14 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 juillet 1791.] n’osent prendre un parti que quand les circonstances les forcent. » Au dos est écrit : « Depuis plusieurs mois nous avons fait part au prince de Condé de nos sentiments : il les connaît et peut compter sur nous; nos équipages sont prêts ». (L’Assemblée ordonne le renvoi de ces différentes pièces aux comités des recherches et des rapports réunis.) M. I�anjuinais. Je demande que le comité nous fasse un rapport sur les 2,500,000 livres en or qui ont été dérobées à la nation et trouvées dans la voiture du moine de Saint-Ber tin. M. Populus. Vous voyez le danger que court la patrie, que de tous côtés, il y a des traîtres qui se jettent dans le pays ennemi pour chercher à renverser la France. Je demande que l’on mette à l’ordre du jour de demain la loi sur les émigrants. (Oui! oui! Applaudissements.) (La motion de M. Populus est décrétée.) M. Rainel-Hogaret. Les manœuvres que l’on vient de vous dénoncer sont pratiquées sur les frontières du Midi comme sur celles du Nord ; mais partout elles sont déjouées par le patriotisme du soldat, et cela nous prouve quel cas il faut faire des plaintes qu’oti nous a si souvent répétées de l’insubordination des troupes. Voici les renseignements que je reçois : « Le 25 du mois de juin, le directoire du département de l’Aude étant assemblé, les sous-officiers du régiment qui est en garnison à Carcassonne se rendirent auprès du directoire, pour dénoncer leur chef comme voulant les engager à passer en Espagne, sur le fondement qu’au premier jour, il y aurait une contre-révolution en France, et qu’il était bon de se retirer en pays étranger pour donner secours à ceux qui en auraient besoin.Sur cette dénonciation, le directoire chargea le procureur général-syndic d’en informer, sur-le-champ, l’accusateur public. La procédure fut commencée; lé décret de prise de corps fut donné à 10 heures du soir. Tous les habitants de la ville, la garde nationale offrirent main-forte pour s’assurer de la personne de l’accusé ; on se mit sur toutes les différentes routes, et 4 heures après, on arrêta, dans un des villages voisins, l’officier accusé qu’on amena dans les prisons de Carcassonne. La procédure sera connu uée en toute diligence, on en enverra un extrait pour savoir quels seront les ordres que l’Assemblée nationale pourra donner à ce sujet. » (L’Assemblée décrète le renvoi aux comités des recherches et des rapports réunis.) M. le Président fait connaître l’ordre du jour de la séance de demain. La séance est levée à trois heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CHARLES DE LAMETI1. Séance du jeudi 7 juillet 1791, au matin (l). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du samedi, 2 juillet, au matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du mardi, 5 juillet, au matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du mercredi 6 juillet. (Ces différents procès-verbaux sont adoptés.) M. le Président. Je reçois dans ce moment une lettre du roi dont je crois devoir donner lecture à l’Assemblée. « Je vous envoie, Monsieur le Président, une note que je vous prie de lire à l’Assemblée nationale. « Signé : LOUIS. » « Messieurs, j’apprends que plusieurs officiers passés en pays étranger, ont invité par des lettres circulaires les soldais des régiments dans lesquels ils étaient à quitter le royaume, et à venir les joindre ; que, pour les y engager, ils leur promettaient de l’avancement et des récompenses en vertu de pleins pouvoirs directement ou indirectement émanés de moi. < Je crois devoir démentir formellement une pareille assertion, et répéter, à cette occasion, ce que j’ai déjà déclaré, qu’en sortant de Paris je n’avais d’autre projet que d’aller à Montmédy, et y faire moi-même à l’Assemblée nationale les observations que je pensais nécessaires sur les difficultés que présentent l’exécution des lois et l’administration du royaume. « Je déclare positivement que toutes personnes qui se diraient chargées de semblables pouvoirs de ma part en imposeraient de la manière la plus coupable. « Signé : LOUIS. » (L’Assemblée décrète l’insertion de cette lettre dans le procès-verbal.) M. ÎLa Reveillère-Lépaux. Je suis informé qu’il y a ici quelques citoyens de Varennes qui ont contribué à l'arrestation du roi , et qui l’ont escorté jusqu’à Paris ; ces citoyens sont très peu favorisés de la fortune, et je sais même qu’ils se trouvent en peine pour retourner dans leur pays. Je crois que la patrie ne peut pas moins faire pour la liberté que le despotisme n’aurait fait pour la conservation de l’esclavage. Je demande que le comité des rapports se concerte avec le ministre des contributions publiques, pour leur fournir les choses qui leur seront nécessaires, et qu’il en rende compte samedi prochain, en attendant qu’on statue sur les récompenses qui pourront être distribuées à cet effet-là. M. Muguet de Nanthou. Le comité des rapports s’occupe actuellement des récompenses à donner à ceux qui ont arrêté le roi, mais il était nécessaire de prendre des renseignements sur tous ceux qui avaient contribué à cet événement afin de ne pas rendre plusieurs décrets successifs : tous ces renseignements ne sont point encore arrivés, et dans ce moment il est impossible d’en faire le rapport ; mais nous avons la note qui nous a été donnée par les députés du Glermontois et par la municipalité de Varennes, et d’après les différentes notes il sera très possi-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 juillet 1791.] ble de remplir les intentions de M. Lépaux et l’on renverra les notes du comité au pouvoir exécutif. (L’Assemblée ordonne le renvoi de la demande de M. La Reveillère-Lépaux au pouvoir exécutif.) Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du mardi 5 juillet au soir qui est adopté. M. Armand, au nom des comités des rapports et des recherches réunis. Messieurs, vous avez ajourné un projet de décret que je vous ai présenté à la séance de samedi dernier au sujet de V arrestation de trois barils de piastres effectuée à la douane de Forbach et vous avez renvoyé au comité des recherches pour se concerter avec le comité diplomatique et d’agriculture et de commerce, et pour vous présenter leurs vues sur la manière d’exécuter le décrets prohibitifs des 21 et 28 juin derniers relatifs à la sortie des matières d’or et d’argent hors du royaume (1). Ce rapport vous a été fait par un membre du comité diplomatique et vous avez rendu un décret par lequel vous avez déclaré que, par matières d’or et d’argent, vous n’aviez point entendu comprendre les espèces monnayées éirangères(2); mais vous n’avez point statué sur la demande que je vous avais faite relativement aux trois barils de piastres, et au contraire l’Assemblée nationale s’est réservé de statuer par un décret particulier. Je trouve dans le procès-verbal la preuve que la commission est parfaitement conforme à ce que je vous ai exposé. 11 a été prouvé, par la véntication qui a été faite des piastres et par la vérification des lettres de voiture, que tout cela est parfaitement conforme. En conséquence, j’ai rhonneur de vous proposer le décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités réunis des rapports et des recherches, décrète que les barils contenant des espèces monnayées étrangères, mentionnées dans le procès-verbal du receveur des douanes nationales de Forbach, contenant l’arrestation desdites espèces, ordonnée par la municipalité dudit Forbach, en date du 26 juin dernier, jouiront, conformément à son décret du 3 de ce mois, de la libre circulation pour arriver à leur destination. » (Ce décret est adopté.) M. Payen, au nom du comité des colonies , de marine , de Constitution, d'agriculture et de commerce. Messieurs, vous avez adopté, dans la séance du mardi 28 juin dernier, différentes dispositions qui vous ont été proposées par M. ûe-lavigne relativement aux affaires de Saint-Domingue, et vous avez renvoyé kà vos comités pour la rédaction (3). Voici le projet de décret que nous vous présentons : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait au nom de ses comités des colonies, de marine, de Constitution, d’agriculture et de commerce, prenant en considération les explications et rétractations des (l)Voy. Archives parlementaires, tome XXY1I, séance du 2 juillet 1791, page 651. (2) Voy. Archives parlementaires, t. XXV11, séance du 3 juillet 1791, p. 688. (3) Voy. Archives parlementaires, tome XXVII, séance du 28 juin 1791, page 583. 15 membres de la ci-devant assemblée générale de Saint-Domingue, contenues daus leurs adresses des 19 avril et 22 mai derniers, « Déclare qu’il u’y a lieu à inculpation contre les membres de la ci-devant assemblée générale de Saint-Domingue, ceux du comité provincial de l’ouest de ladite colonie, et le sieur Santo-Domingo, commandant le vaisseau le Léopard. « Eu conséquence, décrète qu’elle lève les dispositions de ses decrets des 20 septembre et 12 octobre 1790, par lesquelles les membres de la ci-devant assemblée générale de Saint-Domingue, ceux du comité provincial de l’Ouest, et le sieur Santo-Domingo, ont été mandés et retenus à la suite de l’Assemblée nationale, ainsi que les dispositions par lesquelles le roi a renvoyé l’équipage du vaisseau le Léopard dans ses quartiers respectifs, et enjoint aux officiers de rester dans leurs départements. » (Ce décret est adopté.) M. Merle, secrétaire, fait lecture d’une lettre des commissaires de V Assemblée nationale dans les départements du Nord , du Pas-de-Calais et de U Aisne. Cette lettre est ainsi conçue : « Lille, le 3 juillet 1791. « Messieurs, « Nous profitons d’un instant de relâche pour vous annoncer que nous avons entamé aujourd’hui le but principal de notre mission, en recevant le serment de la garnison de Lille, garnison la plus importante et la plus nombreuse des 3 départements où vous nous avez envoyés. 15 officiers seulement ont refusé de prêter le serment, et se sont dispensés en conséquence de se trouver sous les armes, lors du rassemblement de la garnison. 3 autres, contre lesquels il existait des plaintes et quelques soupçons, ont été par nous suspendus de leurs fonctions, jusqu’à ce qu’ils se soient justifiés, et nous avons remis leur prestation de serment, jusqu’à cette époque. Du reste, tous les autres ofticiers, qui avaient remis d’avance leur déclaration aux ch�fs de leurs corps respectifs, ont prêté individuellement le serment à la tète de ces corps, et ont souscrit la formule insérée dans notre procès-verbal. Les corps entiers ont ensuite acquiescé à ce serment, etl’ontcollectivement prêté avec une ardeur et des acclamations qui annoncent leur patriotisme et leur zèle pour la défense de l’Etat. « Nous vous ferons passer, le plus tôt qu’il sera possible, une expédition de notre procès-verbal, qui vuus instruira de tous les détails de nos opérations, dont nous ne pouvons aujourd’hui vous rendre compte que d’une manière générale et abrégée. « Nous ne devons pas manquer de vous informer que, dès l’instant de notre arrivée, la garde nationale de Lille, qui est très nombreuse et de la plus belle formation, nous fit témoigner par ses chefs le désir de prêter le serment prescrit par la loi du 22 juin. Nous ne connaissons point de raison qui puisse nous empêcher d’acquiescer à cette demande. En conséquence, dès le lendemain, nous nous rendîmes avec M. de Roctiam-beau, commandant général de l’armée du Nord, à l’esplanade, dite le Champ-de-Mars, où la garde nationale s’était assemblée, et où nous reçûmes son serment. La garde nationale a dû vous rendre compte, par une adresse dont elle nous a fait remettre un exemplaire, de cette cérémonie patriotique, où l’on a mis toute la pompe qui