624 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mai ;i79l.J ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSV. Séance du lundi 30 mai 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivants: Adresse du sieur Franconi , écuyer , citoyen de Lyon, qui Sc pl mi d’être sans cesse iüq b te dans l’exercice de son art, par les entrepreneurs des spectacles : il supplie l’Asr-emblée de decréier que tous privilèges accordés à certains entiepre-neurs des spectacles ne port roni aucun préjudice au libre exercice ne l’art de l’équitation du sieur Franconi, lorsqu’il se conformera aux lois de la police. (Cette demande est renvoyée au pouvoir exécutif.) Adresse du sieur Bienvenu , souscrite par plus deli) citoyens de Quimperlé, qui se plaignent très amèremi nt des griefs des oïliciers de l’armce, qui toujours, et partout, alfectent le plus insolent mépris pour la Constitution : iis joignent leur vœu unanime pour leur licenciement, à celui qui est déjà parvenu à l’Assemblée, de presque toutes Us parues du royaume. M. Bouche. Je demande le renvoi de cette adresse au comité militaire, en le ctiargaut de rendre compte incessamment à l’Assemblée des mesures à prendre pour pié�enir ces délits et de présenter scs vues sur le licenciement et le renou - vellement du corps des officiers. M. de Murat. Je demande la parole pour faire taire M. Bouche, qui calommie. M. Bouche. J’espère que ma motion aura pour approbateur, non seulement l’Assemblée nationale, mais la Fiance entière. M. l'abbé Gouttes. Je demande à appuyer la motiou avec preuves. M. Bouche. Nous n’ignorons pas, Messieurs, que c’est dans ce corps que se cachent les ennemis de la Constitution. Vous sentez que je parle en général et que je ne puis me dissimuler que, dans le corps des officiers, il y a d’excellents citoyens, de bons patiiotes; mais pu il y eu a beaucoup de ténébreux et d’audacii ux. Il y a assez longtemps que ces derniers, en affectant un respect hypocrite peur le roi etunméprisinsuliant pour les décrets de l’Assemblée nationale, égarent nus braves soldaissurleurs vériiablesdevoirs ; il y a asstz longtemps qu’ils ont soulevé contre eux l’opinion publique et ne méritent plus votre confiance. Il est temps, Messieurs, et l’intérêt public le réclame, il est temps de faire cesser ces menées ténébreuses qui produiraient peut-être des effets funestes qu’il est de votre prudence de prévenir. M. Ménard de La Groye. Il estétonnant que M. de Murat veuille prendre la délen.-e des officiers qui se comportent do la manière la plus dangereuse, la plus contraire à la Constitution. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur . Un membre : J’appuie la motion qui a été faite et le renvoi au comité militaire. M. de Sérent. Il n’est pas étonnant qu’il se trouve ici des défenseurs des officiers. J ignore jusqu’à quel point il est permis de les calomnier dans le sein de cette Assemblée; ce que je sais, c’est que les officiers de l’armée, placés depuis longtemps entre un devoir pénible et les désagréments et les vexations de toute espèce, donnant à la patrie la plus grande preuve de leur dévouement (Murmures)... en résistant a�x attaques auxquel s ils sont livrés tous les jour?; ce que je sais, c’est que leur patriotisme (Murmures)... ne mérite pas d’êtie l’objet, dans t’Assem-bb e na ionaie même, des calomnies de la malveillance et d’un système de persécution qui paraît combiné contre eux. Je « rois effectivement que l’Assemblée nationale peut s’occuper de leur sort ; mais je crois que c’est pour les défendre contre ceux qui ne leur rendent pas l’hom nage uû à la sagesse de leur conduite. (Applaudissements à droite.) M. Ganltier-Biauzat. Je üe crois pas que nous de ions nous occuper de l’objet intéressant que presenie la motion de M. Bouche; mais nous uevons remarquer que cet objet contient un article très essentiel à décréter. M. Mirabeau nous a légué une motion tendant à licencier l’armée pour la recréer tout de suite. Celte motion est aujourd’hui la propriété des amis de la Constitution ; il est de notre devoir de la soutenir. Je la réitère et j’en demande le renvoi au comité oe Constitution. (Applaudissements.) M. de Sérent. Et moi je m’oppose à ce que l’Assemblée nationale se souille d’ua si honteux renvoi. (Murmures à gauche.) M. Ganltier-Biauzat. Ce serait le seul moyen de rame mr le calme dans l’armée et d’assurer à la patrie d< s défenseurs que l’amour des armes et le patriotisme détermineront à embrasser cette profession. M. Anthoine. Je demande la parole pour appuyer la motion de M. Bouche et j’appuie de même celle de M. Biauzat. Je n’ai pas besoin de calomnie, de médisance contre le < orps des officiers pour vous montrer l’utilité, le besoin urgent, de vous occuper de l’objet de ces deux motions dans le plus court délai possible. 11 n’est pas possible que les régiments demeurent tranquilles dans leurs garnisons, tant que le corps des officiers sera comi osé comme il iVst actuellement. Je n’ai pas besoin de vous affliger en vous retraçant le récit de toutes les histoires scandaleuse s arrivées, non seul» ment depuis ta Révolution, mais depuis 40 ans; et nous nui sommes députés des provinces des villes frontières, nous savons que nous tremblions plus devant u i régiment b ançais, que nous n’aurions tremblé devaut l’ennemi ..... A droite : C’est qu’ils mettaient de la police 1 M. Anthoine. Le vœu le plus cher à mon cœur est certainement le rétablissement de l’or-«ire, tant dans les régiments que dans les villes où ces régiments sout en garnison ; et certes il ne faut pas s’étonner si l’ordre n’y existe pas : le mode d’avancement que vous avez démété paraît illusoire aux soldats et aux citoyens. Les soldats [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mai 1791.j parviendront-ils suivant votre nouveau mode à une place d’officier; un bourgeois fera-t-il entrer son fils dans un régiment : il aura contre lui tout le corps d< s officiers, il sera exposé à mille désagréments, et peut-être à la mort ; il sera obligé de prêter le collet à tout le corps des officiers... A droite: Il faut les renvoyer. M. Gaultier-Biaiizat. Patience! nous les renverrons. M. Anthoine. Il n’y a personne dans cette Assemblée, et même parmi les militaires de cette Assemblée, qui rie sente la vérité de ce que j’avance... (Murmures à droite.) Adroite .-Non! le diable m’emporte! M. de Murat. Allez débiter vos calomnies ailleurs. Monsieur Je Président, vous devriez imposer silence à un calomniateur. M. de Airieu. Je demande que l’opinant soit entendu avec toutes ses atrocités. M. Anthoine. Je n’ai pas nié qu’il y ait de bons patriotes dans le corps des officiers ; je crois même qu’il y en a un grand nombre... A droite: Ne parlez pas de ce que vous ne connaissez pas. M. Anthoine... mais tout en rendant justice à la probité et au patriotisme même d’un grand nombre d’officiers, je ne puis pas m’empêcher d’observer que la chaleur que I on met à écarter ces deux motions... ( Murmures et interruptions à droite.) M. Gaultier - Biauzat. Je demande le renvoi au comité, sans discussion. M. Anthoine... On propose de renvoyer au comité tes deux propositions faites, afin que le comité preseme, dans mi court délai, à l’As-emblée un moyen de formation nouvelle des officiers; mais il y en a un bien simple; c’est le mode d’avancement que vous avez décrété, qui ne sera pas illusoire, quand vous aurez décrété le licenciement entier du corps des officiers, en commençant par la tête, c’est-à-dire par les colonels. Gela ne fera pas plaisir aux jeunes, mais cela sera juste : alors vous donnerez le» 3 premières places à l’ancienneté, et la quatrième au choix du roi, ainsi que vous l’avez décrété ; tout le monde sera content, et tout restera dans l’ordre. Mais comme les esprits sont en fermentation, qu’il est essentiel de faire cesser le plus tôt pos»ible une fermentation aussi dangereuse, je demande que dans 3 jours le comité soit chargé de vous présenter un nouveau mode à cet ep &' &. {Applaudissements à gauche ; murmures à droite.) M. Bouche. Je demande que la discussion soit fermée. M. Gaullier-Biauzat. La motion de fermer la discussion est faite et appuyée ; mettez-la aux. voix, Monsieur le Président. M. de Airieu. Je demande que ces messieurs ui ont le droit de calomnier, aient la patience 'entendre. 1" Série, T. XXVI. 625 M. le Président. Je mets aux voix la motion de fermer la discussion. A droite : Non! nonl M. de Airien. Je demande la parole sur la motion de fermer la discussion... (Murmures à gauche.) M. l’abbé... Quand vous avez entendu les propositions les plus affreuses... Un membre : Je demande que MM. les curés ne parlent point pour les militaires. M. de Airieu.... Il y aurait trop d’avantage pour les calomniateurs, pour les traîires vendus aux euuemis de l’Etat, qui ont intérêt à détruire l’armée, si, après des calomnies comme celles que l’on vient d’entendre, et dont l’effet funeste serait de dégoûter, s’il émit possible, à l’instant même, les bons serviteurs de la patrie, les officiers généreux et fidèles qui se dévouent depuis si longtemps, et d’uue manière si pénible... ( Murmures à gauche.) A gauche : Ah! oui! M. de Airieu. L’insolence de ces murmures-là ne m’empêcbera pas de continuer mon opinion. A gauche : La discussion est fermée! M. de Airieu... Je disais qu’il y aurait trop d’avantage pour les traîtres à la patrie, et leurs projets criminels, s’ils avaient la faculté de semer impunément la calomnie; s’il leur était libre de suivre cette maxime d’une pièce dont l’immoralité déshonore notre théâtre; calomnions toujours , il en restera quelque chose , sans qu’il fût pos-ible de leur répoudre; il est de l’intérêt de l’Assemblée nationale, autant que de sa dignité et de la sûreté de I Etat, de ne pas empêcher de combattre des calomniateurs soudoyés qui viennent ici accuser les défenseurs de la patrie, pour ensuite foire colporter, par tous les papiers publics, les atrocités dont ils soutient nos ore.lles, et par ce moyen affaiblir la barrière qu’il faut opposer dans ce moment, aux ennemis qui nous menacent de toutes parts. (Rires à gauche.) M. Gaultier-Biauzat, montrant le côté droit. Ils sont là, nos ennemis. M. de Airieu. Oui, les ennemis du cnme(grands murmures), et puisque les ennemis de l’Etat trouvent ainsi en tout état de cause des bouches dans l’Assemblée nationale, il importe à votre sûreté, non moins qu’à votre dignité, de ne pas souffrir qu’ou terme la discussion sur de pareilles impos ¬ tures. Les renvoyer à vos comités, sans qu’elles fussent démenties, serait leur donner une importance qu’il vous convient de ne pas leur bis-er. Il iaut que les mêm�s organes qui les publieront, publient en même temps les réponses, afin que la nation soit en état d’apprécier et de juger la calomnie et le calomniateur, et de quel côie sont les véritables traîtris. Je m’oppose dune formellement à ce qu’on décrète le renvoi des motions de MM. Bouche � et Biauzat au comité, sans autre discussion ; car c’est uoimer un caractère et une importance dangereuse à la calumme, c’est insulter l’Assemblée, elle-même; c’est manquer aux bons citoyens; et les 40 626 [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [30 mai 1791.] traîtres achetés par les ennemis de la France ou les scélérats qui veulent la subvertir, y trouveraient seuls leur compte. {Violents murmures.) M. Lavie. Je demande l’impression du discours de M. Yirieu : c’est véritablement un modèle d’éloquence {Murmures). Puisqu’il ne renferme que les "mots de calomnie, calomniateur, atrocité, scélérat, traître, il faut que l’on puisse l’accuser s’il a calomnié lui-même. A gauche : Il faut envoyer l’auteur et le discours à l’Abbaye. M. de Thiboutot et un autre membre protestent entre les paroles de M. Lavie. M. Lavie, Il faut que lès membres de l’Assemblée se respectent entre eux, et, de même que je veux qu'on n’emploie envers eux que des termes respectueux, je veux aussi qu’ils n’en emploient pas d’autres eux-mêmes. M. Delavigne. Nous ne sommes pas ici pour entendre des criai lleries ; je demande que la discussion soit fermée. (L’Assemblée ferme la discussion.) , M. le Président. Je mets aux voix le renvoi des 2 propositions. M. de Folleville. Je demande la question préalable sur le renvoi. M. Banzat vous a dit que la motion qu’il vient de faire, était un legs que M. de Mirabeau avait laissé à l’Assemblée. C’est précisément parce qu’on vous a dit que c’était un legs de M. de Mirabeau que cette proposition ne doit pas plus être agréée dans la bom he du légataire, qu’elle ne l’a été dans celle du propriétaire : Lorsque M. de Mirabeau vous la fît, vous avez senti combien elle était injuste. Ce qu’il y a de juste a été prévu par vos décrets sur l’organisation militaire; vous avez créé ces lois; faiies-les exécuter et n’exigez pas, comme ou vous le propose, l’injustice eu principe, en ôtant des places a ceux qui en sont pourvus, pour les donner à d’autres. Rappelez-vous que la motion de M. de Mirabeau a été rejetée par l’ordre du jo ur dans une séance du matin; elle doit avoir, à bien plus forte raison, le même sort dans une séance du soir. M. Delavigne. C'est ainsi qu’on use le temps sans rien uire. On a in une adresse; die est fondée sur l’injustice de ceux qui abusent de leur place pour accabler ceux que la hiérarchie des pouvoirs leur soumet. Je ne prétends calomnier personne; mais il y a trop ae plaintes de celle espèce, venues de toutes les parties de l’Empire, pour qu’elles n’aient pas quelque fondement... M. de Tliiboutot et un autre membre interrompent violemment. M. Delavigne... Je disais, Messieurs, que des bruits fâcheux viennent de trop de points de l’Empire pour ne pas mériter l'attention de l’Assemblée. D’après cela, je considère que nous avons des lois; il n’en faut pas faire de nouvelles mais il faut faire exécuter celles qui existent. C’est ainsi que l’on rendra justice à qui il appartient, en renvoyant au comité l’adresse qui vient d’être lue, avec charge de proposer les mesures néces-J saires pour l’exécution de vos précédents décrets. {Applaudissements.) M. Lavie. Je demande, par amendement, que l’on renvoie en même temps au comité militaire l’adresse des corps administratifs delà ville de Strasbourg, qui est arrivée ce matin, en y joignant tontes les pièces capables d’éclairer le comité sur le péril auquel l’incivisme des chefs des régiments expose la chose publique. Dans cette adresse, on porte les plaintes les plus fortes contre les officiers de la garnison, qui, dans leur délire, ont tellement poussé à bout la garde nationale an point de la mettre en insurrection, que, peut-être avant 15 jours, on fera main basse sur eux. Je demande que si cesofficiers ontété calomniés, on punisse les calomniateurs, ou bien que l’on mette or. Ire à l’état de choses actuel êt qu’enfin nous vivions en paix. M. d’André. Messieurs, les diverses motions qui vous ont été faites sont des moyens pour rétablir l’ordre dans l’armée. L’Assemblée n’est pas dans l’usage de renvoyer dns motions à ses comités; de semblables renvois pourraient être interprétés et exciter des mouvements qui seraient contre son vœu. Vous (enverrez donc les adresses purement et simplement ; le comité vous rendra compte des moyens qu’il juge ta convenables pour en remplir l’objet. Si les motions que l’on a faites entrent dans ses vues, il vous les représentera; s’il ne les juge pas bonnes, leurs auteurs seront toujours à môme de les reproduire alors. M. Emmcry. J’appuie la motion de M. d’André et je demande que le comité soit tenu de faire son rapport dans 3 jours. (L’Assemblée, consultée, décrète le renvoi au comité militaire des adresses des citoyens de Quimperlé et des corps administratifs de Strasbourg.) M. Coroller du Afonstoir. Permettez, Messieurs, à un défenseur de la liberté, à un apôtre de ta Révolution, de vous faire part, au nom de la députation de Bretagne, d’une lettre de M. de Botherel, ci-devant procureur général syndic des ci-devant Etats de Bretagne. Voici cette lettre, envoyée à tontes les communes delà province de Bretagne : « Dans le moment où, par un oubli malheureux de ses droits et piérogatives, le peuple breton égaré, semble s’aveugler sur ses propres intérêts, nous qu’il honore de sa confiance nous ne pouvons trahir nos devoirs, et nous osons seuls lutter contre la séduction dont nos malheureux concitoyens sont la victime : les Bretons peuvent méconnaître leurs prérogatives; mais nous devons Ips leur rappeler, parce qu’elles sont le gage de leur bonheur. CYst en leur nom que nous avons cru devoir vous adresser la protestation que nous vous adressons. G’e-tau nom de nos concitoyens, qui nous ont confié la défense de leurs droits, que nous vous conjurons de faire connaître aux habitants de votre paroisse celte réclamation. « Notre zèle ne doit pas vous être suspect. Représentants nés trois ordres, nous sommes également attachés à chacun d’eux ; et notre plus ardent dé.-ir, c’est de pouvoir vous rendre vos druits tels que vous nous les avez coudés, de rétablir danslaprovincela concorde quedesgens mal intentionnés ont troublée, et de faire, s’il se