sur un décret sanclionné par le roi, les états seront respectivement adressés aux directoires des départements, pour en faire la distribution sur les recettes des districts où seront situés les établissements auxquels ces sommes seront dues. « Art. 5. La distribution faite, les directoires des départements en adresseront deux états dûment certifiés au ministre des finances, qui remettra l’un au dépôt de l’administration, l’autre au Trésor public. « Art. 6. Chaque année les receveurs de district remettront au Trésor public, en déduction de leur recette, l’état des payements qu’ils auront faits desdites sommes sur le vu des quittances par le directoire du district. « Art. 7. Il ne sera accordé aucuns fonds pour les écoles d’équitation, à compter du 1er janvier 1791. « Art. 8. Il sera payé provisoirement une somme de 15,600 livres par an à l’école gratuite de dessin de Paris, à compter du 1er octobre prochain. M. Gosgin présente une motion pour l’établissement d’écoles nationales. (Voy. ce document annexé à la séance de ce jour.) Plusieurs membres proposent d’aller aux voix sur les articles du comité. M. le Président met successivement aux voix ces huit articles. Ils sont adoptés. INSTRUCTION DES SAGES-FEMMES. M. Lebrun, rapporteur. L’instruction des sages-femmes est une partie importante de l’enseignement public; mais il faut que cette instruction se trouve partout, et ce n’est pas un seul individu qui peut la répandre dans tout le royaume. Chaque département doit avoir la sienne; ce n’est que par là qu’elle sera réellement utile. Ce n’est plus alors une charge nationale, mais une charge propre à chaque département; elle doit être acquittée ou par les départements, sur des fonds particuliers, ou sur la portion de fonds publics qui seront destinés aux dépenses de l’éducation publique. L’article de 5,500 livres ne peut être regardé désormais que comme un traitement particulier; et c’est au comité des pensions d’en proposera l’Assemblée, ou la conservation, ou la suppression, ou la réduction, lin conséquence, nous vous proposons le renvoi au comité des pensions. (Cette proposition est adoptée.) M. Camus présente des observations relativement à Mmes de Coudray et du Gontenceau; l’Assemblée nationale décrète que la dame du Gou-drav sera renvoyée au comité des pensions sur les demandes qu’elle pourra y présenter ; qu’à l’égard de la dame de Gontenceau, son traitement lui sera conservé par provision, à la charge par elle de continuer ses instructions, aussi par provision ; et les comités de Constitution et de mendicité sont chargés�e présenter à l’Assemblée un plan pour l'instruction des sages-femmes dans les départements. BATIMENTS EMPLOYÉS AU SERVICE PUBLIC. M. Lebrun, rapporteur. Tous les articles de