41 {Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 février «90. ] ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY. Séance du jeudi 11 février 1790, au matin (1). M. l’fibbé Expilly , Vun de MM. les secrétaires, donne lecture du procès-verbal delà séance d’hier; il ne s’élève pas de réclamation. M, le Président. J’ai reçu la lettre suivante, dont je donne communication à l’Assemblée : « Je vous supplie instamment de vouloir bien prévenir l’Assemblée que madame Mouret, descendante du côté maternel de l’inimitable Lafanr taine, désirerait présenter un ouvrage très important pour le bien public (Traité d'éducation., particulièrement destiné aux filles). J’ai l’honneur de connaître cette dame, à laquelle tout bon citoyen s’intéressera vivement , dès qu’il saura combien ses vues sont louables, et dignes de l’attention de l'Assemblée. « J’ai l’honneur d’être avec respect , Monsieur le Président, votre, etc. « Signé DelcoüR. » M. le Président annonce que, M. Gossin se trouvant indisposé, il n’y aura pas aujourd’hui de rapport sur la division des départements du royaume, M. le eomte de Marsanne fait une motion pour restituer aux descendants des protestants , les biens confisqués en exécution de la révocation de ïédit de Nantes , qui sont encore entre les mains de l’administration. L’orateur s’exprime en ces termes : Serait-il possible, Messieurs, que dans un temps de tumulte et d’erreur et sous l’appât de conserver peut-être un million de revenu dont la perception faisait aux yeux de l’Europe l’opprobre de notre ancien gouvernement, vous voulussiez risquer de réduire au désespoir une foule de citoyens dont vous êtes la plus chère espérance, et'dont vous pourriez d’autant moins faire punir les excès qu’ils seraient la suite d’un oubli ou d’une négligence qu’ils n’ont pas lieu d’attendre des représentants de la nation française ? Vous avez décrété, Messieurs, que les juifs seraient électeurs et éligibles dans vos assemblées politiques, s’ils contribuaientaux charges annuelles de l’Etat pour une somme que vous avez fixée dans votre sagesse ; vous avez proposé le même décret pour les Français qui font profession de la religion protestante : Jusques-là tout est égal entre le juif et le Français; mais, celui-ci, Messieurs, n’a-t-il pas droit de réclamer de vous une faveur de plus, surtout lorsque cette faveur n’est dans le fond qu’un acte de justice rigoureuse ? IL existe dans plusieurs de nos provinces un graqd nombre de protestants chassés de leurs propriétés lors et depuis la révocation de l’édit de Nantes. Avec des sacrifices, les riches ont obtenu avec le temps la restitution de leurs biens ; mais dénués de ce moyen, les pauvres, ceux que le besoin nous indique comme les plus intéressants, errent autour de leurs foyers et les moins (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. à plaindre sont ceux qu’à chaque nouveau bail, la Fégie maintient comme fermiers, en payant annuellement pour habiter l’humble chaumière paternelle, un prix de rente au moins égal à celui que présentent des enchérisseurs apostés. Souffrirez-vous plus longtemps, Messieurs, que le respect dû aux propriétés, le respect que vous avez si solennellement établi par votre déclaration des droits de l’homme, soit violé par la fiscalité? que l’on repousse de leurs tristes foyers une foule de citoyens infortunés qui sont nos frères ? Français et lihres, Yerrez-vous sans horreur le bras despotique de Louis XIV mort peser encore de nos jours sur la postérité de ceux que son fanatisme poursuivait en 1682 ? Les persécutions que l’on connaît sous le nom de dragonnades, les pillages, les enlèvements multipliés pour fait de religion, la fuite, l’exil et souvent le dernier supplice infligé aux ministres, auront sans doute privé plusieurs de ces malheureuses familles de la facilité de justifier rigoureusement de leur descendance aux yeux de la loi ; et si vous ne venez fraternellement à leur secours, Messieurs, l’effet de leur infortune passée serait de les dévouer pour toujours au malheur. J'ose donc me flatter d’avoir lu dans vos cœurs en vous proposant le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que tout Français dont la famille aura été dépouillée de sa propriété’ en vertu de la révocation de l’édit de Nantes, et dont les possessions se trouvent encore actuellement entre les mains des fermiers de la régie des biens des religionnaires, y sera réintégré sans délai, à la charge par lui de justifier, soit par actes, rôles des impositions anciennes, enquête de publique renommée, ou, enfin, par certificat des officiers municipaux des lieux où se trouvent situées les propriétés, qu’il est le descendant et l’héritier direct des biens dont s’agit ; décrète, au surplus, que cette preuve sera faite sans frais par devant le juge royal le plus prochain, qui, sur la preuve acquise, sera autorisé à prononcer définitivement l’envoi en possession des biens réclamés ». M. Bouche, député d'Aix , propose aussi sur la même matière le décret suivant : « L’ Assemblée nationale décrète que, lorsqu’elle prendra connaissance de la caisse, des économats et de toute autre où le? revenus des biens des religionnaires auront été versés, elle aura soin d’en distraire les deniers qu’elle y trouvera, pour les rendre, après la publication qu’elle en ordonnera, à leurs véritables propriétaires qui se présenteront munis de titres valides et non suspects. « Elle décrète, de plus, que les biens immeubles libres des religionnaires expatriés ou rentrés dans le royaume, leur seront restitués, ou à leurs légitimes héritiers et descendants : s’il ne s’en présente aucun, ils seront vendus publiquement et aux enchères, et leur produit employé à des objets d’utilité publique. « L’Assemblée nationale entend néanmoins, et décrète que les tiers acquéreurs, acheteurs de bonne foi des biens aliénés des religionnaires, ne seront point troublés dans la possession, sauf aux légitimes héritiers ou descendants des religionnaires, de répéter le prix desdits biens vendus contre les particuliers qui l’auraient exigé, ou qui le détiendraient, ou qui posséderaient ces biens sans titre .» M. Parent