ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] 307 [États gén. 1789. Cahiers.] taires, et offices de magistrature seront révoqués. Le Roi est, sans doute, te maître de préférer, pour remplir les différentes places, ceux de ses sujets qu’il juge à propos, mais il est avilissant pour le tiers-état que des lois positives en rendent ses membres incapables. Art. 72. Que tous les péages seront abolis, en déchargeant les propriétaires de l’entretien des chemins et en les indemnisant, s’il y échoit. Art. 73. Que les drailles, caraires ou chemins, au passage des troupeaux pour aller et revenir de la Basse-Provence aux montagnes, seront rétablis, de manière que les troupeaux puissent y passer sans causer du dommage aux propriétaires riverains; et qu’il sera fait un nouveau règlement relatif auxdites drailles et caraires, après avoir pris toutes les informations convenables, et reçu les mémoires, instructions, tant des propriétaires des troupeaux que des propriétaires des terres traversées par lesdites drailles et caraires. Art. 74. Qu’en vertu du droit de pulvérage, que les seigneurs exigent en indemnité du passage des troupeaux qui vont dans les montagnes et qui retournent dans la Basse-Provence, et pour la nourriture que ces troupeaux prennent à leurs dépens, que les drailles ou caraires soient rétablies suivant les bornes qui y ont été placées dans leurs terres à cet effet, suivant qu’il est porté par les lettes patentes du 16 janvier 1764, vérifiées et enregistrées au parlement d’Aix, le 14 février suivant; autrement le droit de pulvérage supprimé. Art. 75. Qu’il sera établi, dans toute l’étendue du royaume, uniformité de poids et mesures. Art. 76. Que l’état des pensions accordées par le gouvernement sera examiné, à l’effet qu elles puissent être réduites ou supprimées suivant les circonstances. Art. 77. Que le port de Brue et les canaux de Martigues seront recurés pour faciliter le commerce maritime de l’étang de Berre, procurer l’entrée du poisson, exciter les habitants des bords de l’étang de Berre et à augmenter, par ce moyen, le nombre des matelots, classe de citoyens si utile à l’Etat. Art. 78. Que tous les sujets du Roi pourront dériver des canaux des rivières qui passent dans le territoire des communautés, soit pour l’arrosement de leurs propriétés, soit pour construire des moulins et usines, se servir du sable et des pierres du lit des rivières : l’intérêt de l’agriculture et des manufactures exige la concession d’une faculté qui dérive du droit naturel.. Art. 79. Qu’on s’appliquera sérieusement à la réformation des mœurs, en abolissant tous les lieux de débauche, et en formant un plan d’éducation pour la jeunesse des deux sexes. Art. 80. Que les célibataires, qui auront atteint l’âge de trente ans, et qui ne seront point soumis à la puissance paternelle, payeront le double de toutes leurs impositions. Art. 81. Que le secret des lettres remises aux bureaux des postes sera respecté, et qu’il ne sera permis d’en ouvrir aucune, ni l’intercepter pour quelque cause et sous quelque prétexte que ce soit. Art. 82. Que le commissaire préposé au tirage des soldats provinciaux, canonniers, gardes-côtes et matelots, soit tenu de se transporter dans chaque communauté, sans qu’il lui soit permis de déplacer la jeunesse. Art. 83. Qu’il sera pris, à l’égard des lettres de cachet, tel arrangement qui sera jugé convenable pour prévenir l’abus qui en est souvent résulté. Art. 84. Que le contrôle des actes ne subsistera plus que pour établir l’hypothèque; et que si l’on juge à propos d’y établir quelques droits, ils seront modérés et fixés de manière qu’ils ne soient pas pour ainsi dire arbitraires. Art. 85. Que les droits de latte et un quart de centième denier, et autres de pareille nature, seront supprimés. Signé Goppau, viguier; Arnauld, maire; Félix, consul; Peine, ex-consul; Emeric, ex-consul ; Arnauld; Christine; Félix; R. Icard; Leydet; Monier; Chauvet; Bérard; Martin; E. Jauffre; L. Lusnaut; Gay; Girard; Emeric; Aymès; Jani-bour; L. -Etienne Jauffret; Colla; Emeric; Ge-rault; Tirât; Leydet; Dalma; Antoine Aime; Emeric; Garaut; Teissier;Clarel; Michel; Coloma ; Félix; Marillié ; Aymès; Paul Thissir ; Félix; Audier; Tabustau; Imbert; David; Joseph Roche; Aymès; Girard; Jean-Baptiste Giraud; Emery; Jouffrié; Aymès; Février; Maurel; Gastaud; Goiraud ; Be'doc; Aymé; Vuchier; Martin; Suva-raud; Arnoux; Laugier; Auttemant; Félix; Bérard; David; Reboul; Aymès; Félix; Gapelle; Guinamaud; Boujat; Gautier; Preux; Félix; Chauvet; Féraud;' Vigne; Jean Aymès; Audibert; Gouin; Chaud; Chauniey; Brunei; Chaud; Félix; Théissié , et Aymé. CAHIER De doléances , plaintes et remontrances de la paroisse de Jouques, sénéchaussée d'Aix (1). Aujourd’hui 25 mars 1789, les habitants du lieu de Jouques, convoqués dans l’église paroissiale pour obéir aux ordres de Sa Majesté, portés par ses lettres données à Versailles le 2 du courant, et satisfaire aux dispositions des règlements y annexés, ainsi qu’à l’ordonnance de M. le lieutenant général, en la sénéchaussée de Provence, par-devant M. Pierre-Antoine Gautier, avocat en la cour, juge de ce lieu ; procédant à leur cahier de doléances, plaintes et remontrances, conformément aux lettres, règlement et ordonnance ci-dessus, ont unanimement délibéré, d’abord, relativement aux objets qui intéressent la généralité du royaume, que les sieurs députés qu’aura élus l’ordre du tiers-état pour assister et voter aux Etats généraux de France, seront expressément chargés d’y solliciter : Art. 1er. La réformation des abus relatifs aux tribunaux de la justice civile et criminelle; la suppression de tous les tribunaux inutiles et onéreux. Art. 2. Que la voie de la requête civile soit ouverte sans consignation d’amende : ce qui met souvent le pauvre hors d’état de recourir à cette voie. Art. 3. Admission du tiers-état aux charges, aux honneurs, aux établissements publics, dans les cours de justice, dans les emplois militaires de terre et de mer, et dans le clergé ; de s’opposer à toute distinction qui pourrait avilir les communes. Art. 4. De réclamer contre la vénalité des offices et hérédité. Art. 5. De demander l’instruction publique et justificative, reçue et admise en tout état de cause. Art. 6. De concourir à établir une constitution (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscri �es Archives de l’Empire. 308 [États gén. 1789. Cahiers. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Àix.j qui procure à tout citoyen une liberté individuelle et une sûreté qui ne permette pas qu’aucune loi soit portée sans l’autorité du prince et le consentement de ia nation, réunis dans les assemblées nationales et périodiques, et quand on le jugera nécessaire. Art. 7. De demander la réunion au domaine, des fiefs aliénés. Art. 8. De demander permission, pour la communauté, d’affranchir les directes, les cens, les taxes; les juridictions abolies, rendues royales; et de s’affranchir de tous les droits seigneuriaux; le prix du sel modéré, et rendu uniforme dans tout le royaume. Art. 9. La suppression du droit d’entrée des villes sur le vin et autres denrées. Art. 10. La suppression des fermiers généraux. Art. 11. Seront chargés de réclamer une parfaite égalité de contribution des biens, des charges royales et locales. Art. 12. Modération sur la perception des contrôles et insinuations. Art. 13. Et l’assemblée, instruite que le clergé fait le plus d’efforts pour soutenir des privilèges qui, selon lui, doivent le distinguer des deux autres ordres, pour retenir le tiers-état sous le joug qu’il veut secouer ; que d’ailleurs les revenus immenses dont il jouit ne lui ont été que confiés ; il n’en est que le dépositaire ; et que, cependant, il ne se fait pas une peine de violer ce dépôt, puisque l’on voit toutes les années que si, dans la misère affreuse qui afflige la grande partie des habitants, ils trouvent des secours, c’est de tout autre côté que de celui dont ils sont en droit de les exiger; croit qu’après cette transgression constante de sa part, chacun doit rentrer dans ses premiers droits. Elle charge donc expressément ses députés d’exposer que le vœu le plus vif et le plus sincère des habitants est que la dîme soit supprimée, sauf à imposer à chaque communauté l’obligation de fournir aux prêtres, qui lui seront d’absolue nécessité, une somme qui serait lixée pour leur nourriture et leur entretien, et son contingent pour celle qui serait destinée à un évêque qui suffirait pour toute la province. Et si le Roi et les Etats généraux jugent que les conquêtes de la raison ne sont pas encore poussées au point d’opérer cette heureuse révolution, qu’on établisse, au moins, que le taux de la dîme sera uniforme; qu’un lieu où le travail le plus pénible ne peut pas vaincre l’ingratitude du sol, où le nombre d’ouvrages qu’occasionnent les montagnes et les torrents absorbent la grande partie des revenus, ne soit point tenu de la payer à raison du treizième, tandis que les autres lieux que leur localité n’expose ni aux mêmes dépenses ni aux mêmes inconvénients, dont le sol est vraiment fertile, la payent à un taux infiniment moins onéreux. Qu’outre le taux, la façon de la percevoir soit conforme à celle observée en la ville d’Aix, et à raison de tous les objets décimables. Art. 14. De demander que la perpétuité de la présidence soit abolie, et que le président soit annuellement élu par la voie du scrutin. Art. 15. La désunion de la procure du pays du consulat d’Aix. Art. 16. L’assemblée des trois ordres pour régénérer la constitution; au moins égalité des représentants, si mieux on n’aime que le nombre des représentants soit fixé eu égard à son étendue, à sa population et à sa contribution aux charges de l’Etat. Art. 17. Nul député par sa place ; élection libre de non possédants fiefs; et clergé du second ordre admis dans fa noblesse. Art. 18. Les ingénieurs, au concours et à examen. Art. 19. Les receveurs de viguerie supprimés; une seule caisse; trésoriers des communautés ou ses fermiers chargés d’y verser directement. Art. 20. Attendu le dégât que cause le gibier et animaux sauvages dans le terroir, qu’il soit permis à chaque habitant de chasser, partout le terroir, pour les détruire; ou se servir de tout autre moyen pour en délivrer le champ, avec d’autant plus de nécessité qu’on en a répandu dans certaines parties du terroir, ayant été même construit des garennes pour leur servir de gîte : ce qui a donné lieu à former une population de plus de six cents qu’on en avait envoyés. Plus, on ne peut parvenir à faire vivre les plan - çons d’olivier, parce que, peu de temps après qu’ils sont plantés, les lapins leur rongent toute l’écorce, et les font mourir, de même que les rejetons des vieux oliviers, d’abord qu’ils sont de fa hauteur d’environ 2 pans : ce qui nous met souvent dans l’impossibilité d’avoir des plançons, et empêchent de faire des complantations : voilà un dommage considérable et irréparable. Art. 21. Que la communauté soit réintégrée dans la possession des terres gastes, qu’elle possédait autrefois, ainsi que des îles dont elle était propriétaire autrefois. Art. 22. Qu’à l’avenir, il soit nommé et choisi pour officiers municipaux MM. les consuls et conseillers les plus éclairés et les plus allivrés du lieu, au nombre qui sera fixé par Sa Majesté, à l’effet que l’administration, entre les mains de ces personnes, soit dirigée d’une manière que l’intérêt du corps soit ménagé et conservé le mieux qu’il se pourra. Art. 23. Il est de règle fondamentale que le maître paye le valet pour ses travaux. Nous voyons icfle contraire : c’est le valet qui paye le maître. La banalité des fours est abusive, de façon que les garçons fourniers, en travaillant jour et nuit, payent encore une assez forte rétribution; et ce ne peut être que par la force des abus contre la classe la plus indigente, puisqu'ils rapportent, au moyen de cet établissement, 1,500 livres par année. Art. 24. Le Roi, par sa bonté paternelle, avait voulu faire rétablir les caraires et viols dans chaque territoire pour la liberté des bestiaux et des abreuvoirs publics. Cette communauté s’est contentée alors d’un simulacre de rapport qui n’a opéré que le coût de 4 ou 600 livres, sans aucune espèce d’ouverture, limitation ni conduite. Art. 25. Une œuvre de charité, rentée assez pour le soulagement de la veuve et de l’orphelin, et du malheureux laboureur malade et hors d’état de gagner sa subsistance, laisse, avec la plus barbare sécurité, mourir ces opprimés de faim, ou traîner à long cours cette vie languissante, sans que l’humanité puisse ramollir l’âme haineuse et bourgeoise des prépondérants, et sans que les recteurs-nés daignent s’occuper d’une affaire aussi importante. Art. 26. Monseigneur de Boisgelin, archevêque d’Aix, seigneur, majeur et suzerain, a trouvé bon, pour augmenter ses revenus, de nous rendre comme des moutons, sans autre formalité que celle de l’autorisation du pauvre conseil ci-dessus relaté. Ce prélat retire du pays conséquemment 8,400 livres de la dîme, et 10,000 livres de rente , ce qui fait 18,400 livres, tandis que notre bon Roi, qui paye ses soldats, qui a toutes les charges [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] 30a du royaume à sa solde, n’en retire qu’envirou 8,100 livres. Art. 27. La communauté de Jouques demande d être réintégrée dans la possession des régales, qu’elle possédait autrefois, et dont le seigneur s’est emparé en vendant ou gardant, pour son compte, les arbres de haute futaie qui s’v trouvaient; comme encore dans la possession des endroits dits vulgairement patys, qu’il a vendus pour bâtir, ou qu’il s’est réservé pour y faire bâtir lui-même; encore dans la possession des passages qu’il a fait fermer, dont il s'est emparé. Art. 28. La communauté demande qu’il soit prohibé à toute personne de détourner les eaux des fontaines du lieu qui doivent se rendre dans le canal des eaux des moulins. Et ont signé ceux qui ont su. Ainsi signé Gautier, juge; Benoit, consul; B. Paysan, consul; Ferre-Tracouade; Thul; Pena; Ley-dier-Pays; Gaillard; Feicard; Martin ; Blanc; The-noux; Ricard; Ricard fils; Bedos; Ricard; David; Roux fils; Charles Tardy; Thenon , André Bidos ; Gau lier; Gouirau; V. Mouret; B. Tardif; Danin; Douscier; Jean-Louis Baille; Roman Caliez; Baille; J. -Honoré Blanc; Pierre Mouret; Blanc; Pascal Court; Gouirau; Bacheniau; J.-J. Gouirau;L. Gouirau; J. -J. Gouirau ; J.-J. Gouirau ; Baille; J.-L. Cas-tignet; Borde; Joseph André; Ricard; Tardif; Roux; J. Gouirau; Michel; D. Gouinau; J. Goui-nau; J. -F. Arbaud ; Bernard Pélissier; L. Gouirau; G. Mouret; Sub; Goust; Antoine Ricard ; Prou-venc; Prouven ; Jean Arnaud; N. Baille; Constantin; \ial, greffier. PROCÈS-VERBAL D'assemblée extraordinaire de la paroisse de Jouques, sénéchaussée d’Aix. L’an mil sept cent quatre vingt-neuf, et le vingt-six du mois de mars, une grande partie des habitants, assemblés le jour d’hier, s’est de nouveau assemblée aujourd’hui extraordinairement, convoquée à son détrompé et de cloche, en la manière accoutumée, par-devant Me Pierre Antoine Gautier, avocat en la cour, et juge de ce lieu de Jouques, présents les soussignés, et d’autres. L’assemblée, sur différentes propositions qui en ont été verbalement faites, a unanimement et par acclamation, délibéré qu’il sera loisible à tout particulier de présenter ses plaintes et doléances, séparément, à celui de MM. les députés qu’il voudra choisir, et que l’assemblée charge expressément de les présenter, lors de l’assemblée générale convoquée à Aix. Lesdits particuliers , en exposant leurdite plainte au député qui les fera coucher dans un cahier ad hoc de papier timbré qui sera fourni parla communauté, sera tenu de signer sa plainte; et s’il ne sait pas signer, il se fera assister de deux témoins qui signeront, et qu’il sera permis au particulier sachant écrire, d’écrire sa plainte dans ledit cahier. L’assemblée a, par acclamation, exprimé le vœu le plus vif que les particuliers qui remettront leurs plaintes aux sieurs députés, surtout sur l’article de la chasse, avec exposition des ravages que le gibier fait dans le terroir, et de demander que tout particulier, sans exception, ait le droit de chasser et de porter les armes. Signé Gautier, juge; Benoît, consul; B.Payau, consul ; Ricard ; Thus ; Davin; Baille ; Provenc ; J. Tardif; J.-L. Roux; Sub; G. Tardif; Saint-Mar-tin ; Thenoux ; Esprit Mouret ; Gautier ; Blanc ; J. Gautier; Mouret; G. Mouret; Ricard , et Leydier de Peygaillard. Collationné par nous,Vial, greffier. CAHIER Des plaintes et doléances par nous reçues , en suite de la députation et du pouvoir à nous donné par le conseil de l'assemblée générale de tous les habitants de la communauté de Jouques. I Pierre Prouven, ménager, expose que Barthélemy Prouven, son grand-père, fut obligé de se séparer d’avec son fils. Il lui désempara une propriété de terre en remplacement dé la dot pécuniaire qui aurait été constituée à son épouse. M. de Jouques, instruit de cette désemparation, lui en fit payer le droit de lods, avec menace de lui ôter une autre propriété, en usant de son droit de prélation. Telle est la plainte dudit Prouven, qui a été transcrite, et par nous publiée aux présences du sieur Joseph-André Pena, bourgeois, et licencié ès droit, et de Biaise Garcin, maréchal à forge dudit lieu : témoins requis et soussignés avec nous , ayant ledit Prouven déclaré ne savoir signer. Signé Pena ; Garcin, et Thénoux, député. II Le sieur Joseph-André Pena, bourgeois, et licencié ès droit du lieu de Jouques, a l’honneur d’exposer à Sa Majesté que si la perception des droits de contrôle était confiée à des gens éclairés, l’on ne verrait pas régner continuellement les abus les plus intolérables dans cette perception. La perception de ces droits, dont la connaissance est abstraite à bien des gens, doit être uniforme dans tout le royaume, et les règlements sur cette matière doivent être également clairs, et fixant immuablement les droits de contrôle. Les directeurs des domaines du Roi, ou leurs commis dans la perception de ces droits, étant trouvés en contravention eux-mêmes, devraient être condamnés à subir personnellement les peines prononcées par les règlements de Sa Majesté contre les personnes qui veulent attentera ces droits. Les contraventions du directeur des domaines ou de leurs commis, s’il pouvait en exister, doivent être constatées par un procès-verbal, qui sera dressé par tel député nommé par ordre du Roi; lequel vérifiera, par pièces de comparaison, les registres du contrôle aux endroits nécessaires. Ledit sieur Pena expose encore à Sa Majesté qu’il est intolérable et injuste de payer encore au procureur établi par la province pour soutenir, contre les fermes des domaines du Roi, en matière de contrôle, un salaire qui s’étend à chaque individu au delà des émoluments fixés par la province. Il donne cette observation avant d’exposer la plainte qui lui est personnelle, laquelle suit : Ledit sieur Pena expose respectueusement à Sa Majesté que, dans l’année 1783, il fut forcé de se défendre à ses dépens sur un procès-verbal dressé par M. Hyacinthe Ricard, receveur des droits du contrôle, notaire royal, et officier de la juridiction du lieu de Jouques, sur une prétendue 310 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] contravention aux droits du fermier général des droits de Sa Majesté. L’exposant, après avoir établi, le plus clairement possible, sa défense, fut cependant condamné à une amende de trois cents livres par M. de La Tour, premier président au parlement d’Aix, et intendant de cette province, par ordonnance du 12 décembre 1783, rendue à la ville de Lambese, au profit du sieur Desagès, directeur-fermier des droits du contrôle, qui l’a surprise à la religion dudit sieur intendant dont le secrétaire était chargé de prévenir ledit sieur Pena, avant de procéder au jugement, pour se défendre. Cette ordonnance fut intimée audit sieur Pena par exploit du 10 mars 1784, avec commandement de payer. L’exposant y forma opposition; nouveau commandement de payer par exploit du 16; saisie mobilière annoncée par l’envoi de l’huissier, et arrêtée par le fait de l’exposant qui représenta n’avoir rien de commun dans cette affaire. Malgré l’opposition, le directeur des domaines (c’est le sieur de Sages) eut la cruauté et la barbarie de faire saisir au sieur Pena tous les grains des tennements lui appartenant dans Le terroir de Jouques le 22 mars même année, l’exposant démontrant la nullité et l’injustice de cette saisie au directeur. Ce dernier s’en départit honteusement par exploit du 10 avril 1784, et poursuivit encore le jugement de l’affaire au fond, attendu qu’il ne regardait cette saisie que comme provisoire. L’exposant fut, pendant le courant de cette instance, vexé le plus cruellement, et opprimé par le directeur du fermier qui l’obligea de voyager, à tout propos, pour la ville d’Aix, où il s’épuisa en dépenses et frais de procès, et avala toutes les amertumes que lui donna ce directeur. Les arrêts du conseil, la justice et l’équité démontrant les injustes prétentions du sieur de Sages, ce dernier fut indignement débouté de ses prétentions injustes par une ordonnance en révocation de la première du 4 mai, rendue par M. de La Tour au profit dudit sieur Pena , qui n’obtint cependant aucune condamnatioû aux dépens contre le fermier, quoique convaincu de l’injustice de sa prétention. Cette ordonnance a paru au sieur Pena contraire à l’équité ; parce que le directeur n’étant pas condamné aux dépens de sa mauvaise contestation , remporte encore l’avantage d’avoir tyrannisé l’exposant. Ledit sieur Pena achève sa plainte en observant que s’il faut réclamer contre le directeur la restitution d’une surexaction de cinq sols, et qu’il faille entrer en dépense pour la somme quelquefois considérable sans aucun remboursement, il en suivra que le fermier gagnera considérablement dans la perception des droits, en formant un négoce, puisque ce qu’il sera obligé de donner d’un côté, rentrera de l’autre. Ledit sieur Pena dira encore à Sa Majesté que le commis au bureau de Jouques, pour décrier l’exposant et le perdre de réputation, ne rougit pas de présenter au conseil de l’élection des sieurs consuls de la communauté de Jouques, du 31 décembre 1782, sous le consulat du sieur Gastignel, le verbal qu’il avait indûment dressé, sur lequel il n’avait pas encore été statué et qu’il exhiba comme un titre de réprobation pour éloigner du consulat l’exposant. A quoi il parvint, par cette voie qui éblouit tout le conseil. Pour mieux établir la vérité de sa plainte, l’exposant exhibera, s’il le faut, les pièces justificatives du procès qu’il a honorablement gagné, sans dépens néanmoins. Signé : PENA. III Par le règlement du 24 février dernier, et lettre de convocation donnée par Sa Majesté, qui permet à tous ses sujets de ce comté de Provence, et relativement à la délibération de la communauté du conseil de cedit lieu du 26 du présent mois de mars. 11 est permis à chaque habitant de donner ses plaintes et doléances aux sieurs députés de cette communauté, chargés de se rendre à Aix pour assister à l’assemblée de messieurs du tiers-état, qui est convoquée pour le 2 du mois d’avril prochain, par-devant monsieur le lieutenant général en la sénéchaussée de cette ville, et ensuite être rapportée au Roi par messieurs les députés qui seront nommés par l’assemblée. Conséquemment aux ordres ci-dessus, M. Hyacinthe Ricard, notaire royal de ce lieu de Jouques, diocèse d’Aix, et à quatre lieues de ladite ville, a dit que le Roi, bienfaisant par sa sage et juste prévoyance, connaissant que les abus multipliés dans cetteprovince, éloignée de deux cents lieues du trône, Sa Majesté aurait autrefois, pour les intérêts de ses sujets, prohibé à tous les notaires de remplir aucune judicature royale ou baronnette. Cette loi ne subsistant que faiblement, les seigneurs, possédant fiefs, se sont ingéré d’établir des juges exerçant le notariat dans leur juridiction, qui, sous leur protection, force, menaces et autorité, contraignent la liberté publique, absorbent le travail et la probité de leurs confrères, citoyens comme eux, par leurs vexations et font souffrir le pécule des autres notaires; qu’ils feraient subsister et élever une famille nombreuse, utile et souvent nécessaire à l’Etat; menaces qui soumettent les habitants à payer les droits delods au sixième, si le citoyen ne passe pas le contrat par-devant ce juge notaire, et non au treizième qui était l’ancienne fixation, suivant la décision de feu M. de La Touloubre, vivant jurisconsulte respectable d’Aix, qui atteste l’abus et la prérogative que les seigneurs se sont établis sur leurs vassaux. A Jouques, le 27 mars 1789. Signé Ricard, notaire. IY Jean-François Blanc, ménager, expose que sa maison se trouve au voisinage du château de M. de Jouques , qui , pour faire de belles terrasses, ne s’est point fait une peine d’en démolir quantité, et délaisser la sienne en l’air, en leur détruisant leur appui; et que les poutres se font voir de partout, dont sa maison est entièrement ruinée, sans que ledit seigneur eût daigné la soutenir, quelque réquisition qui lui ait été faite. De plus, il se plaint que le seigneur a remis des arrières-fiefs. Le sieur Leydier en possède un au quartier de Poisgaillard. Ledit Blanc, propriétaire, pour avoir fermé des remises de lapins dans son fonds, fut menacé de leur faire manger tout son bien, et de les rouvrir. Voilà la plainte dudit Blanc, qui a été transcrite, et par nous publiée, aux présences du sieur Jean-Paul Ricard, cordonnier, et François Roux, tailleur d’habits, dudit lieu, témoins requis et sous- 311 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] [États gén. 1789, Cahiers.] signés avec nous. Et ledit Blanc a déclaré ne savoir signer. Ainsi signé : Roux ; P. Ricard, etThénoux, député. V Pierre Tirait, travailleur du lieu de Jonques, a l’honneur d’exposer à Sa Majesté que, dans l’année 1780, ayant dénoncé en qualité de garde du terroir, choisi et nommé par la communauté de Jouques, le troupeau du nommé Jean-Joseph Blanc, berger du même lieu, au profit du nommé Jean - Baptiste Burle, muletier du même lieu, ledit Tiran fut maltraité par ledit Blanc qui l’excéda dans l’auditoire de justice, où la dénonce allait être exposée. La femme de Tiran y fut aussi maltraitée par le parent dudit Blanc. Les mauvais traitements furent mis en notice aux sieur maire et consuls de la communauté , qui s’empressèrent d’assembler le conseil, où il fut, à la pluralité des suffrages, délibéré de soutenir ce pauvre garde. Les sieurs consuls, pour procéder contre ledit Blanc, eurent l’honneur de faire présenter, au nom de la communauté, une requête à M. l’intendant de la ville d’Aix en permission de plaider. La permission fut refusée par mondit seigneur l’intendant par des motifs de sollicitation à la vue desquelles Sa Grandeur se laissa éblouir malgré la légitimité de la plainte dudit Tiran. Jean-Joseph Blanc, instruit de ce que ledit Tiran n’avait pas été écouté dans sa plainte, se porta à de nouveaux excès au point qu’il poursuivit ledit Tiran la nuit et le jour pour le maltraiter. 11 n’a jamais été possible audit Tiran de se faire rendre justice; au contraire, ce qui révolte la nature, c’est que ledit Tiran, qui n’avait aucun tort, ait encore été décrété injustement de prise au corps sans l’avoir mérité. Voilà de la manière comme on traite les innocents dans la juridiction de ce lieu. Telle est la plainte duditTiran, qui a été publiée aux présences de sieur Joseph-André Péna, bourgeois, et de Jean Arnaud, ménager, tous dudit lieu, témoins requis et soussignés, ainsique nous. Et ledit Tiran a déclaré ne savoir signer. Ainsi signé : Pena; J. Arnaud, et nous, Thenoux député. VI Ledit Tiran expose encore que son père, ayant été porté à l’hôpital général de la ville d’Aix pour cause de maladie, il y fut traité pendant douze ou quinze jours pour obtenir guérison. Mais malheureusement il y mourut. M. de Jouques, s’étant chargé de payer les frais dus au recteur de l’hôpital à raison de la maladie dudit Tiran,' s’empare d’un pied qu’il possédait au terroir de Jouques, quartier de la Palunette, qu’il promit de rendre à ses enfants en prélevant ce qu’il avait payé. Mais il se garda bien de le rendre, puisqu’il le vendit et en retira 700 livres, dont il ne rendit aucun compte à ses enfants qui le lui avaient demandé. Telle est la plainte duditTiran, quia été publiée aux présences des sieurs Joseph-André Pena, bourgeois, et Jean Arnaud, ménager, témoins requis et soussignés, et ledit Tiran a déclaré ne savoir signer. Ainsi signé : Pena; J. Arnaud, et nous, Thenoux, député. VII François Roux, tailleur d’habits, a l’honneur d’exposer à Sa Majesté que le juge, de sa propre autorité, fit saisir mon fils, maçon, par les cavaliers de la maréchaussée et conduit par le village comme un criminel, et conduit aux prisons seigneuriales, sans décret, sans procédure, sans plainte et plaignant. Et comme il vit que tout le monde criait, il le fit sortir tout de suite, et il me fit payer 21 livres pour la prise des cavaliers. •— Voilà la plainte dudit Roux. Signé Roux. VIII Barthélemy Tardif se plaint , comme habitant domicilié, que l’autorité lui a ôté assez funeste et rigoureuse, au point qu’il vit traîner sa sœur en prison sans aucune formalité et ne l’ayant pas mérité. Et a signé : B. Tardif. IX Joseph Coulon, travailleur, expose que l’autorité lui a été aussi funeste et rigoureuse au point qu’on l’a saisi à la grande Bastide de Rians, où il exerçait l’office de serviteur. Il se voit saisir par trois cavaliers, accompagnés d’un huissier et d’un valet de ville, à neuf heures du soir. On l’enchaîne comme le plus grand criminel. On le conduisit à Rians, et tout de suite à Aix aux prisons royales. Il y resta trente-cinq jours et retourna malheureusement la peau, et en fit pour un mois de convalescence, et encore de se domicilier du lieu de Jouques. Pourquoi? pour être soupçonné d’aller à la chasse. Voilà la plainte dudit Coulon, qui a été transcrite, et par nous publiée aux présences de Barthélemy Prouvée, travailleur et Jean Arnaud, ménager, tous dudit Jouques, témoins requis et soussignés avec nous. Et ledit Coulon a déclaré ne savoir signer. Signé B. Prouven ; I. Arnaud et nous Thénoux, député. X Philippe Prouven, ménager de ce lieu, expose qu’étant débiteur de 115 livres à M. de Jouques, il le paya tant les arrérages que le principal. Il retira quittance; quelques jours après, il le fit appeler par son domestique de rapporter la quittance, ce qu’il fit. Il la retira, et lui en fit une autre qui ne porta seulement que sur les intérêts. Pour s’en plaindre, il le menaça de le faire mourir en prison. Il dit encore qu’ayant acquis une vigne et clos, il les possédait tranquillement depuis dix mois. Il y fit des améliorations. Le ménager de M. de Jouques le voulut en exerçant le retrait lignager. Ce qui ne se pouvait sê faire, car il n’aurait que quarante jours et le seigneur le menaça de plaider avec lui. Voilà la plainte dudit Prouven, qui a été transcrite et par nous publiée aux présences de François Roux, tailleur d’habits, et Jean Arnaud, ménager, témoins requis et soussignés avec nous ; et ledit Prouven a déclaré ne savoir signer. Ainsi signé: Roux; J. Arnaud, et Thénoux, député. XI Le sieur Jean-Joseph Castiguet, négociant, a l’honneur d’exposer avec respect à Sa Majesté que, par acte du 12 janvier 1783, notaire maître Thus, à Jouques, il acquit de la veuve de Michel Joué, travailleur dudit lieu, une terre, vigne, verger, 312 (États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.j et ses coustières au terroir de Jouques, quartier de Coujoubleau, la même que cette veuve avait acquise du sieur Claude Bernard, par acte rière maître Ricard, notaire, du 3 juillet 1780. L’exposant fut, par son acte d’acquisition, chargé de payer au sieur Claude Bernard la somme de 100 livres, faisant l’entier payement dû audit Bernard, et non de payer le droit de lods, qui était encore à la charge de ladite Joué, et que M. le président de Jouques voulait exiger ainsi que le sieur Jerre, fermier de Monseigneur l’archevêque avec le droit de lods de l’exposant, et a signé. Signé CASTIGUET. XII Il n’est rien de si monstrueux que ce qui s’est passé dans l’affaire de Jean-Joseph Castiguet, négociant, du lieu de Jouques. Ce fils infortuné ale malheur de perdre son père assassiné par un valet insensé et frénétique. Et parce qu’il déclare ne pouvoir être partie, et ne vouloir poursuivre lui-même l’assassin en justice, et qu'il laisse le tout pour la sûreté publique au ministère du procureur juridictionnel, on le menace enfin de lui faire perdre son héritage. Que n’a-t-ou pas imaginé? Que n’a-t-on pas dit, et que n’a-t-on pas fait pour effrayer un homme de cet état? Cette manœuvre a quelque chose qui révolte l'humanité. Cependant, on voulait avoir la douceur de se contenter de lui désemparer la bastide, où son cher père a été assassiné. Ou se retranchait ensuite sur 1,000 ôcus; de là, on en venait à 100 louis d’or. Et venant toujours en rabais, on lui aurait fait un passe-droit pour 50 louis, s’il avait voulu consentir à ces frauduleuses propositions. Mais, comme elles furent constamment rejetées, ont eut le secret, à force de menaces, d’intrigues et de vexations, d’exiger de lui une furtive déclaration secrète de payer les frais dejustice dans la procédure qu’ils prendront contre l’assassin, à la requête du procureur juridictionnel, étant convenu verbalement en présence de respectables témoins, que le tout se ferait succinctement et sans procès extraordinaire, et qu’on ménagerait l’argent de Castiguet, qui se soumettrait volontairement et par pure complaisance à des frais dont les lois le dispensaient. Si on avait voulu, jamais procédure n’aurait été plus tôt expédiée. Le coupable était venu se déclarer lui-même ; la démence était démontrée et manifeste par toutes les circonstances du délit; quatre ou cinq témoins auraient été plus que suffisants pour la preuve en justice; et toute passion aurait disparu. C’aurait été une affaire de peu de jours. Mais, une fois muni de la déclaration de Castiguet, on ne chercha qu’à l’accabler de frais. On ne se contenta pas d’un grand nombre de témoins du lieu, la plupart inutiles. On en alla chercher dans les villages voisins, non pas pour mieux faire constater ce qui était déjà démontré, mais pour punir, par des dépenses considérables, l’obstination de Castiguet à refuser les propositions d’accommodement. Dans la juridiction des seigneurs des lieux, le sergent ordinaire suffit pour assigner les témoins, non-seulement du lieu, mais les étrangers mômes, en prenant des lettres rogatoires. Mais dès que c’est Castiguet qui paye, tout doit se faire avec Elus d’éclat et à plus grands frais. 11 faut un uissier ou sergent royal étranger, parce qu’il faut mieux payer. Quel abus ! Il est inouï, indécent, et même défendu sous peine de restitution , à un procureur juridictionnel, qui fait prendre une procédure à sa requête, d’exiger aucun émolument de sa poursuite. Mais ici, toutes les règles sont confondues, prétexta-tions des requêtes, conclusions audit sur les lieux, tout est payé par Castiguet; le procureur juridictionnel se taxe et se paye lui-même, comme s’il y avait une partie civile. Il en est de même du greffier, du lieutenant de juge et du juge; l’audition des témoins, les recollements et les confrontations, et généralement tout ce qui se fait au nom du ministère public, doivent se faire gratis, et il n’est pas question d’épices dans toutes les juridictions souveraines et subalternes. Cela se pratique ainsi. Mais, dans la juridiction du seigneur de Jouques, la déclaration secrète de Castiguet a fait changer toutes les règles ; rien ne se fait qu’avec l’argent de Castiguet, et il n’est pas épargné. Avant cette déclaration, le commis avait contrôlé gratis tous les exploits : c’est là la règle. Mais, après que Castiguet se fût soumis, par un accord secret, à payer les frais, ce commis, qui était alors le lieutenant de juge de la procédure, exigea les droits du contrôle, non-seulement pour les exploits à venir, mais encore pour ceux d’auparavant qui avaient été contrôlés gratis. C’est ainsi que le lieutenant de juge et commis du contrôle en même temps, au mépris des arrêts de la cour, l’ordonna, et retira des mains du greffier le payement des divers exploits antérieurs et contrôlés gratis. Cependant, n’y aurait-il pas quelques embarras et quelques désagréments à craindre pour ce commis? A chaque exploit il aurait contrôlé gratis dans son registre et dans l’exploit. Gela une fois écrit, on ne peut plus rayer. Cependant, il conste par le rôle des frais de cette procédure qu’on a enfin donné, qu’il s’est fait payer tous les droits. S’il garde cet argent dont il n’est pas chargé, la direction, dès qu’elle en aura connaissance, lais-sera-t-elle cette prévarication impunie ? Si, après la déclaration, il a mis dans son registre : « Contrôlé à la requête de Castiguet, » c’est une fausseté qui n’échappera pas aux lumières de la cour, tout ayant été fait, dès le commencement jusqu’à la fin* au nom du procureur juridictionnel. L’article du geôlier est des plus frappants. On a fait paraître un homme postiche, un paysan, un valet aveuglement dévoué aux ordres de son maître, et sans avoir jamais fait la fonction de geôlier, sans avoir même paru une seule fois, ni de loin ni de près, à la porte de (la prison. On lui a présenté un papier écrit, et sans autre façon, on lui a dit : Signez cela. Et quand il a représenté qu’il n’avait pas été geôlier de ce prisonnier, et qu’il ne pourrait pas signer une chose fausse : Ne t’embarrasse pas, lui a-t-on dit, que risques-tu? signe toujours Et alors, pour obéir à son maître, et ne pas lui déplaire, il a signé qu’il avait fait la fonction de geôlier, et que, pour ses peines et vacations, il avait reçu, pour quatre mois et demi, 67 livres 10 sous, quoiqu’il n’ait jamais touché un dénier. Ce trait est singulier et notoire, et mérite toute l’animadversion de la cour. De quel droit le juge de Jouques réglerait-il la nourriture du prisonnier à 10 sous par jour, lorsque le Roi n’en paye lui-même que 6 sous ? Et ce qui est réglé par la volonté et la justice du souverain deviendra arbitraire suivant le caprice d’un juge banneret? Et Castiguet sera-t-il obligé de donner 4 sous de plus par jour pour mieux nourrir le meurtrier de son père ? Ne voit-on pas, [États gén. 1789. Cahiers.] dans tous ces articles, ou illégitimement prétendus ou injustement altérés, la passion aveugle de ceux qui dirigeaient cette procédure? Faut-il être surpris, après cela, si l’on a refusé si longtemps ce rôle de frais, et s’il a fallu faire réitérer les injonctions au greffier actuel pour le remettre, sous peine, en cas de refus, de la saisie de ses biens, et même d’être contraint par corps? C’était un mystère d’iniquité conçu dans les ténèbres de la passion, qu’on n’osait mettre au grand jour. C’est pour cela qu’on avait écrit à ce premier greffier : Vous ne devez donner aucun reste des frais de cette procédure ; ce ne pourrait être qu’à mauvaise fin qu’on le demanderait; ainsi vous le refuserez, et pour toute réponse, vous lui lirez et communiquerez ma lettre, sans la confier, ni en laisser prendre copie. Cet ancien greffier garde cette lettre et d’autres pour la justification. Du moins, l’a-t-il dit à plusieurs personnes. N’est-il donc pas naturel de conclure que Cas-tiguet, ayant déclaré ne pouvoir ni ne vouloir rester partie, et ayant demandé au procureur juridictionnel la vengeance de l’assassinat de son père, il ne devait absolument rien, en bonne règle, de tous les frais qu’on l’a obligé de payer: Que si ,pour éviter la vexation, il s’est soumis à indemniser le fisc, il ne s’est obligé de payer que ce que le fisc en oblige de payer, et non comme partie civile; pour les honoraires indus des officiers de la juridiction de Jouques qui ont été extorqués, ils doivent lui être restitués, et tout le reste réduit à un légitime payement : ce qu’on a lieu d’espérer des lumières. Et a signé Castiguet. XIII Ayant eu procès, ledit Ricard, avec un particulier, on ne me rendit pas justice par animosité et caprice. Le tribunal subalterne local, déférant à ses ressentiments. 11 se plaint encore que, possédant un pré au quartier de la Poteste, proche le village, le seigneur me le ravit sans aucun droit,, et encore sans se pouvoir plaindre. Plus, il m’ôtait un autre pré par droit de pré-lation : n’étant pas bien aise de me voir une bonne propriété, pour nous maintenir toujours pauvres. Voilà les plaintes dudit Ricard ; les a transcrites, et s’est soussigné. Signé Ricard. XIV Ledit Ricard expose encore à Sa Majesté que ses prédécesseurs lui ayant laissé un affard de terre dont il a un bâtiment appelé le paroir de Silvy à drap; qu’il avait été reconnu par le sieur Jean Beanuron, capitaine à Monseigneur l’archevêque, seigneur majeur et suzerain, franc de tons cens, en l’année 1584. De plus, la communauté passa un abonnement avec le seigneur, en 1712, rière maître Guiout, notaire à Aix; et ledit exposant, ayant fait reprendre le travail dudit paroir en 1774, le seigneur lui imposa un cens sans aucun droit, et l’a forcé à le lui payer. Voilà la plainte dudit Ricard. Signé Ricard. XV François Gavaudan, berger de ce lieu de Jouques, expose que, payant la dîme des agneaux sur le pied de onze, et à lui, l’année dernière, on [Sénéchaussée d’Aix.] 343 lui en fit payer de cinq un, en le menaçant de lui faire essuyer un procès. Il se plaint" encore que, comme berger, c’est d’une grande utilité d’avoir un chien pour lui servir à déclarer le loup. Le seigneur lui en fit tuer un et quelque temps après qu’il en eut un autre, fut forcé de le vendre. Voilà la plainte dudit Gavaudan qui a été transcrite, et par nous publiée aux présences des sieurs François Roux, tailleur d’habits, et de Jean Arnaud, travailleur , tous dudit Jouques; témoins requis et soussignés avec nous, ledit Gavaudan a déclaré ne savoir signer. Signé Roux ; JJ. Arnaud, et Thénoux, député. XVI Laurent Decanis a l’honneur d’exposer à Sa Majesté que, dans un temps, ayant porté sa plainte a M. de Jouques au sujet du dommage affreux qu’il avait souffert dans l’étendue de ses vergers par le gibier, occasionné par le défaut de chasse de la part dudit seigneur, et la population immense des lapins que les possédants en arrière-fiefs titrés par ledit seigneur ont répandue dans sa contrée, par la construction des gai enn es où ils avaient placé tous les lapins femelles pleines pour répandre la population. La plainte dudit Decanis ne fut pas reçue de bonne part de la part dudit seigneur, qui le traita ignominieusement et le renvoya, ajoutant encore à sa plainte. Qu’il acquit, dans un temps, un pré du nommé Bedos, qui lui fut ôté par droit de prélation par ledit seigneur, qui le revendit à un autre pour se procurer un bénéfice. Il se plaint encore de ce que ledit seigneur construisit un cloaque dans unendroitappartenant à la communauté, pour y recevoir tout le dégoût des eaux pluviales des rigoles des rues du village; lesquelles eaux allaient se rendre, par un petit canal, dans un cloaque qu'il avait acquis dudit seigueur : ce qui l’avantageait pour bonifier son jardin. Telles sont les plaintes dudit Decanis, que nous avons transcrites et publiées aux présences du sieur Joseph-André Pena, bourgeois, et sieur Jean-Joseph Ricard, négociant; tous dudit Jouques , té-moinsrequis et soussignées avec nous; ledit Decanis a déclaré ne savoir signer. Signé Ricard ; Pena , et Thénoux, député. XVII Alexandre Burle, ménager de celui de Jouques, a l’honneur d’exposer à Sa Majesté que le feu Jean-Louis Fouque, son parent, lui fit donation d’une maison qu’il possédait dans l’enceinte du dit Jouques pour les aimables services qu’il avait reçus et qu’il recevait journellement. M. de Jouques voulut que cette donation fût à sa faveur., Ledit Burle, voulant soutenir la cause, il fut condamné à 800 livres des dépens. Pourquoi? parce qu’il était un magistrat. 11 se plaint encore que, possédant un pré que son oncle avait acquis de feu M. Cottrotendy, le 17 juin 1747, on le lui' ravit en remettant le droit de prélation pour rétention féodale, après vingt-neuf années dix mois de possession. Voilà la plainte dudit Burle, que nous avons transcrite et publiée, aux présences de Biaise Gar-cin, maréchal à forge, et Baqui Laugier, ménager dudit lieu, témoins requis et soussignés avec nous. Et ledit Burle a déclaré ne savoir écrire. Signé Garcin; Laugier, et Thénoux, député. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 314 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] XVIII Biaise Garcia, maréchal à forge, expose qu’il avait acquis une terre dans ce terroir, au quartier des Asseaux. M. de Jouques remit son droit de prélation pour rétention féodale à Saint-Martin. Pourquoi? parce qu’il était son greffier. Voilà la plainte dudit Garcin, et s’est soussigné Signé Garcin. XIX Joseph Thénoux, négociant de ce lieu de Jouques, a l’honneur d’exposer à Sa Majesté que feu Jean Thénoux, son grand-père, avait acquis un cazal, cave et basse-cour, au prix de 144 livres, le 21 avril 1743, notaire Gautier. Getacte avait été investituré le 1er novembre de la même année. M. de Jouques le leur ravit en exerçant son droit de prélation qu’il n’avait point, pour le même prix, le 27 décembre 1751, sans leur rembourser les frais d’acte et contrôle, pour le revendre au prix de 600 livres. Voilà la plainte dudit Thénoux, et s’est soussigné. Signé Thénoux. CAHIER Des doléances de la ville de Lambesc , sénéchaussée d'Aix (1). Les malheurs qui accablent le peuple sont trop connus pour qu’il soit nécessaire que la communauté de Lambesc en trace le tableau. La partie intéressante de la nation est opprimée depuis plusieurs siècles, et c’est aux lumières qui ont éclaté de toutes parts que l’on doit l’heureuse révolution qui se prépare. Le Roi ne peut plus douter des malheurs de son peuple; il veut les connaître et les approfondir pour y porter un remède salutaire ; sa bonté paternelle nous invite à faire éclater nos maux pour qu’il daigne en diminuer la gravité. Le plus grand de tous est que nous soyons éloignés de sa personne, et par là privés de lui faire connaître nos besoins réels. Qu’il nous soit permis de faire parvenir aux pieds de son trône nos justes réclamations et nos doléances. Demandons au meilleur des rois : 1° Un libre accès aux hommes utiles, et que le mérite de la considération qu’ils doivent obtenir ne soit désormais que le partage de la solide vertu. 2° La réformation de la justice civile et surtout criminelle. 3° La suppression des justices seigneuriales, où il se commet tant d’abus et de tant de manières. 4° L’établissement des juges royaux dans des arrondissements qui puissent suppléer aux justices seigneuriales qui n’existeront plus. 5° Que les communautés soient maintenues dans les privilèges attachés aux offices municipaux qu’elles ont achetés et principalement au droit qu’ont les maires et lieutenants de maire d’autoriser les conseils. 6° Que les communautés soient déchargées du droit d’indemnité pour les établissements nécessaires à l’habitation, attendu que le seigneur (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. qui a appelé des habitants a nécessairement consenti à ce qu’ils fussent pourvus de tout ce qui est nécessaire à l’habitation. 7° L’affranchissement de toutes les redevances et cens seigneuriaux, afin que les biens devenus libres puissent fournir plus de secours à l’Etat; l’abolition surtout de la servitude, qui dégrade l’homme vis-à-vis de son semblable. 8° La contribution des deux premiers ordres à toutes les charges du Roi et du pays, sans aucune espèce d’exemption ou de modification quelconque. 9° Une nouvelle formation des Etats déterminée par l’assemblée des trois ordres, pour que chacun ait un concours à l’administration proportionnée à ses intérêts. 10° L’abolition de la dîme, pour que les commu-munautés puissent améliorer le sort des curés et principalement des secondaires, et abolir par là toute espèce de casuel. 11° La suppression du droit de contrôle, insinuation et centième denier, réduit à un simple droit et contrôle pour tous les actes, à l’effet de constater du droit des parties et de leur hypothèque. 12° La suppression des droits de la gabelle, et les bureaux reculés aux frontières. 13° La liberté de la chasse, surtout pour empêcher le dégât. Signé Jaubert, avocat et consul; Martin, M.-G. ; Agurd, ex-consul; Ghâteauneuf, M.-C. ; Jaubart de Fontaine; Allibert; Bouissay, ex-consul; Quin-tran; J. Ménard; Liotard; Antoine Bert; Antoine Vialle; J. Releu ; J. Gambon; L. Liotard ; Toche ; AI-libert;Boyer; Géraud ; J. Armelin,; N. Binel; Alexis Boyer; Imbert; Martin, M.-G.; Bernard; Jaubert; J. Goueste; Bernet; L. Coueste; Audier; A Ronore; Denis Chabot; André; Joseph Vette; lsnard; Jean Rainaud; Vitou; Joseph Gillet; Lorte; J. Rainard; Taulier; Boyer, maçon; Garcin; Roudin; Tor-meny; Rollin; Michel ; Gilles Rabus ; Audibert; Bony; Loutet; Quintran; Imbert; Gillet Mivier; J.-B. Fourment; A.-G. Jaubert; J. Bresson; Pierre Regnaud; J. Fourmenq; L. Binet; Bibré; Leblanc; J. Rue; Joseph Nicolas ; François Gay; Jean-Louis Martelly ; Jean-Jacques Binet; Estienhe;J. Liotard; L. Liotard; Derty; Jean-Baptiste Hue; Mathau; Chaix; L. Imbert; Horma; Fabre; E.-J. Guesnier, et Martin, M.-G. CAHIER Des doléances de rassemblée générale de tous les chefs de famille , tenue à Lançon le 29 mars 1789, ensuite des lettres patentes de Sa Majesté en date du 2 du même mois , pour la convocation des Etats généraux du royaume qui auront lieu à Versailles le 27 avril prochain , de l’ordonnance rendue en conséquence par M. le lieutenant général en la sénéchaussée générale de Provence , séant àAix le, 12 dudit mois de mars, et de l'assignation donnée aux sieurs maires et consuls de cedit lieu par exploit du 18 du même mois (1). Art. 1er. Le désir le plus ardent de la communauté de Lançon et de tous les membres qui la composent, est de maintenir l’autorité royale dans la plénitude de ses droits et prérogatives, de manière qu’elle soit assurée de l’obéissance de tous les corps, comme elle est assurée de celle de chaque citoyen. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.