597 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVFS PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] qui, uniquement occupé du bonheur de ses sujets, cherche dans tous les ordres de son royaume à connaître les besoins, les ressources et les vœux, puissions-nous par avance lui vouer le juste nommage de nos cœurs ! Il veut que nous lui adressions nos plaintes. Nous en pourrions faire un grand nombre : 1° Sur la multitude des impôts; 2° Sur la dureté avec laquelle on les exige; 3° Sur MM. les intendants des provinces; 4° Sur l’effroyable quantité de gibier; 5° Sur les ministres de la justice; 6° Sur la difficulté des chemins qui rendent le transport des denrées onéreux. 1° SUR LA MULTIPLICITÉ DES IMPÔTS. Pour en connaître tout le poids, il suffit d’envisager notre situation. Bornés à de petits biens, incapables par eux-mêmes d’alimenter la famille la moins nombreuse, ou au faible gain d’un ma-nouvrier dont le travail n’est pas toujours possible, souvent môme interrompu par le malheur des saisons et les ordres quelquefois de l’Etat, il faut pourtant trouver de quoi remplir la taille, le vingtième, la capitation, les aides, la gabelle, la corvée et la milice, espèce de taille non moins onéreuse. 2° SUR LA DURETÉ AVEC LAQUELLE ILS SONT PERÇUS. L'on n’a nul égard sur l’inégalité des fonds; dans le cas d’une impossibilité mensongère, on vous réduit à une impossibilité réelle par les frais accumulés par les poursuites vives et criantes, par l’inhumanité des officiers subalternes qu’on emploie dans ces occasions. On force de prendre du sel dans un moment ou l’on manque presque de pain. 3° SUR MM. LES INTENDANTS C’est avec une véritable douleur que nous parlons contre des personnes que nous respectons encore, malgré ce qu’ils nous causent de déplaisir, soit par les corvées qu’ils ordonnent, corvées dont l’utilité n’est pas toujours sensible, Soit par les tailles imposées sur des déclarations faites en l’air, et d’après lesquelles on impose sans autres formes d’examen. 4° LA QUANTITÉ DE GIBIER. Tort dont on partage avec la société la charge, sans compter les dommages qu’ils nous portent en particulier dans nos biens. 5° SUR LES MINISTRES DE LA JUSTICE. Que peut laisser, avec toutes les charges qu’il a eu a supporter, le père de famille mourant , et que revient-il à une famille de son petit bien, lorsqu’il y a eu des scellés, des levées de scellés, des inventaires, des ventes, et lorsque, même sans chicane, on vient de compter avec MM. les officiers ? 6° SUR LA DIFFICULTÉ DES CHEMINS. Il y a environ 100 toises de mauvais chemins qui forment l’espace de la rue Ferrailles, qui prend audit village de Guermantes pour aller à Lagny. Ce chemin est impraticable une partie de l’année, ce qui empêche de porter les denrées au marché, ou occasionne des frais que les marchands seuls supportent. 7® SA MAJESTÉ DEMANDE DES SECOURS. Que ne lui est-il permis de lire dans nos cœurs et d’y voir pour sa personne l’amour le plus ardent, le plus sacré, et le dévouement universel qui lui assurerait notre disposition aux plus grands sacrifices? Mais notre impuissance dans nos biens est assez sensible, notre zèle jusqu’ici à supporter des charges qui nous accablent ne s’est jamais démenti, et il nous a fallu les ordres mêmes de notre prince pour exprimer des plaintes que nous avions toujours retenues captives dans notre cœur, et que nous retiendrions encore. Nous avouons notre incapacité dans les lumières que nous voudrions offrir à un Etat si éclairé. Nous nous contentons de voter avec nos chers compatriotes, pour un seul et unique impôtannuel , fixé à raison des propriétés, perçu par la province qui en irait porter directement au Trésor le capital à chaque échéance, sans aucune perte à craindre du côté de la manutention, moins étendue et plus éclairée. Tant de collecteurs avides et à la charge de l’Etat, qui ne pèsent pas moins par les injustices qu’ils exercent dans son propre sein, deviendraient, par une suppression complète, un soulagement pour lui et une grande tranquillité pour les peuples. Nous terminons notre cahier de doléances, après avoir tenu une assemblée dans les formes prescrites par l’ordonnance qui nous a été adressée, et avons unanimement nommé pour notre député, Bernard Poudrier. Fait à Guermantes, à la chambre d’audience. ce 15 avril 1789. Signé Josselin, greffier; Lefèvre; Brunet; Boivin;J.-B. Michel; P. Rozier; Fleury ; Nicolas Michel; Dubos; Anouau. CAHIER Des doléances , remontrances de l’ordre du tiers-état de la paroisse de Guibeville ( près Arpajon , diocèse et élection de Paris), pour servir de pouvoirs et d'instructions à leurs députés à la prévôté de Paris , dans le ressort de laquelle ils sont (1). Les demandes qui sont relatives à la constitution nationale étant consignées déjà dans les cahiers des divers bailliages, d’une manière satisfaisante, relativement au pouvoir législatif, soit au pouvoir exécutif, soit aux ordres du Roi, soit au pouvoir ministériel, soit à la liberté de la presse, soit aux subsides, soit au retour périodique des Etats généraux , il est superflu de répéter les différents articles qui sont à cet égard l’objet des doléances du tiers-état, et sur lesquels, préférablement à toutes choses, ils est essentiel que les Etats généraux délibèrent, et s’il arrive qu’il ne puisse pas être statué sur tous les articles, à cause de leurs détails, arrêter au moins les points les plus importants, et que l’on pourra en cas de besoin réduire à ceux qui suivent : 1° Le tiers-état forme un corps social qui est la nation ; 2° Le clergé et la noblesse sont des parties émanées de ce corps social, dont ils ne sont distingués que par les services qu’ils lui rendent, tant au spirituel qu’au temporel, parles honneurs que leur rend le tiers-état pour prix de leurs services, et par les récompenses qu’ils en reçoivent ; (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. 598 [États gén. 1779. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 3U Le Roi l'ait lui-même partie de la nation, dont il est le chef administrateur, et non le propriétaire. 4° La nation doit seule se donner des lois, dont elle confie l’exécution à son chef, qui est son Roi; 5° Le Roi n’étant propriétaire ni des personnes ni des biens de ses sujets, qui sont libres et affranchis de tout, ils ne sont comptables qu’à la nation, qui peut seule exiger des contributions pour la conservation de l’Etat ; le Roi n’est qu’administrateur de ces contributions ; 6° La nation assemblée pouvant seule arrêter et fixer les subsides et contributions des sujets, tant de leurs biens que de leurs personnes, il ne peut être levé ni impôts ni milice par les ordres du Roi, sans la sanction de la nation. Les lettres de cachet, quoique contraires aux principes ci-dessus, peuvent être tolérées, à la charge de remettre le sujet constitué prisonnier, dans les vingt-quatre heures, entre les mains des juges ordinaires ; 7° Pour que la nation ne perde jamais de vue ce qui peut intéresser la conservation de l’Etat, il faut que les assemblées soient périodiques, et réitérées au moins tous les trois ans. clergé. Le clergé étant le premier corps émané de la nation et distingué par lés honneurs et les bénéfices dont il a le droit de jouir, et ne pouvant les posséder sans les charges, il faut les astreindre à remplir exactement les fonctions y attachées, et si on ne peut, quant à présent, obtenir de grandes réformes dans cet ordre, il faut principalement faire arrêter : Art. 1er. Que tous les bénéficiers seront tenus de résider dans le lieu et la situation de leur bénéfice, et qu’ils ne pourront à l’avenir posséder plusieurs bénéfices. Art. 2. Que tous les bénéfices simples seront supprimés à mesure qu’ils vaqueront, et le produit employé à augmenter, jusqu’à concurrence de 2,000 livres, le revenu de toutes les cures qui ne montent pas à ce taux. Art. 3. Qu’aucun prêtre ne pourra posséder une cure avant l’âge de trente ans. Art. 4. Que la nomination aux évêchés sera faite à l’avenir sur l’élection des curés du diocèse ; qu’ils présenteront à cet effet au Roi, au moins quatre sujets élus à la pluralité, parmi lesquels le Roi choisira; comme aussi que la moitié des biens et revenus de chaque évêché sera employé tant à parfaire le revenu des curés jusqu’à la concurrence de 2,000 livres de revenu, qu’à des établissements d’écoles et d’hospices de charité, ou mis dans une caisse pour les pauvres. Art. 5. Que toutes les maisons religieuses qui n’ont pas dix religieux profès seront supprimées et leurs biens répartis comme ci-dessus, sauf à pourvoir à l’existence desdits religieux. NOBLESSE. Art. 1er. Qu’aucunes charges ne donneront plus à l’avenir la noblesse, et celles qui pourraient être exceptives ne donneront qu’une noblesse personnelle. Art. 2. Toutes charges tant de magistrature que militaire et autres pourront être possédées à l’avenir par des roturiers. TIERS-ÉTAT. Le tiers-état n’a pas d’autres lois à se donner que celle de porter honneur, respect et fidélité à son Roi, et d’avoir pour le clergé et la noblesse tous les égards qu’inspirera la reconnaissance des services que ces deux ordres distingués continueront de rendre à la nation. justice . Art. 1er. Demander la suppression des cours des aides, élections, greniers à sel, maîtrises particulières, chambre des douanes et généralement de tous tribunaux d’exception ainsi que des commissions et évocations et de la juridiction des intendants, les bailliages étant les seuls juges naturels et de droit de la nation. Art. 2. Que l’appel des sentences des juges inférieurs ne soit réservé au parlement que pour les affaires majeures qui seront déterminées aux Etats généraux. Art. 3. La suppression de tous degrés de juridictions intermédiaires, de manière qu’il n’y ait plus d’autres juges que ceux des seigneurs et ceux des bailliages ou sénéchaussées. Art. 4. La suppression des huissiers-priseurs de nouvelle création, et de beaucoup d’autres charges inutiles, et à ce qu’il soit pourvu à ce qu’à l’avenir les charges, et principalement celles de judicature, ne soient plus vénales. POLICE. Art. 1er. Demander des établissements de charité dans différents départements et provinces, et à ce qu’il soit pourvu aux moyens d’avoir des maîtres d’école dans toutes les provinces et des chirurgiens et matrones par arrondissement de plusieurs paroisses. Art. 2. La suppression des droits sur les foires et marchés, et la nomination d’inspecteurs, tant pour la police desdites foires et marchés que pour constater la qualité et quantité des blés dans l’arrondissement. Art. 3. Que les chemins soient tous à la charge de l’Etat, et particulièrement lés chemins d’Arpajon à Marolles, qui sont trop fréquentés par les voitures qui viennent des manufactures de cuivre, de coton et des moulins du Bouchet et autres lieux pour aller à Paris, Art. 4. Qu’il soit tenu compte et fait déduction sur les prochaines impositions des sommes qui ont été payées mal à propos par la paroisse de Guibeville pour sa taille imposée collectivement, à cause des héritages et biens qui, depuis la confection de la répartition du rôle, sont rentrés dans les mains des privilégiés non tailliables, ce qui a été refusé par les commissaires de l’intendance. Art. 5. Qu’on réduise les fermes à deux ou trois charrues, c’est-à-dire à 200 ou 300 arpents de terres labourables, afin d’augmenter l’industrie et diminuer le monopole sur les grains. Art. 6. Qu’on s’occupe des moyens de rendre les papiers terriers et autres actes qui intéressent les seigneurs, moins onéreux aux vassaux, les seigneurs y ayant aussi intérêt, attendu que les détails de leurs biens leur occasionnent des frais de régie considérables. FINANCES. Art. 1er. Consolider et sanctionner la dette de l’Etat et demander que le compte des finances soit imprimé et rendu public tous les ans pour assurer le crédit et la confiance. Art. 2. Demander la suppression des aides, tailles 'et gabelles, et l’établissement d’impôts moins onéreux et d’une perception plus facile. Art. 3. Demander que l’impôt soit supporté par chacun des trois ordres, et réparti également 599 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les mors.] sans qu’on puisse se prévaloir à cet égard d’aucun privilège. DEMANDES PARTICULIÈRES. Art. 1er. Demander le rachat des corvées seigneuriales, et la répartition des corvées royales, converliesen argent sur les trois ordres. Art. 2. Que les colombiers soient fermés du 10 mars au 20 juin de chaque année, et la destruction du lapin. Art. 3. Que toutes les rentes foncières et seigneuriales, même celles aux gens de mainmorte, soient toujours remboursables à la volonté du débiteur, quoi que constituées sur des héritages de champs. Fait et arrêté en l’église de Guibeviile, Fan 1789, le treizième jour d’avril, et ont tous les habitants dits, présents et dénommés au procès-verbal de ce jour, contenant mention de rédaction du présent cahier et nomination des députés, dressé par M. le bailli de ces lieux et qui savent signer : Signé Thomine; Fraiteau; Jayard; Girard; Thomas Monv; Bouquet; Cottard de Guibeviile. Bérenger. Signé et paraphé ne varietur, au désir de notre procès-verbal de ce jour, contenant nomination de députés, fait par nous, Pierre-Joseph Mésenge, licencié ès lois, procureur au châtelet de Paris, bailli, juge civil, criminel et de police des bailliages et châtellenie, graver et voyer de Guibeviile et dépendances, et M. Georges-François Billard, notaire greffier, cejourd’hui 13 avril 1789. Signé Mésenge et Billard. CAHIER Des doléances , remontrances et plaintes far les hâtants de la paroisse d' Herbeville (1). L’an 1789, le 16 avril, à neuf heures du matin ; Après l’assemblée convoquée au son de la cloche, en la manière accoutumée. Nous, habitants de la paroisse d’Herbeville, dépendants du châtelet de Paris, tous nés Français, compris au rôle des impositions de ladite paroisse, étant tous assemblés dans la Chambre à ce destinée, pour obéir aux ordres du Roi portés en ses lettres données à Versailles le 24 janvier dernier pour la convocation et tenue des Etats généraux du royaume, et satisfaire aux dispositions du règlement y annexé, ainsi qu’à l’ordonnance de M. le lieutenant civil au châtelet de Paris, dont du tout nous avons une pleine et entière connaissance, par les lectures et publications qui en ont été faites le dimanche 12 du présent, tant au prône de la messe paroissiale, qu’issue de ladite messe, au devant de la principale porte de l’église d'Herbeville, ladite assemblée convoquée en exécution des ordres, règlements et ordonnances, à l’effet de rédiger le cahier de doléances, plaintes et remontrances de cette paroisse, ainsi que pour délibérer sur le choix des députés que nous sommes tenus de nommer entre nous, nous étant occupés de la rédaction dudit cahier, avons arrêté nos doléances, plaintes et remontrances dans la forme suivante : Art. 1er. La taille, capitation, industrie, vingtième et autres impositions de la paroisse d’Herbeville, sont portées à un taux considérable, (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l Empire. ' eu égard à la valeur du terrain dont est composé son territoire, ce qui absorbe une grande partie des produits du cultivateur et lui ôte la faculté du pouvoir cultiver avec soin les biens qu’il fait valoir et y donner les engrais nécessaires ; ces biens sont classés , dans les rôles des tailles de cette paroisse, en deux classes, faisant, l’une dans l’autre, ensemble 14 livres 15 sous l’arpent ; on ne peut classer le terrain d’Herbeville en deux classes ; il le faut au moins en quatre, eu égard à sa situation, et le meilleur du terrain d’Herbeville ne peut être classé, pour un quart, qu a raison de 12 livres l’arpent; un quart, qui est un sol inférieur, à 10 livres, un quart, qui n’est que pierrailles en côtes et vallées, souvent entraîné par les eaux venant de bois, à 6 livres, et un quart, qui n’est que sablon et friches, entouré de bois aussi en côte, à 4 livres l’arpent. En sorte que le terrain d’Herbeville ne devrait être classé ensemble qu’à raison de 8 livres l’arpent, et les impositions réparties au prorata sur les habitants qui possèdent et cultivent leurs biens à raison des classements ci-dessus. Art. 2. Les droits de contrôle, centième denier, franc-fief et autres, établis et tarifés par l’arrêt du conseil de 1782, sont considérablement augmentés depuis leur établissement ; il n’y a plus de règle pour leur perception, qui devient arbitraire par chaque employé, au point que les sujets sont souvent tourmentés pour doublement et forcement de droits qui n’ont jamais été perçus dans leur principe, ce qui ôte leur tranquillité et les empêche de finir leurs affaires, qui, faute d’être terminées, occasionnent des procès dispendieux que l’Etat peut éviter par un nouveau tarif de ces droits pour être stable à toujours, sans novation. Art. 3. Le gibier de toute espèce dans les bois et plaines est un fléau considérable pour le cultivateur, qui a le désagrément de cultiver, fumer et ensemencer son terrain, sans production, ce qui lui ôte tout secours, non-seulement pour lui et sa famille, mais encore l’empêche de payer ses fermages et impositions dont il est chargé à raison des biens qu’il cultive. Le lapin, gibier désastreux, doit être entièrement détruit ; les lois faites jusqu’à présent à cette occasion n’ont point eu d’exécution par les entraves que les officiers de capitainerie ont introduits dans les règlements qu’ils ont faits à cet égard. Art. 4. La capitainerie de Saint-Germain en Lave, dans laquelle la paroisse d’Herbeville est comprise, doit être réduite à ses premières limites pour les plaisirs de Sa Majesté, seulement ; le surplus est actuellement occupé en partie par des particuliers, la plupart sans fief ni terrain, qui achètent des cantons de chasse sur les terres de différents seigneurs, et qui en abusent par la quantité du gibier de toute espèce qu’ils y laissent. Pour parvenir à la destruction du lapin, il faudrait que les habitants en eussent la permission, et ils la demandent, de les fureter et panneauter pendant les temps qui leur seront prescrits ; cela éviterait beaucoup de plaintes et d’abus. Art. 5. Les corneilles sont encore des oiseaux désastreux qui font un tort considérable aux cultivateurs, lesquelles, après les semences des blés, lorsqu’ils commencent à lever, dans la dernière saison, les arrachent et les mettent sur terre. Les habitants d’Herbeville demandent qu’il leur soit permis de les détruire par les moyens qu’ils trouveront les plus convenables. A l’égard des pigeons, animaux qui pillent les