158 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (90 avril imj expirants, l’exécution d’une loi qui intéresse si essentiellement la conservation des fruits de la terre? Et lasubsistancedu peuple ne serait-elle pas compromise, si vous ne remettiez pas à ses représentants directs aux officiers qu’il s’est lui-même choisis, le goin de veiller à tout ce qui ponrrait y porter atteinte? Quant à la nature des preuves qui doivent fonder les jugements de condamnation, il existe des régies généralement connues, et qu’il ne s’agit que de rappeler. Suivant ces règles, un délit de chasse peut être prouvé de deux manières, c’est-à-dire, ou par un rapport de garde, ou par la déposition de deux témoins. Nous disons un rapport de garde ; et, sans doute, on ne nous soupçonnera pas de vouloir maintenir dans leurs fonctions oppressives, ces officiers qui, sous la domination de gardes-chasse étaient uniquement chargés de veiller à la conservation du gibier. Aussi est-ce aux gardes-messiers, et non aux anciens gardes-chasse, que nous vous proposerons, de confier le soin de veiller sur les délits de chasse et d’en dresser leurs rapports. Telles sont, Messieurs, les vues qui nous ont guidés dans la rédaction du décret que nous avons l’honneur de vous proposer. Mais je dois observer, en finissant, que votre comité a cru de son devoir d’y ajouter une disposition relative à la pêche. La pêche, sur laquelle vous n’avez encore rien prononcé, et à laquelle cependant on a publié, dans des journaux inexacts ou infidèles, que vous aviez donné la plus grande liberté; la pêche-mérite, en ce moment, toute votre attention. Non seulement des personnesqui n’ontaucun titre pour prétendre au droit de pêche, se livrent en foule à î’exerciee de ce droit; mais ces mêmes individus y emploient des instruments qui, tels que la cliquette, dépeuplent absolument les rivières. Votre comité, Messieurs, a reçu, à ce sujet, des plaintes aussi graves que multipliées ; et sans entrer, à cet égard, dans des détails qui rebuteraient par leur sécheresse et leur longueur, il nous suffit de vous assurer que s’il n’y était pas pourvu incessamment, il n’existerait bientôt plus dans les rivières ni poissons ni moyen d’en reproduire. Sans doute, Messieurs, vous ne terminerez pas vos décrets sur les droits seigneuriaux sans décider si le droit de pêche devra à l’avenir être considéré, ou comme appartenant encore, soit à l’Etat, soit aux seigneurs, ou comme dévolu aux propriétaires des héritages adjacents aux rivières ; mais en attendant que vous puissiez consacrer à cette question quelques-uns de vos moments, il faut arrêter les abus que sou indécision favorise. Je propose, en conséquence, le décret suivant: PROJET DE DÉCRET PROVISOIRE SUR LA CHASSE ET SUR LA PÊCHE. L’ Assembl ée nationale, considérant que par les dé-cretsdes4,6,7, 8et 11 août 1789,ellea aboli le droit exclusif de la chasse, et rendu à tout propriétaire le droit de détruire ou faire détruire, sur ses possessions seulement , toute espèce de gibier, sauf à se conformer aux lois de police qui pourraient être faites relativement à la sûreté publique ; mais que par un abus répréhensible de cette disposition, la chasse est devenue une source de désordres qui, s’ils se prolongeaient davantage, pourraient devenir funestes aux récoltes ,dont il est si instant d’assurer la conservation ; qu’il s’est également introduit dans la pêche une licence dont il est important d’arrêter le cours ; a, parprovision, et en attendant que l’ordre de ses travaux lui per-mettedeplus grands développements sur cette matière, a décrété et décrète ce qui suit: Art. 1er II est défendu à toute personne de chasser, même dans les jachères et dans ses propriétés non closes, soit à pied, soit à cheval, avec ou sans chiens, à compter du jour de la publication du présent décret, jusqu’après la dépouille entière des fruits croissants, à peine de 20 livres d’amende envers la municipalité du lieu, et d’une somme de 10 livres envers le propriétaire ou possesseur, sans préjudice des dommages-intérêts de ce dernier. Art. 2. L’amende et la somme ci-dessus seront portées respectivement à 30 et 15 livres contre celui qui aura chassé dans un terrain clos, dont il ne sera pas propriétaire ou possesseur, et à 40 et 20 livres dans le cas où le terrain clos tiendrait sans moyen à l’habitation du propriétaire ou possesseur de ce terrain. Art. 3. Chacune de ces différentes peines sera doublée en cas de récidive; elle sera triplée s’il survient une troisième contravention, et la même progression sera suivie pour les contraventions ultérieures; le tout, dans le courant de la même année seulement. Art. 4. Lesdites peines seront prononcées sommairement par la municipalité au délit, soit sur la plainte du propriétaire ou possesseur, soit sur la dénonciation d’un citoyen quelconque, soit sur les poursuites du procureur de la commune, d’après les rapports des gardes-messiers, ban-gards ou gardes champêtres. Art. 5. A cet effet, chaque municipalité est autorisée à établir au moins un garde-messier, bangard ou garde champêtre, dans la forme prescrite par les anciens règlements, et il sera libre à chaque propriétaire d’en établir un ou plusieurs, en les faisant recevoir et assermenter par la municipalité. Art. 6. Lesdits rapports seront ou dressés par écrit, ou faits de vive voix au greffe de la municipalité, et affirmés entre les mains d'un officier municipal, le tout dans les vingt-quatre heures du délit qui en sera l’objet. Art. 7. 11 pourra être suppléé auxdits rapports par la déposition de deux témoins. Art. 8. Il est libre à tout propriétaire ou possesseur, de chasser et faire chasser, en tout temps, et nonobstant l’article premier du présent décret, dans ses bois et forêts, sur ses lacs et étangs, et dans celles de ses possessions qui sont séparées par des murs ou des haies les héritages d’autrui. Art. 9. Il est pareillement libre, en tout temps, au propriétaire ou possesseur, de détruire le gibier dqns ses récoltes non closes, en se servant de filets ou autres engins qui ne puissent pas nuire aux fruits de la terre. Art. 10. Les règlements sur la pêche continueront provisoirement d’être exécutés jusqu’à ce qu’ii en ait été autrement ordonné; en conséquence, il est défendu à toutes personnes de pêcher sans droit; et quant à ceux qui ont droit de pêche, de se servir de filets ou engins prohibés, le tout sous les peines portées par lesdits règlements. M. de Robespierre. Je m’élève contre le principe qui restreint le droit de chasse aux propriétaires seulement. Je soutiens que la chasse n’est point une faculté qui dérive de la propriété. Aussitôt après la dépouille de la superficie de la terre, la chasse doit être libre à tout citoyen in-