736 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. robons aux grands intérêts qui vous occupent : veuillez bien, Nosseigneurs, achever avec courage et persévérance le grand œuvre de notre régénération. Nous surveillerons les ennemis de l’Etat, et, toujours fidèles à la nation, à la loi et au roi, nous maintiendrons de tout notre pouvoir les décrets émanés de votre auguste Assemblée, et sanctionnés par le roi. » M. le Président répond : « Obéir aux lois, les respecter et les faire respecter aux autres, sont des caractères qui onttoujoursdistingué les militaires, et qui doivent leur être propres; mais prendre les armes pour obéir aux lois, les respecter et les faire respecter par les autres, sont des vertus qui distinguent la garde nationale parisienne, dont l’émulation a excité le zèle de tous les bons Français. L’Assemblée nationale, intimement persuadée que votre zèle, au lieu de se refroidir à la vue des obstacles, ne fait que s’accroître, met en vous toute sa confiance; elle vous permet d’assister à sa séance. M. Marduel, curé de Saint-Roch , est introduit àla barre, accompagné de six nouvelles épouses , dotées de 1,000 livres chacune, en récompense de leur vertu, d’un fonds de bienfaisance fourni par un citoyen anonyme, et de leurs maris : les nouveaux mariés offrent le don patriotique de la somme de 300 livres. M. Marduel dit : « Messieurs, c’est avec une vive satisfaction que nous nous prêtons aux désirs de ces jeunes époux, qui, dès le moment de leur union, ont fait éclater les sentiments patriotiques dont ils sont animés. Ils semblent n’avoir aspiré aux bienfaits de la Providence que pour en faire hommage à la nation. Leur empressement à consacrer à la patrie le vingtième de la modique fortune que leur a méritée leur conduite, prouve que récompenser la vertu, c’est l’encourager et lui donner un nouvel essor. « Telle est, Messieurs, l’intention du généreux citoyen, qui, depuis dix ans, destine annuellement une somme de six mille livres à l’établissement de six paroissiennes choisies parmiles plus vertueuses, que des artisans recommandables par leurs talents et par leurs mœurs recherchent en mariage. La modestie de ce citoyen nous impose de taire son nom, mais son œuvre le loue devant l’Assemblée de la nation; et sa gloire est d’autant plus pure, qu’en donnant lieu à une solennité non moins éclatante qu’utile, il ne veut être connu que de Dieu seul. « Déjà, Messieurs, nous avons vu prospérer des alliances formées sous des auspices aussi favorables : déjà la patrie se trouve enrichie de plus de soixante familles honnêtes, qui peut-être n’eussent jamais existé sans ce bienfait signalé, dont l’heureuse influence a multiplié dans certaines années le nombre des dots. « Puisse, Messieurs, une institution aussi utile s’accroître et s’étendre pour le bonheur de la France 1 Dès que les mœurs auront pour base la religion, il n’est point d’héroïsme qu’elles ne puissent produire, ni de sacriüce qu’elles ne puissent commander. » L’une des nouvelles épouses dit : « Messieurs, pardonnez-nous d’être tremblantes et timides : de grands et imposants spectacles se succèdent pour nous. « A peine sorties du temple de la religion, où notre pasteur, à la vue d’une grande assemblée de nos frères, prenant sur l’autel les couronnes [29 mai 1790.] des mœurs et de la vertu, vient de les poser sur nos têtes, vous nous admettez dans le temple de la patrie, et souffrez que nous détachions une fleur denos couronnes pour �déposer sur son auteLT « Que ces deux triomphes nous sont chers et glorieux ! « Si la Providence remplit le vœu du généreux bienfaiteur que nous aimons sans le connaître, et qui, comme elle, se rend invisible pour faire le bien, si elle nous accorde un jour l’avantage de donner des citoyens à la patrie, ils compteront avec nous deux grands jours dans notre vie, celui où nous avons reçu les dons de la religion, et celui où il nous a été permis d’en offrir une part à la patrie. » M. le Président répond : « L’Assemblée nationale, intimement persuadée qu’il serait inutile de faire des lois pour une société de personnes sans mœurs, reçoit avec la plus vive joie et la plus grande satisfaction un don, qui, comme celui de la veuve de l’Evangile, est pris sur le nécessaire : que dis-je? un don qui est le prix de la vertu, présenté par la vertu même. « 'L’Assemblée vous exhorte à persévérer dans la pratique du bien, et à faire tous vos efforts pour prouver àla nation que vous étiez dignes de la récompense qu’elle a accordée à vos vertus. « Elle approuve le zèle du digne ministre qui a si bien peint les avantages d’une religion sainte, seule capable de sanctifierde pareilles institutions, et de les faire tourner à l’avantage public. » L’Assemblée ordonne que les trois discours seront insérés dans son procès-verbal, et imprimés, et que les noms des nouveaux mariés y seraient aussi honorablement inscrits; elle leur accorde l’honneur d’assister à sa séance. Noms des nouveaux mariés. 1. Bordier, ferblantier. — Girard, couturière. 2. Lemoine, menuisier. — Boucher, couturière. 3. Subreville, tailleur. — Maupetit, blanchisseuse. 4. Monucraux, cordonnier. — Bourray, couturière. 5. Gordier, cordonnier. — Séné, blanchisseuse de gaze. 6. Germain, serrurier. — - Peny, blanchisseuse de blondes. Des députés de la commune de Marchienne et de sept communes voisines sont reçus et exposent une pétition relative au décret qui veut que les qualités de citoyens actifs et éligibles dépendent de contributions déterminées, et tendant à l’abolition de ces conditions. L’Assemblée permet à ces députés d'assister à sa séance. M. Banyuls de Montferré, député de Perpignan, demande un congé pour aller prendre des bains. Ce congé est accordé. Les comités des rapports, des recherches et de la mendicité font savoir à l’Assemblée qu’ils sont prêts à lui soumettre le résultat de l’examen sur la mendicité de Paris, dont elle les a chargés, et ils demandent que la parole leur soit accordée pour demain, à Feutrée de la séance. L’Assemblée en ordonne ainsi. M. le Président communique à l’Assemblée [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 mai 1790.] 737 une lettre de M. le garde des sceaux, à laquelle est jointe la copie d’une lettre de M. de Montmo-rin, ministre des affaires étrangères. Cette dernière est relative aux forçats étrangers détenus sur les galères de France, et au décret rendu à leur occasion le 20 de ce mois. L’Assemblée, après la lecture des pièces, passe à l’ordre du jour. L’ordre du jour appelle la discussion du rapport sur le dessèchement des marais. Le comité des rapports demande à être entendu sur un e affaire qui intéresse M. de Martinet , lieutenant-colonel du régiment de Beauce, détenu à Brest. La priorité est accordée au comité des rapports. M. Giraud-Duplessis, rapporteur. M. de Martinet est accusé d’avoir voulu semer la discorde entre les régiments de la marine, de Normandie, les gardes nationales de Brest, tous confédérés, et le régiment de Beauce, qui, à cette époque, n’avait point encore accédé à la fédération. Une lettre écrite par M. de Martinet à M. le Dure, et lue par :ce dernier à son détachement, fait le fondement de l’accusation. La municipalité et le conseil général de la commune ont mandé M. de Martinet, et lui ont fait subir une espèce d’interrogatoire. Us ont arrêté de supplier l’Assemblée de faire exclure cet officier du service, et de le déclarer incapable de remplir aucune fonction militaire. Sur les ordres de la municipalité, M. de Martinet a été arrêté et détenu dans sa chambre, sous la garde de quatre fusiliers de son régiment. Recherche faite par les officiers muni-paux dans les papiers deM. de Martinet, ils n’y ont rien trouvé qui pût appuyer leurs soupçons. Une lettre confidentielle ne pouvait ni ne devait faire la base d’aucune accusation. L’excès de zèle a égaré la municipalité. M. I�e Gendre, député de Brest , demande la parole. L’Assemblée refuse de l’entendre; elle ferme la discussion et rend le décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, considérant que, dans sa lettre du 4 mai, le sieur de Martinet n’a point exprimé son opinion personnelle sur les dispositions du régiment de Normandie, des canoniers-matelots et de la garde nationale de Brest, que d’ailleurs cette lettre, purement confidentielle, n’était point destinée à devenir publique; « Considérant que les municipalités étant incompétentes pour mander devant elles et faire arrêter les chefs et officiers des troupes réglées pour des faits relatifs à leurs fonctions et à la conduite des corps qui sont à leurs ordres, la municipalité de Brest a outrepassé ses pouvoirs dans la conduite par elle tenue à l’égard du sieur de Martinet; mais que, d’un autre côté, la circonstance d’une fermentation qui pouvait entraîner les plus grands malheurs, paraissait exiger, pour la tranquillité publique et pour la sûreté particulière du sieur de Martinet, qu’elle en prît de semblables; « Déclare qu’il n’y a lieu à aucune inculpation contre le sieur de Martinet, que la liberté doit lui êtrepncessamment rendue; et, sur le surplus, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer. » M. le Président communique à l’Assemblée 4re Série. T. XV. l’état qui lui est adressé par M. le garde des sceaux, des décrets acceptés ou sanctionnés par le roi, qui est ainsi conçu : « Le roi a accepté le décret de l’Assemblée nationale du 18 de ce mois, concernant les assemblées électorales. « Sa Majesté a en même temps sanctionné : « 1° Le décret de l’Assemblée nationale, du 27 de ce mois , relatif à l’assemblée primaire du canton de l’Arbresle, district forain de Lyon, et a en conséquence donné des ordres pour la convocation et la tenue de cette assemblée à Sainbel, et pour qu’il soit informé des troubles arrivés à l'assemblée formée le 18 du présent mois, dans ledit lieu de l’Arbresle. 2° Le décret du même jour 27 mai, concernant les saisies et ventes de meubles contre les communautés ecclésiastiques, la remise des titres de leurs créanciers, et les causes relatives aux fonds qui ont été déclarés être à la disposition de la nation. 3° Le décret du même jour, pour qu’il soit défendu à toutes personnes d’exiger que le prix du grain soit taxé, et que les contrevenants soient poursuivis et punis. 4° Le décret dû même jour, qui approuve le régime provisoire donné à la garde nationale de Meaux. 5° Sa Majesté, sur deux autres décrets des 21 et 28, a donné des ordres : r 1° Pour désigner et faire arrêter trois dragons partis de Tarascon, à l’effet d’être conduits sous bonne et sûre . garde dans les prisons du Châtelet à Paris ; « 2° Pour arrêter sur le champ la démolition de la citadelle de Marseille. Signé Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux. « Paris, ce 29 mai 1790. » M. le Président donne lecture d’une proclamation du roi destinée à être envoyée dans les départements-, elle a pour objet le rétablissement du bon ordre et de l’union ; Sa Majesté désire que l’Assemblée nationale en ait connaissance. Elle est ainsi conçue : « Jamais des circonstances plus impérieuses n’ont invité tous les Français à se réunir dans un même esprit, à se rallier avec courage autour de la loi, et à favoriser de tout leur pouvoir l’établissement de la Constitution. Nous n’avons rien négligé pour inspirer ces sentiments à tous les citoyens ; nous leur avons nous-même donné l’exemple de la confiance la moins équivoque dans les représentants de la nation, et de nos dispositions constantes pour tout ce qui peut concourir au bonheur de nos sujets et à la prospérité de la France. « Serait-il donc possible que des ennemis du bien publie cherchassent encore à troubler les travaux importants dont l’Assemblée nationale est occupée, de concert avec nous, pour assurer les droits du peuple et préparer son bonheur; que l’on essayât d’émouvoir les esprits, soit par de vaines terreurs et de fausses interprétations des décrets de l’Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par nous, soit en entreprenant d’inspirer sur nos intentions des doutes aussi mal fondés qu’injurieux, et en voilant des intérêts ou des passions privées du nom sacré de la religion? « Une opposition si coupable nous affligerait 47