196 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE avec le présent au bulletin de correspondance, et renvoie le surplus au comité de Sûreté générale (26). 15 La société populaire de Billom, département du Puy-de-Dôme, écrit à la Convention nationale : la République a prononcé son vœu; de toutes parts on a rendu hommage à votre énergie quand vous avez fait tomber sous le glaive de la loi la tête des derniers conspirateurs : achevez votre ouvrage, anéantissez la conspiration : le parti subsiste encore; il s’obstine; il cherche à se grossir par d’infâmes manœuvres, on cherche des suffrages, on se fait des partisans. On trompe les sociétés populaires; on cherche à vous désunir, à vous épouvanter, et peut-être à vous dissoudre; le projet a été d’égorger la Convention, de tuer la liberté et de subjuguer le peuple : frappez, frappez de bonne heure les intri-gans, si vous voulez détourner le poignard de votre sein. Tous vos ennemis seront les nôtres; nous n’avons qu’un point de ralliement, c’est autour de vous que nous nous resserrons : s’il vous faut des bras, les sans-culottes de Billom vous en offrent de nerveux : guerre à mort contre quiconque veut dévorer la Convention; c’est la dévorer que de rivaliser avec elle. Mandataires du peuple, ajoute cette société, vous ne devez quitter le char de la révolution qu’à la paix; armez-vous d’une sévérité redoutable pour frapper les faux amis de la liberté ; vos succès nous répondent de l’avenir : vous remporterez toujours des victoires, et quand vous ne pourrez plus vaincre, nous saurons mourir. Mention honorable, insertion au bulletin, et renvoi au comité de Sûreté générale (27). Les citoyens composant la société populaire de Billom, département du Puy-de-Dôme, écrivent à la Convention nationale que le parti des derniers conspirateurs subsiste encore; qu’il s’obstine et cherche à se grossir par d’infâmes manœuvres ; qu’on cherche des suffrages ; qu’on se forme des partisans ; qu’on trompe les sociétés populaires; qu’on cherche à la désunir elle-même, et peut-être à la dissoudre ; que le projet a été de l’égorger, de tuer la liberté, de subjuguer le Peuple. Ils l’invitent à frapper de bonne heure les intrigans, si elle veut détourner le poi-(26) P.V., XLVI, 205. C 320, pl. 1330, p. 1. Minute de la main de Clauzel, rapporteur. Bull., 10 vend, (suppl.); Moniteur, XXII, 127 ; Débats, n” 740, 130; Ann. Patr., n° 639 ; Ann. R. F., n° 11; C. Eg., n° 774; F. de la Républ., n° 11; Gazette Fr., n° 1004; J. Fr., n° 736; J. Mont., n° 155; J. Perlet, n° 738; Mess. Soir, n° 774; M. U., XLIV, 153; Rép., n" 11. (27) P. V., XLVI, 205-206. gnard de son sein; à maintenir l’exécution entière du gouvernement révolutionnaire; à rester à son poste et à développer plus que jamais son énergie. « Représentons, disent-ils, nous le jurons, nous ne prenons aucune part dans la lutte des opinions; nous nous prononçons hautement contre les modérantistes et contre les furieux... Guerre à mort contre quiconque veut dévorer la Convention! c’est la dévorer que de rivaliser avec elle : le génie qui vante ses services, qui fédéralise pour étayer sa puissance, doit fixer toute votre attention. Athènes, dans de pareilles circonstances, marqua le temps pour procéder à l’ostracisme. Convention, seule tu jouis de notre confiance ; tu es seule dépositaire du pouvoir du Peuple souverain; c’est sous ton égide seule que nous sommes prêts à combattre » (28). 16 La société populaire de Trévoux, chef-lieu du district de ce nom, département de l’Ain, fait à la Convention nationale le tableau de l’oppression sous laquelle les bons citoyens ont gémi pendant le règne affreux de la terreur et du brigandage qui se répandit tout-à-coup sur la France : des intrigans, sous le masque du patriotisme, avoient commencé par tromper la confiance du peuple ; ils profitèrent des mo-mens de troubles et de calamités pour le tyraniser ; mais la présence du représentant Boisset, dans le district de Trévoux, les a fait rentrer dans la poussière; il a rendu des bras à l’agriculture, a ramené la confiance et la sécurité; c’est en vain que l’intrigue a croassé contre lui : par-tout, et principalement dans les sociétés, il s’étoit glissé des meneurs qui, la vertu à la bouche et le crime dans le cœur, s’emparoient des tribunes et parloient seuls, au nom des sociétés dans le sens qui leur convenoit; ce sont ces êtres fangeux qui sortent de leurs repaires pour avilir les représentans et leurs opérations, les uns pour détourner les regards fixés sur eux, les autres pour ressusciter le règne de sang et de brigandage qui faisoit tout leur espoir : mais les intrigans dans notre district sont dispersés ou en fuite. Continuez, représentans, à baser la République sur un gouvernement juste et vertueux; c’est le seul que craigne le crime, le seul qui soit solide, et le seul que puissent aimer les Français : vous anéantirez, par ce moyen, jusqu’au dernier rejet-ton du tyran, et vous saurez que si ce monstre ne s’étudie pendant une année qu’à vous faire des ennemis, vous avez regagné tous les cœurs dans un mois. Insertion par extrait au bulletin (29). (28) Bull., 26 vend, (suppl.). (29) P.-V., XLVI, 206-207. Ann. Patr., n° 640. SÉANCE DU 10 VENDÉMIAIRE AN III (1er OCTOBRE 1794) - N° 16 197 Une députation, au nom des citoyens de la commune de Trévoux, département de l’Ain, est admise à la barre ; l’orateur s’exprime ainsi (30). [La commune de Trévoux à la Convention nationale, s. d .] (31) Citoyens, Nous ne gémissons plus sous la tyrannie des intrigans; nous venons de recouvrer notre liberté toute entière; et c’est à vous, représen-tans, c’est à vos principes et à vos mesures salutaires, que nous devons la nouvelle jouissance d’un élément sans lequel nous ne pouvions plus exister. Agrez donc que nous consacrions l’aurore de nos beaux jours à vous témoigner notre vive reconnoissance et à vous faire le tableau de notre position. Notre petite contrée avoit végété pendant des siècles sous le despotisme d’un parlement, d’un intendant, d’un gouverneur et autres tyranneaux de cette trempe, qui se disputoient la gloriole de nous asservir. Aucun paÿs ne devoit donc mieux désirer que le nôtre de voir renaitre les droits naturels du peuple ; aussi fumes-nous des premiers enthousiastes de la liberté. Dans le berceau de la Révolution, nos autorités constituées furent des mieux composées; les fonctions publiques ne furent confiées qu’à des gens probes et instruits, et des francs amis du peuple; administrations, justice, tout mar-choit d’accord pour faire le bonheur commun, et tout alloit bien. Révoltés de notre ancienne servitude et encouragés par la conduite, déjà républicaine de nos premiers fonctionnaires, nous ne pouvions former qu’une famille de patriotes, qu’une réunion de chauds amis de la Révolution, disposés à tout perdre plutôt que la liberté. Nous étions surchargés de cette caste nobiliaire, dont le parlement avoit multiplié les membres plus qu’inutiles sur notre territoire; mais l’émigration nous avoit délivré des plus puissans, et nous savions bien contenir les autres. Les prêtres, cette autre vermine de l’état, avoient corrompu les moeurs et abêti les habi-tans de nos campagnes ; mais en enfermant les plus gangrenés et en surveillant de bien près les autres, nous avions mis la tranquillité et la raison à la place du fanatisme. Nous étions venus à bout par ce moyen de faire de notre paÿs un petit paradis terrestre. Nous nous étions par là mérité le titre d ’ enragés, mais n’importe; concourir à l’achèvement de la Révolution et braver ses ennemis, faisoient tout notre souci et notre bonheur. Oh. quel changement cruel apporta parmi nous le sistème de terreur, qui se répandit tout-à-coup sur la France entière! Nous tombâmes en un instant sous un régime de sang et de brigandage, le crime fut mis de toutes parts à (30) Bull., 10 vend, (par extraits). (31) C 321, pl. 1344, p. 27. l’ordre du jour. Trop rapproché malheureusement d’une cité rebelle, dont la force armée, et une commission se jettoient partout, et avoient partout des émissaires, nous vimes enlever plusieurs de nos concitoyens, malgré la loi qui dé-fendoit à ces autorités de rechercher les habitans du département de l’Ain. Nous étions assaillis d’une légion de prétendus commissaires, de soldats révolutionnaires, qui nous me-naçoient jour et nuit de la guillotine ; il ne nous restoit plus ni repos ni sûreté dans nos foyers. A entendre ces soi-disants apôtres de la liberté, il n’y avoit de patriotes qu’eux, nous étions tous des contre-révolutionnaires, et il falloit aller sur le pôt. Dans cette affreuse perplexité, citoyens re-présentans, le crime s’organisa dans notre commune et le district s’en ressentit. Il sortit tout d’un coup de la fange, de ces êtres sans moralité et sans ressources, dont l’oisiveté ne fut que le moindre des vices; de ces gens qui, s’ils n’étoient pas tout à fait ignorés avant la Révolution, n’étoient du moins connus que par leur inconduite scandaleuse; de ces hommes qui, n’ayant à risquer ni bien ni honneur, se ven-doient chèrement pour tout bouleverser, ou se-moient partout le désordre et l’anarchie, pour en profiter seuls. Ces intrigans qui, sous le masque du patriotisme avoient commencé par usurper la confiance du peuple, profitèrent des moments de troubles et de calamités pour le tyranniser. Nos autorités constituées furent toutes changées, plusieurs de ces personnages y furent placés, ils dominèrent les autres membres qui auroient pu faire le bien ; et tout de suite nous vimes nos prisons et deux maisons d’arrêts se remplir ; nous vimes nos domiciles fouillés et livrés à la plus rigoureuse perquisition; nous nous vimes tour à tour incarcérés ou menacés de l’être; nous entendions publiquement dire qu’en révolution il falloit sauter sur les loix; que les biens dévoient être communs; que l’on ne pouvoit sauver la patrie que par la guillotine, qu’il falloit en mettre une en permanence à Trévoux. Au moment des moissons, le croirez-vous, législateurs, nous vimes emprisonner quinze agriculteurs, tous pères de famille, uniquement parcequ’ils avoient ozé dire aux envoyés de l’agent national d’alors, qu’on pourroit bien se dispenser de leur enlever la dernière de leurs cloches, puisqu’un décret de la Convention les autorisoit à en garder une. Ces malheureux seroient peut-être encore dans les fers, si le tribunal n’avoit pas pris sur lui de les élargir provisirement. Enfin les actes arbitraires, les abus d’autorités, les vexations de tout genre étoient à leur comble dans ce district, et nous n’osions pas même en murmurer... Mais tirons le rideau sur ces scènes d’horreur; nous ne voulons plus, représentans, songer à nos maux passés que pour en prévenir de nouveaux. Lorsque c’est la vertu qui triomphe, elle sait pardonner au crime. Déjà une destitution bien solennelle, et l’opinion publique, ont fait justice de ceux qui étoient nos ennemis; s’ils sont susceptibles de remords ils souffriront toute leur vie. Vos sages précautions et notre 198 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE surveillance nous garantiront de leurs projets ultérieurs, s’ils étoient encore assés téméraires pour en former, et nous nous en tenons là... Nous sommes soulagés, représentans, nous respirons à notre aise. Après un an de cruauté et de souffrance, Boisset, le brave Boisset est venu mettre fin à nos maux. Il a été notre libérateur, il nous a rétablis dans tous nos droits, et nous jurons de les maintenir en résistant à toutes sortes d’oppression. La triste expérience du passé nous servira de leçon étemelle pour l’avenir, et les tyrans ne nous subjugueront plus. Oui, représentans, votre digne collègue Boisset, en remplissant la mission dont vous l’avés chargé pour notre bonheur et ne professant que vos principes, a ramené la tranquilité et la joie dans notre district : il a renouvellé, à notre satisfaction, toutes nos autorités constituées, excepté la municipalité, qui méritoit d’être conservée : il a vuidé nos prisons de ceux que des vengeances particulières avoient fait remplir; il a rendu des bras à l’agriculture, des bons pères de famille à leurs enfans désolés. En un mot, il a contenté jusqu’à ceux qui sont restés dans la maison de réclusion, en leur donnant les douceurs et les secours qui sont dus à l’humanité. Il peut bien se faire que dans le nombre des élargis il se trouve des insoussians ; mais outre qu’ils doivent être corrigés par une longue détention, et que nous sommes là pour les surveiller, et qu’un seul homme suspect aura toujours cent argus à ses trousses. Ils ne peuvent donc plus être à craindre ; qu’ils lèvent la tête tant qu’ils voudront, ils ne la feront jamais baisser aux véritables républicains, et leurs regards ne pourront être redoutés que par ceux qui leur auront fait des injustices. L’intrigue de ce département a croassé contre Boisset à la tribune des Jacobins; on s’est permis d’y dire qu’il ne s’entouroit que de nobles et de fédéralistes. Quelle imposture ! Ah si jamais les représentans envoyés parmi nous ne s’étoient entourés que de citoyens aussi purs que ceux qui accompagnoient Boisset, nous n’aurions pas à déplorer nos maux. La vérité est qu’il n’avoit avec lui dans notre commune qu’un administrateur du département, l’agent national du district de Bourg, et deux secrétaires, qui tous n’eurent d’autre noblesse que celle des sentimens civiques qui les caractérisent. Ces adresses, ces déclamations toutes ressemblantes, que l’on n’oze pas vous adresser directement ne sont que l’ouvrage de l’intrigue désespérée ; partout et dans les sociétés surtout, il s’était glissé des meneurs qui, la vertu à la bouche et le crime dans le cœur, s’emparoient des tribunes et parloient seuls, au nom des sociétés, dans le sens qui leur convenoit. Ce sont ces êtres fangeux qui sortent de leur repaire pour avilir les représentans et leurs opérations ; ce sont eux qui crient à l’aristocratie libre, les uns pour détourner les regards fixés sur eux, les autres pour rescuciter le règne de sang et de brigandages qui faisoit tout leur espoir. Mais les intriguants dans notre district sont dispersés ou en fuite, et ils ne gagneraient rien à reparaître dans la société qui s’est épurée. Nous les connoissons tous; et nous nous méfions à présent de ces sortes de gens qui, avec les dehors du patriotisme, nous faisoient toujours leurs dupes. Continués, représentans, à baser la République sur un gouvernement juste et vertueux ; c’est le seul que craigne le crime, le seul qui soit solide, le seul que puissent aimer les Français. Que les criailleries, les plaintes vagues et insignifiantes d’une poignée d’intriguants, qui se servent d’échos les uns aux autres dans tous les points de la République, ne fasse pas diversion à votre marche qui les terrifie. Continués à mépriser les alarmes factices, en vous reposant sur la masse du peuple qui veille partout; vous anéantirés par ce moyen jusqu’au dernier rejeton du tyran que vous avés renversé; et vous saurés que, si ce monstre ne s’étudia pendant une année qu’à vous faire des ennemis, vous avés regagné tous les cœurs dans un mois. Achevez notre bonheur, et vous reviendrez vous délasser d’une pénible carrière au milieu d’un peuple d’amis, qui ne cessera de vous combler de bénédictions. Vive la République! vive la Convention! Chasset, maire et deux pages de signatures. 17 La société populaire et les citoyens de la commune d’Evreux [Eure] témoignent leur indignation de ce qu’ils ont été calomniés à la barre de la Convention nationale par une poignée d’hommes impurs, partisans de la tyrannie, et qui sont désespérés de voir la justice et l’humanité succéder à la terreur depuis l’anéantissement du vautour qui dévoroit sa patrie. L’aménité, la franchise et la fraternité, régnent parmi nous, disent ces républicains; nous exécutons les lois qui émanent de votre justice et de votre bienfaisance, pour le bonheur commun ; nous foulons aux pieds les adresses perfides et spécieuses des Catilina modernes qui voudroient rétablir le règne du brigandage; nous voulons la République une et indivisible : si de nouvelles factions vouloient encore l’opprimer, parlez, mandataires incorruptibles, nous sommes debout. L’aristocratie ne lève point une tête altière dans notre commune ; nous sommes là pour la terrasser; nous avons réclamé et obtenu la liberté des victimes d’une faction tyrannique et oppressive; la justice nationale a par ce trait de bienfaisance, acquis des droits immortels à notre amour : tenez-vous en garde contre cette affluence de dénonciations vagues et perfides que quelques hommes coupables ourdissent dans leur agonie; il n'existe que deux espèces d’hommes dans le patriote et le