94 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE [s.d] (1) Citoyens représentants, Avant le 9 thermidor, la vertu étoit à l’ordre du jour, et la vertu étoit opprimée. Le glaive de la justice ne devoit peser que sur les ennemis de la République, et il frappoit indistinctement les patriotes et les conspirateurs. La liberté étoit garantie à ceux qui l’avoient reconquise, et c’étoit à eux qu’elle étoit ravie. La prison et l’échafaud étoient réservés aux conspirateurs, et l’un[e] et l’autre dévoroient les plus infati-guables vengeurs du peuple. Tous les citoyens s’appelloient frères et amis, et tous, étrangers les uns aux autres, se cherchoient, et ne se trouvoient plus. Tous trembloient de se communiquer. La liberté étoit dans toutes les bouches, et tout, jusqu’à la pensée, étoit esclave. On ne parloit qu’au nom de la justice, de l’humanité et de la raison, et l’on ne voyoit qu’assassinats, emprisonnements et dilapidations. Ce que les Néron, les Catilina, les Cromvel, tous les despotes enfin, n’avoient osé faire, un seul homme, plus immoral, plus féroce, plus traître qu’eux, le faisoit habituellement. La liberté touchoit à sa dernière heure, mais la Convention s’est levée. Elle a trouvé le peuple debout autour d’elle, et, dans un instant, la France a été purgée de ce monstre qu’on ne devrait plus nommer. Entendez de toutes parts les cris d’allégresse, les actions de grâce des Français; mais entendez aussi ces mots terribles qui les accompagnent : « Nous ne voulons plus de tirants; vainement ils se déguiseront, l’oiel (sic) perçant de la liberté saura les démasquer, et partout ils recevront la mort ». Voilà le vœu, le dernier mot des Français; et il n’en est pas un qui ne soit disposé à le sceller de son sang. Si la section de la Maison-Commune, à côté du foyer de la révolte, au milieu même de la fange contre-révolutionnaire, est restée fidèle à la Convention, que ne devez-vous pas attendre d’elle, représentants, quand, fermes à vos postes, vous consoliderez, par la sagesse de vos décrets, la République une et indivisible, qu’elle a juré et jure de maintenir, jusqu’à l’extinction du dernier des membres qui la composent. Vive la République ! Vive la liberté ! Morand ( présid .). 6 Le représentant du peuple Ysabeau dépose sur le bureau 32 croix de Saint-Louis, qui lui ont été remises pendant sa mission (2). (1) C 314, pl. 1 259, p. 42; J. Sablier, n° 1 477; J. Mont., n° 96; J. Paris, n° 581; Ann. R.F., n° 245; J. Fr., n° 678. Mention dans F.S.P., n° 395; Mess. Soir, n° 714; M.U., XLII, 266; J. Lois, n° 677. (2) P. V., XLIII, 3. 7 Les orphelins nommés les enfans de la patrie, sont admis à la barre; ils remercient la Convention qui a sauvé leur mère; ils promettent de ne vivre que pour défendre la patrie et la représentation nationale (1). [Applaudissements] [s.d.] (2) L’orateur de la députation : Citoyens représentans, Les Orphelins de la Patrie, réunis à la société des Jeunes Français, seroi[e]nt-ils les derniers à vous féliciter d’avoir sauvé leur mère ? Heureux d’avoir pu nous rendre utiles dans un nouveau Dix Août, nous n’avons su venir vous parler que lorsqu’il ne nous est resté rien à faire. Oui, nous avons déjà pu combattre la tyrannie, puisque nous savions déjà la haïr. Grâces soi[e]nt à jamais rendues aux dignes et courageux représentants qui ont signalé les triumvirs sur leur thrône et ont arraché le masque sacré sous lequel ils se sont caché si longtems. Désigner les tyrans aux amis de la liberté, c’étoit leur commander de les combattre et de les vaincre. A peine la voix de la patrie allarmée se fit-elle entendre que nous jurâmes tous la mort de ces trois sélérats qui n’avoi[e]nt usurpé une immense popularité que pour mieux subjuguer le peuple, et qui n’affectoi[e]nt l’amour de la patrie que pour mieux assassiner les patriotes. Etoit-ce donc pour ces nouveaux Cromwel que le sang de nos pères a coulé dans les combats, et les cadavres ensanglantés de nos frères et de nos amis n’auroi[e]nt-ils donc servi que de marchepied à l’infâme Robespierre ?... Si nos cœurs frémissent encore au souvenir du danger que vient de courir la République, ils sont pénétrés de tendresse et de reconnoissance à la vue des augustes représentants qui l’en ont préservée. 0 vous, dignes pères de la patrie, vous qui, par votre courage et par votre énergie, venez d’acquérir des droits éternels à la gratitude des Français et du genre humain, recevez le serment que nous venons vous faire de vivre et de mourir dignes de vos travaux et de vos bienfaits. N’oubliez pas, au[x] jours d’orage, s’il pouvoit en exister encore, que dans la société des Jeunes Français, il est près de cent jeunes républicains qui, fiers de répandre leur sang pour épargner le vôtre, se feront un bonheur et une gloire de former autour de vous un rempart de leur corps et de défendre jusqu’à leur dernier soupir les droits de la république et de la représentation nationale (3). (1) P.-V., XLIII, 3. (2) C 314, pl. 1 259, p. 43. Bm, 16 therm.; Moniteur (réimpr.), XXI, 385; Débats, n° 682, 288; J. Lois, n° 677; J. univ.. n° 1 715; J. Sablier, n° 1 477; M.U., XLII, 266; J. Mont., n° 96; Mess. Soir, n° 714; F.S.P., n° 395; Ann. R. F., n° 245; J. Fr., n° 678. (3) L’adresse est signée Lemerle, présid. 94 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE [s.d] (1) Citoyens représentants, Avant le 9 thermidor, la vertu étoit à l’ordre du jour, et la vertu étoit opprimée. Le glaive de la justice ne devoit peser que sur les ennemis de la République, et il frappoit indistinctement les patriotes et les conspirateurs. La liberté étoit garantie à ceux qui l’avoient reconquise, et c’étoit à eux qu’elle étoit ravie. La prison et l’échafaud étoient réservés aux conspirateurs, et l’un[e] et l’autre dévoroient les plus infati-guables vengeurs du peuple. Tous les citoyens s’appelloient frères et amis, et tous, étrangers les uns aux autres, se cherchoient, et ne se trouvoient plus. Tous trembloient de se communiquer. La liberté étoit dans toutes les bouches, et tout, jusqu’à la pensée, étoit esclave. On ne parloit qu’au nom de la justice, de l’humanité et de la raison, et l’on ne voyoit qu’assassinats, emprisonnements et dilapidations. Ce que les Néron, les Catilina, les Cromvel, tous les despotes enfin, n’avoient osé faire, un seul homme, plus immoral, plus féroce, plus traître qu’eux, le faisoit habituellement. La liberté touchoit à sa dernière heure, mais la Convention s’est levée. Elle a trouvé le peuple debout autour d’elle, et, dans un instant, la France a été purgée de ce monstre qu’on ne devrait plus nommer. Entendez de toutes parts les cris d’allégresse, les actions de grâce des Français; mais entendez aussi ces mots terribles qui les accompagnent : « Nous ne voulons plus de tirants; vainement ils se déguiseront, l’oiel (sic) perçant de la liberté saura les démasquer, et partout ils recevront la mort ». Voilà le vœu, le dernier mot des Français; et il n’en est pas un qui ne soit disposé à le sceller de son sang. Si la section de la Maison-Commune, à côté du foyer de la révolte, au milieu même de la fange contre-révolutionnaire, est restée fidèle à la Convention, que ne devez-vous pas attendre d’elle, représentants, quand, fermes à vos postes, vous consoliderez, par la sagesse de vos décrets, la République une et indivisible, qu’elle a juré et jure de maintenir, jusqu’à l’extinction du dernier des membres qui la composent. Vive la République ! Vive la liberté ! Morand ( présid .). 6 Le représentant du peuple Ysabeau dépose sur le bureau 32 croix de Saint-Louis, qui lui ont été remises pendant sa mission (2). (1) C 314, pl. 1 259, p. 42; J. Sablier, n° 1 477; J. Mont., n° 96; J. Paris, n° 581; Ann. R.F., n° 245; J. Fr., n° 678. Mention dans F.S.P., n° 395; Mess. Soir, n° 714; M.U., XLII, 266; J. Lois, n° 677. (2) P. V., XLIII, 3. 7 Les orphelins nommés les enfans de la patrie, sont admis à la barre; ils remercient la Convention qui a sauvé leur mère; ils promettent de ne vivre que pour défendre la patrie et la représentation nationale (1). [Applaudissements] [s.d.] (2) L’orateur de la députation : Citoyens représentans, Les Orphelins de la Patrie, réunis à la société des Jeunes Français, seroi[e]nt-ils les derniers à vous féliciter d’avoir sauvé leur mère ? Heureux d’avoir pu nous rendre utiles dans un nouveau Dix Août, nous n’avons su venir vous parler que lorsqu’il ne nous est resté rien à faire. Oui, nous avons déjà pu combattre la tyrannie, puisque nous savions déjà la haïr. Grâces soi[e]nt à jamais rendues aux dignes et courageux représentants qui ont signalé les triumvirs sur leur thrône et ont arraché le masque sacré sous lequel ils se sont caché si longtems. Désigner les tyrans aux amis de la liberté, c’étoit leur commander de les combattre et de les vaincre. A peine la voix de la patrie allarmée se fit-elle entendre que nous jurâmes tous la mort de ces trois sélérats qui n’avoi[e]nt usurpé une immense popularité que pour mieux subjuguer le peuple, et qui n’affectoi[e]nt l’amour de la patrie que pour mieux assassiner les patriotes. Etoit-ce donc pour ces nouveaux Cromwel que le sang de nos pères a coulé dans les combats, et les cadavres ensanglantés de nos frères et de nos amis n’auroi[e]nt-ils donc servi que de marchepied à l’infâme Robespierre ?... Si nos cœurs frémissent encore au souvenir du danger que vient de courir la République, ils sont pénétrés de tendresse et de reconnoissance à la vue des augustes représentants qui l’en ont préservée. 0 vous, dignes pères de la patrie, vous qui, par votre courage et par votre énergie, venez d’acquérir des droits éternels à la gratitude des Français et du genre humain, recevez le serment que nous venons vous faire de vivre et de mourir dignes de vos travaux et de vos bienfaits. N’oubliez pas, au[x] jours d’orage, s’il pouvoit en exister encore, que dans la société des Jeunes Français, il est près de cent jeunes républicains qui, fiers de répandre leur sang pour épargner le vôtre, se feront un bonheur et une gloire de former autour de vous un rempart de leur corps et de défendre jusqu’à leur dernier soupir les droits de la république et de la représentation nationale (3). (1) P.-V., XLIII, 3. (2) C 314, pl. 1 259, p. 43. Bm, 16 therm.; Moniteur (réimpr.), XXI, 385; Débats, n° 682, 288; J. Lois, n° 677; J. univ.. n° 1 715; J. Sablier, n° 1 477; M.U., XLII, 266; J. Mont., n° 96; Mess. Soir, n° 714; F.S.P., n° 395; Ann. R. F., n° 245; J. Fr., n° 678. (3) L’adresse est signée Lemerle, présid.