470 [Assemblée nationale.] AKCHIVES PARLEMENTAIRES. [1" septembre 1790.] M. le Président. Je viens de recevoir une lettre du ministre de la guerre , concernant l'insurrection militaire de Nancy. J’eD donne lecture. (Un profond silence s’établit.) « Taris, le 31 août 1790, à minuit. « Monsieur le Président, « Depuis les détails affligeants que j’ai eu l'honneur d’adresser à l’Assemblée nationale, sur l’insurrection de la garnison de Nancy, M. Pecbelo-che, aide-major de la garde nationale parisienne, est arrivé à l’instant de Nancy et je ne perds pas de temps pour rendre compte à l’Assemblée nationale de la position des choses au moment de son départ. Par une lettre du 30 août, dont M. de Bouille a chargé pour moi M. Pecheloche à son passage à Toul, ce général me mande que les troupes qu’il avait rassemblées paraissaient dans les meilleures dispositions pour faire exécuter les décrets de l’Assemblée nationale, mais qu’il apprend que les carabiniers venaient tout à coup de changer, et qu’ils ont livré M. de Malseigne à la garnison de Nancy. « M. de Bouillé craint qu’une pareille nouvelle n’influe infiniment sur l’esprit des troupes qui sont avec lui. Il leur a fait lire, dans la matinée du 30, une proclamation qu’il m’envoie et dont j’ai l’honneur de joindre ici une copie. lia dû, dans la matinée du 31, réunir les troupes avec les gardes nationales à Frouard, sur la route de Pont-à-Mousson, leur lire le décret de l’Assemblée nationale, sanctionné par le roi, et voir, d’après leurs dispositions mutuelles, s’il peut espérer l'exécution du décret ou s’il doit renvoyer les troupes dans leurs garnisons respectives" Il regarde celte démarche comme le dernier essai à tenter pour parvenir à remettre l’ordre et la discipline dans l’armée, ainsi que le prescrit le décret de l’Assemblée nationale, sanctionné par le roi. « Tous ces détails m’ont été confirmés par M. Pecheloche, qui a vu M. de Malseigne, amené à Nancy par des carabiniers, au moment où il en partait pour se rendre à Paris. « Je suis, etc. « Signé : La ToüR-DU-Pin. » Extrait de la proclamation de M. de Bouillé. Toul, le 30 août 1790. « La nation, la loi et le roi. Nous, François-Gharles-Amour de Bouillé : la garnison de Nancy ayant désobéi au décret de l’Assemblée nationale du� 6 août, ayant usé de violence contre leurs officiers et contre l’officier général chargé des ordres du roi, le régiment de Châteauvieux ayant surtout rompu tous les liens de la discipline et de l’obéissance; des cavaliers de mestre de camp ayant poursuivi M. de Malseigne le sabre à la main, etc-, eic. Etant nécessaire de réprimer de pareils excès, en vertu d’un décret de l’Assemblée nationale du 16 août, qui ordonne d’employer tous les moyens de la force arméé; ordonnons aux troupes de marcher, à l’heure qui sera indiquée, pour contraindre, par la force, les soldats rebelles aux lois; invitons les gardes nationales de Nancy, les bons citoyens et les soldats fidèles à se réunir à nous. » M. d’André. M. Pecheloche, l’officier de la garde nationale parisienne, dont on a cité le nom, est dans cette enceinte. Je propose de l’entendre à la barre. M. le Président s'adressant à M. Pecheloche. L’Assemblée désire entendre de votre bouche le récit des faits dont vous avez été le témoin. M. Pecheloche. Je suis parti le 19 avec deux des huit soldats députés par le régiment du roi, afin de tranqui liser la garnison de Nancy. Un arrêté des comités militaire, des rapports et des recherches m’avait donné cette mission que le roi avait approuvée. Nous sommes arrivés le samedi 21 à six heures du soir. Au dehors, l’ordre public était parfait; on nous a dit qu’il n’avait jamais été troublé, mais qu’on avait de grandes inquiétudes sur les mouvements de l’insurrection : nous avons été reçus avec les plus vives acclamations. On avait dédite que les députés du régiment du roi avaient été pendus à Paris. Le lendemain, on nous a fait des fêtes : je me suis rendu au département de la garde nationale, où étaient les députés des trois corps. M. de Malseigne est arrivé le mercredi soir : il m’a fait demander; je l’ai mis au fait des réclamations des différents corps. Le lendemain, il est allé au quartier du régiment de Châteauvieux. La manière ferme dont il a parlé a fait croire qu’il venait faire des reproches, qu’il était prévenu, et qu’il ne rendrait peut-être pas justice. Les soldats m’ont montré desarrêtés qu’ils avaient de leurs officiers. Celui de Châteauvieux était de 229,208 livres. Je ieur ai représenté que leurs officiers avaient signé de force; ils m’ont dit que cela n’était pas; je leur ai répondu que cela était, que je le savais de leurs officiers. Ils m’ont remis ces arrêtés, que j’ai encore sur moi. Les officiers n’ayant rien voulu entendre des soldats, que les arrêtés n’eussent été rendus, nous convînmes que nous irions le lendemain chez eux et que les soldats eux-mêmes remettraient ces arrêtés... Je dois dire que M. de Noue avait reçu l’ordre de faire partir le régiment de Ghâteau-vieux. Je lui représentai qu’aux termes du décret, M. de Malseigne devant examiner et régler les comptes, il n’était peut-être pas convenable d’éloigner ce régiment dans le moment où l’on allait s’occuper de cette opération : ainsi c’est sur mon conseil que M. de Noue a différé de donner l’ordre du départ... M. de Malseigne était au quartier des Suis-es ; un cavalier annonce que le régiment de Châteauvieux a pris les armes; j’y cours, je trouve le régiment en bataille : je demande au colonel : « Qui vous a ordonné de faire prendre les armes? » Il me répond : Personne. — Est-ce un officier général? — Ce sont les soldats. Je me mets au milieu du bataillon carré. — « Aujourd’hui vous êtes rebelles à la loi; les régiments du roi et de mestre de camp obéissent : vous n’avez plus de camarades, ils sont amis de l’ordre. >» Un homme parle : « Qui a parlé? » Un soldat répond : « C’est moi. » Je lui dis : « Sortez du rang; » il sort eu bon ordre. « Que demandez-vous? — Nous demandons de l’argent. » — « Vous n’aurez rien que la loi n’ait prononcé, rentrez dans les rangs. » Ce soldat y rentre. Je dis au colonel : « Faites rentrer votre régiment. » Le régiment se retire en silence. La première compagnie était rentrée; on annonce que M. de Malseigne approche; le régiment revient. Je trouve un des cinq députés des Suisses; je le prends au collet, je lui demande s’il approuve la conduite de ses camarades; il me dit qu’il la désapprouve. M. de Malseigne ne venait pas; je dis au régiment de rentrer, il rentre. Le peuple et des soldats des autres régiments étaient