338 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j Cette commission de santé serait chargée de fixer les indemnités qui pourraient être dues à certaines familles ou individus qui, jusqu’à présent, ont subsisté du débit de leurs remèdes, ainsi que la récompense pécuniaire à aecorder aux citoyens indigents qui en procureraient, après toutefois que l’expérience en aurait été faite ou réitérée, sous l’inspection de la com¬ mission à ce proposée. « Pour arriver plus sûrement au but de soulager l’humanité, il serait à désirer que l’on décrétât que dans chacune des principales villes de la République il sera fait établissement d’une pharmacie nationale dans laquelle toutes les manipulations seront faites en grand, par des gens d’une expérience consommée, et avec tous les soins que ces objets exigent. Que ces principales pharmacies fourniraient aux hôpitaux, tant civils que militaires, ainsi qu’aux indigents, s’il en existait encore à cette époque, les principaux articles et surtout ceux dont l’intérêt particulier pourrait exciter l’alté¬ ration, ou qui, préparés pour l’usage journalier, seraient de nature à ne pouvoir être conservés longtemps. Il en serait de même des matières premières employées dans les objets ordinaires et courants dont on pourrait accorder aux débi¬ tants la manipulation. « Il serait pareillement décrété qu’outre l’obligation imposée à tous les débitants en pharmacie de se fournir aux magasins de ces établissements nationaux, ils seront de plus, pour la sûreté publique, assujettis à des visites fréquentes et non périodiques pour constater l’état de leurs marchandises et supprimer celles qui se trouveraient altérées, soit par trop d’an¬ cienneté, ou par toute autre cause. « On pourrait aussi arrêter, pour mettre le public à l’abri des méprises tant des garçons apothicaires que de l’ignorance de certains médecins, que ceux qui voudront se fournir chez les débitants aient, en cas de doute, la faculté de faire vérifier par des officiers publics experts, et avoués du gouvernement, tant les ordonnances des médecins que la qualité des drogues et leur dose, rien n’étant à négliger à cet égard. « Le grand art de la médecine consistant plutôt à prévenir les maladies qu’à les attendre pour les guérir, il serait avantageux d’ajouter aux biens que produiront les vertus républi¬ caines à cet égard la soustraction dans la police générale de tout ce qui a rapport à la salubrité, soit de l’air, notre principal et continuel aliment, soit toutes espèces de comestibles, tant en li¬ queurs que solides, pour les confier à une com¬ mission capable, par ses lumières et son zèle, d’en remplir exactement tous les devoirs. - « Cet établissement serait d’autant plus utile, qu’il pourrait servir à réprimer toutes les fraudes qui se pratiquent en ce moment sur les boissons, personne ne pouvant mieux les décomposer, pour les analyser, que des chimistes exercés, auxquels il ne manquerait rien pour faire res¬ pecter l’autorité que la loi leur aurait confiée à cet égard. « Ces mêmes officiers seraient chargés de visiter tous les lieux publics tels que spectacles, cafés, ehauffoirs publics, etc., ainsi que les marchés, boucheries et autres dépôts où il leur serait enjoint de supprimer dans tous les genres ce qui pourrait être nuisible pour la santé des citoyens. 26 brumaire an II 16 novembre 1793 « Ces différentes opérations ne pourront jamais être faites avec tous les soins que leur importance exige que par des personnes qui, par leurs connaissances et leur probité, puissent déjouer toutes les ruses imaginées par un intérêt sordide qui n’a, jusqu’à présent, que trop réussi à en imposer à la surveillance pour continuer ses malversations, lesquelles ne peuvent être prolongées plus longtemps, qu’au grandpréjudice de l’espèce humaine. « Le citoyen pétitionnaire est assez heureux pour pouvoir espérer de contribuer par des moyens aussi simples que naturels, à procurer quelques-uns des avantages indiqués dans le présent écrit. « Cardon, sculpteur, rue des Petites-Mcuries, n° 32. » II. La citoyenne Claudine Darcy, femme Nico¬ las, PROTESTE CONTRE UN JUGEMENT QUI A DÉCLARÉ NULLE LA PROCÉDURE DE SON INS¬ TANCE EN DIVORCE ET DEMANDE A LA CONVEN¬ TION d’intervenir POUR QUE LE DIVORCE SOIT PRONONCÉ (1). Suit le texte de la lettre de la citoyenne Claudine Darcy, d’après un document des Archives natio¬ nales (2). La citoyenne Claudine Darcy, femme Nicolas, demanderesse en divorce, aux citoyens légis¬ lateurs de la Convention nationale. « Citoyens législateurs, « Je me suis trouvée forcée à me pourvoir en divorce par incompatibilité d’humeur; la pre¬ mière démarche que je fis pour me conformer à la loi du 20 septembre 1792 fut de donner ma requête à la municipalité d’Autun, lieu de la résidence de mon mari, le 25 avril 1793, tendant à avoir un commissaire. « Il me fut octroyé, il accepta la commission en marge de ma pétition; il ajourna mon mari et moi dans un mois par devant lui en la maison commune et il ordonna que les parents et amis que je voudrais faire trouver, seraient ajournés pour ledit temps. « Une sommation en offre de copie de ma pétition de l’ordonnance en marge fat notifiée à mon mari le 26 avril. Il fut ajourné pour le 25 mai, il fut dit dans l’exploit de notification que je ferais trouver au jour indiqué trois parents ou amis l’interpellant de faire de même de sa part. (1) La pétition de la citoyenne Claudine Darcy n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 26 brumaire an II; mais en marge de l’original qui existe aux Archives nationales, on lit l’indication suivante ! « Renvoyé au comité de législation, le 26 brumaire an II : Fourcroy, secrétaire. » (2) Archives nationales, carton F" 3030, dossier Darcy. | Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j » „ � membre « Le 25 mai, je me présentai à la municipalité avec trois particuliers, mon mari fit défaut, le commissaire dressa son procès-verbal, rappela les nom, prénoms des parents et amis qui parurent de ma part. De suite l’instruetion fut suivie jusques et compris le 25 octobre dernier que le dernier procès-verbal fut dressé. « Ledit jour 25 octobre, mon mari fit signifier en parlant à ma personne que la procédure que j’avais instruite contre lui était nulle, en ce que je n’avais pas observé les formes prescrites par l’article 9 de la loi du 29 septembre 1792 qui veut que celui des époux qui demande le divorce désigne les noms et demeures des parents ou amis qu’il entend faire trouver à 1’assembïée. « Je n’avais pu le faire parce que les premiers parents ou amis que j’avais produits étaient tous absents ou malades, j’avais été obligée de m’en choisir d’autres le jour même de l’assemblée, et comme la loi, article 13, me permettait de les faire remplacer, l’officier qui donna le dernier procès-verbal, c’est-à-dire celui du 25 octobre, en fit mention et crut procéder en règle. « La dernière assemblée ayant été le 25 octobre dernier, et ne s’agissant plus que de prononcer sur mon divorce qui, à la forme de la loi, devait l’être dans la huitaine en, par moi, indiquant le jour à mon mari auquel il serait prononcé, lequel jour tombait au 14e jour du 2e mois de la 2e année de la République suivant l’ère actuelle. J’ai été fort étonnée de ce que l’officier public a prononcé la nullité de mon instruction, fondée sur ce que les parents ou amis que je fis paraître au premier procès-verbal ne furent pas désignés par leurs noms, prénoms et qualités, etc., et que je ne fis pas signifier lesdits noms à mon mari. « Je ne puis me persuader que l’officier public qui devait prononcer mon divorce ait bien vu les choses pour trouver une nullité où il n’y en a point, car enfin une demanderesse en divorce ne peut répondre de la santé et de la présence des témoins qu’elle produit pendant un mois, deux mois et trois mois, il se trouve toujours des circonstances qui s’y opposent, aussi c’est par cette raison que la loi, par son article 13, a dit que les parents absents pourraient être remplacés. « Fondée sur cet article de la loi du 20 sep¬ tembre 1792 auquel se trouvait pour ainsi dire sans vigueur ( sic ) l’article 9 pour lui être opposé comme une nullité l’inexécution de son contenu, je me réfère à vous, citoyens législateurs, à ce qu’il vous plaise prendre en considération mon exposé et ma situation, et vu les pièces de l’ins¬ truction de mon divorce ci-jointes, ordonner que, sans s’arrêter à la prétendue nullité alléguée par l’officier public, il soit dit qu’il sera passé outre à ladite prononciation par un autre officier public que lui, sauf à mon mari, s’il a quelques autres moyens pour empêcher le divorce par moi réclamé, à en faire usage par devant les juges qui peuvent en connaître, « Et je me suis soussigné à Autun, le septidi de brumaire de l’an II de la République fran¬ çaise, une et indivisible. « Claudine Darcy. « N. B. Réponse s’il vous plaît le plus tôt possible. » III. Gohier, ministre de la justice, dénonce a ea Convention un verdict rendu par le TRIBUNAL CRIMINEL DU DÉPARTEMENT DU Nord (1). Suit le texte de la lettre de Gohier d'après un document des Archives nationales (2). Le ministre de la justice, au citoyen Président de la Convention nationale. Paris, le 24e jour de brumaire, l’an II de la République. « Citoyens législateurs, 1 gf] . « Plusieurs prévenus de fabrication et intro¬ duction de faux assignats ont été, après les premières poursuites, conduits à la maison de justice du département du Nord et traduits devant le tribunal criminel de ce département. La procédure instruite contre ces particuliers est très régulière et elle établit si bien la preuve du défit dont ils sont accusés qu’on avait lieu d’espérer la juste punition des coupables. « Cependant sur la déclaration du juré de jugement, que le fait porté dans l'acte d’accusa¬ tion est constant, mais que les accusés ne sont pas convaincus, le tribunal criminel du Nord a été forcé d’acquitter les prévenus. Cet étonnant résultat a produit sur les juges eux-mêmes une impression de regret qui honore leur patrio¬ tisme; ils ont vu avec d’autant plus de peine les suites d’un pareil jugement qu’il assure l’im¬ punité d’un des crimes les plus funestes à la République, et qu’il offre l’exemple de ce que peuvent l’immoralité, la faiblesse ou l’ignorance pour empêcher les salutaires effets d’une des plus belles institutions humaines. � « Pressé par ce sentiment honorable et par le zèle de ses fonctions, l’accusateur public a tenté la dernière voie judiciaire qui lui restât, il s’est pourvu au tribunal de cassation qui a cru devoir rejeter sa requête. « Tel est l’état de cette affaire. Toutes les précautions de la loi pour assurer la vindicte publique ont été épuisées, et le crime reste impuni. « L’article 3, titre VIII de la loi du 29 sep¬ tembre 1791 veut que, lorsqu’on sera acquitté d'une accusation, on ne puisse plus être repris ni accusé à raison du même fait. Mais ce prin¬ cipe, bon pour des temps ordinaires, est -il telle¬ ment de rigueur qu’il ne puisse recevoir quelque exception dans un moment où nous avons à combattre tant d’ennemis de notre liberté? « C’est à la Convention nationale à décider et à prendre dans sa sagesse les mesures qu’elle jugera convenables. Pour moi, j’ai cru qu’il était intéressant de mettre ces faits sous ses yeux, et je me ferai toujours un devoir de lui communiquer les résultats de ma surveillance, lorsqu’ils pourront servir la chose publique. « Le ministre de la justice, « Gohier. » (1) La lettre du ministre de la justice n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 26 bru¬ maire an II; mais en marge de l’original qui existe aux Archives nationales, on lit l’indication suivante '. « Renvoyé au comité de législation, le 26 brumaire an II. » (2) Archives nationales, carton Dm 183, Douai, 1 er dossier.