294 [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais.] 5° Par la défense des associations prises dans le sens qu’on ne fournit aucuns moyens sages de les remplacer lorsqu’elles devraient avoir lieu. 6° Enfin par la nécessité indispensable de prendre des experts à une distance aussi éloignée que celle de trois lieues. Augmentation des maréchaussées. Les maréchaussées sont évidemment, insuffisantes pour le service que l’intérêt public exige. Le clergé demande que ce corps soit augmenté en France et qu’il soit établi des brigades dans les gros lieux. Le vœu de tous les ordres des citoyens est encore d’extirper en France la mendicité ; les ressources sont immenses chez un peuple humain et chrétien. Il ne s’agit que de les bien diriger. Les Etats généraux prendront en considération les moyens présentés jusqu’à ce jour. Les ateliers de charité ont porté en partie remède à ce fléau trop répandu en France. L’ouvrage sera achevé lorsqu’une fois on aura proportionné les secours à l’étendue du besoin. Uniformité des poids et mesures. La diversité des poids et mesures entraîne de si grands inconvénients qu’il est très à désirer pour le commerce qu’ils soient réduits à une même dénomination et aux mêmes dimensions. Suppression des loteries. La loterie, de tous les impôts le plus immoral, est la source de tant de désordres que le clergé ne doute pas que les Etats généraux ne s’empressent d’y remédier. Réforme des statuts des chirurgiens. Tant que les chirurgiens des provinces seront régis par les statuts actuels, les peuples auront raison de s’en plaindre ; le vice et le remède résident dans les réceptions. M. le premier chirurgien du Roi vend à vie les charges de lieutenant et de greffier; cette vente arme l’intérêt particur lier d un titre ennemi du bien général; les acquéreurs, forts de l’appui du vendeur, tirent avantage et s’accommodent très-bien de la faiblesse des candidats. Ceux-ci trouvent en outre le moyen de triompher des refus les plus justes. La vie des hommes réclame que les charges de lieutenant et greffier soient des places d’honneur et de confiance ; qu’elles ne soient décernées qu’à la probité et au mérite, soit par MM. les officiers municipaux, soit par MM. les officiers du bailliage; M. le lieutenant général, M. le procureur du Roi ou M. le juge de police assisteraient à tous les actes probatoires des récipiendaires, y feraient régner le bon ordre et l’équité en écartant la jalousie et l’avarice. Etablir des sages-femmes instruites. L’humanité exige également que les sages-femmes ne puissent être admises en aucuns lieux en cette qualité qu’elles n’aient suivi avec fruit des cours publics d’accouchement. Laisser le cours des baux des gens de mainmorte. Les baux des bénéfices isolés finissent par la démission des titulaires. Cet abus ruine de bons cultivateurs qui se sont quelquefois épuisés pour payer de forts pots-de-vin et les empêche même de faire les améliorations convenables. Il est juste que le député sollicite un règlement qui concilie les intérêts du fermier et ceux du titulaire successeur. Telles sont les réclamations que l’amour du bien public a dictées à l’ordre du clergé de ce bailliage. Admis à l’honorable fonction d’éclairer son souverain sur les grands objets de la prospérité publique, il n’a fait entendre que les nobles conseils de la vérité, et il ne s’est point livré au découragement en contemplant les maux del’Etat. La crise qui l’afflige peut devenir l’époque d’une heureuse révolution. Du sein d’un désordre passager naîtra la stabilité des principes fondamentaux de la monarchie , l’établissement d’institutions utiles qui répareront les malheurs et les feront oublier. Fait, lu et approuvé dans l’assemblée du clergé du bailliage de Beauvais, au palais épiscopal, en présence de tous messieurs de cet ordre. A Beauvais, le dix-septmars mil sept cent quatre-vingt-neuf. Signés à la minute des présents : de Lannery de Prouleroy. Daubancourt, curé de Saint-Just. Pre-veres, curé de Saint-Pierre-Motte. Danse, chanoine. Clément , chanoine. Sallentiu. Taillon , chanoine. Thiery, chanoine. Redon. Villain. Payen. Poney, chanoine régulier. De La Motte. L’abbé de Comeiras. Pignon, Lozières. F. -P. -F. Bazonne. F.-M. Enjubault, prieur de Saint-Germer. Regnier, curé de la Versines, Pillon, curé de Saint-Jacques. Beauchin, prieur-curé d’Ozembray. François-Joseph, évêque comte de Beauvais, et Fouenet du Bourg, secrétaire. Collationné et certifié véritable par moi, greffier en chef du bailliage et siège présidial de Beauvais, soussigné. Signé Pigory, avec paraphe. CAHIER DE L’ORDRE DE LA NOBLESSE DU BAILLIAGE DE BEAUVAIS, ET EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL DES SÉANCES DE L’ASSEMBLÉE DUDIT ORDRE (1). CONSTITUTION. La noblesse regarde comme base première du salut de la patrie, qu’avant de consentir à aucune prorogation ou établissement d’impôts, les Etats généraux statuent par une loi sanctionnée par le Roi, et enregistrée dans toutes les cours : 1° Que les Etats généraux représentent [la nation, ont la puissance législative conjointement avec le Roi. 2° Qu’aucun citoyen ne peut jamais être privé de sa liberté que par la loi, et d’après le jugement des tribunaux reconnus par 1a. nation. 3° Qu’aux Etats généraux seuls appartient le droit d’établir ou de proroger les impôts, et d’ouvrir des emprunts, sous quelque forme et dénomination que ce puisse être. 4° Que les Etats généraux seront périodiques ; que la forme de leur convocation et leur composition seront déterminées par eux-mêmes; et que si, à l’époque qu’ils aurontfixée, ils n’étaient pas rassemblés, les impôts cesseraient de droit à l’instant même dans tout le royaume. 5° Que dans toutes les provinces du royaume, il sera établi des Etats provinciaux, dont la forme e£ le pouvoir seront déterminés par les Etats généraux. L’établissement des cinq articles, avant le consentement aux impôts, paraît si essentiel à l’ordre de la noblesse, qu’elle en fait une condition expresse à son député, et déclare qu’elle le désavouera, s’il vote pour aucun établissement ou (1) Nous publions ce cahier d'après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais.] 900 prorogation d’impôts, avant la promulgation de cette loi; lui enjoignant de protester contre chaque proposition qui serait faite, et contre toute délibération qui serait prise avant d’avoir assuré la constitution. ÉTATS GÉNÉRAUX, La noblesse du bailliage de Beauvais déclare qu’elle renonce à tout privilège pécuniaire, et qu’elle reconnaît avec plaisir la nécessité d’établir comme principes, que les impôts doivent être supportés par les propriétés sans distinction de propriétaires. Elle est d’avis que dans les Etats généraux, en toutes matières, les ordres délibèrent séparément ; mais que, si l’unanimité manquait entre les trois ordres, comme il ne serait pas juste que la nation perdit son droit de voter sur aucun des articles proposés, alors les trois ordres devraient se réunir, et les voix être comptées par tête. Elle demande que le retour périodique des Etats généraux soit fixé à trois ans au plus tard. Que toutes les lois et règlements proposés par les Etats généraux et consentis par le Roi, ou proposés par Sa Majesté et consentis par les Etats généraux, soient enregistrés et promulgués par les cours souveraines, les Etats généraux encore assemblés ; que lesdites cours ne puissent en retarder l’enregistrement pur et simple, ni la promulgation, sous aucun prétexte. ÉTATS PROVINCIAUX. Que les Etats provinciaux soient établis sur un plan uniforme dans tout le royaume : ce qui n’empêchera pas les députés des différentes provinces de demander les modifications que les circonstances locales leur feraient juger utiles. Que lorsque les règlements provisoires, surtout en ce qui concerne la police des villes et des campagnes, et autres que la seule localité rendrait utiles, seraient demandés par les Etats provinciaux et consentis par Sa Majesté, les cours souveraines de la province soient tenues de procéder à l’enregistrement pur et simple et à la promulgation, sans pouvoir en retarder l’effet sous aucun prétexte. Que les Etats provinciaux s’occupent spécialement de la composition des municipalités des villes, dans lesquelles doivent être admis des citoyens des trois ordres. clergé. La noblesse demande que les archevêques, évêques, curés et tous autres bénéficiers ayant ou non charge d?âmes, résident dans leurs diocèses, paroisses et bénéfices (ordonn. de Blois. art. 14). Que nul, de quelque qualité et condition qu’il soit, ne puisse posséder deux bénéfices (ordonn. d’Orléans, art. 5), ni parvenir à aucune dignité ecclésiastique, qu’il n’ait rempli pendant six ans au moins le ministère dans une paroisse de ville, ou quatre ans dans une campagne. Qu’un nombre déterminé de canonicats ou bénéfices simples soit affecté comme retraite à des prêtres qui se seront occupés de fonctions ecclésiastiques avec zèle et sans reproche l’espace de vingt-cinq ans. Que les Etats généraux s’occupent de l’amélioration du sort des curés et vicaires des villes de provinces et des campagnes. Que, conformément à l’ordonnance d’Orléans du mois de janvier 1560, article 2, il ne soit plus porté d’argent à Rome à titre d’annates, dispenses, etc.; que les dispenses de toute espèce soient données par l’évêque diocésain; que leur produit, ainsi que celui des annates, soit appliqué aux reconstructions et réparations des presbytères et portions d’églises qui sont actuellement à la charge des paroisses, et au soulagement des pauvres du diocèse où ces droits seront échus ; et qu’il soit fait un tarif très-modéré et commun à toutes les provinces du royaume, du coût de toutes les dispenses. Que les collèges, écoles gratuites et hôpitaux, soient surveillés par les Etats provinciaux, et qu’il soit pourvu à leur entretien par une portion suffisante de biens ecclésiastiques. NOBLESSE. La noblesse prescrit à son député aux Etats généraux de déclarer qu’elle ne reconnaît et ne reconnaîtra jamais en France qu’un seul ordre de noblesse, jouissant des mêmes droits. Elle demande que la noblesse et les prérogatives qui y sont attachées ne puissent plus s’acquérir par charge, ni à prix d’argent ; et que Sa Majesté soit suppliée de n’accorder des lettres de noblesse que sur la demande des commandants en chef de terre et de mer, pour des actions bril� lantes, certifiées par ceux qui en ont été témoins, ou sur la demandé des Etats provinciaux, pour les citoyens qui auraient rendu des services signalés a leur patrie. Que ces lettres soient accordées, scellées et enregistrées gratis et avec tous les témoignages publics d’une distinction aussi précieuse. Elle demande, de plus, et principalement, que la noblesse qui sera conférée à des citoyens, pour des services signalés et connus généralement, à ceux qui se seraient distingués par des découvertes ou perfectionnements d’une industrie capitale pour la prospérité du royaume, ou qui auraient exercé pendant plusieurs générations, ou au moins pendant une longue suite d’années, le commerce le plus étendu, le plus avantageux pour l’accroissement des manufactures du royaume, que cette distinction de la noblesse ne soit conférée qu’à la condition que les chefs des-dites familles de commerce soient tenus de conserver leurs professions manufacturières et leurs relations commerciales, l’expérience n’ayant que trop appris qu’une des plus fâcheuses et vérita-blés causes du dépérissement des vrais principes du commerce, en France, et du commerce lui-? même, est l’abandon total de cette profession si recommandable, aussitôt qu’un père de famille ou ses enfants pensent être un peu au-dessus de la fortune de leurs égaux. Les correspondances étrangères et intérieures du commerce, perdues pour le royaume, par l’abandon rapide et successif de tant de maisons qui existaient si avantageusement pour la bonne opinion, le crédit et la solidité du commerce général de la France, ont privé et privent de jour en jour le royaume de l’un de ses plus fermes appuis, celui de ne plus errer en matière de commerce, et de conserver dans son sein les principes et les lumières le plus certaines, les fortunes le plus légitimement acquises, et des races vénérables qui partout ailleurs s’y consacrent et s’y conservent de siècle en siècle. Le commerce, exercé avec la bonne foi qui en est Pâme, est une profession trop honorable, pour que la noblesse ne saisisse pas avec empressement un moyen si naturel de conserver et d’augmenter sa fortune. Que les prérogatives attachées aux charges, si 296 [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais.J multipliées, de commensaux de la maison du Roi, soient abolies. Que la croix de Saint-Louis ne soit jamais que la récompense de services réels, rendus dans l’armée de terre ou de mer ; et que les anciens militaires soient assurés d’une subsistance honnête. Qu’il soit recommandé aux Etats provinciaux de s’occuper du sort des nobles sans fortune. Que les Etats généraux demandent l’exécution de l’article 267 de l’ordonnance de Blois, relatif à la réunion des places et grâces sur une même tête, et de l’article 271 de la même ordonnance, relatif aux gouvernements particuliers des villes et citadelles. Que Sa Majesté soit suppliée de ne plus donner de survivances : les enfants regardant les places de leur père comme un propre de famille, ne se donnent plus la peine de les mériter. Que toutes les punitions humiliantes, nommément les coups de plat de sabre, soient retranchées du nombre de celles qui peuvent être infligées aux soldats. Que les édits et règlements relatifs à la juridiction des maréchaux de France, soient exécutés, comme procurant à la noblesse un moyen prompt et facile d’arranger ses différends de toute espèce sans procédure et sans frais; que, conformément auxdites lois, le renvoi de tout gentilhomme devant ses juges ordinaires ne puisse lui être refusé. justice. — POLICE. Que la réforme promise tant dans le Code civil que dans le Code criminel, soit enfin exécutée ; et spécialement qu’il soit ordonné le plutôt possible : 1° Que l’instrution criminelle soit publique. 2° Qu’aucun juge ne puisse prononcer seul un décret de prise de corps contre un domicilié, ni entendre seul les dépositions des témoins. 3° Que les accusés aient un conseil. 4° Que la peine la plus grande qui puisse être encourue soit la privation de la vie, et que les douloureux supplices quin’auraient jamais dûêtre connus chez un peuple renommé par la douceur de ses mœurs, soient abolis à jamais. 5° Que la peine de la confiscation des biens soit abolie. Que les Etats généraux prennent en considération le sort des nègres de nos colonies. Que la compétence attribuée aux présidiaux par l’édit de 1774 soit rétablie , et que dans le cas où il aurait été interjeté appel quant à la compétence, les cours se bornent à prononcer sur elle, sans juger le fond de l’affaire. La noblesse désire que les Etats généraux s’occupent des moyens de supprimer la vénalité des charges, et de pourvoir à la diminution des frais de procédure et à la suppression des épices. Elle indique comme un des abus les plus dispendieux l’obligation d’expédier en parchemin les actes qui pourraient l’être sur papier. Que les Etats généraux avisent aux moyens de surveiller la manière dont se rend la justice dans toutes les parties du royaume et dans les colonies. Qu’ils s’occupent des moyens les plus prompts d’établir l’uniformité des poids et mesures dans-tout le royaume. Qu’ils demandent une augmentation dans les maréchaussées, qui sont évidemment insuffisantes, attendu le service que l’intérêt public exige. Qu’il soit remédié aux abus funestes qui résultent de l’impéritie des chirurgiens et des sages-femmes dans les provinces, et surtout dans les campagnes : qu’il ne soit fait aucune réception, ni des uns ni des autres, sans un examen rigoureux et public, par médecins et chirurgiens, en présence du juge royal. Que Ja liberté de la presse soit accordée, à la condition que tout homme qui fera imprimer, soit obligé de signer son manuscrit et de se faire connaître de l’imprimeur. Que les capitaineries soient supprimées : qu’il ne soit conservé autour des maisons qu’habite Sa Majesté que l’étendue précisément nécessaire à ses plaisirs personnels ; et que les règlements sur la chasse, qui gênent l’agriculture, soient abrogés. Que les lois cencernant le port d’armes soient exécutées. Que des moyens soient indiqués pour constater promptement et facilement le tort que fait le gibier, et qu’il soit ordonné que les propriétaires ou fermiers en soient complètement dédommagés. Que les bois et forêts contenant des bêtes fauves soient entourés aux dépens de ceux qui veulent les y conserver; et que ces bêtes fauves puissent être tuées sur le territoire des seigneurs où elles se rencontreront. Qu’il soit pourvu aux inconvénients qui résultent de la multiplicité des pigeons. Que les lettres d’état, de surséance et sauf-conduit, qui donnent aux débiteurs un moyen de se soustraire à la poursuite de leurs créanciers, et qui sont par là attentatoires à la propriété de ceux-ci, soient abolies. Que les seuls tribunaux uissent accorder du temps aux débiteurs de onne foi, et seulement lorsqu’il sera prouvé que l’intérêt bien entendu de leurs créanciers se trouve uni au leur, pour qu’ils obtiennent le délai qu’ils sollicitent. Que tous ceux qui ont des fonctions et emplois, de quelque état et condition qu’ils soient, y résident habituellement, et soient privés de leurs appointements en cas de négligence, sur la dénonciation des Etats provinciaux. Que les lettres patentes du 20 août 1786, concernant la taxe des droits des commissaires à terrier, soient abrogées, comme extrêmement onéreuses aux vassaux et censitaires; et qu’il soit fait un autre règlement sur la taxe des actes de foi et hommage, aveux et dénombrements. FINANCES. La noblesse regarde comme infiniment utile, et même comme nécessaire, que la première déclaration des Etats généraux soit « que la nation « ayant le droit de consentir les impôts, et n’en « existant aucun qui ne soit d’origine ou d’exten-« sion illégale, les Etats généraux les déclarent « tous supprimés de droit : et cependant, à cause « du temps nécessaire à l’assemblée pour créer « un ordre nouveau dans cette partie des affaires « nationales, et aussi afin d’éviter les inconvé-« nients qui résulteraient pour l’impôt futur d’une « suppression absolue de tous rapports entre les « contribuables et le fisc, les Etats généraux sta-« tuent provisoirement que tous les impôts actuels, « momentanément autorisés, continueront à être « payés, mais seulement pendant le cours de la « présente tenue, et non après ; voulant qu’alors '< il n’y ait d’autres contributions que celles qui « auront été établies par la présente assemblée « avant sa première séparation. » Elle pense qu’il serait utile que, dés le commencement de leur tenue, les Etats généraux nommassent trois comités: l’un pour l’examen le plus approfondi de tous les objets de recette, l’autre pour ceux de dépense, le troisième pour [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [Bailliage de Beauvais.] 297 la connaissance la plus exacte de la dette. Et comme elle croit qu’aucun impôt ne doit être accordé que lorsque tous les moyens d’ordre et d'économie dans les dépenses et dans les grâces auront été épuisés, ces différents comités leur présenteraient les réflexions que leur aurait fait naître l’examen dont ils auraient été chargés. Elle désire que d’après cet examen et la détermination de la dette royale, les Etats généraux la déclarent dette nationale. Elle demande que les Etats généraux statuent que si jamais la perception d’aucun droit ou d’aucun impôt était tentée par delà le terme consenti par eux, tout homme qui voudrait le percevoir soit déclaré concussionnaire, et qu’il soit ordonné à tous les tribunaux de le poursuivre et de le traiter comme ennemi public : que si un ministre avait pu donner un conseil aussi perlide, il en soit responsable à la nation, et accusé par les Etats généraux. Elle pense que c’est une précaution sage et très-importante, que de statuer que l’intitulé de tous mandements d’impôts ou tarifs de droits, tant de ceux qui pourront être conservés, que de ceux qui pourront être établis, annonce en tête : DE PAR le ROI, Impôt ou droit consenti par les Etats généraux jusqu’en 17 ..... Elle croit infiniment utile que tous Français aient sans cesse sous les yeux cette vérité fondamentale, que les impôts ne peuvent être établis qu’avec le consentement de la nation. Que les Etats généraux pouvant seuls consentir les impôts et ouvrir des emprunts, et le cas de guerre exigeant cependant que des mesures soient prises à l’avance pour y pourvoir, les Etats généraux devraient, avant de se séparer, voter pour emprunt de 80 millions, en cas de guerre seulement, avec la condition expresse qu’un seul et même édit contiendra l’ouverture de l’emprunt et la convocation immédiate des Etats généraux, pour qu’ils puissent en déterminer le gage. Que la dette nationale soit répartie sur toutes les provinces. Que la répartition et le recouvrement des impôts directs appartiennent aux Etats provinciaux : qu’ils soient chargés de faire acquitter par leurs trésoriers les rentes perpétuelles et viagères qui leur auraient été assignées. Que les domaines de nos rois étant devenus insuffisants pour soutenir l’éclat du trône, il est nécessaire que les Etats généraux assignent, pendant la durée du règne du Roi, un revenu indépendant et libre, destiné à ses dépenses personnelles, bâtiments, etc., et aux dépenses de sa famille. La noblesse pense qu’il doit répondre à la majesté du trône et à la dignité de la nation, et suffire à remplacer les apanages des princes dont elle demande la suppression. Que les fonds assignés à chaque département, dans lesquels seront comprises toutes les grâces qui y sont relatives, soient tellement déterminés, qu’ils ne puissent être outre-passés sous aucun prétexte. Que le compte de la recette et de la dépense nationale soit rendu public tous les ans, ainsi que celui des grâces. Que la gabelle et les aides étant les impôts les plus onéreux et dont le recouvrement entraîne les abus les plus graves, la noblesse demande aux Etats généraux de s’occuper des moyens de les remplacer, ou du moins d’en diminuer les inconvénients et les malheurs. Que spécialement, et le plutôt possible, l’imposition connue dans quelques provinces sous le nom de gros manquant , vulgairement appelée trop bu, soit abolie, comme la plus vexatoire etlaplus contraire au droit naturel, surtout par la manière dont elle est perçue. Que la loterie, de tous les impôts le plus immoral, est la source de tant de désordres que la noblesse ne doute pas que les Etats généraux ne s’occupent d’y remédier. Que l’on mette à exécution le projet si nécessaire à l’avantage du royau me, de reculer les barrières aux frontières. Que les Etats généraux représentent à Sa Majesté, que l’emploi des troupes à la confection des chemins, serait très-avantageux, soit pour l’économie de temps et d’argent, soit pour le meilleur régime militaire, physique et moral ; et que les militaires les plus éclairés soient consultés sur cette question. COMMERCE. Le bailliage éprouve une grande diminution dans son commerce : ses manufactures de petite draperie, de toiles peintes et toiles blanches languissent ; et elles seront infailliblement détruites avant peu, si on ne fait cesser la cause de leur décadence. La noblesse présume que le traité de commerce avec l’Angleterre est très-désavantageux à la France ; et elle désire que les Etats généraux chargent un comité de l’examen de cette grande et importante question. La noblesse demande la suppression du droitde marque qui, établi sous le prétexte de protéger le commerce, est évidemment chez nous une des causes de sa langueur. L’expérience a prouvé combien l’établissement des haras a mal rempli son objet. Loin de multiplier l’espèce et d’embellir la race des chevaux, le nombre des élèves est évidemment diminué ; et il s’en faut de beaucoup que la beauté ait été une compensation à la diminution du nombre. La noblesse demande que les règlements qui assujettissent les laboureurs, sous peine d’amende, à conduire leurs juments aux étalons des haras, soient supprimés, et qu’on laisse la plus grande liberté à ceux qui sont intéressés à multiplier et embellir l’espèce de leurs chevaux. La noblesse termine ici les vœux qu’elle charge son député de porter aux Etats généraux. Elle sait qu’il ne faut pas espérer réformer tous les abus dans cette première assemblée nationale, et peu se qu’elle aura fait assez pour la patrie, lorsqu’elle aura posé les principes fondamentaux qui assureront infailliblement son bonheur et sa gloire. Fait et arrêté en la chambre d’honneur de l’hôtel de ville de Beauvais, en présence de tous messieurs de l’ordre de la noblesse, à Beauvais , le 11 mars 1789. Signés Berton desBalbes, comte de Crillon. Des-courtils. Blanchard de Changy. Descourtils de Baleu. Duranti-Lironcourt. Borel. De Regnon val de Rochy, Bourée de Gorberon. Borel de Bretisel, secrétaire. Extrait du procès-verbal des séances de l’assemblée de l’ordre de la noblesse du bailliage de Beauvais. Du samedi 14 mars 1789. En l’assemblée de l’ordre de la noblesse, tenue en la salle d’honneur de l’hôtel commun de la ville de Beauvais, et présidée par M. le comte de Crillon , grand bailli d’épée de ce bailliage, et où se sont trouvées toutes les personnes présentes à la séance du 10 de ce mois, à l’exception de M. A llou d’Hémécourt , Il a été procédé à la lecture du cahier projeté 298 [Étals gén. 1789. Cahiers. j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Beauvais.] par MM. les commissaires, nommés par rassemblée du 10 de ce mois. Ledit cahier a été arrêté définitivement, et signé par M. le président, MM. les commissaires, à l'exception de M. le comte de Maupeou , qui a refusé de signer à cause de l’article dudit cahier concernant la forme d’opiner aux Etats généraux, pour être ledit cahier remis à M. le grand bailli, qui doit le remettre au député de l’ordre aux Etats généraux. Il a été ensuite procédé, parla voie du scrutin, à la nomination des membres de l’assemblée qui devaient être scrutateurs. Les billets de ce premier scrutin ont été déposés par tous les membres de l’assemblée successivement, dans un vase placé sur une table au devant du secrétaire de l’ordre, et la vérification en a été faite par ledit secrétaire, assisté de MM. de Combattit d’Auteuil , Dauvergne et Danse , les trois membres de l’assemblée plus anciens d’âge. MM. Descourtils de Mes-lemant , Blanchard de Changy et de Regnonval de Rochy ont été déclarés réunir le plus de voix, et en conséquence choisis pour scrutateurs. Lesdits scrutateurs ayant pris place devant le bureau, au milieu de la salle d’assemblée, ont déposé dans le vase, à ce préparé, leurs billets d’élection ; après quoi tous les électeurs sont venus pareillement déposer ostensiblement leurs billets dans ledit vase. Les électeurs ayant repris leurs places, les scrutateurs ont procédé d’abord au compte et recensement des billets , et leur nombre s’étant trouvé égal à celui des suffrages existants dans 1’assemblée, en comptant ceux qui résultaient des procurations, ils ont été ouverts ; et les voix ayant été vérifiées, par lesdits scrutateurs, ils ont' déclaré M. le comte de Grillon, grand bailli d'épée de ce bailliage , élu député de l’ordre aux Etats généraux, à la pluralité de 71 voix, contre 25 en faveur de M. Descourtils de Meslemont , et une en faveur de M. de Duranti de Liropcourt. M. Descourtils de Meslemont, qui avait réuni le plus de voix après M. de Grillon , a été unanimement élu et nommé pour remplacer le député ci-dessus nommé, en cas de mort ou de maladie grave. L’assemblée de la noblesse du bailliage de Beauvais donne pouvoir aux députés ci-dessus nommés, de proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration , la prospérité générale du royaume, et le bien de tous et chacun les sujets du Roi ; déclarant que sur tous les objets qui ne sont pas contenus ou limités dans le cahier, elle s’en rapporte aux vues patriotiques et au zèle de ses députés. Les mémoires et notes de MM. de Grillon, Des - courtils de Meslemont, de Duranty de Lironcourt , Bourré de Corberon, Blanchard de Changy , Chrétien , Michel de Goussainville, père et fils, et Danse, ont été remis aux députés de l’ordre, pour y avoir recours lorsque les questions qui y sont traitées seront agitées aux Etats généraux. Le secrétaire de l’ordre a été chargé de communiquer aux deux autres ordres du bailliage le cahier arrêté par l’ordre de la noblesse, et signé par les commissaires dudit ordre. Et sur la proposition de le faire imprimer, ainsi que le présent procès-verbal, il a été arrêté unanimement qu’il en serait imprimé un nombre suffisant d’exemplaires pour être distribués à tous les membres de l’assemblée. Ont signé: MM. le marquis de Garvoisin. De Ganongete de Cannecaude. De Nully d’Hécourt. Le chevalier Le Bastier. Le Caron. Le baron de Larchier de Cour* celles. De Combauld d’Àuteuils. Danse. Borel, commissaire. Gaudechard. Comte de la Vaquerie. Leclerc de Blicourt. Boisthierry. Bourré de Corberon, commissaire. Vicomte de Sarcus. Brestel d’Hiermont. De Personne de Songeons. Michel Vualon. Charles Leclerc, comte de Juigné, comme fondé de procuration. Le comte de Jaucourt, comme fondé de procuration. Danse de Froissy. Descourtils de Baleu, commissaire. De Mai. Chrétien de Lihus. Descourtils de Meslemont, commissaire. De Regnonval de Rochy, commissaire. Comte de Maupeou. Le Coulteux de Puy. Danse de Bois-quennoy. Le Coulteux de Provinlieu. Gaillard de Saint-Germain. D’HardivillersdeMonceaux. Evrard. Duranti-Lironcourt , commissaire. Duneveu de Vuambez. De Regnonval de Fabry. De Regnonval de Courcelles. De Louvigny. Blanchard de Changy, commissaire. Michel de Goussainville, père. Michel de Boissv. Dauvergne de Saint-Quentin. Gaze de Mery. Chevalier de Blois de Liours. Jacques Danse. Michel de Mazières. Michel de Laland relie. Isabeau. Chevalier d’Hiermont. De Regnonval. De Regnonval de Martel. Evrard de Vadancourt. DeLenglès. Berton des Balbes, comte de Crillon. Borel de Bretisel, secrétaire. MM. de Maupeou, de Couquault d’Àquevelon, de Quemy, de Pimodan, présents à l'assemblée, qui n’ont pas signé, étant partis avant ta rédaction du procès-verbal. Ont paru par leurs fondés de procuration: Monsieur, frère du Roi. Madame la duchesse de Fleury. Mademoiselle de Sully. Mademoiselle Paris de la Brosse. MM. le maréchal duc de Mou-chy. Le duc de Liancourt. Le comte d’Epinay Saint-Luc. DeBarentin. lie Bastier deRainvillers. Le Caron fils. Le Poreq. Danse de Boulaine. De Fremond de Charleval. De Fremond du Mazis. Andrieux. Madame de l’Epinay de Miviler. Borel de Bretisel. De Siry d?Aubourg. Madame de Mola* gnie. De Thesy. D’Aurillac. De Broë. Divery. Madame Michel-Vualon. De Réal. De Ganouvillë. De Cauzans. M»e Descourtils de Balleu. MUed’Hé-ronval. L’Advocat. M”16 de Roncières. Le Prestre de Jaucourt. Choart. De Gaudechard de Matan-court. De SaUdricourt. De Verigny. D’Ons-en-Bray. D’Hardivillier. Duneveu de Vüambez. CAHIER Des souhaits et doléances du tiers-état du bailliage de Beauvais à l'occasion de la convocation des Etats généraux à Versailles le 27 avril 1739 (1). Le tiers-état du bailliage de Beauvais, aussi soumis au Roi par l’amour que par le devoir, le supplie très-humblement d’agréer l’hommage de la respectueuse reconnaissance dont il est pénétré pour la convocation tant désirée des Etats généraux, qui lui font concevoir l’espérance de voir bientôt régénérer la France et rouvrir toutes les sources de la prospérité publique. Quelle occasion plus propre pour faire éclater co sentiment si vif qui embrase tous les cœurs fran* gais qu’une assemblée formée par la confiance de leur auguste souverain dans ses peuples! (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit dc.i A rchives de l’Empire.