585 [États gén. 1789. Cahiers. | que par la substitution à la taille réelle, person-sonnelle, industrielle, accessoires et autres impôts qui distinguent les ordres, et que ces subsides soient répartis avec égalité entre tous les citoyens de tous les ordres en proportion de leur fortune, sans distinction ni privilège, sans abonnement ni exemption, et qu’à l’effet de l égalité parfaite de la contribution auxdits subsides, tous les seigneurs soient tenus de représenter leurs terriers aux assemblées provinciales, qui seront chargées de la répartition des impositions. Art. 4. Lesdits habitants demandent que les seigneurs soient tenus de faire borner les terres de leurs censitaires par pièces. Art. 5. Ils demandent la faculté de rembourser toutes espèces de dîmes, champarts et rentes seigneuriales. Art. 6. La suppression des lois qui permettent l’exportation des grains hors du royanme, la libre circulation des grains dans le royaume et la permission du commerce des grains et farines, réduite aux seuls cultivateurs et interdite à toute espèce de compagnie. Art. 7. Qu’il soit défendu à tout cultivateur et autre de vendre des grains ailleurs que sur les marchés publics. Art. 8. Que la taxe du pain soit faite par les officiers de police proportionnellement à la valeur des blés et farines. Art. 9. Ils se joignent aux demandes générales et aux pouvoirs donnés aux députés dns différentes provinces pour la réforme des codes civil et criminel. Art. lü. Qu’il soit fait des lois contre les banqueroutiers frauduleux ; qu’il ne soit plus accordé aucun sauf-conduit ni arrêt de surséance, et que les jugements des tribunaux ordinaires ne puissent éprouver aucun obstacle dans leur exécution. Art. 1 1 . Qu’il soit pris des mesures pour empêcher la mendicité et assurer aux pauvres leur subsistance, s’en rapportant aux Etats généraux d’aviser aux moyens propres à leur donner tous les soulagements nécessaires. Art. 12. Qu’il n’y ait qu’un seul poids et une seule mesure pour tout le royaume. Art. 13. La suppression de tous droits de franc-fief, et de tous droits de contrôle et autres, perçus au nom du Roi sur les procédures dans tous les tribunaux, et qui en augmentent considérablement la dépense. Art. 14. Qu’il soit pris par les Etats généraux des mesures pour empêcher la trop grande quantité de gibier, et que les récoltes des cultivateurs ne soient dévastées par le gibier de toute nature-, qu’à cet effet toutes remises en plaine soient détruites. Art. 15. Que les chemins et rivières ne puissent être plantés qu’aux distances portées par les règlements. Art. 16. Que les baux des fermes des bénéficiers et autres usufruitiers continuent d’avoir leur exécution pendant le délai porté auxdits baux, nonobstant tous décès, résignations ou autres mutations de telle nature qu’elles puissent être. Art. 17. Que les règlements concernant les pigeons soient exécutés, et que les Etats généraux soient suppliés de prendre des mesures pour empêcher qu’il en existe à l’avenir. Art. 18. Lesdits habitants supplient les Etats généraux de solliciter la suppression de la milice. Art. 19. Qu’il ne soit plus permis à un culti-[Paris hors les murs. J valeur de faire valoir quatre charrues, à moins que la plus grande quantité ne soit contenue dans un seul corps de ferme, c’est-à-dire que les quatre charrues forment 400 arpents de terre. Telles sont les doléances desdits habitants de Gonesse, qui, en conséquence des ordres du Roi, vont être remises aux députés qu’ils vont nommer, afin de les porter samedi 18 du courant à Rassemblée qui se tiendra à l’archevêché. A Gonesse, le 13 avril 1789. Signé Debezu; Ronnevie, syndic; Bijot ; Colli-net; Délions ; Delacour ; Meigneu; Berger; Bignon; Deltor ;Duviviers; Hochoo; J. Chapon; F. Chapon ; Thevroles ; Dechard ; Dourdev; Üenon; Duflot; Dechard; Duflot; Dupignv Duviguet ; Bonnemin; Coulon ; Gouffé ; Grème ; Oridois ; Lambert; Langlois , Roy ; Levasseur ; Lebon ; Lamy ; Meunier; Liénard ; P.-L. Loiseleur; Morel; Moulin; Régnault; Coiner; L. -Joseph Profit; Vigneron; Boisseau ; Vigneron; F. Proflit ; Bignon ; Sauson ; Lehougais; Proflit ; Fontaine. Paraphé ne varictur Flament. CAHIER Des plaintes, doléances et remontrances des gens du tiers-état de la paroisse de Gournay-sur-Marne , pour les Etats généraux qui doivent se tenir au moi d’avril 1789, contenant leurs petite s doléances, remontrances et pétitions qui doivent être portées par leurs députés à l'assemblée générale (1). Les gens du tiers-état de ladite paroisse de Gournay-sur-Marne, ayant été dûment convoqués ensemble en l’auditoire de la prévôté dudit Gour-nay, en vertu des lettres du Roi du 24 janvier 1789, du règlement y annexé et de l’ordonnance rendue en conformité de l’ordonnance de M. le prévôt de Paris du 4 du présent mois, et de l’exploit fait en conséquence par Menouvrier de Fresne, huissier à cheval au Châtelet, et en date du 9 du présent mois d’avril 1789. Art. 1er. Dans le cas où l’impôt unique n’aurait pas lieu, que Sa Majesté et MM. les députés sont priés de considérer la multitude et l’énormité des impôts établis sur les campagnes. Que non-seulement elles payent taille et capitation relative à ce que chacun possède à titre de propriétaire et de fermier, mais que chacun est encore imposé à plus de moitié du principal par addition, sous le titre de second brevet, et qu’après avoir épuisé tout ce que permet l’impôt de la taille et l’avoir tiercé par le second brevet, on les redouble encore sous différents titres ; on fait payer sur les colombiers, estimés arbitrairement, sur l’habitation et presque sur les prétendus profits de ferme et d’industrie, et ne pouvant payer à terme par l’excès de misère ou par l’excès de l’impôt réduit, on achève d’écraser le cultivateur par les frais. On demande quelle est la cause de la pauvreté des campagnes et pourquoi il ne se trouve chez les cultivateurs aucun blé de réserve, aucune ressource pour les malheureux qui essuient de mauvaises récoltes ; la cause est dans l’excès de l’impôt, l’excès de la dîme dont on va parler. Ruinés par ces deux charges, ils sont forcés de tout vendre aussitôt les récoltes, et ne peuvent rien réserver dans ce cruel état. Les suppliants supplieront donc Sa Majesté et (I) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 586 [Élats gén. 1789. Cahiers] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] les représentants de la nation de remédier à un si grand mal. Le remède est : de supprimer entièrement l’impôt de la taille sur les habitations des cultivateurs qui sont un double emploi, étant la portion essentielle de la Terme; l’impôt sur l’industrie de tout cultivateur et autres , impôt qui détruit toute industrie, et s’oppose aux avancements de l’agriculture. De diminuer les autres impôts au taux fixé, et de les réunir en un seul. Art. 2. Que le sel étant devenu de première nécessité pour l’homme et surtout dans les campagnes ; qu’étant le remède connu de toute la France dans les maladies des bestiaux, et pour les prévenir, le cultivateur est privé de son industrie sur les élèves, il ne peut s’y livrer faute des secours du sel, ce qui. en partie, occasionne dans les espèces la cherté des viandes. Pourquoi supplient de modérer le prix du sel, le rendre marchand s’il est possible, et surtout d’éteindre l’exaction qui subsiste vis-à-vis des habitants des campagnes, qui, n’ayant pas de quoi se donner du pain, sont contraints de lever du sel qu’il sont obligés de revendre à perte. Art. 3. Que le droit d’aide sur les vins, sur le gros manquant, connu sous le nom de trop bu, soit anéanti ; et pour y être suppléé, que chaque arpent de vigne soit imposé à un prix modique relativement au sol, et que tout individu quelconque soit à l’abri de toute vexation, soit en vendant leur vin en gros, soit en le vendant au détail ; en conséquence, tous les commis supprimés. Art. 4. Que les honoraires qu’exigent les curés de campagne pour les baptêmes, mariages et sépultures leur soient anéantis, attendu que les lois ecclésiastiques ont toujours considéré les salaires pour l’administration des sacrements comme une véritable simonie; que, dans le cas où le Roi et la nation jugeraient à propos de supprimer la dime, il sera pourvu à l’honnête subsistance des curés, non aux frais du pauvre peuple, mais par la réunion de bénéfices simples, comme prieurés, chapelles, et de supprimer les chevaliers de Malte; leurs revenus serviraient à pourvoir aux besoins honnêtes des curés et le surplus à améliorer les finances de l’Etat. En effet, c’est un double emploi, un double payement; s’ils prennent des droits comme les curés de villes, on doit les réduire à ces droits comme les curés des villes et leur éteindre les dîmes. Les dîmes et le payement des droits de l’Eglise sont un seul et même objet, qui est de fournir la subsistance aux curés de campagne; la subsistance des curés de campagne est assurée et bien payée cher par les dîmes. Il est injuste et révoltant qu’un cultivateur qui paye la dime de tout ce qu’il récolte à son curé pour le récompenser de ses fonctions de cure, soit encore obligé de lui payer par détail chacune de ses fonctions; que toutes les dîmes soient supprimées. Il est révoltant de voir un curé aller dans les champs se disputer avec le paroissien sur le plus ou moins de gerbes qu’il aura récoltées, et si la totalité ne l’est pas, que les dîmes insolites soient toutes supprimées comme n’ayant pour origine que l’ignorance et la timidité des gens de campagne, dont les curés ont abusé pour faire des usurpations. Que la nation, en s’imposant le tribut des dîmes sur ce qui a conservé le nom de dîme solite, a pourvu abondamment à la subsistance des curés; que les autres dîmes ne sont que des usurpations, ainsi que leur dénomination d’insolite l’annonce. Et que si Sa Majesté et MM. les députés veulent se donner la peine de vérifier l’ordonnance de 1302, celle faite aux Etats de Blois en 1579, et celle de Melun, ils reconnaîtront que la nation n’a jamais entendu ajouter à la libéralité des dîmes solites, et qu’elle a toujours et constamment défendu aux curés de les étendre. Si la totalité des dîmes insolites n’est pas supprimée, au moins qu’on en affranchisse les fonds artificiels, qui ne font que remplir les fonds naturels exempts de dîmes, et qui ne peuvent servir qu’à nourrir les bœufs, les chevaux, les moutons, qui font les labours et qui produisent les engrais d’où proviennent les productions qui payent la dime; c’est un principe établi par toutes les lois de la nation et les ordonnances des rois, que la .nourriture des animaux qui servent au labour ne peut être asservie à la dîme, parce que la dime est prise sur leur travail, et leur travail procure les productions qui la payent; elle se trouve payée deux fois. Mais il ne suffirait pas de rétablir les justices sur les dîmes, les curés s’en dédommageraient en se rendant fermiers des terres ; il faut encore leur interdire de prendre des terres à ferme, et surtout de ne faire aucun commerce. Il est scandaleux et contre les lois civiles et canoniques qu’un prêtre, un curé, soit marchand; même qu’ils seront tenus de donner à loyer toutes leurs possessions, excepté celles nécessaires et dépendantes de leur manoir, sinon payeront le double des impositions des autres habitants au prorata de leur jouissance; même seront sujets à tous les droits auxquels sont et pourraient être, par la suite, les autres sujets de Sa Majesté, et qu’ils seront assujettis à toutes réparations et entretien de leur presbytère et bâtiment eu dépendant. Art. 5. Que les justices des seigneurs soient supprimées comme justice tortionnaire ne servant qu’à établir le despotisme des seigneurs sur leurs vassaux, n’agissant que suivant leurs désirs, leurs intérêts, ne procurant aucun bien aux justiciables et les ruinant tous. En effet, les juges sont révocables à la volonté des seigneurs, ce qui les tient dans la servitude pour conserver leurs emplois, et les gardes, crus sur leurs rapports, imputent des délits à quoi il plaît au seigneur et à lui-même d’exercer la vengeance. Avec ces deux moyens le seigneur se rend maître des champs, maître d’avoir autant de gibier qu’il veut, maître de ravager les productions, et maître de faire punir encore celui qui ose se plaindre. D’ailleurs la plupart de ces juges ne sont pas appointés, ils n’ont d’autres profits que ceux qu’ils se procurent par leurs chicanes : qu’aucun ne demeure sur les lieux ; il faut encore qu'il se dédommage des frais de son voyage, et de là résulte que les procès sont éternels dans les justices seigneuriales. Que les jugements qu’ils y rendent ne font qu’augmenter les difficultés, et que les malheureux plaideurs, après avoir plaidé des années et obtenu un dernier jugement, n’en retirent d’autre fruit que d’ètre ruinés et forcés de recourir au tribunal supérieur. Que la police soit remise entre les mains des officiers municipaux de chaque paroisse dont les jugements seront rendus sommairement et sans ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 587 [États gén. 1789. Cahiers.] frais, exécutés par provision, sauf l’appel, ainsi qu’il appartiendra. Art. b. Que les huissiers-priseurs vendeurs qui, pour une modique finance, ont fait revivre des offices qui étaient restés et oubliés aux parties casuelles, se sont emparés du droit de faire toutes les ventes de meubles dans les campagnes, seront supprimés. C’est une nouvelle charge imposée sur le peuple, une charge gênante et ruineuse, l’huissier du lieu faisait ces fonctions et il en coûtait peu; le pauvre s’y soumettait comme le riche ; aujourd'hui il faut appeler ces officiers, il faut payer des commissaires pour aller les avertir, il faut multiplier les voyages, attendre leur temps, obtenir son jour, parce que seul dans l’arrondissement, il ne peut vaquer que difficilement dans tous les villages de l’arrondissement; les affaires languissent, et le malheureux paysan, dont le mobilier est toujours modique, se trouve devoir, pour les frais, plus que la vente de ses meubles n’a produit, et les frais sont d’autant plus considérables que ces officiers résidant en la ville, se taxent, outre leurs droits, les frais de voyage d’aller et retour. Art. 7. Que l’exercice de lâchasse, si elle n’est pas absolument supprimée, soit réduit au moins aux termes de l’ordonnance, et conformément à l’intérêt public. Que ce droit ne pourra être exercé que dans un temps où les grains étant sur terre ne pourront en recevoir de préjudice. C’est une chose criante que de voir les seigneurs chasser, eux et leurs gardes, en tout lemps, se répandre dans les grains, les parcourir, tant pour (•Passer que pour remarquer les nids, qu’ils mettent sous la garde des cultivateurs et les en rendent responsables. 11 est plus criant encore de voir que, pour la conservation de leur gibier, devenus despotes et singeant les exemples des princes, ils font tuer les chiens, qui sont les gardiens des maisons, et tous les chats, qui sont les conservateurs des grains. Mais ce qui met le comble à la désolation du cultivateur, c’est qu’il est de notoriété que la chasse, par un seul des abus et par l’abandon où on a laissé le cultivateur, est devenue un objet de spéculation pour les seigneurs; c’est qu’il est de fait que la chasse leur fait un second revenu souvent plus considérable que celui des fermages de la terre, par le gibier qu’ils vendent, et les gardes, à l’exemple de leurs maîtres, s’en enrichissent; il y a des gardes qui se font à part 3 à 4,000 livres par an, qui achètent journellement des terres et deviennent des hommes riches par le gibier. On pense bien que ce n’est pas la perdrix et le lièvre seuls qui procurent de si grands profits aux seigneurs et aux gardes, ce sont les lapins, ces bêtes si pernicieuses et si défendues par les ordonnances; aussi sont-ils cultivés et si multipliés, que les terres en sont couvertes, et que les abatis que les seigneurs en font faire dans les temps marqués où les peaux sont chères, ne se comptent que par milliers, pendant que les cultivateurs voient leurs moissons détruites et leur ruine tourner au profit des seigneurs et des gardes. Les suppliants demanderont donc que les seigneurs et les gardes ne puissent entrer dans les champs depuis le mois de mars jusqu’à la récolte; qu’il en soit de môme pour les vignes : c’est la disposition des ordonnances. Ils demanderont en outre que les lapins soient entièrement détruits dans tous les champs, et qu’il soit permis, en cas qu’il s’en trouve, de les tuer et de les détruire, ainsi que toute autre espèce de gibier qui se trouverait sur chacune de leurs propriétés. Cette demande est également fondée sur les ordonnances ; le lapin n’est permis qu’aux seigneurs de fiefs, qui, par leurs titres, ont droit de garenne, et il ne leur est permis d’en avoir que dans leurs garennes. Que Sa Majesté et MM. les députés aient la bonté de jeter les yeux sur l’ordonnance du roi Jean de 1355. Ils y verront que ce Roi, connaissant l’abus du droit de concession de garenne et le mal affreux que les lapins font à l’agriculture, a défendu aux seigneurs d’agrandir leurs garennes, leur a pareillement défendu d’user de ce droit aucunement s’ils ne sont propriétaires de 50 arpents de terres autour de la garenne, et permet à tout le monde de tirer les lapins hors l’enceinte sans encourir d’amende, et dans le cas où les seigneurs auraient le droit de garennes ouvertes, ils seraient tenus de les fermer. Et aujourd’hui tous les seigneurs, sans avoir même le droit de garenne, couvrent les terres de lapins, les multiplient, en multipliant les remises qui sont autant de réserves pour les élèves. Il en est de même de la chasse des cerfs, des biches et des daims ; cette chasse est le plaisir de nos princes que nous chérissons ; on ne doit en parler qu’avec respect et circonspection; mais peut-on taire une vérité que les princes ignorent peut-être, et qui intéresse l’agriculture d’où dépend la richesse de l’Etat et la vie de tous les citoyens, peut-on la taire au Roi et au meilleur des rois qui a commandé à ses sujets de la lui faire connaître? Oui, les bêtes fauves détruisent les campagnes! Par un malheur qu’on ne doit attribuer qu’à la division que les princes font de leur temps pour leurs plaisirs, cette chasse ne se fait dans la Brie que dans un temps où elle cause le plus grand mal aux moissons. Cette chasse s’ouvre au 15 d’avril, époque où les grains prennent leur force, et. ferme le 15 ou 20 août, époque ou la moisson finit ; ainsi cette chasse entraîne nécessairement la destruction de l’agriculture-, Les cerfs chassés parcourent ordinairement huit à dix lieues de terrain en traversant les champs; les hommes, les chiens et les chevaux suivent, souvent les voitures, et les cultivateurs, à la vue de ces moissons ruinées, n’ont que des larmes à verser; ils s’efforcent eux-mêmes au silence, en se disant : C’est la chasse du prince, je suis sans ressource, il faut encore que je me taise. Les suppliants ne demanderont point que ces bêles soient détruites hors les plaisirs de Sa Majesté, mais ils croient qu’il est de la justice du Roi, puisqu’il est de l’intérêt de l’Etat et de tous les citoyens, que ces bêtes soient renfermées dans des parcs clos de murs, et que hors les parcs, il soit permis aux cultivateurs de les tuer. Art. 8. Les suppliants demandent que tous les droits d’entrée sur les denrées, et singulièrement sur le beurre, les œufs et la volaille, qui sont exorbitants, soient diminués s’ils ne sont pas détruits, et que les fermiers des droits du Roi soient tenus de mettre un tableau à chaque barrière, placé en dehors, contenant les droits sur chaque objet, afin que celui qui entre des provisions pour Paris sache ce qu’il doit, et afin que les commis soient liés par la publicité du droit qu’ils peuvent exiger, et qu’ils ne soient plus, comme ils le sont, les maîtres de vous juger ar- ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 588 [États gén. 1789. Cahiers.] bitrairement, corame ils font aux habitants des campagnes, et d’exiger d’eux les droits qu’il leur plaît; que les vins qui entrent dans Paris payent suivant le prix de la vente. Art. 9. Que les nobles et anoblis et le clergé jouissant de leurs prétendus privilèges, soit qu’ils fassent valoir, soit qu’ils afferment leurs propriétés, n’auront plus aucune exemption, mais qu’ils seront, quant au payement des impositions, comme les autres sujets du Roi. Que les impositions qui seront arrêtées dans les Etats généraux né puissent être réparties que par douze notables habitants, suivant la population, avec les officiers municipaux; que les commissaires des tailles, qui ont à cet égard la connaissance fort imparfaite, et fort souvent la partialité odieuse et vexatoire, les obligent de fouler les malheureux pour soulager ceux qui les reçoivent chez eux, et attendu qu’ils ne restent dans chaque paroisse que tout au plus deux heures; par ce moyen la répartition de la taille se fait au gré des courtisans des commissaires, et lorsque le malheureux veut se plaindre, on le menace de prison et on le surcharge. Que le rôle de répartition soit notifié à chacun des contribuables trois mois avant l’ouverture du premier payement, afin que celui qui croirait avoir droit de se plaindre puisse faire valoir ses raisons pour lui être fait droit s’il y a lieu. Que les préposés au recouvrement des sommes auxquelles chaque paroisse serait imposée, porteraient directement, sans frais, au trésor royal, les sommes de sa contribution, tous les mois" ou dans un autre délai. Art. 10. Demander la suppression de la milice, trop dispendieuse pour les pères de famille, malgré les défenses rigoureuses contre les bourses. Pour y suppléer, que tout Français libre de son corps, non père de famille, depuis dix-huit ans jusqu’à quarante, et non veuf, soit taxé à la modique somme de 40 sous, qui sera exigible au l*r janvier de chaque année et dont chaque municipalité répondra d’après le dénombrement exact de chaque ville, bourg et village. Chaque compagnon rouleur et Français recevra son certificat de payement s’il sort de sa résidence. Le clergé et la noblesse n’auront pour leurs domestiques aucune exemption ; n’en point donner non plus aux enfants des nobles. Art. 11. Obliger les cultivateurs et fermiers à faire des élèves de bêtes à cornes et ne pouvoir vendre les veaux qu’après deux mois ; de se soumettre aux règlements. L’abolition générale de tous les impôts régénérera le commerce et produira l’effet que l’Etat a droit d’en attendre. La masse de l’impôt unique ou territorial, bien moindre que tous ceux aujourd’hui cumulés sous différents noms, parce qu’elle sera supportée par tous les sujets du Roi, relativement à leurs propriétés, produira le double de ceux existants, surtout si l’on considère l’administration des frais de perception. Art. 12. Aucun seigneur ne doit avoir droit de péage, tant par terre que par eau, et même pas le Roi ; ses sujets et ceux qui commercent avec eux doivent avoir les routes franches et libres. Art. 13. Il serait à désirer que les maréchaussées, dans leur établissement utile, fussent doublées d’une seconde brigade à pied qui ferait le service le plus prochain. Art. 14. Que le contrôle des actes sera réduit à un tarif modéré pour éviter les tournures que les notaires sont obligés dans leurs actes, pour éviter les droits, ce qui occasionne par suite des foules de procès. Que le droit de centième denier pour les successions collatérales soit anéanti. Que le droit de donation, soit entre-vif, soit mutuel entre deux conjoints, soit réduit à leur état légal et enlevé des mains de la bursalité. Art. 15. Que les poids et les mesures soient d’une môme uniformité dans tout le royaume. Que les meuniers soient tenus d’avoir des plateaux et poids pour peser le blé en arrivant chez eux, et vendre la farine de même. Que le salaire du malheureux journalier soit réglé équitablement sur les besoins communs de l’humanité au lieu de l’abandonner totalement aux estimations dédaigneuses et arbitraires des riches, que la grande concurrence favorise toujours, et que le salaire de chaque journalier sera toujours fixé à raison de 18 deniers par livre, du prix du blé ; que l’impôt de la corvée additionnelle à la taille et à la capitation des roturiers soit également imposé sur les biens des nobles et du clergé, qui usent aussi bien que les roturiers les chemins. Art. 16. Que les pigeons soient détruits, et s’ils ne le sont pas, qu’ils soient renfermés depuis la Saint-Jean jusqu’au 15 septembre. Art. 17. Que les commissaires départis, connus vulgairement sous le nom d’intendants de province, soient supprimés, comme inutiles et comme trop favorables au despotisme. Qu’il soit donné des pouvoirs illimités aux députés de la prévôté et vicomté de Paris aux Etats généraux, et que le Roi sera très-humblement supplié d’accorder à sa province de l’ile de France et provinces adjacentes, des Etats provinciaux à l’instar de ceux du Dauphiné. Art. 18. Nous demandons la suppression des lods et ventes, la suppression du franc-fief, du retrait féodal, des droits de quint et requint. Art. 19. Que les baux à ferme seront faits de dix-huit ans. Obliger les cultivateurs à vendre leur blé aux marchés; qu’ils ne pourront vendre de blé chez eux que pour le besoin de la paroisse. Art. 20. Que dans tout le royaume, tout cultivateur pourra planter et faire tel commerce de telle plante qu’il jugera à propos, et que les salines qui existaient autrefois dans le royaume seront rétablies et les droits de gabelle anéantis. Art. 21. Que Sa Majesté et MM. les députés aient la bonté de vouloir bien apercevoir une disette si grande occasionnée par la mauvaise volonté de ceux qui tiennent les magasins de blé et de farine sous leur direction. L’Etat devrait charger les officiers municipaux de veiller à tous ces inconvénients, qui ne font qu’occasionner une famine comme il n’en a pas encore paru. Si Sa Majesté et les Etats généraux n’y mettent la main, les malheureux sont près de mourir de faim, car, à la vérité, il ne manque pas de blé. Ce qui fait le plus grand désastre, c’est que sitôt que le blé paraît dans les marchés de Paris, il se trouve enlevé, sans savoir par où il est passé, et que les particuliers n’en peuvent pas avoir avec leur argent, disant qu’il est vendu, par le moyen que les laboureurs s’entendent pour transporter leurs grains dans des endroits réservés, et disent qu’ils n’en ont pas pour le maintenir dans la cherté .exorbitante où il est actuellement. Qu’il soit permis aux officiers municipaux de veiller à tous ces complots faits entre eux et que l’assemblée soit autorisée à un droit de perquisi- 589 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] [États gén. 1789. Cahiers.] tion, pour contraindre de fournir les marchés pour la nécessité publique, vu que les grains périclitent par la vermine. Art. 22. Que dans toutes les paroisses, il y aura des bmns assignés en raison de leur populaiion pour empêcher la mendicité, et que ceux alors qui abandonneront leur paroisse seront dénoncés et arrêtes comme perturbateurs du repos public et mauvais sujets. Qu’il sera de même assigné un fonds pour l’entretien des bâtiments publics, comme églises, presbytères, écoles etc., et pour la fabrique pauvre qui n’a pas suffisamment de revenus pour fournir aux dépenses du luminaire, du linge, des ornements, livres et gages des officiers nécessaires pour le culte public, attendu que MM. les déci-mateurs ne donnent que ce qu’on leur arrache, et qu’ils n’ont pas honte de revêtir les autels, les ministres, de haillons dont ils rougiraient de couvrir leurs domestiques. Ce fut fait et arrêté en l’assemblée générale des habitants de la paroisse de Gournay-sur-Marne, tenue en l’auditoire, présence de Jean-Louis Benoist, syndic; Alexandre-Jean Fournier, etClaude Peau, députés ; T. Arnoult; M. Mouueau ; Gabriel Gourgenay; Jean-Baptiste Rénier; J. -Christophe Leriche; C. Neveux; P. Bourgeois; excepté ledit sieur J. Leriche, qui a déclaré ne savoir écrire ni signer de ce interpellé suivant l’ordonnance. Ainsi signé avec nous et notre greffier ; G. Fournier, députés au bailliage; Préau; J. Arnoult Gourgenay ; Benoist, syndic ; Neveux ; Mouneau ; Rénier ; bourgeois ; Noël, greffier. Loyal. CAHIER Des plaintes et doléances de la paroisse de Goussainville , terre appartenant à M. le marquis de Nicolay , seigneur dudit lieu , ancien premier président du grand conseil (1). La terre de Goussainville contient 2,000 arpents environ; cette terre est couverte de quatre petits bois et de vingt remises, qui toutes fourmillent de lapins qui font un tort infini au cultivateur, qui, après bien des peines, se voit souvent sans espérance de récolte, ou du moins fort peu, et par conséquent met le laboureur dans i’im puissance de payer ses propriétaires et les impositions royales. S’il se plaint, il n’est jamais écouté, et il est toujours mal reçu. Les remises sont presque toutes plantées dans les meilleures terres ; de là, point de récolte à vingt et trente pas autour de ces remises. Art. 1er. Nous demandons que le lapin soit entièrement détruit. Nous demandons aussi qu’un garde-chasse ne soit point cru sur son simple rapport, et qu’un particulier ne puisse être condamné, à moins qu’il n’ait été pris et conduit chez le procureur fiscal par le garde, ou qu’il y ait deux témoius affirmant que cette personne a été prise à braconner. Que ceux qui seront pris ne soient pas conduits en prison et qu’on ne condamne pas un homme à 100 livres d’amende pour une seule pièce de gibier. Art. 2. Nous demandons qu’il soit permis au laboureur d’échardonner ses blés et ses avoines et de faucher ses foins à telle époque qu’il jugera à propos, sans qu’il puisse être inquiété. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. CHEMINS D’UN VILLAGE A L’AUTRE. Art. 3. Toutes les voiries appartiennent aux seigneurs, ce sont eux qui en retirent tout le produit. Nous demandons que les chemins soient entretenus par eux ou que les arbres appartiennent aux propriétaires des terres qui aboutissent sur ces chemius, et qu’on oblige chaque propriétaire à tenir en bon état ces chemins le long de ses pièces ; on évitera par là de faire un second chemin dans les terres labourables, le long de celui qui est impraticable. IMPOTS. Art. 4. Nous demandons que les impositions soient justement réparties; que personne, de quelque qualité qu’il soit, ne puisse s’étayer d’aucun privilège pour s’en exempter; que tous les biens-fûnds, terres, parcs, châteaux, bois, droits seigneuriaux, etc., soient imposés. CHAMP ARTS. Art. 5. Le champart est un droit de servitude dont plusieurs terres sont chargées. Ce droit se perçoit avec la plus grande rigueur : celui qui a le malheur d’être chargé de cette redevance ne peut enlever sa récolte que le cham-parteur ne soit venu compter, après l’avoir averti vingt-quatre heures à l’avance; de là, la perte entière de la récolte s’il survient un orage dans cet intervalle de vingt-quatre heures. Il faut encore que le cultivateur porte ce champart dans la grange de celui à qui il appartient, et qu’il lui a indiquée, et cela avant que le laboureur puisse enlever ce qui lui reste de sa pièce. Nous demandons que le champart puisse être remboursable à son propriétaire; et que le droit s’en perçoive sans gêner le cultivateur. Que les pièces de terre qui doivent soient désignées, et qu’on ne puisse en imposer aucune qui n’aurait pas payé ci-devant. Qu’il soit libre au laboureur d’enlever sa récolte six heures après que le champarteur aura été averti que les grains sont liés. Qu’il soit aussi défendu d’exiger que le laboureur soit obligé de porter le champart avec sa voiture, ce qui cause une perte du temps très-précieux pendant la moisson. CORVÉES. Art. 6. La corvée est une servitude dont le Roi a bien voulu délivrer les pauvres habitants des campagnes en ordonnant qu’elle soit faite en argent : le laboureur est presque seul chargé de payer cette tâche; il est celui qui se sert le moins des grandes routes, son travad se faisant, pour ainsi dire, tout sur les chemins de terre. Ce sont les diligences et les rouliers qui brisent les pavés par le poids énorme qu ils portent. Nous demandons qu’une partie de cette imposition soit mise sur les compagnies des roulages et sur les négociants pour qui les rouliers travaillent. VOITURES DES ENVIRONS DE PARIS. Art. 7. La compagnie exclusive exerce une tyrannie intolérable sur les routes; un pauvre charretier n’oserait monter dans sa voiture qui que ce soit, qu’il n’ait été prendre auparavant uue permission de la compagnie, et cette permission qui coûte 12 sous pour quatre lieues, est uue chose exorbitante pour une pauvre personne