544 [Assemblée nationale.] Ainsi nous avons pourvu aux besoins que chaque officier général pouvait avoir autant qu’il est possible. Car, à présent, si l’on demandait de mettre plus de troupes sur la frontière, je demanderais à l’Assemblée nationale si son dessein est de retirer de l’intérieur du royaume, c’est-à'dire du Comtat d’Avignon et du département du Gard, les troupes qui y sont ; nous n’avons plus à en prendre que là. Ainsi il faut nécessairement avoir recours à nos autres moyens qui sont ceux des gardes nationales. Sur cela, on se plaint du retard qui a été apporté dans ces mesures ; mais je prendrai la liberté d’observer que les derniers décrets qui ont été rendus relativement aux gardes nationales, n’ont pas encore 15 jours de date ; et, comme j’avais l’honneur de le dire à l’Assemblée tout à l’heure, dès que j’en ai été chargé, et j’avais pris mes mesures d’avance, j’ai envoyé tous les ordres nécessaires. Je ne puis rien faire de plus ; mais je ne doute cependant pas du succès de ces mesures-là sous très peu de temps; et les nouvelles que j’ai reçues des départements voisins annoncent qu’on se porte avec zèle à se faire inscrire. Ainsi je crois qu’on tirera de ce moyen tout ce qu’on doit en attendre. Quant au désir qu’on a manifesté de voir former des camps, il est certain que nous n’avons pas une assez grande quantité de troupes de ligne sur les frontières pour former des camps. Us ne peuvent donc être formés que quand les gardes nationales seront rassemblés en assez grand nombre pour pouvoir remplacer dans les places les troupes de ligne qui y sont. D’ailleurs mêmecette m sure de former des camps, quoique je l’adopte, doit être prise avec certaines précautions. 11 faut faire une réflexion générale ; c’est que toutes les mesures que nous prenons comme défensives, n’ont pas d’inconvénient vis-à-vis de l’étranger, mais les mesures qui sont un peu offensives en ont. Un camp que nous formons en appelle un de dehors; et nous devons nous attendre, que quand nous aurons des camps sur nos frontières, peu de temps après nous entendrons dire que les puissances voisines vont former des camps : ce sont là les lois générales de la politique et de la guerre. Il ne faut pas donner à tou les nos mesures l’ostensibilité qu’on pourrait leur donner. Il faut les prendre avec toute la célérité et l’activité que nous pourrons; mais je crois qu’il ne faut pas, en les précipitant, nuire à la chose même par les alarmes que nous pouvons donner lorsque nous ne sommes pas même en état peut-être de remplir tous ces objets-là avec autant de réalité que nous pourrons le faire par la suite. ( Applaudissements .) M. le Président ( s’adressant aux ministres). L’Assemblée est satisfaite des éclaircissements que vous venez de lui donner. (La séance est levée à deux heures et demie.) 118 août 1191.] ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU JEUDI 18 AOUT 1791. Observations de M. Poncin, membre de l'Assemblée nationale, sur le rapport fait à l'Assemblée nationale concernant le projet de rendre navigables les RIVIÈRES DE JüINE , d’Essonnes et du Remard, et sur un nouveau canal à construire d'Orléans à Paris , présenté par les sieurs Dransi , Gerdret et C° (1). Je comptais parler sur ce projet, et démontrer à l’Assemblée, que les bases du rapport qu’on lui a fait sont de la plus haute et de la plus évidente insuffisance, pour ne pas dire plus. J’avais, à cet effet, rédigé à la hâte mon opinion; je la faisais imprimer pour la distribuer, je croyais que cette affaire serait traitée à l’une des séances du soir; on les supprime le mercredi 17 août, et le jeudi 18, à l’entrée de la séance, on présente ce rapport, qui n’avait point été annoncé la veille, et le décret proposé passe avec précipitation. J’étais retenu chez moi par une indisposition ; je n’ai pu alors payer le tribut que je dois à la vérité, au bien public et à l’Assemblée; je le paye aujourd’hui 18 août 1791; je conjure les membres de l’Assemblée de lire mon opinion, de réfléchir sur le rapport et de le comparer avec ce que je dis ; ils verront, peut-être, que leur religion fut surprise, que l’honneur de l’Assemblée exige que ce décret soit suspendu, jusqu’à ce que l’on ait pris des informations ultérieures. Je le dis hautement; la Constitution est violée par ce décret; la Constitution garantit l’inviolabilité des propriétés, ou la juste et préalable indemnité de celles dont la nécessité publique, légalement constatée, exigerait le sacrifice. Le sacrifice des propriétés est-il ici légalement constaté? Non, il ne l’est pas. Le sacrifice des propriétés serait légalement constaté, si on avait pris les précautions nécessaires pour s assurer que le projet que l’on veut exécuter est utile, et que l’on ne peut en exécuter un plus avantageux dans le même sens; et si on avait encore acquis les connaissances nécessaires pour décider que ce projet est possible. Or, ici, on n’a point examiné si le projet du sieur Dransy ne pouvait pas être remplacé par un projet plus avantageux que le sien ; on n’a même pas voulu voir un projet présenté avant le sien; on n’a point examiné si son projet est possible; on a même prononcé contre l’avis de l’Assemblée des artistes, que l’Assemblée nationale a établi pour s’aider de leurs lumières; donc il n’est pas démontré que le sacrifice des propriétés soit nécessaire : donc on a prononcé contre la Constitution : donc, il est du devoir de l’Assemblée de suspendre l’exécution de son décret, jusqu’à ce qu’elle ait fait examiner, et qu’elle ait de nouveau examiné cette affaire. L’un des plus grands ennemis de l’Assemblée nationale, est la précipitation, et une trop grande confiance dans ses comités. J’assure que les sieurs Dransy et Gerdret n’exécuteront pas le canal qui est décrété; je prédis qu’ils feront beaucoup de mal, et aucun bien. Signé ; Poncin, Député à l’Assemblée nationale, membre du comité d’agriculture et de commerce. archives parlementaires. (1) Voyez ci-dessus, même séance. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 août 1791.] 845 OPINION de M. P. Poncin, député à V Assemblée nationale , contre le rapport sur la navigation des rivières de Juine, d’Essonnes, du Remard, et sur le canal qui doit les joindre à la Loire , près d’Orléans. Messieurs, J’attaque les prétendues bases du rapport qui vous fut présenté ; je rétabtis des faits inexactement rendus; j’examine des questions très intéressantes dont on n’a point parlé, quoiqu’on se soit fort étendu sur des questions secondaires ; et je soutiens que vous ne pouvez, à présent, délibérer sur le projet de décret qui vous est présenté. On lit, dans le préambule du projet de décret, que le sieur Dransy fut nommé, par arrêt du conseil du 15 avril 1789, pour examiner la possibilité et le détail de construction de la navigation dont il s’agit. J’ai le dispositif de cet arrêt sous les yeux, et j’y vois que le sieur Dransy n ■ fut pas nommé commissaire par le gouvernement ; pourquoi cette inexactitude, qui peut avoir quelque conséquence, en ce qu’elle tend à faire donner à ce dernier une confiance résultant de sa prétendue qualité de commissaire nommé par le gouvernement, qu’on ne lui accorderait peut-être pas d’une manière aussi étendue, si l’on savait qu’il n’a reçu directement aucune commission du gouvernement. Le sieurDransy, dont on vous a tant parlé, est-il, oui ou non, individuellement et pécuniairement intéressé dans la concession que I’od sollicite? Oui, Messieurs, il est individuellement et pécuniairement intéressé dans cette concession;* vftici mes preuves : Parmi les pièces de cette affaire, l’on en trouve une, qui commence par ces mots : MM. Dransy et Gfrignet ont offert de rendre navigables, à leurs frais, les rivières a’Essonnes, de Juine, etc ; elle est accompagnée d’un billet d’envoi, du 31 janvier de cette année, finissant par cette expression valeat dilectissimus inter dilectos : et signé Bonier. J'ignore quel est ce signataire, et je sais à qui elle fut envoyée; mais il est certain qu’elle prouve que le sieur Dransy est intéressé dans cette affaire. Je le rapproche de l’article 1er du projet de décret soumis à votre discussion ; je vois que l’on veut faire décréter que le canal dont il s’agit, sera exécuté sous la conduite du sieur Dransy. Cette disposition est contraire aux principes ; les concessionnaires d’un canal sont, sous un point de vue, responsables des événements, puisque leur fortune dépend du bon ou du mauvais succès de leurs entreprises : il faut donc qu’ils soient, dans tous les temps, maîtres de choisir leurs coopérateurs; pourquoi \ eut-on les en empêcher ici? Il me semble que les sieurs Dransy et Gerdret, auront désiré cette disposition, afin dmcarter la surveillance nationale, ou au moins afin de l’affaiblir, et de pouvoir, au moyen de leur associé, plus aisément faire ce qu’ils croiront utile à leurs intérêts. Ce d ssein que j’entrevois, rapproché de l’énoncé de la pièce rappelée, me prouve de plus en plus que le sieur Dransy est individuellement et pécuniairement intéressé dans la concession que l’on sollicite. Ce fait prouvé, je demande si l’opiniun isolée de l’ingénieur Dransy suffit pour ordonner 1" Série. T. XXIX. la construction du canal qu’il veut faire; non : parce qu’il serait partie, témoin, expert et juge. Vous ne pouvez pas adopter une pareille inconséquence; on ne devrait même pas vous la proposer. J’ai dit que le sieur Dransy est seul de son opinion, et le rapport semble insinuer le contraire; on y lit, page 11 : « L’administration « centrale des punts et chaussées, en convenant « de l’importance et de l’utilité de cette naviga-« tion, désirerait seulement quelques renseigne-« ments de plus pour la partie du canal, afin de « mieux juger soit de sa possibilité, soit de la « quantité d’eau qui doit l’alimenter; mais la « navigation des rivières ayant existé, et cette « partie étant la plus considérable et la plus « utile, rien ne s’oppose à ce que cet ouvrage « soit commencé le plus tôt possible. » J’oppose à cet énoncé les termes mêmes dont s’est servi l’assemblée des ponts et chaussées dans sa délibération du 30 juin dernier ; les voici : « Il lui est impossible d’avoir un jugement sur ce projet, sans avoir pris communication des plans du canal, des nivellements, des sondes, des devis estimatifs détaillés. » Vous jiouvez voir à présent, Messieurs, si l’administration des ponts et chaussées ne désire que quelques renseignements de plus, pour une partie quelconque du canal que l’on veut exécuter. Il est donc évident que, de toutes les personnes de l’art, le sieur Dransy seulement a manifesté une opinion sur ce canal, mais vous vous rappelez aussitôt que vous ne pouvez y prendre confiance, parce qu’il serait partie, témoin, expert et juge; parce que l’assemblée des ponts et chaussées déclare que, faute de pièces, elle ne peut asseoir un jugement sur ce projet. L’opinion de l’administration des ponts et chaussées devait, d’après vos principes, considérablement influer dans cette affaire; on chercha à la faire considérer comme inutile et superflue, en disant que la navigation des rivières avait déjà existé ; il est vrai qu’il a existé autrefois une navigation depuis Ëtampes jusqu’à Gor-beil; mais il est faux qu’elie ait été plus étendue sur les trois rivières (1). Ges faits sont attestés par le mémoire que le sieur Dubois fit imprimer en 1752, parfaitement connu du sieur Dransy, puisqu’il s’est trouvé dans ses pièces, et par M. Dela-lande, dans son ouvrage sur la navigation du royaume : donc l’opinion de 1’admiuistratiou des ponts et chaussées n’est point affaiblie par l’observation du sieur Dransy, et elle n’est pas à négliger comme il l’insinue. Quoi qu’il en soit, le canal d’Orléans à Pithi-viers (2) étant un ouvrage absolument neuf, qui doit être ouvert à pleine terre, éloigné de toute rivière, l’observation du sieur Dransy ne peut le concerner; on le sent bien, on l’annonce même suffisamment dans le rapport page 11, en ne parlant que de la navigation que l’on suppose avoir existé autrefois sur la Juine, l’Essonnes et le Remard ; cependant, par une inconséquence bien remarquable, l’on propose, par l’article 1er du projet de décret, « d’établir une nouvelle navigation depuis Pithiviers, en traversant la partie de la forêt d’Orléans, jusqu’à la Loire », comme si l’on avait tous les renseignements nécessaires (1) La Juine, l’Essonnes et le Remard. (2) On verra ci-après que l’exécution de ce canal, telle que le sieur Dransy la propose, fut autrefois jugée impossible. ( Note de M. Poncin .) 35 546 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 août 1791.1 pour délibérer en connaissance de cause, tandis qii’on ii’â mêgié point les premiers éléments qui conduiraient à se les procurer, et que l’administration des ponts et çbgussées déclare qu’il lui est impossible d’asseoir un jugement sur ce prbjet-BÜ'è a dit n’àyoir pas eu communication des plafis�e ce canal, dès nivellements, des sondes, des devis estimatifs, etc. Cela est de la plus exacte vêritq : en, voici la raison : 11 n’existe ni plans, ni devis, ni nivellements ; je le prouve. Le sieur Dransy à produit deux extraits de cartes, ou, si l’on vept, la carié eh deux fepilles, du pays situé eptre Orléans et 'Çorbeil; cm y voit le? villes, les ■jfRtàgès, lès rivières, les bois, et. Une ligne quelconque qui indique la marche de son canal. Le tout est décoré du titre suivant : « Carte du cours des rivières pe Jùine, d’Essonnes et du Remard, a, l'effet dé lés gendre navigables, et du nouveaü c�nal de Pithiviers a Orléans, pour établir 1� navigation de cette ville à Gorbéil. 1791. — Duàîssy. » , Ce travail h’est que lé travail mécanique d’iin dessinateur pian œuvre, Op a joints* ces cartes un aperçu 0n bloc des dépenses de constructiojp ; op y dit ; il fagt tant de ponts dé telle, sorte, .a tant la pièce ; donc ces ponts coûteront tant. C'est ainsi que chaque article est traité. . Peut-on appeler cela des plans, des devis ? Non, çùremçnt. 8 . , / Le plan d'uii panai egt up plan qui indique la marche du; canal, remplacement des ponts, des ports, des écluses, ieqr phpte, et enfin tout le détail visible du canal et de ses dépendances. Le devis, proprement dijt, d’un canal est un mémoire explicatif du plan du canal, qui rend compte des établissements, de leurs emplacements;, de lg manière de les exécute� ; entin, c’est ün mémoirë qui explique le pourquoi de tout. ; . , Le devis estimatif d’up can al est un mémoire qui développe, dans,le plus grand détail, la manière dont chaque partie au canal sera exécutéé, et ce qu’elle, cofitqra. , . Or, le sieur; Dransy n’a, produit ni lq plan, ni Jeg devis de ce canal, tels que nous venons de les définir. L’est donc avec raison que l’administration des ponts et chaussées, qui doit se connaître en , plans et çii devis de, canaux, a dît qu’on pe luj�çn av?pt produit aucun. Je, crqis, que le £ie.ûr, Dransy avouera qu’il p’a fourni aucun mvelleùiqnt du terr.ain existapt .epire ûrléaps qt Pithiviers ; sans ce nivellement, pomment persuadera-t-il que son projet est possible? Je vais l’qxa miner avec quelques détails. Le sieur Lambervifie présent�, vers l’an 1634, lé projet d’établir une npvigqtioh d’Orléans à Cor-bejl, et d’Etanipeq p Gorbeil, , Le sieur üransÿ le reprend ; ses coassociés ejt lui ont fidèlqiben]; copié et adopté les rqoyenq du sieur Lamberyille, ,que. l’on trouve expliqué dans un piémoire ppbfié en 1752, pa,r un sieur Dubpis, et dans l’opvrage fie M. Delalande, sûr la navigation intérieure de la France. . , Le projet du sieur Lamberville et du sieur Dransy se divise naturellement en deux parties. L’une comprend le canal à ouvrir depuis Orléans jusqu’à Pithiviers, et l’autre comprend la pavigatiQn à former sur lés rivières de Juine, cl’Ëssonneè et du Remaffi. Lamheryille s’occupa longtemps de ce projet ; il le méaita longtemps ; il examina souvent les lieux -K le résultat de ses recherches le convainquit qu’il était impossible, faute d’eau, d’établir une navigation d’Orléans à Pithiviers, au moyen d’un canal à point de partagé. Ce fait est attesté par M. Delalande, dans son ouvrage cité plus haut. Il est donc constant que l’on doit penser que ce canal, faute d’eau, est impossible ; ou, si Bon veut, que sa possibilité est au moins un problème à résoudre : est-il résqlu? Non : il ne fut même pas proposé; cependant, il faut savoir, si l’on aura de l’eau, où si ou n’en aura point, puisque la possibilité ou l’impossibilité a’eié-cuter en dépend. Le sieur Dransy suppose, sans |e prouver, que l’eau ne lui manquera point; nous, nous permettons d’en douter, et même en le siiiv�nt dans ses raisonnements nous ferons voir quil se trompe très grossièrement. Il établit le bassin de partage de son cpnàl, entre Neuville et Chanteau, dont la largeur réduite sera de 7 toises, la hauteur de l’eau étant de 2 toises; il en résulte 14 toises carrées de coupe verticale ; et la longûeur du baésin .qtant de 7,000 toiseq, le volume d’eau sera donc, de 98,000 toises cubes d’eau, dont les deux tiers seulement de la hauteur pourront être employés au passage des bateaux, i Ces deux tiers de hauteur donnent 68,444 toiseé cubes a’eau, avec une frâctionr A chaque passage de bateàu, les écluses de Neuville et de Chanteau ne devant perdre chacune que | pieds de hauteur d’eau, a cause des récipients accolés aux écluses, il en résulte que chaque bateau consommera pour sonpàssagè aux écluses de Neuville et Chanteau 53 toises 2 pieds cubes d’eau. Dope ce bassin, en supposant tout ce qui pjait au sieur Dransy, ne servirait qu’à une navigation de 1,283 bateaux en y conservant les 4 pieds de hauteur d'eau nécessaire à la navigation. Voyopp si cela est suffisant d’après les faits adoptés par le sieur Dransy. dit que le çommerce d’Orléans envoie au moins 300 millions de Lyres pesant à Paris ; qû’il en reçoit environ 100 paillions; ajoutez environ $0, millions que la forêt d’Orléans fournirait; il résulte, d’après le sieur Dransy, un transport du poids de 430 millions de livres au moips; chaque bateau portera 60,000 livres, il faudra doiic 7,166 bateaux pour transporter ces marchandises, et 41 1,760 toises cubes d’eau pour leup passage ; le bassin n’en fournira que 98,000 toisés cubes, et seulement 68,444 toises cubes 3 pieds, sans nuire à la navigation. Comment le sieur Dransy se procurera-t-il les 313,760 toises cubes qui lui manqueront? r Ces calculs, établis sur les données du sieur Dransy, ne sont point exagérés; on lui fait même grâce de la dépense d’eau qu’exigera le passage des bateaux vides qui doivent s’élevey.à 3,600 environ. Le sieur Dransy compte ge procurer les 411,760 toises cubes d’eau nécessaires pour le passage des sguls bateaux chargés aux, écluses de Neuville et de Chanteau, eu rassemblant celles qui se trouvent sur la hauteur, où il établit son point de partage, ; Le plateau de cette hauteur est d'environ 4 lieues carrées ; le terrain, à un pied, et demi au-dessous de sa superficie, contient une couche de glaise, qui empêche l’imbibition des eaux; elles forment quelques ruisseaux qui coulent pendant 6 à 9 mois de l’année, De ces deux faits, il résulte qü’il n’existe aucun (Assemblée nationale.] ARCHIVAS PARLEMENTAIRES. |18 août 1791.] $47 grand réservoir d’eau aux environs de ce plateau et qu’on ne peut y réunir que celles qu’il contient naturellement ; mais ces eaux rassemblées ali-r menieront-elles la navigation du sieur Dransy? Pour répondre avec toute la précision possible, il f audrait les avoir jaugées, afin d’en comparer la quantité en recette, avec celle en dépense; mais le sieur Dransy n’a pas poussé ses soins jusque-là; il n’a fait aucune reconnaissance de ces eaux; quoi qu’il en soit, il est évident qu’un plateau de quatre lieues de superficie, qui n’entretient pas, pendant toute l’année, quelques chétifs ruisseaux, ne peut, à plus forte raison, fournir les eaux nécessaires à uné navigation qui exige 5 à 600,000 toises cubes d’eau, outre celle qui sera consommée par la saturation des terres, l’humec-tation des arbres, la nourriture des végétaux, les évaporations, les filtrations, les écoulements qui ne pourront pas communiquer au bassin du point de partage. Je suppose, contre l’évidence, que le sieur Dransy puisse se procurer les eaux, dont il a besoin ; son canal les gardera-t-il ? Lorsque la couche de glaise qui se trouve à un pied et demi au-dessous de la superficie du terrain sera rompue par le creusement du canal, les eaux de ce canal ne chercheront-elles pas à se mettre de niveau avec la grande nappe des eaux du pays ; c’eat-à-dire avec celles de la Loire, d’un côté', et de la rivière d’Ëssonnes de l’autre, qui sont d’environ 20 pieds au-dessous de celles du canal projeté ? Cet événement est très probable : il est vrai que le sieur Dransy y pourvoirait peut-être en glaisant; mais il ma prévu aucun glaise-ment, car il ne porte rien en dépense pour cet objet; ce qui prouve que ses talents en hydraulique ne sont pas aussi certains qu’on vous l’a dit. Vous vous rappellerez, Messieurs, que Lamber-vilie, dont on réchauffe les idées* a cru que le canal d’Orléans à Pitbiviers était impossible, parce que les eaux lui manqueraient ; il en était si persuadé qu’il abandonna ce projet; n’est-il pas constant que le canal du sieur Dransy, qui est précisément le même, manquera d’eau? Gela est au moins probable. Je passe à la 2e partie du projet du sieur Dransy. Elle consiste à établir une navigation sur les rivières de Juine, d’Essonne® et du Remard : les travaux du sieur Dransy sur cette partie sont aussi nuis que eeux qu’il a présentés sur la lre partie; mais voici son excuse : il s’agit de rétablir une navigation qui a déjà existé, et qui, par suite, n’exige pas autant de précautions que s’il était question d’un canal absolument nouveau. Je conviens, et je l’ai déjà dit, qu’il a existé une navigation d’Etampes à Gorbeil ; mais le surplus des rivières rappelées ne fut jamais navigable ; donc, il faut examiner très attentivement si l’on peut, et comment l’on peut les rendre telles. De plüs, la navigation d’Etampes à Gorbeil s’est perdue ; les uns, disent par défaut de police et d’entretien ; lès autres, parce que cette navigation était établie dans des terres fangeuses, détrempées et coulantes ; que, faute de consistance, elles ont fusé dans la rivière, qu’elles le feront encore si l’on ne suit le projet du sieur Dransy ; que, par conséquent, l’on fera des travaux peu durables, rhême inutiles ; que, de plus, les chemins de balage seront impraticables l’hiver, parce qu’ils seront en, boue ; et l’été, parce qu’ils seront remplis de crevasses. Quoiqu’il en soit, il est indispensable de savoir pourquoi cette navigation est disparue, et. quelle est, lat meilleure manière de la, rétablir : on n’a point, aborrié cette question : donc l'Assemblée nationale n’est pas assez instruite pour rendre le décret qui lui est proposé. : . , , Elle n’est pas plus instruite sur les dépenses que ce canal exigera: l’administration des ponts et chaussées n’a, pu s’expliquer sur cet objet, parce que le sieur Dransy n’a réellement produit aucun devis de dépense ; l’aperçu, en bloc, qu’il a fourni,, pe donne aucune notion certaine. Toutes les dépenses y sont affaiblies, on en choisira un article si palpable* si vrai, si démonstratif, de ce que l’on avance, que l’on sera dispensé de s’occuper des autres; , Il suppose que les écluses à sas coûteront, tout compris, 10 à 1*2,000 livres dans les cas ordinaires, et 14,000 dans les cas extraordinaires : et moi* j’assure* d’après dps devis faits, pour des sas établis dans le département du Nord, (dont je suis) pàr des ingénieurs de génie, que. les sas du sieur Dransy coûteront de 40 à 60,000 livres, selon les circonstances. . ■ Je passe à l’article des fonds; j’ai vu dans les pièces des sieurs Dransy et Gerdret une note par laquelle ils disent qu'ils se soumettent à donner des soumissions à mesure qu’ils feront quelques travaux. Promettre de fournir deq soumissions, ce ne sont pas des soumissions ; en outre, des soumissions ne sont pas de l’argent : dans le vrai, ils n’ont ni soumission ni argent. On insinue, page 4 du rapport, qu’il faut, être très difficile sur les fonds: « qu’il faut impo-« ser aux entrepreneurs, qui demandent l’exécur « tion d’un grand projet, une loi plus précise « que celle imposée au sieur Brulé, è On y lit: « Aucun particulier ne doit jamais présenter une « entreprise utile et dispendieuse, sans joindre à « ses moyens d’exécution la soumission» des ca-« pitalistes bien connus par Jeur solidité. » J’adopte ces principes dans toute leur rigueur; je pense, qu’en effet, les sieurs Dransy et Gerdret doivent être soumis à une loi plus spvère que celle imposée au sieur Brulé; car un. notaire assurait qu’il avait lOiqillions à donner àceui-ci, et personne ne se présente pour déclarer quTl a une somme quelconque pour ceux-là : donc leur position est plus défavorable que celle du sieur Brulé* doue les précautions doivent être plus sévères à leur égard. Je ne surs pas de l’avis de M. le rapporteur, qui vêtit que l’ont, fasse, quelquefois exception aux principes qu’il établit pins haut ; parce que, dan» les objets de la nature de ceux-ci, une exception , aux principe� tend à les détruire, et l’es sieurs Dransy et Gerdret ea. méritent d’autant moins qu’ils n’ont ni dq vis appréciatifs dé leurs dépenses, ni argent, ni soumissions d’aucun capitaliste* ni paroles de notaires ôü* 4’dUfcreâ, de fournir des fonds. Aécordez ce que-l’on demande, il en résultera ce que vous avez déjà, vq : le travail ne se fera point, des ouvriers étrangers accourront i&i dé toutes parts ; je n'achèverai point ce tableau. On lit dans l’article 17 du projet de décret, qne le sieur Dransy né commandera ses travaux qu’a-près avoir justifié; « par des soumissions souscrite® par des capitalistes reconnus solvables, auprès des départements de Seine-et-Oise et du Loiret, la, sûreté de la totalité des fonds. » Gette précaution expose à-de trop grands inconvénients pour l’admettre; les capitalistes, qui paraîtront solvables à un département, pourront être vus différemment par l’autre ; ce qui paraîtra suffi- 848 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. n$ août 1791.] [Assemblée nationale.] saut d’un côié, pourrait bh n être considéré ailleurs d’une arnre manière, etc. Il faut un moyen simple, facile, prompt et sûr de constater, autant qu’on le peut, la solvabilité des capitalistes gui pi omettent des fonds; c’est de laisser ce soin à un agent responsable, par conséquent, personnellement intéressé à écart r les erreurs et à prendre les précautions que la prudence admet pour parvenir au but désiré ; c’est, dis-je, de laisser ce soin au ministre de l’intérieur, que vous avez mis à la tête de l’administration centrale des ponts et chaussées. Vous voyez, Messieurs, que mon opinion bien différente de celle énoncée dans le rapport est fondée sur des faits, les uns évidemment prouvés, les autres de la plus grande probabilité ; analysez, je vous prie, ce rapport ; vous verrez qu’i” n’entre dans aucun détail satisfaisant relativement à la possibilité d’exécuter le canal du sieur Dransy, aux moyens d’exécution et aux moyens pécuniaires. Que tout ce qu’on y dit se réduit à ceci : M. Dransy est un honnête homme, il a des talents, des connaissances, ses opérations sont bonnes; de plus, les sieurs Dransy et Ger-dret s’obligent de fournir des fonds, quoiqu’ils ne fassent pas voir où ils les prendront : voilà tout ce qu on dit. Faut-il croire de confiance, quand la prudence, quand les faits, quami l’administration des ponts et chaussées vous suggèrent le contraire? Il ne me reste qu’à vous rendre compte de quelques particularités relatives à cette affaire. La dame de SaiDte-Colombe, présentée par le sieur de Romainville, vous présenta d’abord son projet, votre comité en fit le renvoi au département intéressé, pour avoir son avis, et M. Hell en fut nommé rapporteur. Quelque temps après vint le sieur Dransy, uont le projet fut de même remis à M. Hell. Le rapport de ces affaires passa, ou dut passer en entier à M. Millet, qui ne s’occupa que du projet du sieur Dransy; je pense que sa raison est que les pièces du sieur de Romainville n’étaient pas complètes. Il devait l’en informer, le bien national lui en faisait un devoir ; car un canal s’exécute, non pour le profil d’un entrepreneur, mais pour celui de la nation, quia intérêt à connaître les différents projets qu’on lui propose, même ceux tendant au même but, afin qu elle adopte celui qui lui assure les plus grands avantages, et qu’elle puisse, si les circonstances l’exigent, en faire un bon, un excellent, par la combinaison de plusieurs. Le sieur de Romainville, informé que le rapport du sieur Dransy allait être fait, se présenta au comité d’agriculture et de commerce, lui remit ses pièces, et le pria de les communiquer à l’assemblée des ponts et chaussées. M. le rapporteur s’y opposa, sous le prétexte qu'on se présentait trop tard, comme si le bien public s’écartait par une fin de non-recevoir; parce qu’on n’avait pas d’argent, comme si les sieurs Dransy e; Gerdret en avaient; parce qu’il ne pouvait faire le rapport de deux projets qui avaient à peu près le même but, mais qui n’étuieut pas précisément ies mêmes. Pouvait-il ignorer qu’un rapporteur n’est pas le patron d’une affaire, que sou devoir est de la présenter sous ses différentes faces, et que c’est à l’Assemblée, suffisamment instruite, à prendre un i arti? J’ai pensé que le comité renverrait le projet du sieur de Romainville aux ponts et chaussées : le président me paraissait l’avoir dit, un membre proposait d’en faire mention dans le procès-verbal : M. le rapporteur s’y opposa de nouveau, en disant: il faut que j’en fasse un rapport; si l’on vous donnait des chansons, les renverriez-vous aux ponts et chaussées. Je comptais sur ce rapport, il n’eut pas lieu, quoiqu’il eût été promis, mais l’on s’empressa de finir celui du sieur Dransy. Quoi qu’il en soit, je pense que l’Assemblée ne veut et ne peut prononcer qu’après avoir été instruite le plus parfaitement possible, c’est ce qui me détermine à lui faire quelques observations surle projetdu sieur deRomainville. Il commence son canal à la Loire, pris ; à Orléans, et le conduit à Minas, de là à Etampes; son canal ainsi disposé, l’on pourra en tout temps en conduire une bianche à VersailLs, et la prolonger jusqu’à la Seine, près de Mantes; l’on pourrait encore ouvrir un canal de Versailles à Paris, et l’on aurait alors une superbe navigation, du projet de laquelle on s’est longtemps occupé. Des nivellements faits sous Louis XIV par des hommes célèbres, par Ricard, Riquet, Villeneuve, Duvivier, annoncent ou plniôt prouvent la possibilité d exécuter ces différentes branches de navigations; l’on prendrait les eaux de la Loire à 6 pieds au-dessous du niveau ordinaire de ses eaux; l’on y réunirait celles de la forêt d’Orléans, dont le sieur Dransy veut faire usage, et encore celles que ce dernier ne peut employer; on dessécherait un pays considérable. L’exécution du projet du sieur Dransy rendrait l’autre projet impraticable parce qu’il empêcherait une prise d’eau à la Loire, et la réunion des eaux des parties basses de la forêt d’Orléans. Je pense que la manière dont le sieur de Romainville se propose d'exécuter les auires parties de son projet, est préférable à celle du sieur Dransy ; il serait cependant superflu de s’y arrêter à présent. Voulez-vous, Messieurs, détruire l’espoir de tous les a vantages que présente le projet du sieur de Romainville, le détruiriez-vous, cet espoir, avec précipitation et sans que l’on vous ait rendu compte de toute cette affaire? Non, Messieurs, votre patriotisme et votre sagesse s'y refusent, c’est ce qui me détermine à vous proposer le projet de décret suivant : <. L’Assemblée nationale décrète que les différents projets qui lui ont été présentés pour établir une nouvelle navigation d’Orléans à Gorbeil, et pour rendre navigables les rivières de Seine, d’Essonnes et du Remard, seront communiqués à l’assemblée centrale des ponts et chaussées. « Décrète, en outre, que les pétitionnaires justifieront, avant l’obtention d’aucun décret, au ministre de l’intérieur, par acte en bonne forme, qu’ils peuvent disposer des fonds nécessaires à l’exécution dts travaux qu’ils prétendent construire. » ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. VICTOR DE BROGLIE. Séance du vendredi 19 août 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM . les secrétaires fait lecture du pro-(t) Cette séance est incomplète au Moniteur.