315 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 janvier 1790.] des accusés, ont été extorquées, forcées ou supposées ; 15° Enfin que les raisons les plus fortes doivent vous empêcher de destituer le prévôt général de Provence, ou d’associerà ses fonctions les officiers de la sénéchaussée de Marseille. D’après ces considérations, Messieurs, votre comité des rapports vous propose Je décret suivant: L’assemblée nationale, délibérant surlesplain-tes portées contre le sieur de Bournissac, prévôt général de Provence, et contre son tribunal, à l’occasion de différentes procédures criminelles dont ! il suit l’instruction dans la ville de Marseille, a décrété et décrète que ses précédents décrets contre ledit prévôt sont annulés et demeurent rapportés, qu’il n’y a jamais eu lieu à aucune inculpa-; tion contre ce magistrat; et qu’en conséquence, { les procès, qui s’instruisent à son tribunal doi-j vent y être continués jusqu’à parfait jugement, | conformément aux lois et ordonnances du 1 royaume. j M. le comte de Mirabeau. Je demande que la discussion, qui sera certainement longue, soit renvoyée à la séance de mardi soir 26 janvier. Le renvoi est prononcé. M. le Président lève la séance après avoir indiqué celle de lundi pour 9 heures du matin. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TARGET. Séance du lundi 25 janvier 1790 (1). M. le chevalier de Bouffi ers, l'un de MM. les secrétaires , donne lecture des procès-verbaux des deux séances du 23 janvier. Il ne s’élève aucune réclamation. M. le Président annonce que quelques officiers du bataillon du district Saint-Honoré se présentent à la barre, pour rendre compte à Assemblée de la conduite de ce bataillon à ! 'égard de la famille Agasse (2). Le commandant du bataillon fait à ILAssem-blée la lecture du procès-verbal du bataillon Saint-Honoré du 24 janvier. Cet exemple de patriotisme, cette première victoire de la raison sur Jes préjugés, excitent les applaudissements les plus vifs. La juste satisfaction de toute l’Assemblée se manifeste par les témoignages les plus touchants, les plus vrais. M. Âlqnier propose, et l’Assemblée s’empressée de décréter que les noms des députés du bataillon de Saint-Honoré, seront inscrits dans le procès verbal, ainsi que la pièce dont ils ont fait lecture ; qu’elle sera, en outre, imprimée séparément, et envoyée dans les départements et les districts du royaume. Voici le nom de ces estimables citoyens. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. (2) Les deux frères Agasse avaient été condamnés à mort par sentence du Cliâielet pour crime de falsification de billets de la caisse d’escompte. MM. De Siliy, commandant du bataillon. Do la Bouvelais, capitaine de grenadiers. Robert, capitaine de chasseurs. De la Tapy, capitaine. Avice, capitaine. La Pierre, capitaine aide-major. Beaulieu, lieutenant. Cresson, sous-lieutenant. Etienne, sergent de chasseurs. Gautier de Claubry, sergent. Lioltier, sergent de chasseurs. Suit le procès-verbal dont ils ont fait lecture. Procès-verbal du bataillon Saint-Honoré, du 24 janvier 1790, 11 heures du matin. Le 24 janvier 1790, une députation du bataillon Saint-Honoré s’étant rendue chez M. Agasse, président du district, et soldat citoyen de ce bataillon, M. de Silly, commandant, lui adressant la parole, a dit : <■ Monsieur, le bataillon Saint-Honoré, sensible à votre profonde affliction, vient avec vous la partager, mais, après avoir rempli ce premier devoir, il nous en reste un second, que nous prescrit la loi immuable de la justice et de la raison, celui de vous dire que la honte du crime de vos neveux ne rejaillira point sur leur famille; que le bataillon Saint-Honoré adopte en ce moment tous leurs parents pour ses frères, et leur jure amitié, union, secours, tous les sentiments enfin que mérite leur vertu, devenue plus intéressante encore par leur malheur. » Puis s’adressant à M. Agasse, frère des condamnés, et grenadier citoyen du bataillon : « Vous, jeune et vertueux citoyen, vos frères d’armes, généralement assemblés, vous attendent pour vous donner un témoignage public d’estime et de fraternité. > S’adressant enfin à M-Agasse, fils de M. Agasse président : « Et vous, jeune enfant, fils d’un père que nous honorons, venez aussi recevoir de la famille qui vous adopte un témoignage de sa tendre amitié. » La députation s’étant rendue avec MM. Agasse sur les gazons du Louvre, où le bataillon, conduit par M. le duc a’Aumonl, chef de la division, était assemblé en uniforme et en armes; le commandant de bataillon, après avoir pris l’agrément de M. le marquis de Lafayette, commandant général, et de M. de Gouvion, major général, a fait lecture d’un arrêté pris le jour d’hier en l’assemblée des citoyens; et adressant la parole aux jeunes Agasse, il leur a dit : « Le bataillon Saint-Honoré vous a provisoirement conféré à vous, Monsieur, le grade de lieutenant de grenadiers à la suite, et à vous, Monsieur, fils de notre président, celui de lieutenant à la suite de la première compagnie, et se flattant d’en obtenir la confirmation de la municipalité et de M. le commandant-général, il me charge de vous en offrir les décorations ; recevez-les de votre général, ainsi que ces deux épées, et souvenez-vous, dans tous les instants de votre vie que ces hommages sont rendus à la vertu, et que la vertu ne saurait jamais être obscurcie que par des fautes personnelles. » Aussitôt. M. le commandant général ayant fait battre un ban, a fait reconnaître les deux jeunes officiers à la tête du bataillon. M. Gauthier de Claubry, citoyen du district, et député à la commune, a prononcé au bataillon un discours relatif à la circonstance. Le bataillon a défilé devant le général, et s’est 316 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 janvier 1790.] rendu en l’église Saint-Honoré, où il a entendu la messe. Pour copie conforme à la minute, et par moi soussigné certifiée véritable. Signé : DE Silly, commandant du bataillon Saint-Honoré. M. le Président répond : c Messieurs, il n’appartient qu’à des actions aussi nobles que la vôtre, d’ajouter au zèle dont l’Assemblée nationale est animée pour les progrès de la vertu, du véritable honneur et des mœurs patriotiques. J’oserai dire, en son nom, que vous avez déployé, plus de puissance qu’elle-même. Elle a fait la loi : l’instant d’après, vous donnez l’exemple; et tout le monde sait combien, dans les matières qui tiennent à l’opinion, les exemples sont au-dessus des lois. » Ensuite M. le Président ajoute : « L’Assemblée vous permet, et même vous invite d’assister à sa séance ». L’ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la division des départements du royaume. M. Gossin, continuant les rapports du comité de constitution sur les difficultés relatives à la division du royaume, propose un décret qui, en déclarant la ville d’Alençon chef-lieu d’un département, fixe le directoire dans la ville de Séez. M. Achard de Bonvouloir, en reconnaissant qu’on ne peut qu’applaudir à l’impartialité et au zèle du comité, s’oppose au décret; il fait valoir les circonstances principales qui ont prévalu sur les considérations que les députés extraordinaires avaient employées auprès du comité. 1° La population d’Alençon est de vingt mille âmes, et à peine en compte-t-on quatre mille dans la ville de Séez. 2° La majorité des députés de la province avait voté d’abord pour que le chef-lieu fût fixé à Alençon ; et la ville de Séez ayant demandé un district, la majorité des députés avait encore cru qu’il ne convenait pas aux intérêts des administrés de le lui accorder. La priorité étant demandée pour la proposition des députés de la province, est accordée; elle est ensuite mise aux voix, et l’Asssemblée rend le décret suivant : L’Assemblée nationale décrète : « Que le département d’Alençon est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont : Alençon, Domfronl, Argentan, Laigle, Bélême et Mortagne, sauf les droits des autres villes du département aux établissements qui seront fixés, s’il y a lieu, par la Constitution. » Le département, formé des pays de Bresse et de Dombes réunis, élait en contestation sur la ville qui serait prise pour chef-lieu; la majorité des députés s’était d’abord décidée pour Saint-Rambert; ils avaient ensuite décidé pour Ambé-rieux; le comité a été d’avis de suivre ce second parti de la députation, et l’avis est adopté par l’Assemblée nationale en ces termes : L’Assemblée nationale décrète : « 1° Que la Bresse, le Bugey, le pays de Gex et la Dombes, forment un département dont la ville de Bourg est le chef-lieu; 2° que ce département est divisé en neuf districts, dont les chefs-lieux sont les villes de Bourg, Trévoux, Montluel, Chà-tillon, Poot-de-Vaux, Belley, Nantua, Saint-Ram-bert et Gex; sauf, en faveur des villes d’Ambé-rieux; et Pont-de-Veyîe d’être chacune le siège du tribunal de leur district, lequel, en ce qui concerne le district de Pont-cle-Vaux, pourra également être placé à Bagé ou à Saint-Trivier, selon que les électeurs du département le détermineront; 3° que le district de Gex s’étendra du côté du midi jusqu’à la rivière de Valserine el au pont de Bellegarde ». M. Gossin rend compte des difficultés qui se sont élevées pour la fixation du chef-lieu du département du Rouergue; les uns veulent le placer à Rodez, les autres à Yillefranche. M. Villaret insiste fortement pour que la préférence soit donnée à Rodez qui présente de ' nombreux avantages sur sa rivale au point de vue de sa position géographique. M. Andurnnd défend, au contraire, les prétentions de Villefranche pour obtenir le chef-lieu de département ou au moins Y alternat. Il observe que toutes les relations actuelles de l’administration aboutissent à Yillefranche qui est chef-lieu de l’administration provinciale et où les conférences sur les intérêts du Quercy et du Rouergue se feraient plus �commodément qu’à Rodez ; d’après ces motifs, il demande que la première assemblée se tienne à Yillefranche, sauf aux électeurs à décider si les intérêts de la province se trouvent à placer ailleurs le chef-lieu du département; il s’élève ensuite sur le trop grand nombre de districts qu’on propose de porter à neuf et dit que la plupart des bourgs où on les a placés sont dans l’impossibilité de fournir les sujets nécessaires à ces nouveaux établissements. M. de ©olbert-Seignelay réfute M. Andu-rand et demande que l’avis du comité, qui donne la préférence à Rodez, soit adopté. L’Assemblée forme la discussion et décrète : « Que la ville de Rodez est provisoirement le chef-lieu du département du Rouergue, et que les électeurs détermineront dans la première assemblée si cette disposition provisoire doit demeurer définitive; « Que les chefs-lieux des districts sont Rodez, Villefranche, Aubin, Mur-de-Barrés, Séverac-le-Ghâteau, Milhau, Saint-Affrique, Sauveterre et Saint-Geniez, sauf le tribunal de ce dernier en faveur d’Espalion, et sauf encore les droits des autres villes du département aux établissements qui seront fixés par la constitution, si elles y sont fondées. » M. Gossin propose un décret sur le département* du Haut-Limousin, et il est adopté ainsi qu’il suit : L’Assemblée nationale décrète : « Que le département du Haut-Limosin , dont Limoges est le chef-lieu, est divisé en six districts, dont les chefs-lieux sont Dorât, Bellac, Saint-Junien, Limoges, Saint-Yrieix et Saint-Léonard, sauf pour la ville de Rochechouart le tribunal du district de Saint-Junien. » M. Gossin propose, pour le département de l’Artois, le décret suivant qui est adopté. L’Assemblée nationale décrète ; « Que la ville d'Arras est provisoirement le chef-lieu du département de l’Artois, et qu’à la première session les électeurs détermineront si cette disposition provisoire doit demeurer définitive.