ARCHIVES PARLEMENT AIRES, 9 brumaire an II 30 octobre n93 66 (Conversion laiionaie.j Compte rendu du Moniteur universel (1). Un membre, au nom des comités de la guerre et des douanes, présente un projet de décret sur les moyens d’approvisionner avec facilité les armées de la République en grains et en four¬ rages. Il propose d’obliger les fermiers des do¬ maines nationaux et des biens des émigrés à payer en nature le prix du bail qu’ils ont fait avec la République lorsque les terres qu’ils cultivent produisent les denrées propres à l’approvisionnement. L’Assemblée ordonne l’impression et l’ajour¬ nement de ce projet de décret. II, Rapport et projet de décret de Cambacérès SUR LES ENFANTS NÉS HORS LE MARIAGE (2). Compte rendu de V Auditeur national (3). D’après le décret du 5 de ce mois qui ordonne le partage égal des successions échues depuis le 14 juillet 1789, le comité de législation, par l’or¬ gane de Cambacérès a présenté un projet de dé¬ cret sur les droits des enfants nés hors du ma¬ riage, connus autrefois sous le,jnom d’enfants naturels. Le projet a été adopté; en voici les principales dispositions. ( Suit un résumé du projet de décret que nous reproduisons ci-dessous.) Projet de décret sur les enfants nés hors le mariage, présenté au nom du comité de législa¬ tion, par Cambacérès. [ Imprimé par ordre de la Convention nationale (4).] La loi décrétée dans la séance du 5 de ce mois (5) a dû opérer des changements dans les articles concernant les enfants nés hors le ma¬ riage, dont le projet a été distribué (6). Cette considération a déterminé le comité de législa¬ tion à soumettre de nouvelles vues à la Conven¬ tion nationale sur cette importante matière. projet de décret, « La Convention nationale, après avoir en-(1) Moniteur universel [n° 41 du 11 brumaire an II (vendredi 1er novembre 1793), p. 166, col. 3]. (2) Le rapport et le projet de décret de Camba¬ cérès ne sont pas mentionnés au procès-verbal de là séance du 9 brumaire an II; mais il n’est pas douteux que le projet fut lu et discuté dans cette Séance, car tous les journaux de l’époque y font allusion dans leurs comptes rendus. Toutefois, il est probable qu’il fut seulement adopté sauf rédac¬ tion, puisque nous le retrouvons en entier dans le procès-verbal de la séance du 12 brumaire. (3) Auditeur national [n° 404 du 10e jour du 2e mois de l’an II (jeudi 31 octobre 1793), p. 3]. (4) Bibliothèque nationale, 4 pages in-8°, Le38, U0 273. — Bibliothèque de la Chambre des députés j Collection Portiez (de l’Oise), t. 15, n° 8, et 66, n° 35. (5) Voy. ci-dessus, séance du 5 brumaire an II, p. 568. (6) C’est le projet que nous publions ci-après. Il-avait été imprimé et distribué à la Convention entre là 4 juin et le mois d’octobre 1793, rendu le rapport de son comité de législation, décrète ce qui suit : Art, 1er. « Les enfants naturels actuellement existants, nés de père et mère non engagés dans les liens du mariage, seront admis aux successions de leurs père et mère, ouvertes depuis le 14 juillet 1789; « Us le seront également à celles qui s’ouvriront à l’avenir, sous la réserve portée par l’article 11 ci-après. Art, 2. « Leurs droits de successibilité sont les mêmes que ceux des enfants légitimes. Art, 3. « Ils ne pourront néanmoins déranger, de leur chef, les partages faits; mais ils prendront leur portion sur les lots existants. Art. 4. « Si le père ou la mère de l’enfant né hors le mariage a transmis ses biens, en tout ou en partie, soit ab intestat, soit par disposition, à des parents collatéraux ou A des étrangers, ceux-ci, lors))de la remise qu’ils feront h l’enfant né hors le mariage, pourront retenir le sixième de ce qui leur est échu, ou de ce qui leur a été donné. Art. 5. « Dans tous les cas, les enfants nés hors Je mariage seront tenus de recevoir les biens en l’état où ils se trouveront à l’époque de la publi¬ cation de la présente loi, efc de s’en rapporter sur la consistance de ces biens à l’inventaire qui en aura été dressé à la mort de leurs père au mère. Art, 6. « Les héritiers directs ou collatéraux qui ne pourront pas représenter en nature les effets et biens compris dans l’inventaire, feront état aux enfants nés hors le mariage du prix qu’ils en ont tiré ou de leur valeur au temps de la mort de leurs père ou mère, , : Art, 7. « Les enfants nés' hors le mariage ne pourront exiger la restitution des fruits perçus, ni préju¬ dicier aux droits acquis, soit à des tiers posses¬ seurs, soit à des créanciers hypothécaires avant la demande judiciaire qu’ils auront formée en vertu de la présente loi. Art. 8. « Pour être admis à l’exercice des droits ci-des¬ sus, les enfants naturels nés hors le mariage seront ténus de prouver la possession d’état qui m [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 67 ne pourra résulter que de la représentation d’écrits publics ou privés du père ou de la mère décédé, ou de la suite des soins donnés à leurs entretien et éducation. Art. 9. « Les enfants nés hors le mariage, dont la fi¬ liation sera prouvée de la manière qui vient d’être déterminée, ne pourront prétendre aucun droit de successibilité, relativement aux parents collatéraux de leurs pères ou de leurs mères dé¬ cédés, même depuis le 14 juillet 1789, Art. 10. « A l’égard des enfants nés bors le mariage, dont le père et la mère seront encore existants lors de la promulgation du Code civil, leur état et leurs droits seront en tous points réglés par les dispositions du Code, Art. 11. « Néanmoins, en cas de mort de la mère avant la publication du Code, la reconnaissance du père, faite devant un officier publio, suffira pour constater à son égard l’état de l’enfant né hors le mariage et le rendre habile à lui succéder. Art. 12. « Il en sera de même dans le cas où la mère serait absente et dans l’impossibilité absolue de confirmer par son aveu la reconnaissance du père. Art. 13, « Les enfants et descendants des enfants nés hors le mariage, décédés avant la publication de la présente loi, représenteront leurs père et mère dans l’exercice de leurs droits. Art. 14. « Des arbitres, choisis par les parties ou nom¬ més par le juge de paix du heu de l’ouverture de la succession, termineront toutes les contes¬ tations qui pourront s’élever sur l’exécution de la présente loi, notamment dans le cas où il n’aurait pas été fait inventaire à la mort du père ou de la mère des enfants nés hors le mariage. « En aucun cas, les jugements de ces arbitres ne seront sujets à l’appel. » Nouveau rapport sur les articles d'appendice du titre IV du livre Ier, concernant les enfants nés hors le mariage, présenté au nom du comité de législation, par Cambacérès, député de l'Hérault. [ Imprimé par ordre de la Convention nationale (1).] Citoyens, La République attend avec confiance la loi qui doit régler l’exercice des droits attribués (1) Bibliothèque nationale, 10 pages in-8°, Le38, n° 538. — - Bibliothèque de la Chambre des députés ; Collection Portiez (dè l’Oise), t. 15, n° 9 et 66 n° 34, par la nature aux enfants nés hors le mariage. Avant de prendre une dernière résolution sur cette intéressante matière, vous avez voulu en¬ tendre une seconde fois votre comité de législa¬ tion (I); il vient aujourd’hui vous rendre compte de son opinion, et des motifs qui l’ont déterminée. Plusieurs objections ont été faites contre le projet que nous vous avons soumis; il est dans notre intention de vous les rappeler, comme il est dans notre devoir de vous présenter les con¬ sidérations qui serviront à les résoudre. On vous a dit : « Le droit de succession n’est point un droit naturel; l’ exécution de la loi ne commence que du jour où elle a été publiée. Les droits de successibilité des enfants naturels n’ayant été décrétés que le 4 juin dernier, ils ne doivent prétendre qu’aux successions échues, _ depuis ce jour. S’il en était autrement, la loi rétrograderait; et, aux termes de l’Acte eonsti* tutionnel, cette rétrogradation serait un Grime; elle produirait en outre les plus funestes effets, puisqu’en attaquant les propriétés, elle jetterait le trouble et le désordre dans les familles. Enfin, toutes lois, non abrogées demeurant en vigueur, les droits des enfants naturels ne sauraient re¬ monter au delà du 4 juin dernier, puisque les anciennes lois leur interdisaient la faculté d’hé¬ riter. Ces lois ne furent pas l’ouvrage du despo¬ tisme; elles furent le résultat de la volonté de la nation, réunie en états-généraux. » Quelque spéoieuses que soient ces raisons, la réponse n’en est pas moins facile et victorieuse. Il existe une loi supérieure à toutes les autres; la loi de la nature; c’est elle qui assure aux indi¬ vidus dont nous nous occupons, tous les droits qu’on cherche à leur ravir. Ces droits leur ont été rendus le jour où la nation a déclaré qu’elle voulait être libre, le jour où ses premiers repré¬ sentants ont rédigé cette charte mémorable, monument éternel des droits des hommes et des citoyens ! Aussi voit-on, à compter de ce jour, les enfants nés hors le mariage réclamer les avantages de l’état civil privé par les mêmes motifs qui assuraient leur état politique. Si l’Assemblée constituante et l’Assemblée légis¬ lative ont gardé le silence sur leur réclamation, peut-on supposer qu’elles aient voulu contester les droits qu’il n’était pas en leur pouvoir de méconnaître? L’égalité civile et politique étant devenue le bien commun de tous iss Français, n’est-il pas plus naturel de penser que les légis¬ lateurs ont cru qu’il était inutile de faire un dé¬ cret particulier, là où il existait un droit primitif consacré par une loi générale? Ce serait donc s’abuser que de vouloir fixer au 4 juin dernier les droits des enfants naturels; ce serait, nous ne craignons pas de le dire, vouloir fixer à cette époque les plus sensibles effets delà Révolution; et si le règlement du 4 juin devenait un obstacle à l’acte de justice que l’on réclame, il ne faudrait pas hésiter à en décréter le rapport pour ne pas affaiblir les avantages que la Déclaration des droits assure aux enfants nés hors le mariage, Eh ! qu’on ne nous dise point que notre projet opère la rétrogradation de la loi; loin de nous (1) Une première discussion, sur les articles d’ap-pendiee du titre IV, avait eu lieu dans la séance du 24 août' 1793, et ces articles avaient été renvoyés à un nouvel examen du comité, (Voy, Archives par-lemenlaires, lre série, t. LXXII, séance du 24 août 1793, p. 734.)