SÉANCE DU 19 VENDÉMIAIRE AN III (10 OCTOBRE 1794) - Nos 23-24 41 Courage, citoyens représentants, courage, nos enfans aux frontières vous en donnent l’exemple. Courage, car une cruelle expérience nous a convaincus qu’un tyran trouve bientôt des complices, que le foible devient facilement injuste, qu’une société qui permetrait à ses chefs l’iniquité, seroit visiblement en délire et deviendrait coupable de sa propre ruine. Courage, fondateurs de la République, sans le règne de la justice, la liberté et l’égalité sont une chimère et la propriété devient le patrimoine éphémère du fort ou du méchant. Mais, sauveurs de la patrie, votre énergie a fait ses preuves, vous avez reconnu qu’il n’y a pas deux morales pour des hommes libres, vous avez senti dernièrement avec les braves parisiens que le règne de la terreur ne peut être durable, car toute violence, comme toute folie finit toujours par se détruire elle même ; que la justice est le sel de la vie, qu’elle seule conserve tout, et garantit tout de la corruption, que nul pouvoir sur la terre n’a le droit d’être injuste, qu’enfin gouverner les hommes, c’est se soumettre aux règles de la justice, Tunique soutien du monde. Continuez donc, braves représentants, à mériter nos bénédictions, continuez à démasquer avec nous et même à frapper du glaive de la loi, quiconque n’est pas né pour être libre, les aristocrates, les fangeux, les avares, les factieux et les fripons, même ces petits héros pantins qui voudraient remplacer les nobles et commander au civil. Continuez, fidèles mandataires du peuple; votre auguste mission, restez en permanence à la Convention, Tunique sanctuaire des élus, c’est là qu’est votre poste, c’est là qu’est notre amour, notre espoir et notre confiance et au vaisseau de l’Etat, s’il faut plusieurs voilles, est-il besoin de deux gouvemailles. Vive la Convention, le sein de la patrie. Kriche aîné, agent nat. et treize autres signatures. 23 La société des Amis de Jean-Jacques Rousseau [Paris] offre, par une députation à la Convention nationale, l’hommage de son entier dévouement, et lui témoigne en même temps la ferme résolution où elle est de combattre sous ses auspices les conspirateurs, les intrigans et les traîtres. Après avoir fait l’éloge de Jean-Jacques Rousseau, l’apôtre, l’ami et le défenseur de la vérité, de cet homme qui a préparé par ses immortels écrits notre révolution à jamais mémorable dans les fastes de l’histoire, elle demande que la Convention lui accorde une place à la fête qui sera célébrée demain à son honneur. Mention honorable, insertion au bulletin (27). (27) P.-V., XLVII, 85. Bull., 27 vend, (suppl.); Ann. Pair., n 658; C. Eg., n° 783; Gazette Fr., n° 1013; J. Perlet, n° 747. [La société des Amis de Jean-Jacques Rousseau, séante rue de la Huchette, n° 36, à la Convention nationale, s. d.] (28) Citoyens représentans, La société des Amis de J. -J. Rousseau nous députe vers vous, pour vous informer de la tenue et du lieu de ses séances, et vous offrir l’hommage de son entier dévouement, la ferme résolution où elle est de combattre sous vos auspices, sous ceux de l’éternel vérité des principes et de Jean-Jacques, les conspirateurs, les intrigans, les hypocrites et les traîtres qui s’opposent à l’achèvement de la Révolution et à la prospérité de la République françoise. Citoyens représentans, Jean-Jacques fut l’homme de la nature, il en fut l’apôtre, le défenseur et l’ami. La vérité fut son idole, il en fut l’interprète, le héros et le martir. Son siècle ne vit en lui qu’un censeur atrabilaire, un prédicateur importun, un cerveau plein de chimère, un législateur platonique, un instituteur timide, un immoral romancier... Et vous, citoyens représentans, vous l’avez jugé ce qu’il est, le plus beau génie du 18e siècle, le philosophe le plus hardi, le plus sensible et le plus sage. La Révolution est son ouvrage; vous lui en avez renvoyé toute la gloire; son immortel Contrat Social est devenu votre code ; vous y avez puisé les bases d’une constitution la plus sublime, la plus populaire qui fut jamais. Jean-Jacques proclama l’égalité dans un tems où les lois, les nobles et les prêtres écra-soient l’espèce humaine. Dans les vertueux élans de son âme brûlante, il fit des voeux pour qu’elle s’établit enfin sur la terre, cette douce et sainte égalité. Vous les avez rempli, citoyens représentans. L’ombre fortuné du citoyen de Genève applaudit à vos succès. Ses écrits, son nom et sa mémoire sont maintenant inséparables de vos glorieux travaux. En lui décernant les honneurs du Panthéon, vous marchez d’un pas égal à l’immortalité. Souffrez, citoyens représentans, que la société des Amis de Jean-Jacques Rousseau, vous demande une place à la fête qui aura lieu demain. Vive la Convention! Vive la République Tardieu, président, Eton (?) vice-président, Lebois, secrétaire et une page de signatures. 24 Pelet fait la lecture du procès-verbal des séances de la Convention nationale, matin et soir du 11 vendémiaire (29). (28) C 322, pl. 1353, p. 2. (29) P.-V., XLVII, 85.