[Assemblée nationale.] ÂÜfcîftlVES iPÀRLEMÉPïi'ÀiliËS. {2 juin 1790. j 51 titution, tend compte à l’Assemblée dü différend qui existé entre les villes de Laon et de Soissons qui prétendent toutes les dëlix à être clléf-lieu du département de l’Aisne. Vous avez ordonné, dit le rapporteur, qüë les électeürs s’assembleraient d’àbdrd à Ghauny polir choisir entre lès deut villes finales. Cette assetn-blée a eti lieu : Après ün iour dë disfcussion, on a procédé du sérütin dopt le résultat a donné 411 suffrages à Laon et 66 à Soissons. Plusieurs électeurs ont protesté contre cette délibération, en prôteridant qde le scrütiü n’était pas resté ouvert dsdéi longtemps et qü’on n’avait pas voulu consigner leur dire dans le procès-verbal; mais, en préSOncë du vœtt manifeste des populations, et de la grande majorité acquise à Laon, votre comité me charge de vous proposer le décret suivant qui sanctionne le vote émis par les électeurs de l’Aisne *. « L 'Assemblée nationale, cdnforrriémeUt à l’avis du comité de Constitution, confirme là dêlibéra-tioU des électeurs du département de l’Aisüe du 20 mai dernier, et décrète que rassemblée de ce département se tiendra dans la ville de Laon. » (Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.) M. ÎLë Cihapelier. ex-président. Je rappelle que les membres de l’Assemblée devront se réunir dans cette salle demain, à sept heures et demie du mâtin pour sè rendre à Saint-Germain-TAuxer-rois. Là prochaine séance est fixée à vendredi, neuf heures du matin. La séance est levée a dix heüres et demie. PREMIÈRE ANNEXÉ à la séance de V Assemblée nationale du 2 juin 1790. Mémoire, des députés de la ville de Tulle , relatif aux troubles du Bas-Limousin , pour être mis sous les yeux de l’Assemblée nationale (1). Les villes, paroisses et municipalités de Tulle, Limoges, Uzerehes, Alassae, Martel en Quercy, Vigeois, Beaulieu, Forzès, Seilhac, Saint-Glément, Saint-SalvàdoUr, Beaumont, Meymac, Corrèze, EgletODS, Âltiliac, Treignac, Servières, Argentât, Ussel, Lubersac, Perpesac, Saint-Chamans, Saint-Pardoux, lé Lonzac, Neuvie, Charaboulive, Evmou-tier, Liourdre, Sioniac, Billac, Tudeil, Bort, Sainte-Fortunade, Puy-d’Arnac, Haute-Fage, Meyssae, Colonges, Naves, etc. : Ayant été toutes témoins, et plusieurs d’entre elles victimes des violences exercées dans le Bas-Limousin et partie du Quercy, pat’ des troupes de malfaiteurs rassemblés jusqu’au nombre de 7 et 800 hommes, qui ont pillé des châteaux, et un plus grand nombre de maisons de bourgeois et de cultivateurs, exigé des contributions en argent, consommé oh gâté les denrées et provisions, rompü les digues et chaussées des étangs, et pêché le poisson, et commis beaucoup d’autres (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. exfcès, dont les prèüves résulteront des procès-verbaux mis soUs les yeUx du comité des rapports de l’Assemblée; et ayant lieu de craindie le retour de ces désordres, implorent avec con-fiance et respect la justice de l’Assemblée nationale pour obtenir d’elle qu’elle prenne dans sa sagesse les moyens efficaces de rétablir et d’assurer, dans le Bas-Limousin et les provinces adjacentes, la sûreté et la tranquillité publiques. Cette demande est l’objet de la mission de deux députés . extraordinaires de la ville de Tulle auprès de l’Assemblée nationale, autorisés par un nombre considérable des villes qu’on vient de nommei1, et chargés, en cela, des intérêts du Limousin et de quatre provinces voisines, le Quercy, le Périgord, le Rouergue èt l’Angou-mois. Ces villes et ces provinces, animées du zèle de tous les bons citoyens pour notre liberté naissante èt pour l’heureuse Constitution qui va nous l’assürer à jamais; pleines d’un respect qui ne s’est jamais détheüti pour l'Assemblée nationale, et vouées à Une soumission entière à ses décrets, n’auraient pas été dans la nécessité de recourir à elle au milieu de ses importantes et pressantes occupations, si le sursis décrété le 3 mars n’avait affaibli ou même détruit l’exécution de toutes les sentences prévôtales, Je moyen puissant à l’aide duquel elles avaient recouvré et elles maintenaient chez elles la tranquillité publique. Elles ne dissimulent point qu’elles regardent le rétablissement de là justice établie dans toute sou activité et selon les formes qui ont pourvu sagement à en prévenir tous les abus, comme le seul moyen d’assürer chez elles la tranquillité publique d’ici à l’établissement de l’ordre judiciaire, de garantir les propriétés des citoyens paisibles, de faire exécuter les décrets de l’Assemblée nationale, et d’achever l’édifice de la Constitution par la formation complète des municipalités, des districts et des départements. Elles croient enfin que c’est l’unique route qui puisse mener au but vers lequel tendent avec ardeur tous les bons citoyens, l’achèvement du grand ouvrage, suivi avec tant de zèle et de courage par les représentants de la nation. Le décret, dont nous craignons de fâcheuses suites, ayant été rendu à la sollicitation de la commune de Paris, à laquelle les affaires de nos provinces semblent devoir être étrangères, et sur la motion d’un député qui n’appartient à aucune d’elles, nous sommes forcés de remonter aux auteurs des impressions communiquées à la commune, et qui ont passé dans l’Assemblée nationale; et dans cette recherche nous reconnaissons que c’est sur de faux exposés des faits que la commune et le membre de l’Assemblée qui a provoqué le décret, et l’Assemblée elle-même, se sont laissés conduire. Tout notre travail se réduit par là à rétablir les faits, à présenter les conséquences qui résultent de ceux qui ont eu lieu réellement, et de l’état actuel où se trouvent aujourd’hui les provinces dont nous défendons la cause et les intérêts. Pour remplir cette tâche, nous tracerons d’abord un tableau raccourci des troubles qui ont désolé nos provinces, qui sera suivi de la discussion des fausses allégations et imputations mises sous les yeux de la commune de Paris, du comité des rapports, et de l’Assembiée nationale; et nous prouverons ensuite l’indispensable nécessité de rétablir instamment dans le Limousin l’activité de la justice, à peine de voir se renouveler les désordres dont nos provinces ont été le théâtre. 52 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (2 juin 1790.' Récit abrégé des désordres qui ont eu lieu dans le Bas-Limousin et partie du Quercy, tiré des procès-verbaux dressés sur les lieux, et transmis au comité des rapports de l'Assemblée nationale , ou déposés dans les greffes respectifs, La destruction des balustrades et bancs des églises, et celle des poteaux de justice a été le prélude des insurrections dans le Bas-Limousin. Bientôt on a planté des potences pour ceux qui exigeraient ou paieraient les rentes. Des émissaires répandus dans les campagnes propageaient cet esprit de révolte et de sédition. Les cultivateurs paisibles étaient quelquefois forcés de quitter leurs foyers, tantôt se dérobant aux séditieux, et tantôt forcés de les suivre. Le ralliement se faisait avec un tambour, et on était parvenu à fermer une troupe considérable, armée de fusils et autres instruments. Ces désordres ont commencé à éclater à Gignac, Martel, Vegennes, Cure-monte, Cressenssac, Saint-Julien, Mayssac, Colonges, Argentât, la Xaintrie, Chamboulive, Saint-Bonnet-les-Forêts, Saint-Hilaire, Saint-Ger-main-les-Vergnes, Cornil, Saint-Salvadour, etc. Bientôt la licence croissant par l’assurance de l’impunité, se porta à de plus grands excès dans les paroisses de Lissac, Chanteix, Orgnac, Alas-sac, Favars, Glandier, etc. Il est notoire qu’au château de Lissac, le seigneur, âgé de 78 ans, et la dame, ont été personnellement insultés et menacés par des gens en armes ; que la fontaine du château a été démolie ; qu’unepotence a été dressée à la portedu château ; que le seigneur de Lissac a été tellement affecté de ces outrages, qu’il est mort deux jours après; que la dame de Lissac a été obligée de fuir avec ses enfants, et d’abandonner sa maison au pillage ; que le château a été en effet dévasté, les bâtiments dégradés, les portes et fenêtres brisées et brûlées, les denréesconsomméesoudétruites, qu’on s’y est fait donner de force dp l’argent etdes déclarations, etc. 11 est prouvé qu’à Allassac, Je 24 janvier, jour auquel avaient été publiés au prône les décrets de l’Assemblée nationale, sur l’organisation des municipalités, un attroupement se forma, qui alla briser la balustrade de l’église paroissiale, enleva les bancs des officiers de justice et ceux de différents particuliers d’Alassac et les brûla sur la place publique; que les officiers municipaux s’étant transportés sur les lieux, et ayant exhorté les mutins à se séparer, ils furent menacés d’être jetés dans les flammes; que la municipalité et les notables rassembléss’étant déterminés, d’après une délibération , à publier la loi martiale, et ayant exé-cuté cetle publication, et sommé les gensattroupés de se retirer, furent assaillis à coups de pierres, et forcés de se réfugier dans une maison voisine; que, le même soir, les maisons des sieurs deBruchard, d’Eysat, Lasteyrie, Chatras, Gledat, Bonnelie, Treuil, et de quelques autres bourgeois et habitants, ont été pillées, leurs portes et fenêtres brisées, les armoires enfoncées, les meubles, le linge, etc., et jusqu’aux instruments aratoires emportés, les vins dus, et que, de plusieurs d’entre eux, on a exigé des quittances et des reconnaissances, et de l'argent comptant; que le même jour, après le pillage des maisons bourgeoises, l’attroupement se porta sur le château de Roussignac, appartenant à M. de La-maze, dont on commença à briser les toits et les croisées à coups de pierres ; qu’après divers pourparlers et représentations des assiégés, les assiégeants continuant leurs violences, les gens du château tirèrent sur eux, et qu’il y eut deux personnes tuées ; sur quoi il est important d’observer que leur attaque se faisait dans la nuit, puisqu’elle avait commencé vers les huit heures du soir, et qu’elle dura jusqu’à onze heures. Que le lendemain 25, les désordres recommencèrent, ainsi que le pillage des maisons particulières qu’on mit à contribution, et que, malgré une nouvelle publication de la loi martiale, faite par le maire d’Uzerches, arrivé avec un petit détachement de sa garde nationale, et malgré l’arrivée d’un détachement de près de trois cents hommes de la milice nationale de Brive, et qui se retira sans avoir dissipé l’attroupement, une nouvelle troupe de gens étrangers à la paroisse d’Alassac (et à la tête de laquelle se montra le sieur Durieux), réunie à la première, se précipitèrent sur le château do Roussignac, que le sieur de Lamaze et sa famille avaient abandonné, sur l’assurance que la milice de Brive lui avait donnée de le défendre; que les toits ont été brisés à coups de pierres, les portes du salon fracassées, et les volets et leurs serrures enlevés; tous les carreaux des fenêtres�assés, la glace du salon brisée en petits morceaux, ainsique beaucoup de meubles, les armoires enfoncées, les effets en habits et linge enlevés, les papiers et l’argent pillés, les outils aratoires emportés, etc., tous faits consignés dans le procès-verbal dressé les 15, 16 et 17 février, et prouvés par la teneur des informations ; il est prouvé de même, par différents procès-verbaux dressés par des officiers de justice, que tous les étangs des Chartreux de Glandier, situés sur la paroisse de Chanteix, ont été vidés et pêchés par des troupes de paysans armés ; qu'ils ont dévasté la maison, chassé les religieux ; qu’ils s’y sont fait donner de force du vin, de l’argent, des quittances de rente. Il est prouvé encore, pour le lieu de Favars, que l’espoir du pillage et de l’impunité augmentant tous les jours le nombre des malfaiteurs, des troupes de paysans, de journaliers, de déserteurs, d’ouvriers ramassés sur les ateliers des grandes routes, presque tous gens sans propriétés, se sont rassemblés, se faisant annoncer dans les différentes paroisses, avec ordre aux propriétaires les plus aisés de se procurer des provisions pour les recevoir; qu’un attroupement de cette espèce étant occupé le 24 janvier à éventrer la digue de l’étang de Favars, la maréchaussée de Tulle, sollicitée par la dame de Saint-Hilaire de venir à son secours, ne put arrêter le dégât qu’en se saisissant d’un nombre de séditieux, ce qu’elle fil sans tirer un coup de fusil, quoiqu’il soit constant par l’information que les cavaliers ont été couchés en joue, et des amorces brûlées par les mutins; que le lendemain 25, un attroupement de 8 à 900 hommes, formé audit lieu de Favars, a forcé la dame de Saint-Hilaire d’écrire à la municipalité de Tulle pour obtenir l’élargissement des dix-huit mutins pris la veille, ayant, en cas de refus, le projet de fondre sur la ville de Tulle, pour tirer de force des prisons ceux quiy étaient détenus; que la municipalité de Tulle, reconnaissant la nécessité instante de prévenir des désordres qui menaçaient toute la province, ayant déterminé de joindre quatre-vingts hommes de la milice nationale à la maréchaussée, la troupe étant arrivée au lieu de Favars, après avoir fait serment de ne tirer que dans le cas d’une absolue nécessité, le sieur de Marcil-lac, commandant de la maréchaussée, parlant aux séditieux, et leur ordonnant de se retirer, a reçu trois coups de fusil, dont il est resté grièvement blessé; que plusieurs volontaires, ainsi que des cavaliers de maréchaussée, ont été blessés pareillement et quelques-uns démontés ; ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1790.] 53 [Assemblée nationale.] et qu’enfiD, obligés de repousser la force par la force, ils ont fait feu sur les mutins et en ont arrêté huit les armes à la main, et dans les jours suivants plusieurs autres connus pour avoir été dans les attroupements, et entre autres le nommé Burieux, tambour-major de la milice nationale de Brive. Ces faits ont été altérés et dénaturés par divers moyens contre lesquels les villes et municipalités du haut et du bas Limousin ne peuvent se dispenser de réclamer. Le premier est un mémoire de deux députés extraordinaires de la ville de Brive, présenté à la commune de Paris, et remis ensuite au comité des rapports. Ce mémoire inculpe les propriétaires qui se sont défendus contre les violences des brigands, la conduite de la milice nationale delà ville de Tulle, pour réprimer et contenir les brigandages, et enfin les procédures et jugements du prévôt de Tulle. Le second moyen, employé pour dénaturer et altérer les faits, est l’usage qu’ont fait les mêmes députés des papiers publics, et notamment des Annales politiques et du Journal de Paris. Nous discuterons ces pièces après avoir mis en avant quelques observations sur la démarche faite par les sieurs Serre le jeune et Faye, se disant députés extraordinaires auprès de la commune de Paris, et sur la facilité avec laquelle leur dénonciation y a été accueillie. La province et la ville dont nous sommes les organes sont bien éloignées de méconnaître les obligations qui les attacheront éternellement à la capitale du royaume, pour les grands et importants services qu’elle a rendus à la liberté française, à l’époque critique où s’est décidée une Révolution qui doit faire la gloire et le bonheur de la nation. Elles reconnaissent aussi sans peine la supériorité d’importance et de force d’une ville qui est depuis si longtemps le centre du gouvernement, le foyer des lumières, la patrie des arts, l’école du goût, la métropole de l’Europe. Mais tous ces avantages de la capitale ne lui donnent, dans le système d’une libre constitution, aucune autorité sur les autres villes du royaume, et la ville de Paris, qui a montré tant de zèle pour la liberté générale, n’a jamais entendu affecter sur les provinces aucune suprématie. D’après un principe si incontestable, ne pouvons-nous pas nous étonner de la démarche des députés de Brive, qui vont porter à la commune de Paris une cause qui divise les villes et les habitants d’une des provinces du royaume ? A quel titre cette commune pouvait-elle être juge de nos différends, et dans l’éloignement où elle est du théâtre des faits, décider entre Brive d’une part, et de l’autre Tulle, Limoges et tant d’autres villes et municipalités? quel rapport, même éloigné, peuvent avoir ses intérêts, ses fonctions et ses droits, avec des événements passés dans le Limousin et dans Je Quercy? Nous ne craignons pas de dire qu’en s’adressant ainsi à un tribunal sans autorité sur nos provinces, les députés de Brive accusent la faiblesse de leur cause par l’emploi d’un moyen aussi irrégulier que celui-là. Le comité des rapports, et d'après lui et l’exposé des faits et des raisons, l’Assemblée nationale, ou un tribunal distinct, auquel il est encore plus naturel de renvoyer de semblables questions, étaient les seuls juges sous les yeux desquels il fallait mettre les pièces du procès et les plaintes et réclamations des parties. On nous dira peut-être que la commune elle-même, en recevant la dénonciation faite par les députés du comité de Brive, a justifié leur démarche, qu’elle aurait repoussée si elle l’avait crue déplacée. Mais cette apologie nous paraît insuffisante. L’assemblée de la commune, qui doi«t son existence à l’esprit de liberté, et qui montre tant de zèle pour tout ce qui tient à une si juste cause, a pu se laisser aller trop facilement à recevoir une dénonciation qui semblait avoir pour motif les intérêts des citoyens contre une oppression ; mais jusques dans la facilité avec laquelle elle a accueilli les députés de Brive, en rendant justice à la droiture de ses intentions, on ne peut croire à la justesse de ses vues. De jeunes gens viennent lui présenter un mémoire contenant le récit de vexations horribles, de massacres faits suus le nom de justice, de citoyens opprimés, assassinés par le glaive d’un prévôt; les sentiments s’exaltent, mais en même temps le jugement s’altère. Le doute et la réserve doivent alors garder la sagesse de l’homme public ; il doit se défier de ses vertus mêmes, pour n’écouter la voix de l’humanité que lorsqu’elle est d’acord avec celle de la justice; et nous osons croire qu’en se conformant à ces règles, la commune de Paris n’eût point accueilli la dénonciation des députés de Brive , et surtout ne l’eût jamais portée à l’Assemblée nationale. Cette plainte sans aigreur, que nous croyons pouvoir nous permettre au nom de nos commettants, se trouvera bien justifiée par l’exposé vrai de la manière dont la dénonciation des députés de Brive a été présentée à la commune, exposé que nous puiserons dans la lettre écrite à MM. de Brive par leurs députés, et dont nous avons la copie sous les yeux. Nous ne ferons qu’en citer quelques traits. Ces messieurs nous apprennent d’abord que, d'après le récit qu'ils ont fait verbalement de leur affaire , plusieurs membres se sont levés et ont pris vivement le parti du peuple opprimé. Ainsi c’est d’après un simple récit verbal, sans vu de pièces et de preuves, que des juges se lèvent et prennent vivement (notez vivement) le parti du peuple qu’on leur représente comme opprimé, sans savoir s’il l’est en effet, sans s’en assurer par aucun moyen. Nous prévenons nos lecteurs, une fois pour toutes, cle l’abus qu’ont fait les députés de Brive de ce mot peuple, en l’appliquant à des brigands contre lesquels le vrai peuple, le peuple citoyen de nos provinces ne cesse d’invoquer la force publique. C’est sans doute un mouvement louable que de prendre le parti du peuple opprimé; mais si ce qu’on appelle le peuple opprimé n’est qu’une troupe de brigands, se livraut aux plus grands excès : si ce sont, au contraire, de vrais citoyens, des bourgeois, des cultivateurs, des ouvriers paisibles qui ont été victimes de ces violences, ne voit-on pas que des hommes publics doivent fermer leur âme aux mouvements d'une semblable compassion. Ne fallait-il pas encore distinguer sûrement les oppresseurs et les opprimés, ce que ne pouvait pas faire la commuue de Paris, sur un récit fait verbalement par les députés de Brive , sans pièces a l’appui, comme sans contradiction. Cette réflexion est si naturelle, qu’elle n’a pas échappé à quelques membres de la commune, qui ont remarqué, disent les députés, que d’assemblée avant de se déterminer à user de son 54 [Assemblée nationale.] ARÇHIYES PARI4?PNTAIRE§. [2 jum V?$Q.l crédit sur ses représentants à V Assemblée, nationale , pour leur recommander l'affaire de MM-les députés de Brive, devait prendre connaissance des procès-verbaux faits sur les lieux des insurrections. Cette remarque était juste et les députés en conviennent. Ils y répondent que les pièpes étaient entre les mains de MM. du comité des rapports; mais cette réponse ne peut les excuser de n’avoir pas différé leur demande à la commune jusqu’à ce qu’ils eussent pièces en main, et il reste toujours à demander comment la commune a cru à leur simple récit verbal. Nous lisons ensuite, dans la lettre des députés de Brive, que la commune ayant invité ces messieurs à revenir, le lendemain, munis de leurs pièces justificatives, il furent assez malheureux pour ne pas rencontrer M. le président du comité des rapports, qui en était le détenteur; mais que, réfléchissant combien la protection de la commune de Paris pouvait être utile à, leur cause, ils prirent le parti de faire un précis des procès-verbaux, tel que leur mémoire le leur fournissait, des faits arrivés dans les troubles de la province, Quelle négligence d’abord, et ensuite quelle légèreté des députés! Il s’agit des intérêts de leur ville et de toute une province, en matière grave assurément, et ils ne prennent pas les moyens ordinaires et sûrs de trouver M. le président chez lui, d’obtenir de lui des pièces sans lesquelles ils ne pouvaient faire une démarche si importante auprès d'une assemblée aussi respectable que celle de la commune, et ils croient pouvoir substituer à ces pièces un précis fait de mémoire. On laisse au lecteur à qualifier cette conduite. Mais voici quelque chose de plus étrange encore, toujours tiré de leur lettre. Introduits dans la salle de la commune , ils y avouent qu’ils n'ont pas pu se procurer les procès-verbaux, mais, à la place, ils engagent leur parole d' honneur pour preuve de l’ authenticité des faits contenus au mémoire qu'ils laissent sur le bureau. Ce mémoire est celui qu’ils ont présenté ensuite au comité des rapports; et on verra tout à l’heure, par l’analyse que nous en ferons, quels faits ces messieurs ont garantis sur leur parole d’honneur. Mais peut-on assez s’étonner de l’assurance avec laquelle ils substituent cette parole à des procès-verbaux? Leur assurance prouve, dira-t-on, leur franchise, leur conviction, et nous voulons bien y croire. Il paraît, en effet, impossible Qu’ils se soient déterminés à une démarche si importante par elle-même et par ses suites, sans être convaincus de la justice de la cause qu’ils se chargeaient de soutenir. Mais la conviction de deux hommes, sur des faits dont ils n’ont pas été les témoins, n’est pas une preuve, elle n’en est pas une surtout lorsqu’elle n’est pas énoncée dans les formes prescrites par les lois de tous les pays, elle ne peut pas tenir lieu d’un procès-verbal lait sur les lieux et des informations et auditions de témoins. Que sera-ce, si, comme nous le démontrerons tout à l’heure, la conviction des députés porte sur des faits que les procès-verbaux démentent absolument, et sur les faits les plus graves, les plus décisilKde la question? Nous ajouterons enfin que, si cet engagement de leur parole d’honneur pouvait être de quelque poids, ce ne serait que sur des faits assez simples pour que l’imagination, l’esprit de parti, la passion trop commune dans les moments critiques où nous nous trouvons, et qui souille l'intention la plus droite, ne pussent pas les représenter sous £e jqq?s. Maig il g’en fejit bien que ce que les députés appellent des fjiïts pauf leur mémoire spieqf de cpttè nature ; ilg saut, au contraire, très cotppliqpés» mêlés dp circonstances, appuyés de suppositions, pspuqnés par des raisonnements; et tout homme sage fécop-naîtra, à la simple lecture du mémoire auquel les députés renvoient, que rje, P n’est mqfps propre que de pareils faits à cpnstalég ppr ppe simple parole d’hqpùeuf. Cependant lus députés de Brive assurent, dans leur lettre à leurs çom mettants, qup Mlp, dp la commune furent satisfaits de çetfr caution. Nous voudrions pouvpir penser que pette assertion de leur part est aussi hasardée qpe beaucoup d’autres qu’ils se sont permises ; niais lp démarche de la commune auprès de l’Assemblée nationale est une preuve que, en effet, elle s‘egi contentée de la parole d’honpeur dp deux députés de Brive pour déférer à l'Assemblée nationale la conduite du prévqt et de la ville de tulle, et des citoyens qui ont repoussé les bfigppds. Il np nous appartient pas 4è caractériser pettp facilité, mais nous eu appelons â tout juge impartial et sage sur les plaintes que pous eu formons-Nous trouvons cependant , dans la suite du récit des députés , sinon de quoi excuser, au moins de quoi expliquer ce mPPYemePt imprimé à la commune, et dont il pous semble qu’elle eût dû se défendre.. Ils nous apprennent qu’a-près avoir lu leur mémoire, ils invitèrent la commune à protéger leur cause, qui était, dirent-ils, celle de l'humanité outragée ; que l'impression que fit leur récit fut vive; que l’assemblée et la galerie le témoignèrent d'nne manière qui fui de bon augure pour eux, et qu’après plusieurs disçours de la p lus grande éloquence, prononcés par, d’honorables membres, et point préparés , la commune arrêta qu'il serait nommé sur le champsix députés vers l'Assemblée nationale, etc, Cette humanité, outragée, cette grande, éloquence, ces discours sans préparation, ej surtout cette intervention de la galerie sput en effet capables de faire des impressions fortes. Mais une assemblée d’hommes publics ne devrait-elle pas s’en défendre et se tenir en défiance contre l’emploi de semblables moyens? Une assemblée n’a pas dû croire, sans preuves, que la cause des prisonniers de Tulle était celle de l’humanité outragée; elle p’a pas dû céper à des discours d’une grande éloquence, si l’on veut, mais prononcés sans préparation , et par conséquent sans examen, dans une question qu’on ne pouvait juger sans examen. Enfip, elle n’a pas dû céder aux mouvements d’une galerie tumultueuse qu’on peut agiter avec les mots d’humanité et de liberté, jusqu’à fouler aux pieds l’une et l’autre, et qui, à coup sûr, n?est pas en état de juger avec équité une affaire si compliquée, qui ne lui est pas présentée avec tous les moyens d’instruction qui doivent servir à la décider. La commune de Paris ne s’est point tenue dans ces sages limites, lorsque, toujours sans avoir eu aucune pièce sous les yeux, elle a arrêté son adresse à l’Assemblée nationale pour lui témoigner, disent les députés, le vif intérêt qu’elle prend au sort des infortunés paysans du Bas-Limousin, détenus dans les prisons de Tulle, et menacés de périr par les mains des bourreaux, comme avaient déjà péri deux de leurs frères. Car, comment et sur quel motif ne voit-elle que d’infortunés paysans dans des hommes pillant des maisons, se faisant donner des contributions , menaçant ip, vie des citoyens, etc., enfin pris en flagrant délit et les [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1790.] armes à la main, tous faits incontestables, puisqu’ils résultent de tous les procès-verbaux et informations subséquentes? Gomment se permet-on cet emploi des mots pathétiques de bourreaux et de frères , qui ne prouvent rien ? Ne faut-il pas des bourreaux où il y a des criminels et des dévastateurs, et des brigands sont-ils nos frères et ne sont-ils pas des ennemis publics? La lettre des députés de Brive à leurs commettants nous présenterait beaucoup d’autres traits qui serviraient à caractériser l’esprit de leur démarche. Ils y annoncent, par exemple, qu'il règne dans l'Assemblée une très grande horreur pour les juridictions prévôtales; que leur destruction ne peut manquer d'arriver sous peu de jours ; que le grand prévôt de Marseille est convaincu des plus grandes prévarications envers les citoyens défenseurs de la Révolution; que ceux-ci ne sont accusés de sédition que par les aristocrates Mais nos lecteurs n’ont pas besoin d’être avertis combien toutes ces assertions sont légères et imprudentes. La destruction des justices prévôtales avant l’établissement entier dhin nouvel ordre judiciaire, où elles auront certainement un équivalent, n’est pas prête à être prononcée. Le prévôt de Marseille n’a pas été convaincu de prévarications, puisqu’il a été mis hors de cause. Il est, à toute force, possible que des défenseurs très zélés de la Révolution méritent l’animadversion de la justice, et que ceux qui regarderaient de tels hommes comme coupables de grands crimes ne soient pas des aristocrates. Il est temps de passer à l’examen du mémoire fourni au comité des rapports par les députés de Brive, et que nous avons dit être la première pièce, où les faits arrivés dans le Bas-Limousin ont été altérés et dénaturés pour provoquer la décision de l’Assemblée, portant suppression de l’exécution des jugement prévôtaux. I. Selon le mémoire présenté au comité des rapports par les députés de Brive, Les paysans qui ont été arrêtés dans le Bas-Limousin ne sont coupables que par l'ignorance absolue où ils vivent des décrets de V Assemblée nationale , que les riches ont affecté de leur cacher, ainsi qu'à tous autres. On demande d’abord si les paysans du Bas-Limousin sont assez ignorants pour croire ne rien faire que de légitime en assiégeant un château et en pillant les maisons même des bourgeois et des cultivateurs, et s’il est besoin que les décrets de l’Assemblée les éclairent sur cette violation de la propriété et de la sûreté de leurs concitoyens? On prie MM. les députés de Brive d’expliquer ce qu’ils entendent par l’affectation des riches à cacher aux paysans les décrets de l’Assemblée. Les riches sont-ils, en cettequalité, chargésde faire connaître aux pauvres les décrets de l’Assemblée? Ges décrets ne sont-ils pas envoyés à toutes les muni-ci palités ? Ge qui intéresse le plus particulièrement les gens de la campagne, n’est-il pas lu au prône, affiché à la porte des églises? Le décret relatif à la tranquillité publique, ou loi martiale, n’a-t-il pas été répandu, connu dans toutes les parties du royaume? Gomment les riches s’y seraient-ils pris pour en dérober la connaissance au peuple? Et par quelle extravagance et quel oubli de leurs intérêts mêmes auraient-ils affecté de cacher cette loi protectrice de leurs propriétés? De quelle indécence n’est pas dans la bouche des députés cette distinction des riches d’avec les 55 paysans? distinction, il faut le dire, qui, en appelant les pauvres à la guerre contre les riches, donne le signal du bouleversement des empires. Les paysans, continuent les députés, ont été arrêtés au hasard, sans qu'on ait eu soin de s'informer s'il était vrai qu’il y en eût de coupables, quoiqu'ils ne fussent que de simples spectateurs, et qu'ils fussent entraînés par V exemple et par le torrent. Quel mépris, nous osons le dire, des plus simples notions de la justice et de l’ordre public! Dans les insurrections et les mouvements populaires, la police la plus humaine est toujours forcée de regarder comme coupables toutes les personnes attroupées. Cinq ou six cents hommes ravagent les campagnes, pillent, brûlent les habitations; il est impossible de distinguer parmi eux celui qui a ipis le feu, qui a pillé ou tué ceux qui ont fait quelque résistance. Tous sont coupables aux yeux de loi, parce que tous et chacun d’eux concourent à une action méchante et destructive de tout ordre public. Dans une insurrection de ce genre, ceux qu’on arrête ne sont donc point arrêtés au hasard, puisque, arrêtés en insurrection actuelle et en armes, ils sont coupables par cela seul d’un déiit que punissent les lois de tous les pays civilisés. Mais d’où savent MM. les députés, et comment prouveraient-ils que les paysans arrêtés et déte-tenus n’avaient contre eux que ce délit comrqun et général de s’être trouvés dans Tattroupeiqent? Gonnaissent-ils les motifs particuliers de l’èmpri-sonnement de chacun? Si l'on n’a cherché à arrêter que les plus violents, ceux qui ont tiré, ceux qu’on a cru voir menant les autres, il ne sera plus vrai qu’on les ait arrêtés au hasard. Qn a pu se tromper en cherchant à faire cette distinction. Aussi de 26 détenus dans l’affaire de Fayar§, en a-t-on relâché 16. Mais ceux-là mêmes n’ont pas été arrêtés au hasard. ! En vain les députés nous disent-ils qu’il n'y a point eu en Limousin de moteur des désordres; que les paysans sont incapables de forrner aucun plan d'attaque ni d'insurrection ; qu’aucune n'a été ni préméditée, ni prévue ; qu'elles ont été l'effet naturel des circonstances et du mouvement des esprits. Il est difficile en effet de croire à cette étrange méchanceté qui règle d’avance un plan de dévastation ; qui dispose froidement un systèqqe d’incendie et de meurtre ; mais en deçà de ce degré de perversité, il en est beaucoup d’autres que la société doit reprimer de toutes ses forces. Qu’importe que des brigands aient ou p 'aient pas de plan ; qu’ils aient ou n’aient pas un 'premier chef qui les dirige ? lorsqu’ils pillqqt et qu’ils ravagent, a-t-on besoin def Savoir cpmrneht et par qui ils sont poussés? Le droit naturel, celui de la défense légitime, n’autorise-t-il pas à repousser la force par la force ? . On peut aire cependant que la populace eq insurrection a toujours quelques chefs quj l’excitent et la conduisent, et qu’il serait sans doute très désirable qu’on pût les distjnguer et les punir, ou plus sévèrement, ou même seqls, lorsque leur punition suffirait à la tranquillité publique. ■ ...... " Mais quoique la loi ne puisse pas toujours distinguer ainsi le plus coupable, il ne s’ehsuît pas qu’elle puisse laisser le crime impuni, lorsqu’en son moindre degré il est encore une source de malheurs publics.' Si par Ta raison qu’on n’aurait pas pu distinguer ou saisir le chef et le principal moteur d’une insurrection, jl fai-? Kg [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1190.] lait laisser les émeutes impunies, où en serait la société? « Si l’on voulait absolument, disent les députés, trouver des coupables, la justice voulait du moins que le procès des nobles et des bourgeois qui ont tiré les premiers fût instruit avec la même rigueur: car aux yeux de l’Assemblée nationale le sang du peuple n’est pas moins précieux que celui des autres classes de citoyens .» Nous ne craignons pas de dire que cette observation porte le caractère de l’injustice la plus révoltante. Qu’entend-on par ces paroles : si l’on voulait absolument trouver des coupables ? Qui est-ce qui veut trouver des coupables là où il n’y aurait que des innocents? le prévôt et les magistrats qui ont condamné deux des séditieux à mort sur vingt-six, les ont donc condamnés parce qu’ils ont voulu les trouver coupables. Quelle horrible inculpation, et sur quelle base porte-t-elle ! En second lieu, quelle est donc cette justice qui veut qu’on fasse le procès aux nobles et aux bourgeois qui ont tiré les premiers sur des gens qui venaient piller leurs maisons ? Eu vertu de quelle loi, de quelle nation que ce soit, un homme assailli dans l’asile domestique est-il obligé d'attendre qu’on le fusille lui et les siens, pour avoir le droit de se défendre contre un tel brigandage par tous moyens ? 3°. Selon le second procès-verbal remis au comité des rapports par les députés de Brive, et que nous avons sous les yeux, à la première attaque faite aux paysans, après la lecture de la loi martiale, on n'a pas su qu’il y ait eu personne de blessé ; et lors même que le sieur ue Lamaze s’est défendu de sa maison investie par des brigands, on n’a pas pu savoir de quel côté est parti le premier feu. Il n’y aurait donc pas matière à faire le procès aux nobles et aux bourgeois pour avoir tiré les premiers ; et les députés dans leur mémoire sont ici en contracdiction manifeste après le procès-verbal dressé par leurs commettants. 4° La dernière réflexion de ces messieurs est encore plus répréhensible. Ils veulent qu’on fasse le procès aux nobles et aux bourgeois, parce qu’aux yeux de l’Assemblée nationale , le sang du peuple n'est pas moins précieux que celui des autres citoyens. C’est là, sans doute, une vérité incontestable ; mais on en fait ici, je ne crains pas de le dire, un usage bien immoral et bien criminel. Dans quel esprit peut-on opposer ainsi les nobles et les bourgeois au peuple? Le peuple français est composé de citoyens de tous les états et de tous les degrés de fortune. Les nobles et les bourgeois en font partie, et les en séparer c’est les mettre en butte à la haine de la multitude, uniquement parce qu’ils ne sont pas le plus grand nombre. C'est seconder et justifier les violences de ceux qui n’ont rien à perdre, contre ceux qui ont quelque propriété ; c’est, encore une fois, allume, la guerre des pauvres contre les riches, qui est la subversion de toute société. Le sang de tout citoyen est également précieux aux yeux de la loi, mais nous osons assurer qu’il l’a été également et pour notre milice nationale et pour notre municipalité, qui se sont employées à réprimer les désordres de la province, et pour la juridiction prévôtaie unie à notre sénéchaussée, qui a puni uu petit nombre de coupables dans ce qu’on appelle le peuple. $i deux malfaiteurs, condamnés par uu jugement régulier, ont payé de leur vie les crimes qu’ils ont commis contré la tranquillité publique/ en attentant à la vie et à la propriété des citoyens , comment ose-t-on en prendre droit d’insinuer que le sang de ce qu’on appelle le peuple a eu moins de prix à nos yeux que celui des nobles et des bourgeois? Des brigands ont beau faire partie du peuple, lorsqu’ils deviennent criminels leur sang n’est plus précieux aux yeux de la loi. La loi regarde comme un devoir pour elle d’aider de toute la force publique tous les citoyens dans la défense de leurs personnes et de leurs propriétés, et ne craint pas dans cette légitime défense de voir verser le sang de l’homme du peuple, devenu par ses violences ennemi de la société. Parmi les faits altérés dans le même mémoire que nous examinons ici, se trouvent encore tous ceux qui sont relatifs au sieur Durieux, maître de billard dans la ville de Brive, tambour-major de sa milice nationale, et membre de son comité, arrêté dans la ville de Tulle comme y tenant des propos séditieux, et accusé par la voix publique d’avoir été l’auteur et partie de plusieurs attroupements. Le sieur Durieux se trouvant ainsi impliqué dans les procédures faites à Tulle, comme prévenu d’avoir été le moteur et l’instigateur de plusieurs insurrections, sa cause se trouve liée à celle de la municipalité, et du prévôt, et de la milice nationale dans cette ville ; aussi les députés de Brive ont-ils regardé sa justification comme un objet de leur mission : par cette même raison nous sommes forcés de les suivre dans la discussion de la cause du sieur Durieux. 11 faut d’auord savoir que le sieur Durieux est prévenu par une dénonciation de la dame de Lissac du 27 février 1790, parle procès-verbal de sou arrestation du même jour, par un réquisitoire en plainte du procureur du roi de Tulle, et par les dépositions de cinquante et tant de témoins, de propos séditieux, de violences, de pillage, de s’être trouvé comme excitateur et complice dans plusieurs attroupements, et notamment: 1° D’avoir été à la tête des attroupements à Martel ; 2° De s’être rais en possession du domaine de la Brande, et d’en avoir pillé les denrées; 3° D’avoir répandu en différents endroits que chacun pouvait aujourd’hui se rendre justice ; qu’il ne fallait plus payer de rente, et autres propos séditieux, aux yeux même des paysans qui ont déposé contre lui; 4° De s’être trouvé à l’attroupement de Lissac, près de Brive, où il s’est commis les plus grands excès ; £>° D’avoir été à Alassac le jour de l’attroupement, et d’y avoir déclaré que la milice de Brive ne ferait rien à ceux qui brûleraient le château, pour veuger ceux d’entre eux qui avalent été tués, qu’il appelait leurs frères ; 6° De s’ètre rendu à Favars, situé à plus de dix milles de Brive, dès le lendemain de l’émeute ; d’avoir dit aux paysans qu’ils avaient mal fait de ne pas brûler le château ; que les villes de Paris et de Bordeaux puniraient la ville de Tulle, pour s’être opposée aux dégâts, et qu’il fallait employer contre la milice de Tulle les fléaux dout on bat le blé, etc. Enfin le sieur Durieux se trouve chargé, par une dénonciation de la dame de Lissac du 27 février 1790, par le procès-verbal de son arrestation du même jour, par un réquisitoire eu plainte (Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1790.] du procureur du roi de Tulle, et par les dépositions de 50 et tant de témoins, de propos séditieux, de violences, de pillage ; de s’être trouvé, comme excitateur et complice dans les attroupements de Lissac, de Vegennnes, d'Alassac, de Martel, de Favars, etc. G’est de cet homme que les députés de Brive disent , dans leur mémoire au comité des rapports, qu’il est un bon citoyen , et dans une lettre signée d’eux, et insérée au journal de M. Mercier, intitulé, Annales politiques , qu’il est leur camarade ; qu'ils se font gloire de l’avouer , et que la ville de Brive le reconnaît comme un des plus zélés et des plus braves citoyens quelle renferme dans son sein. Nous ne prétendons ni prévenir, ni diriger le jugement suspendu sur la tête d’un accusé ; mais les éloges donnés au sieur Duneux par les députés de Brive étant en contradiction avec les plaintes et les dénonciations de toutes les municipalités de la province, nous nous permettrons de discuter l’apologie du sieur Durieux, faite par MM. les députés. MM. les députés s’efforcent d’infirmer ou d’adoucir les inculpations rapportées ci-dessus, par les raisons suivantes : La première est que le sieur Durieux n’est pas plus coupable que les autres prisonniers. Mais comme les autres prisonniers ont été, au moins la plupart, pris en tlagrant délit ; qu’ils ont tous eu part aux attroupements et aux désordres qui les ont accompagnés, on laisse à juger comment cet argument prouve l’innocence du sieur üu-rieux. La second raison en sa faveur, c’est qu’il a montré un grand zèlepow ’ la formation de la milice de Brive , une grande assiduité aux assemblées de i hôtel de ville et des intentions bien connues pour le maintien de la Révolution. Sur quoi on se contentera ue demander à ces messieurs, s’ils pensent véritablement que tous ceux qui ont pris les armes pour former la milice nationale, qui ont été assidus aux assemblées, et qui ont montré du zèle pour la Révolution, sont par cela seul à l’abri de tout soupçon, sont tous des hommes irréprochables, incapables d’aucune mauvaise action, incapables de brûler et de piller les châteaux et même des maisons de simples bourgeois, etc. ; que si, comme beaucoup d’exemples Te prouvent et comme le plus simple oon sens renseigne, il est très possible qu’a un très grand zèle pour la Révolution, on joigne des actions très criminelles; il faui eu revenir à juger la conduite du sieur Durieux d’après les laits; et Ton a vu combien, en suivant cette route, on arrive à des préventions fâcheuses p�ur lui. Les députés nous assurent ensuite qu’à Alassac le sieur Durieux s’est comporte de manière à ne pas mériter le blâme de ses supérieurs , et eux-mêmes se dounent comme garants de sa conduite, et prétendent que le sieur de Lamaze lui devrait des remerciements, au heu de se porter pour son dénonciateur. Mais ces messieurs nous permettront d’observer que, de ce qu'ils n'ont ni vu aucune action blâmable, ni entendu aucun propos violent du sieur Durieux à Alassac, il ne s’ensuit pas qu’il n'ait ni commis d’action blâmable, ni tenu des propos violents; car pendant 12 ou 14 heures que la milice de Brive est restée à Alassac, iis ne diront pas sans doute qu’ils n’ont jamais perdu de vue le sieur Duneux , et leur témoignage négatif ne détruit pas la force des dépositions consignées 57 dans l’information sur ce qui s’est passé à Alassac. Or, dans l’information faite contre le sieur Durieux, parmi les témoins entendus, le 1er, le 3e, le 4e, Te 5e, le 10e, le 12e, le 14e, le 17e, le 19e, le 20e, le 22e, le 36e, le 46e déposent de propos séditieux et inflammatoires de Durieux à Alassac, et le représentent comme ayant excité et encouragé les violences qui s’y sont faites. MM. les députés voulant affaiblir les soupçons, qui résultent bien naturellement contre le sieur Durieux de son voyage de Brive à Favars, situé à quatre lieues de Brive, où il se rend dès le lendemain du pillage, et où il est accusé d’avoir reproché aux paysans de s’être mal défendus contre la maréchaussée et la milice nationale, et de leur avoir enseigné à se défendre mieux désormais, nous disent que Durieux allait à Tulle , et que Favars étant sur sa route , il fut obligé d'y passer , et que la vue des corps des paysans tués la veille y exalta son imagination , ce qui lui fit tenir à Tulle des propos indiscrets, à l'occasion desquels il y a été arrêté. On remarquera d’abord qu’il n’est pas vrai que Favars soit sur le chemin de Brive à Tulle, de sorte, comme ces messieurs le disent, qu’on soit obligé d'y passer. Lorsqu’on voit d’ailleurs le sieur Durieux se trouver à toutes les émeutes, et courir, pour ainsi dire, les séditions, on peut bien croire que ce n’est pas uniquement pour suivre sa route qu’il s’est rendu à Favars en allant à Tulle. Après tout, il avait sans doute le droit d’aller à Favars, mais il n’avait pas celui de reprocher aux paysans de n’avoir pas brûlé le château, de les excitera de nouvelles violences, de les rassurer contre la milice et la maréchaussée de Tulle, en leur enseignant à s’en défendre; et comme ces faits sont établis par des dépositions, il faut, pour les détruire, autre chose que les témoignages d’estime que donnent au sieur Durieux Messieurs les députés. Or, parmi les témoins entendus contre Durieux, le 7e, le 8e, le 11e, le 46e déposent des propos tenus par Durieux à Favars; propos qu’on ne peut regarder comme de simples conversations, et dont la tendance manifeste était, selon i’exposé des témoins, d’exciter les paysans au pillage, à la sédition, aux attroupements. Les deux députés, suivant encore l’apologie du sieur Durieux, ajoutent que, loin d’avoir fomenté aucune insurrection contre la ville de Martel, ils ne croient pas qu’il y ait mis les pieds. Il ne s’agit pas de ce que croient ou ne croient pas MM. les députés ; on recueille des informations par témoins, que le sieur Duneux a été à la tête des attroupements de la ville de Martel: il faut ou démentir les témoins, ou en convenir, et l'opinion des députes ue fait rien à cela. Que peuvent-ils opposer en effet aux dépositions des 16e, 23e, 44e, 45e, 48e, 49e, 50e, 51e, 53e témoins, assurant tous que Durieux était à la tête de l’attroupement de Martel, et quelques-uns qu’il rangeait ies attroupés en ligne? Que peuvent-ils enfin contre ies dépositions qui nous montrent Durieux exerçant les violences, excitaut les insurrections à Yegennes, à Lissac, à Jugeai, à Giguac, etc. ’t G’est sans doute la difficulté de contestér tous ces faits qui a réduit ies députés à chercher des excuses pour Durieux, eu ies supposant vrais. iis disent d’abord que « l’imagination de Durieux, facile à émouvoir, a été exaltée à Tulle par la vue des préparatifs de guerre fort déplacés 38 [Assemblée nationale-} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. qu’il y trouva, et qu’il lui échappa à cette occasion certains propos indiscrets-» Ces propos doivent se trouver dans l’information, et ce n’est que d’après les pièces qu’on peut juger si la qualification de propos indiscrets n’est pas un peu trop faible pour désigner ceux qu’a tenus le sieur Durieux. On voit bien qu’un homme dont l’imagination s’exalte si facilement, a pu dépasser de beaucoup cette mesure; et après tout, lorsque les magistrats ont à empêcher ou à punir des propos séditieux, il ne sont pas tenus, cerne semble, de s’informer si celui qui les répand dans le peuple a une imagination facile à s’exalter. Ils voient le fait et ses suites dangereuses à la tranquillité publique, sans remonter aux causes. Ils ajoutent un autre aveu qui trahit bien toute la faiblesse de leur cause, en se rejetant sur les attaques d’épilepsie auxquelles cet homme est sujet : mais que n’ont-ils eu recours à ce moyen tout de suite? Ils n’avaient besoin d’aupun autre. Un homme dont l’esprit s’aliène à la suite d’un mal aussi terrible que l’épilepsie, ne peut plus être coupable. Si le sieur Durieux s’est trouvé à toutes les émeutes du pays, s’il a excité les paysans aux pillages, aux incendies, s’il a dit aux gens de Tulle que les canons étaient là pour les massacrer, etc., c’est qu’il se ressentait des attaques de son épilepsie, et qu’il avait l’esprit aliéné. Ce fait une fois constaté, Je crime s’évanouit, s’il est commis dans l’accès. Il ne faut que plaindre le malade. Il faut seulement tenir renfermé un homme auquel les accès de son mal laissent des mouvements si dangereux, et en ce cas encore, il faudrait qu’il fût toujours gardé à Tulle, et non pas rendu à Brive , où la bonne opinion qu’on a de lui, malgré son épilepsie, pourrait engager les habitants à lui rendre une liberté si funeste et à le faire de nouveau membre de leur comité. Nous ne pouvons nous dispenser d’ajouter quelques observations sur une autre pièce, tendant aussi à la justification du sieur Durieux, et J faite dans les mêmes principes. Elle est signée: I les membres du comité et de la garde nationale de la ville de Brive, et revêtue d’environ vingt signatures. L’apologie qu’on y fait de sieur Durieux est fondée sur les motifs suivants : Que lp sieur Durieux n'a été qu'indiscret , qu'il a ignoré les dispositions de la loi martiale, et qu'il a été emporté par son zèle pour la Révolution ; qu'il a souvent des atteintes de démence et d'aliénation d'esprit, ce qui est attesté par les médecins ou chirurgiens, et enfin qu'il est chargé d'une nombreuse famille. Cette apologie rentrant à beaucoup d’égards dans celle que nous venons de combattre, il nous suffira d’observer: 1° Que les informations font foi que les propos du sieur Durieux ont un tout autre caractère que celui de la simple indiscrétion; 2° Qu’un citoyen aussi zélé pour la Constitution, aussi assidu aux assemblées de l’hôtel de ville que l’a été le sieur Durieux, selon le témoignage que lui rendent les députés de la ville de Brive dans le mémoire remis au comité des rapports, et que nous analyserons tout à l’heure, ne peut pas avoir ignoré l’existence, et les dispositions, et le but véritable de la loi martiale ; 3° Que le zèle pour la Révolution ne saurait excuser des actipns vraiment criminelles, s’il est prouvé que le sieur Durieux en ait commis de telles. [2 juin 1790.1 4° Qu’il y a contradiction à vouloir justifier un homme d’actions violentes, séditieuses et même criminelles, lorsqu’on convient qu’il a souvent l’esprit aliéné, et qu’il est abandonné à lui-même, et sans cesse en activité comme le sieur Durieux; 5° Enfin que la considération de la nombreuse famille dont est chargé le sieur Durieux peut exciter la compassion envers elle, et non envers celui qui, avec de plus puissants motifs, serait coupable du crime de lèse-tranquillité publique. Telles sont les réflexions que nous avions à opposer pour notre province, et pour la ville de Tulle , et pour tous les citoyens qui ont défendu leurs propriétés contre les brigands, aux deux pièces présentées par les députés extraordinaires de Brive, soit à l’assemblée de la commune de Paris, soit au comité des rapports, et qui ne tendent à rien moins qu’à excuser des violences intolérables dans tout pays policé, et dont l’impunité ne peut se concilier avec la tranquillité publique. La province se plaindrait des députés extraordinaires de Brive avec moins d’amertume, s’ils n’eussent employé d’autres moyens que des pièces de ce genre, qui sont judiciaires et soumises à l’examen de juges qui, pouvant constater les faits et discuter à fond la validité des preuves, arrivent à la vérité, et y ramènent tôt ou tard l’opinion publique. Mais comment pardonner à ces députés d’avoir consigné dans des ouvrages périodiques, le journal du sieur Mercier et le Journal de Paris, des imputations injurieuses à toute une ville, à toute une province, à un grand nombre de citoyens, à un corps de magistrats ; des imputations dépourvues de preuves, et qui sont de nature à ne pouvoir jamais être présentées séparément des preuves qui pourraient les appuyer, s’il y en avait de telles ? ün ne peut prendre sans doute des moyens trop prompts et trop efficaces de publier et de répandre la vérité, de dénoncer l’oppression, et de venger hautement l’innocence; mais c’est la vérité prouvée, l’oppressioR constatée, l’innocence reconnue; et si on répand des faussetés, si l’on dénonce comme coupables d’oppression des hommes opprimés eux-mêmes, et leurs oppresseurs comme innocents, et si, pour accréditer ces calomnies, ou seulement des accusations dénuées de preuves, on se sert d’un ouvrage périodique, dont il se répand en un jour plusieurs milliers d’exemplaires, ne se rend-on pas coupable envers la société? L’imprimerie était déjà une arme terrible dans les mains de la calomnie; mais bornée à ses moyens ordinaires, et, pour ainsi dire naturels de diffusion, elle était bien moins meurtrière, qu’aidée, qu’on nous pardonne cette expression, des ailes que lui prête la périodicité. Une calomnie répandue dans un livre ordinaire ne se propage que lentement ; elle va successivement à différents lecteurs, et à un beaucoup moindre nombre; on a quelque temps pour en prévenir les effets, ou pour s’en défendre ; en la repoussant aussi dans un ouvrage imprimé, on la combat avec des armes moins inégales. Mais comment se défendre d’une imputation calomnieuse, reçue en une matinée par dix mille personnes, et transmise, dans la journée, à vingt et quarante mille antres ? Reste-t-il quelque moyen humain de détromper des hommes avides de croire le mal, ayant toujours les oreilles ouvertes à la calomnie, et ennuyés du seul titre de réponse, de défense, d’apologie ? A Dieu ne plaise qu’on veuille donner atteinte [Assemblée pénale.] ARCHIVES PARLEMENTAMES. [2 jujo �9Q.[ $9 ici à la liberté de la presse, ce moyen conservateur dés sociétés, et fa véritable spurce où elles peuvent puiser le bonheur auquel elles doivent atteindre! Mais cette liberté utile est celle de la discussion des principes généraux, des vérités fécondes, et non des faits individuels et des allégations personnelles-Le bonheur des sociétés ne tient pas* à ce qu’on puisse imprimer, sans preuves et sans autorité, et surfont jipprinier dans un ouvrage périodique, qu’un tel individu, même lorsqu’il remplit des fonctions publiques, est coupable d’un tel crime, d’une telle prévarication; il n’est point nécessaire aux Rrogrès des lumières qu’on puisse avancer dans les Annales politiques que le prévôt de Tulle et les magistrats avec lesquels il a jugé sont des aristocrates, qui ont pris pour victimes les bons citoyens, qui les immolent au ressentiment des riches privilégiés , et les as~ sassinent par le couteau des aristocrates ; ou dans le Journal de Paris, que le glaive du prévôt de Tulle se promène, frappant comme au hasard des têtes innocentes. Cet usage de la presse est moins funeste encore par l’effet qu’il produit dans la capitale, que par ceux qu'on en ressent au loin et dans les provinces-Ici l'impression d’une calomnie est affaiblie par cent autres qu’on entend ou lit le même jour. L’abus énorme qu’on en fait devient lui-même un remède au mai-Drailleurs l’erreur, en ce gpnre, conduit plus difficilement les habitants d’une grande ville à l’action ; et enfin une police vigilante et vigoureuse peut y empêcher plus aisément l’abus qu’on peut faire d’un semblable moyen. Mais en province c’est autre chose-Un papier périodique s’y répand, où l’auteur traite à sa manière, avec ses préventions, ses préjugés, et quelquefois son injustice ef sa violence, des hommes qui sont l’objet de l’attention publique; et dans le cas dont il s’agit ici, les officiera d’un tribunal, d’une municipalité, les chefs de la garde nationale, une classe entière de citoyens désignés sous le nom de ci-devant privilégiés, de propriétaires, de bourgeois, de riches qui ont été forcés d’implorer la fprce publique contre une partie nombreuse du peuple. Les déclamations du journaliste deviennent le texte d’un démagogue forcené; et, la feuille à la main, il entraîne le peuple à de nouveaux excès. Voilà certainement des abus de la liberté de la presse, à laquelle il faut bien que la nation trouve quelque remède; et ce que nous allons relever des Annales politiques et du Journal de Paris en fera sentir encore mieux la nécessité. La pièce insérée dans les Annales politiques et littéraires , dont nous ayons lieu de nous plaindre, est une lettre datée du % mars, et signée des sieurs Serre jeune, et Faye, se disant députés extraordinaires de la commune de Brive. Qn y dit d’&bord, que tes troubles du Bas-Limousin ont été exagérés par les aristocrates nombreux de ce pays, avec leur malignité ordinaire , quoiqu'ils puissent bien eux-mêmes en être les auteurs secrets. Ce qu’on peut dire de plus modéré sur cette première allégation, dénuée de preuves et de vraisemblance, est que les auteurs de la lettre ont écrit avec l’étourderie de leur âge et la violence de leurs opinions. Ie Dire que les désordres de la province ont été exagérés, c’est se soumettre à l’obligation de s inscrire en faux contre les procès-verbaux où Ton présente des habitations pillées, des citoyens rançonnés, des chaussées d’étang percées, des troupes de sept à huit cents brigands parcourant et dévastant le pays, et menaçant partout la tranquillité et la sûreté des citoyens, et ces procès-verbaux n’ont pas encore été argués de faux-En second lien, n’est-ce pas une lâcheté d’appeler du nom odieux d 'aristocrate? fies gens qui racontent }es violènces dont h§ opt souffert, et les accuser de malignité, lorsqu'ils sè plaignent des excès dopt ils ont été les victimes ? En troisième lieu, qu’est-co que cette étrange imputation faite aux prétendus aristocrates, d’être les auteurs secrets des dévastations dp leurs propres possessions? Qu’une calomnie aussi dépourvue de sens Puisse être crue Rar le peuple le plus grossier, c’est ce qu’on a peine à comprendre; mais comment concevoir que les deux députés de Brive se la permettent? On peut dire, il est vrai, qu’ils ne la donnent pas comme prouvée, et qu’ils se contentent de dire que les aristocrates du Limousin pourraient bien être les auteurs secrets du pillage de leurs, propres maisons . Mais quelle criminelle légèreté dans des hommes revêtus d’un caractère public, que d’appuyer sur une prétendue possibilité une imputation atroce 1 Dans quelle morale et chez quelje natipu policée peut-il être permis de répandre, par la vqie de l’impression, que tel ou tel citoyen , ou un ordre de citoyens, peuvent bien être les auteurs secrets d’un crime, et dont les auteurs immédiats sont connus? Les auteurs de la lettre attestent ensuite au public, que les paysans de la province sont en général d'un bon naturel; et ce n’est pas nous qui démentirons, en cela, leur témoignage. Mais à quoi peut-il servir en une pareille cause? Qn peut dire généralement, et avec vérité, que les hommes sont bons; que les peuples policés sont bons; que le peuple des grandes villes Test; et cependant, dans les temps d’agitations, fie troubles, de guerres civiles, que d 'atrocités ne se sont pas commises! l’histoire de toutes les nations en est remplie. Nos provinces en ont été récemment le théâtre; et jusques dans la capitale, on en a vu des exemples qui ont fait frémir l’humanité, et que tous les bons citoyens voudraient effacer de leur souvenir. Jl est vrai que c’egt prostituer le nom de peuple, que de le donner à des hommes capables de ces excès-Mais c’est l'effet malheureux des grandes agitations populaires de faire oublier aux hommes leur justice et leur bonté naturelle-En disant que le peuple du Ças-Limousin est bon, on n’opère donc pas sa justification. Dans tous les temps, disent les députés, les, paysans ont été cruellement vexé?, et Us n'ont encore tiré aucune vengeance (le cès vexations - On demande à toute personne qui a conservé quelque sentiment de justice et de modération, si ce langage et ces expressions sont convenables dans la bouche des députés d’une commune, d’hommes qui ont revêtu un caractère public? Les vexations dont ils perlent ici, en les supposant les plus réelles et les mieux constatées, tenaient à Tordre ancien, ou étaient fies violences particulières et personnelles des seigneurs et des riches Dans le premier cas, il est aussi déraisonnable qu’injuste d’approuver les vengeances que tireraient aujourd’hui les paysans de ce qu’on appelle les vexations qu’ils ont souffertes de l’ancien régime féodal. Tout ce que peut et dqit faire une nouvelle Constitution, est de détruire jusques dans leurs racines les abus auxquels donnait lieu l’ancien état ; et c’est ce qu’a fait l’Assemblée, et 60 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, |2 juin 1790.] ce qui lui méritera la reconnaissance éternelle de la nation. Mais l’Assemblée n’a pas prétendu, sans doute, qu’après avoir détruit ces tyrannies, qui étaient celles des lois, et non celles des hommes, il restât au peuple le droit de s’en venger aujourd’hui; et la même justice et la même humanité qui l’ont conduite à rendre au peuple ses véritables droits, lui feront regarder dans le peuple, comme autant de crimes punissables par toute la rigueur des lois, tout acte de violence dicté par le retentissement de ce qu’il a souffert de l’ancien désordre. Il est bon d’observer que la province du Limousin ne connaissait point de servitudes personnelles, et que parmi les défenseurs des seigneurs se sont presque toujours trouvés leurs censitaires. Quant aux vexations particulières qu 'auraient pu exercer tels ou tels seigneurs envers les paysans, MM. les députés de Brive auraient dû les rapporter. 11 est bien aisé d’avancer dans un papier public, que, dans les paroisses où le désordre a régné, ce désordre a été le fruit de l'imprudence ou de la cruauté des ci-devant privilégiés. Mais une assertion de cette nature doit être prouvée authentiquement, sous peine d’être regardée comme une atroce calomnie. Nous sommons donc les sieurs Serre et Paye d’articuler quelles cruautés, ou, si l’on veut seulement, quelle imprudence ils ont commise envers des paysans dont la plus grande partie au moins n’étaient pas de leurs terres. La dame de Saint-Hilaire, dame de Favars, le sieur de Lamaze, seigneur de Roussignac, et les dix bourgeois d’Alassac, dont les maisons ont été pillées, et les Chartreux de Glandier, etc.; et nous osons dire que leur silence forcé accusera la fausseté de l’imputation qu’ils n’ont pas craint de se permettre. Nous ajouterons enfin que si, parmi les propriétaires dont les habitations ont été dévastées, il y en a qui aient commis des violences antérieures, ce ne serait pas encore de quoi justifier les excès que des troupes de paysans se sont permis; sans doute, nous n’en sommes pas encore à n’avoir de justice que celle que chacun peut se faire à soi-même. Les auteurs de la lettre, continuant l’apologie des brigandages commis dans notre province, nous donnent comme une puissante raison: qu 'aucun des ci-devant privilégiés n'a été tué ni blessé; qu'aucun château n’a été incendié ni pillé, proprement dit , tandis que du côté des paysans on compte plus de 30 morts, et un plus grand nombre de blessés. 11 y a dans ce peu de lignes beaucoup de déraison et de grandes faussetés. La déraison est à prétendre conclure quelque chose en faveur de brigands qui assaillent, de leur maladresse même. Ils n’ont tué personne: mais n’ont-ils pas tiré? MM. les députés nieront-ils ces faits, déposés dans tous les procès-verbaux? Il n’est point rare, et il est tout simple que des paysans mal armés, sans ordre, incertains et chancelants jusque dans le crime même, auquel ils sontentraînés, tirent mal et ne tuent personne; et si des hommes qui se défendent de leurs maisons, accoutumés à manier des armes, ajustent mieux leurs coups, que s’en suit-il de là qui puisse justifier les premiers et accuser les seconds ? Mais que dire de cette assertion de MM. les députés de Brive, qu’aucun des ci-devant privilégiés du Bas-Limousin n’a été tué ni blessé, lorsque les procès-verbaux font foi du contraire? Le vieux M. de Lissac, après avoir vu élever une potence pour lui à la porte de son château, après avoir été insulté par Durieux, est mort le 6, et sa veuve forcée d’abandonner sa maison au pillage pour sauver sa vie et celle de ses enfants. Maisil estdurde la part de ces messieurs d’exiger que ce soient précisément des privilégiés qui aient été tués ou blessés; et si parmi ceux qui ont défendu les privilégiés, il y en a eu de tués ou de blessés, ils conviendront sans doute que leur raisonnement en sera fort affaibli. Or, il est constant par le procès-verbal dressé àl’occasion de l’émeute de Favars, appartenant à la dame de Saint-Hilaire, que le sieur de Marsillac, lieutenant de la maréchaussée y a reçu un grand nombre de balles dans le corps, et que deux cavaliers de la maréchaussée et plusieurs volontaires delà garde Tulle ont été grièvement blessés. Mais l’excès de l’étourderie et de la légèreté, car nous ne pouvons penser que les députés de Brive aient sciemment nié des faits notoires et publics, est de dire, ainsi qu’ils le font, qu'aucun château n'a été incendié ni pillé, proprement dit. C’est d’après la teneur de procès-verbaux que nous avons rapporté ci-dessus les désordres commis à Alassac, à Favars, à Glandier, etc. Nous ne savons pas s’il y a d’autres manières de piller que celle-là, et nous demanderons ce qu’il faut y ajouter pour en faire un pillage proprement dit? Mais après tout, et quand on pourrait encore faire mieux en matière de pillage, il faudrait être bien aguerri pour n’être pas effrayé de celui-là, et pour entreprendre de calmer l’indignation qu’il doit causer. Mais MM. les députés ne se contentent pas de détendre les auteurs de ces excès, en niant ou atténuant les faits; ils vont jusqu’à faire un crime aux malheureux ci-devarit privilégiés, des moyens qu’ils ont employés pour se défendre. « Ce que n’ont eu garde de dire les perfides « ennemis du peuple, c’est l’attentat qu’ils ont « commis eux-mêmes en publiant la loi martiale, « sans le concours ni l’aveu des municipalités « et en tirant sur un peuple désarmé, assemblé « uniquement pour brûler les bancs d’une église, « et en faisant feu les premiers sur le peuple en « un autre endroit, sans qu’il ait été question de « la loi martiale. » On le demande aux hommes modérés et justes: ce tangage dans des hommes publics est-il tolérable ? Peut-on pardonner aux députés de la ville de Brive de traduire ces citoyens qui viennent de souffrir si horriblement des violences du peuple, sous le nom de perfides ennemis du peuple*} Veulent-ils donner le signal d’égorger tous les ci-devant privilégiés, veulent-ils allumer la guerre civile? Et combien ne sont-ils pas plus coupables encore, si les faits sur lesquels ils appuient une si criminelle déclamation, sont notoirement faux et démentis par toutes les preuves sur lesquelles les hommes peuvent et doivent fonder leur croyance? lis ne craignent pas de dire que dans l’émeute d’Alassac la loi martiale a été publiée sans le concours ni l’aveu des municipalités. Mais le procès-verbal fait par les officiers municipaux de la ville d’Alassac atteste qu’avant le pillage des maisons bourgeoises d’Alassac et les insultes faites au château de Rouftignac, les officiers municipaux avaient fait des représentations au peuple, et l’avaient sommé de se retirer; qu’en-suite eux-mêmes, joints aux notables, Jurent la [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1790.] 0j loi martiale aux gens attroupés, en arborant le drapeau rouge. Ils avancent qu’on a tiré sur un peuple désarmé, et tous les procès-verbaux constatent que les pillards d’Alassac étaient armés, non seulement de bâtons, de piques, de ferrements, mais encore de fusils. Tous n’en avaient pas sans doute, et bien en prend au pays, mais un grand nombre parmi eux en avaient. Tous les récits de l’action s’accordent sur ce point. Dans les détails du procès-verbal cité ci-dessus, il est fait mention des marques et traces des coups de fusil dans les portes, dans les fenêtres, et enfin un peuple nombreux qui lance des grêles de pierres n’est-il pas armé? lis disent que ce peuple était assemblé uniquement dans l’intention de brûler les bancs d’une église, et ce peuple a détruit dix maisons dans la petite ville d’Alassac; et pour brûler uniquement les bancs on pouvait se dispenser d’assiéger la maison du seigneur à onze heures du soir; et il est constant que tant qu’ils n’ont fait que brûler les bancs, les gens du château n’ont pas tiré sur eux, et encore une fois tous ces faits sont consignés dans les procès-verbaux. Ils soutiennent qu’en un autre endroit les perfides ennemis du peuple, c’est-à-dire des hommes qui défendaient leur domicile et leur propriété contre une troupe de brigands auxquels on prostitue le nom du peuple, ont fait feu les premiers . Nous dirons d’abord qu’il n’est point prouvé qu’en aucun endroit les propriétaires aient tiré les premiers sur le peuple. Il nepeutêtreeneffet question que des deux affai-faires d’Alassac et deFavars.Or,à Alassac il est prouvéau procès-verbal et par les informations, que le seigneur d’Alassac et ses amis, assaillis dans leurinaison, et se présentant dans la cour, ayant demandé aux brigands ce qu’ils voulaient, et les ayant avertis de se retirer, ceux-ci répondirent qu’ils voulaient du feu, et firent en même temps une décharge de beaucoup de coups de fusil, ce qui détermina les gens du château à cheval de foncer sur eux, et les hommes à pied de tirer aussi. Quant à Favars, il est encore constaté, par les procès et l’information, que les brigands ont les premiers tirés sur le lieutenant de la maréchaussée, qui s’était avancé pour raisonner, et qui a reçu plusieurs balles, tant dans le corps que dans ses habits; qu’il a trois postes dans les chairs d’un bras et plusieurs blessures dangereuses; que plusieurs cavaliers et chevaux de sa troupe ont été blessés. Telle est l’infidélité révoltante des auteurs de la lettre envoyée au journal du sieur Mercier ? Mais que fait à la question présente que des gens attaqués aient tiré les premiers, ou tiré sans avoir publié la loi martiale, ou après l’avoir publiée sans officiers municipaux? L'établissement de la loi martiale a eu pour objet de réprimer, par un appareil imposant, les mouvements populaires à leur naissauce, et même avant qu’ils soient portés jusqu'aux voies de fait. Une insurrection se forme ; le peuple a des griefs, il les expose; on en reçoit la dénonciation; on signifie au peuple la loi, on le somme de se dissiper; s’il résiste ou s’il s’obstine, la loi martiale autorise à faire feu en ce cas, même quand le peuple n’exercerait aucune violence. 11 n’est pas possible de contenir par d’autres moyens un peuple nombreux, qui une fois assemblé au nombre de plusieurs milliers d’hommes, si on donne à l’attroupement le temps de se former, renverserait tout devant lui comme un torrent impétueux. Mais il est sensible que si ce même peuple était actuellement occupé à dévaster, à saccager, à massacrer, il serait bien ridicule de venir lui lire la loi martiale, et de lui faire trois sommations pour rengager à cesser ses violences. Si le peuple de Paris pillait actuellement la Caisse d’escompte, ou le Trésor royal, où le palais des Tuileries, nous ne pensons pas qu’aucun officier chargé de la sûreté publique se crut obligé de faire lire la loi martiale par un officier municipal avant de repousser la force par la force. Ce que la force publique ferait pour défendre des établissements publics, tout particulier, soit en invoquant cette force, soit en employant à sa défense ses propres moyens, est en droit de le faire. Je n’ai besoin ni de loi martiale, ni d’officier municipal pour la lire, lorsque ma maison est investie par des brigands. Le droit de la défense naturelle me suffit sans la loi martiale. Je n’ai point d’explication à demander à des voleurs et à des assassins, à des violateurs de l’asile domestique ; par la raison que je puis tuer d’un coup de pistolet le voleur qui m’arrête sur un grand chemin, je puis, de mon autorité privée, tuer ceux qui m’attaquent dans ma maison : ce sont les lois de tous les pays, et ce n’est pas assurément dans des temps de trouble et de désordre comme celui où nous vivons qu’on peut y apporter des exceptions. Si ces principes sont incontestables, je demande comment on peut faire un crime, soit au sieur de Lamaze et à ses gens, assiégés par des brigands, soit à la milice nationale et à la maréchaussée de Tulle, dans l'affaire de Favars d’avoir tiré, sans avoir lu Ja loi martiale, sur des gens pris en flagrant délit, attroupés au nombre de sept à huit cents, perçant les digues et chaussées des étangs, pillant le château, etc. ? Etait-il besoin de leur demander ce qu’ils faisaient et ce qu’ils voulaient, et fallait-il leur expliquer qu’ils étaient coupables d’une méchante et criminelle action en se portant à de si grands excès? Et cependant ceux qui ont ramené, par une conduite courageuse et ferme, la tranquillité de la province, et qu’on inculpe ici d’avoir abusé de la force contre un peuple qu’on appelle désarmé, et en particulier le commandant de la maréchaussée et celui de la milice de Tuile, n’ont pas suivi ces maximes sévères et justes à la rigueur, dans l’affaire de Favars en particulier. Ils n’ont donné des ordres rigoureux qu’après avoir essayé tous les moyens d’humanité et de douceur. C’est en exhortant les séditieux à se retirer que le sieur de Marsillac reçut à la fois quatre coups de fusil, dont aucun heureusement n’a été mortel, mais qui ne sont pas moins une preuve de la violence du peuple et de la modération de ceux qui voulaient le contenir. Nous terminerons ici les réflexions que nous avions à opposer aux imputations calomnieuses insérées dans le journal du sieur Mercier contre la milice nationale et la municipalité de notre ville, et la maréchaussée qui a prêté son secours aux propriétaires attaqués, et contre ces propriétaires qui se sont défendus. Nous avons aussi sujet de nous plaindre du Journal de Paris , du lundi 8 mars, n° 67, où l’on paraît avoir recueilli aveuglément, et avec la même précipitation, les inculpations injustes faites aux propriétaires de la province, repoussant des brigands, et à la municipalité, et à la milice nationale qui leur a prêté leur secours, 62 £ [Assemblée nationale.] ARCHIVES RAÜLEMENTÀIREâ. [i jttiâ 1790.] et au prévôt et à la sénéchaussée qui bht condamné les coupables ptis les armes à là main et rétabli la tranquillité publique par cette jùste sévérité. Il s’en faut bien , dit d’abord lè journaliste, qu’il soit prouvé de quel côté ont été les plus grands crimes , ou du côté des paysans qui se sont attroupés en tumulte et en sédition autour des châteaux, ou du côté des propriétaires de ceS châteaux. N’est-ce pas là un étrange exposé dé la question? Les propriétaires dont les châteaux sont investis par les paysahs ne sont manifestement pas les agresseurs ; iis n’ont pas attiré ces paysans autour dé leurs demeures pour les assassiner. Ces paysans attroupés autour des châteaux, en tumulte et en sédition, y venaient pour piller et exercer des violences, puisque le pillage, les dégâts, et les violences ont ôté partout l’objet avoué et la fin de toutes les expéditions de ce genre. Dès lors, comment peut-on douter de quel côté sont les crimes, puisqu’eh un cas pareil le seul criminel est l’agresseur, selon les notions du plus simple bon sens? . Cependant le doute du journaliste est fondé sur ce que, selon liii, si les paysans se sont attroupés en tumulte et en sédition, ce qu’il veut bien regarder comme un crime, de leur côté les propriétaires des châteaux ont fait feu sur ces paysans, tantôt sans aucune formalité, tantôt en faisant lecture de la loi martiale, que ces malheureux paysans ne pouvaient pas entendre, et sans avoir avec eux aucun officier municipal. On voit que ces allégations ont été prêtées à l’auteur du journal par les deux députés de Brive, et qu’il les a crues sans examen. Les observations que nous avons faites ci-dessus en démontrent pourtant la fausseté, qui résulte de l’inspection des procès-verbaux. Mais n’est-il pas affligeant de voir un ouvrage aussi répandu que le Journal de Paris, propager dans tout le royaume, contre l’intention dé l’auteur, une calomnie qui ne tend à rien moins qu’à excuser le brigandage et à inculper ceux qui en sont les victimes ? Peut-on mettre une si grande légèreté à l’adopter sur un simple récit de personnes en qui l’on pourrait soupçonner et craindre des préventions ? Nous répéterons encore ce que nous avons dit plus haut de l’importance attachée mal àproposà la lecture de la loi martiale à des gens exerçant des violences actuelles. Est-ce que les paysans les plus grossiers ont besoin de tant d’explications pour comprendre qu’il ne sont pas en droit de piller les maisons, ae rançonner les propriétaires, de crever les digues des étangs, etc. ? Est-ce le temps de leur expliquer la loi martiale, que celui où ils sont actuellement occupés à commettre ces violences ? Mais voici le grand reproche du journaliste de Paris. Ce qu’il y a de certain, ait-il, c’est qu’aucun propriétaire de château n’a été tué et qu’un grand nombre de paysans est resté sur la place. Mais le journaliste ne pouvait-il pas considérer qu’il n’y a, dans chaque lieu qu’on pille, qu’un propriétaire de château contre un millier de brigands qui l’assaillent, ce qui donne à ce propriétaire beaucoup de chance d’échapper-Le propriétaire de château est d’ailleurs renfermé chez lui et défendu par des murs; il s’expose moins ; il fait la guerre défensive ; au lieu que les brigands, pour le piller, obligés d’escalader ses murs et de forcer ses portes, sont, il faut en convenir, exposés à un plus grand danger. Nous ! avonë observé d’ailléürs ci-dessus que les malheureux paysans sont mal armés et tirent mal. Il ne faut abnc pas s’étonner que, jusqu’à présent, aucun prdpHëtàirë dé château n’ait été tué dans le bas LirfiOUsih. Mais nous ne noüs étonnerions pas noii plus que le Journal de Parié, ënvoyé dans ces prdvinbes; en fît tuer désormais davantage. Quaiit aü nombre de paysans qui ont été tüës en assiégeant et pillant les eliàtëâux, l’auteur du journal aufait dû lé faite connaître à SëS léb-teurs, afin qu’ils pUssênt juger s’il fest gland en ëffet. Grand est un terme de relation. Certainement c’est trop d’un seul homme tüë (à moins qu’il ne soit propriétaire de châtëau) ; mais après avoir vu des troupes de sept à huit cedts brigands, marchant au pillage et aux dévastations, faisant le siège des maisons qU’ori ne leur ouvre pas, violant l’asile domestiqué, mettant lës citoyens à contribution, cdttsumant fet dissipant les denrées d'ün père de famille, ëd litt mot, établissant une guerre Véritable du sein de leur propre pays, lorsque nous apprenons que dans vingt insurrëctibhs de ce genre il à péri Jbfüit ou dix de ces malheüreux, tués par des propriétaires qui se défendent sur leur propre terrain et dans ieurs foÿérs, ou par Uhë miiicë nationale qui leur prête son sfeeours , On peut dire sans barbarie que le nombre dës tués n’est pas grand, et hoüs ne verrons qu’une fausse hümahité et une fausse injustice dans l’écrivain qui prétend exciter la compassion envers d’irijustës ët viblënts agresseurs et le-blâme contre ceux qui les Obt repoussés, en faisant constater pathétiquement le nombre de ceux qui sottt tués en pillant âtec le petit nombre de ceux qui sont tüés en se défendant du pillage. Ce qu'il y a de certain, dit encore le journaliste, c’est que les malheureux paysans , après avoir été fusillés, ont été jetés dans des cachots, où on les tirait les uns après les autres pour les mener à la potence, sans avoir eu d’autres juges qu’un prévôt ; voilà des faits indubitables , tous les autres sont mat éclaircis. Ce qu’il y a de certain, dirons-nous, c’est que cet exposé est faux dans toutes ses parties. Les procès-verbaux font foi que de vingt-six prisonniers détenus, arrêtés dans l’affaire de Fa-vars, tous eu flagrant délit ou lés armes à la main, il y en a eu seize relaxés, quatre condamnés au carcan et au fouet sans marque, quatre à un an de prison et deux pëndus. On en a arrêtés une vingtaine en différentes occasions, mais dont aucun n’a été encore jugé ni exécuté, Que veut-on dire avec cette déclamation qui nous présente de malheureux paysans jetés dans des cachots d’où on les tire les uns après les autres , pour les mener à la potence ? Quoi ! c’est de deux brigands pendus sür vingt -six que vous arguez pour déployer une fausse rhétorique 1 Vous nous représentez une boucherie I il s’agit dans la vérité de deux hommes pris les armes à la main dans le piliâgë, et vous appelez cela tirer de leurs cachots de malheureux paysans les uns après les autres , pour lés mener à la potence ! Quel abus de l’art d’écrire, et quelle éloquence que celle qui altère ainsi la vérité î Mais c’est bien pis encore de présenter ces hommes comme menés à là potence sans avoir eu d’autre juge qu’un prévôt. Le journaliste ne devrait-il pas savoir qu’un jugement prévôtal ne peut être prononcé qué par sèpt juges, sans compter le prévôt qui n’a que sa voix, et qtti ne la donne qu’après le rapporteur et un conseiller? [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [âjüin 1790.] Les jugements rendus à Tulle l’ont été d’après cette forme prescrite par les ordonnances encore en vigueur. Il y a même assisté un plus grand nombre de juges que celui qui est prescrit , car tous les magistrats de la sénéchaussée y ont intervenu et le jugement a été unanime. 11 y a plus, d’après les nouvelles formes judiciaires déjà établies par les décrets de l’Assemblée, l’information et audition des témoins ont été faites en présence des acccsés, et ils ont eu des avocats de leur choix. Gomment peut donc dire le journaliste que ces malheureux ont été menés à la potence sans avoir eu d’autre juge qu'un prévôt, et que c'est la un fait indubitable? et dirons-nous assez en lui reprochant sa légèreté et son inconsidération ? « En attendant que la lumière arrivât, continue-t-il, on faisait périr dans le supplice le plus infâme, des infortunés qui n’avaient répandu le sangde personne., et, qui en commettant quelques violences coupables, étaient plus égarés que criminels. » Nous avons déjà répondu à l’apologie des brigands, fondée sur ce qu’ils n’ont répandu encore le sang d’aucun propriétaire de château. Ici le journaliste, emporté par son zèle pour eux, va plus loin, et avance qu’ils n’ont répandu le sang de personne . Mais les procès-verbaux constatent ijue le lieutenant de maréchaussée, qui commandait à Fa-vars, a été dangereusement bleâsé en voulant parlementer avec les brigands ; que deux de ses cavaliers et plusieurs officiers volontaires de la milice nationale de Tulle ont reçu des blessures. Voilà donc du sang répandu, et ces faits sont plus incontestables et mieux éclaircis que ceux que le journaliste a crus si légèrement. Revenons d’ailleurs sur celle belle raison donnée comme une justification des brigands. Supposons qu’ils n’ont, en effet, répandu lê sang de personne, ce qui est arrivé en quelques endroits, soit par leur maladresse, soit par la fuite de ceux qu’ils attaquaient, soit parce qu’on ne leur résistait pas , est-ce là de quoi les justifier? Ils sont attroupés, ils sont en armes, iis forcent les maisons et les pillent : y a-t-il une seule nation policée où de pareils excès ne soient assimilés aux meurtres et aux assassinats, et punis de la même manière, et où l’on se croie obligé d’attendre que des brigands aient répandu le sang de quelqu’un pour les repousser à force ouverte ? On voit par là même combien l’auteur du journal est inconsidéré en présentant ces hommes comme plus trompés que coupables, et plus égarés que criminels. Que prouvent ces antithèses? Tous les malfaiteurs sont trompés, égarés ; mais, s’ils sont vraiment coupables , qu’importe la comparaison de leur égarement avec leur dépravation ? La loi ne peut instituer cette comparaison. Elle voit des actions violentes, criminelles, attentatoires à la tranquillité et à la propriété des citoyens et tendant au bouleversement de la société ; il faut bien qu’elle sévisse, ou la société s’en va dissoute. ■ Quelle erreur même peut-on supposer, dans les auteurs de semblables excès, qui puisse les excuser aux yeux de la loi ? Ont-ils pu se persuader qu’il leur était loisible de détruire et de piller les maisons, de crever les digues des étangs, de mettre les propriétaires à contribution, de planter des potences, de se faire donner par force des quittances d’arrérages de rentes, d’exiger des obligations, et seulement de s’attrouper au nombre de sept ou huit cents, et de courir les campagne en armes , contré la teneur de toutes les lois des peuples policés et de celles qui sont en vigueur parmi nous et qui sont connues des enfants mêmes? Ils ont donc été vraiment coupables, et coupables à leur escient; on les justifie donc mal en disant qu’ils ont été plus égarés que criminels. C’est une allégation non moins répréhensible de l’auteur du journal que de représenter, toujours en abusant des figures oratoires, le glaive du prévôt du Limousin qui se promène , frappant comme au hasard des tètes quipeuvent être innocentes. Quelle rhétorique que celle qui ne s’appuie pas sur la vérité et sur la justice! Gomment ce glaive, conduit pas un tribunal nombreux et régulier, soumis à toutes les formes prescrites pour constater le crime et ne pas compromettre l’innocence; comment, disons-nous, ce glaive est-il celui du prévôt seul, lorqu’il est vraiment celui de la justice; comment ose-t-on dire qu’il se promène au hasard , lorsqu’il ne frappe qu’après avoir reconnu le crime et le coupable? De quel droit suppose-t-on que des têtes condamnées par dix et douze juges, après uneinformation publique, peuvent être innocentes? Nous pourrions multiplier les questions de ce genre, mais il suffit de celles-là pour reconnaître combien légèrement le journaliste prononce que la justice et l’humanité doivent des remercîments à la commune de Paris, pour être venue supplier l’Assemblée nationale d’arrêter le glaive du prévôt du Limousin. C’est certainement une étrange chose que des citoyens attaqués dans leurs propriétés, pillés par des brigands, que ceux qui leur ont prêté un généreux secours, et que les magistrats qui ont jugé les hommes coupables de ses excès, soient forcés de descendre à une sorte dè justica-tion contre des imputations imprimées dans un ouvrage périodique qui va se répandant dans leurs provinces, et qui est capable d’y ramener les désordres qu’on y a réprimés si difficilement. Mais tel est l’empire des circonstances, qu’aucune précaution n’est à négliger, même pour les hommes les plus irréprochables, lorsqu’ils ont à craindre les mouvements publics. C’est ce qui nous a déterminés à demander au rédacteur des Annales politiques d’insérer dans ses propres feuiiles un désaveu de sa facilité à admettre la lettre de MM. les députés de Brive. Nous avons droit d’attendre la même justice de l’auteur du Journal de Paris , lorsque nos observations lui seront parvenues, et nous lui demandons hautement ou de les démentir preuves à la main, ou de convenir qu’il a cru trop légèrement les députés de Brive. Voici, au reste, de quoi rendre pour lui ce désaveu plus facile, en même temps qu’on y trouvera une approbation bien flatteuse de cette même conduite, qu’il n’a pas craint de censurer avec tant de véhémence. Cette pièce est une copie de la lettre écrite par M. le président de l’Assemblée nationale à la garde nationale de la ville de Tulle, le 7 mars 1790, c’est-à-dire au même jour où le journaliste écrivait contre cette même garde, et contre les propriétaires qu’elle a secourus, la déclamation qu’on lit dans le journal du 8 mars 1790. 64 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Copie de la lettre écrite le 7 mars 1790 par M. le Président de V Assemblée nationale , à la garde nationale de la ville de Tulle. « L’Assemblée nationale me charge, Messieurs, de vous témoigner sa satisfaction de votre conduite également sage et prudente; les troubles qui régnaient dans le Bas-Limousin avaient excité sa sollicitude. L’Assemblée nationale a appris avec plaisir que la tranquillité était rétablie dans cette partie du royaume, et que c’était à votre zèle et à votre courage que cet heureux retour à la paix était dû : c’est une justice que l’Assemblée nationale vous rend par mon organe, et elle a ordonné qu’il serait fait sur son procès-verbal une men tion honorable de votre patriotisme. « Je suis, Messieurs, votre très humble et très obéissant surviteur. « Signé : l’abbé de MontesqüIOU, président de l’Assemblée nationale. « Paris, lel mars 1790. » Et plus bas est écrit : Garde nationale de la ville de Tulle. Après un si glorieux témoignage, nous ne nous attendions pas, nous l’avouons, au décret par lequel l’Assemblée nationale a sursis à l’exécution des jugements rendus ou à rendre par la justice prévôtale de la ville de Tulle, décret provoqué par le discours de la commune de Paris, s’immisçant dans nos affaires sans connaissance préalable et légale des faits, et d’après le seul mémoire présenté par les deux députés extraordinaire de Brive au comité des rapports, dont nous avons montré l’insuffisance et la faiblesse. Nous ne pouvons nous dissimuler que le sursis à l’exécution des jugements portés contre des hommes trouvés coupables dans les insurrections, est une censure de notre municipalité, de notre garde nationale, dans les moyens qu’elles ont pris pour arrêter les insurrections, des propriétaires qui ont imploré notre secours et du tribunal qui a puni les coupables. C’est d’après les plaintes portées à l’Assemblée nationale, de paysans arrêtés au hasard, de peuple sur lequel on a tiré sans provocation et sans lui avoir lu la loi martiale ; c’est d’après le tableau effrayant du glaive du prévôt du Limousin, frappant des têtes innocentes, qu’on a cru nécessaire de surseoir aux jugements prononcés contre des hommes qu’on a supposés si faussement arrêtés, jugés, condamnés, exécutés avec autant de précipitation que de barbarie. On a vu par les détails qui précèdent, et il demeure prouvé avec la dernière évidence, par les pièces et informations remises au comité des rapports, qu’en toutes les mesures prises pour ramener la tranquillité dans nos provinces, il n’y a eu ni précipitation, ni barbarie. Mais si nous pouvons supporter une opinion défavorable à nos provinces et à notre ville en particulier, parce que nous sommes bien assurés de la voir bientôt dissipée, il ne nous est pas permis de dissimuler les effets funestes que nous prévoyons devoir suivre nécessairement et promptement, de l’interruption du cours de la justice, dans les circonstances critiques où se trouvent le Bas-Limousm et les provinces qui nous avoisinent. C’est contre cette interruption que nous sommes chargés d’apporter à l’Assemblée nationale la ré-[2 juin 1790.] clamation d’une province entière, réclamation fondée sur des motifs nombreux et puissants. Et d’abord n’est-ce pas un argument irrésistible en faveur du rétablissement de l’activité de la justice, que l’expérience heureuse faite par la province de l’utilité d’un tribunal qui a fait cesser chez elle les désordres dont elle était la proie? On ne peut révoquer en doute ni la réalité, ni la grandeur des maux qui ont affligé le Bas-Limousin, jusqu’au moment où le prévôt de Tulle, sollicité par les citoyens et secondé par le zèle de la municipalité de Tulle, et le courage de la garde nationale, a eu saisi et jugé un petit nombre de brigands, dont l’exemple a réprimé les autres. Plusieurs émeutes avaient éclaté dans nos provinces dès le mois de décembre, ainsi que nous l’avons observé plus haut, et principalement dans les cantons les plus voisins de Brive, d’où l’on avait imploré le secours de cette ville, et toujours inutilement. Il est notoire que la milice de cette ville, sollicitée de venir au secours d’AIassac, ne s’y est pas rendue assez tôt pour sauver les maisons bourgeoises attaquées le 24, et qu’arrivée le 25, elle a laissé, en se retirant, piller le château presque sous ses yeux. Ces désordres menaçaient de s’étendre dans toute la province. Tous les propriétaires, tous les bons citoyens, nobles, bourgeois et paysans même, étaient dans les plus vives alarmes. Quelques particuliers d’abord ont formé et exécuté la résolution de se défendre dans leurs foyers; mais trop faibles pour résister à des attroupements qui devenaient tous les jours plus nombreux, ils ont imploré le secours des milices �nationales des villes voisines, des troupes régulières, des maréchaussées. C’est à leur sollicitation que les milices nationales de Tulle , d’Uzerehe , de Lubersac, un détachement de Royal-Navarre et un petit nombre de cavaliers de maréchaussée, ont porté, à diverses fois, leurs secours aux endroits attaqués par les brigands. Quelques-uns des attroupés ont été tués, parce qu’ils ont refusé de se dissiper et qu’ils ont opposé une résistance armée et des coups de fusil. On en a saisi un certain nombre les armes à la main, ou faisant partie des attroupements qui avaient commis des violences. De vingt-six emprisonnés à Tulle, on en a relâché seize, condamné deux à mort, et puni du carcan ou de la prison huit autres, et les troubles de la province se sont arrêtés sur le champ. Cet exposé tout seul ne suffit-il pas pour prouver la nécessité absolue d’employer la force publique et l’activité de la justice à réprimer les désordres et l'efficacité de ces deux moyens réunis? A cet argument tiré de l’expérience que vient de faire la province, s’en joint un bien plus puissant, la réclamation universelle de cette même province par l’organe de toutes, ou de presque toutes les municipalités de ses villes, bourgs et paroisses, dont cinquante-cinq ont exprimé leur vœu dans des délibérations et des adresses à l’Assemblée nationale, sans qu’aucune (la seule ville de Brive, ou plutôt une partie seulement des citoyens de Brive, contre le vœu et les protestations de plus de cent des citoyens les plus estimés et les plus distingués), sans qu’aucune, dis-je, ait réclamé. Ces cinquante-cinq municipalités, et, ce qui est à remarquer, toutes nouvellement formées d’après les décrets de l’Assemblée nationale, parmi lesquelles ( autre observation importante ) il se [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1790.] 05 trouve un grand nombre de municipalités de 1 campagne, et de celles-là même qui ont le malheur de voir quelques-uns de leurs habitants au nombre des prisonniers faits à Tulle, comme Alassac, Chanteix, Glandier, de Perpezac, Fa-van t-Saint-Germain, reconnaissent unanimement qu’elles doivent leur salut et celui de la province à la municipalité et garde nationale de Tulle, et à la justice faite par le tribunal prévôtal dé cette ville, et demandent unanimement que cette justice soit rétablie dans toute son activité, si l’on veut sauver la province du plus grand danger. Porteurs de ces délibérations et adresses à l’Assemblée nationale , chargés de les remettre au comité des rapports, nous avons pensé que pour éclairer la justice des représentants de la nation, qui tous ne pourraient consulter par eux-mêmes un si grand nombre de pièces, nous ne devions pas nous contenter d’en énoncer généralement le résultat et le but, et qu’un extrait fidèle de chacune remplirait mieux notre mission. Dans ce travail, tout abrégé qu’il est, nous n’avons pu éviter des répétitions ; les délibérations de ces communes, ayant toutes un même objet, rentrent continuellement dans les mêmes routes et emploient souvent les mêmes expressions; mais nos juges et nos lecteurs peuvent s’épargner et le temps et les redites, en en lisant au hasard quelques-unes des plus développées, telles que celles d’Uzerche, de Perpezac, de Saint-Germain-les-Vergnes, d’Altillac, de Favars, de Martel, de Salon, de Vigeois, de Beaulieu, Forzès, etc. NOMS DES VILLES, BOURGS ET PAROISSES DU LIMOUSIN ; qui réclament contre le sursis , et dont les réclamations nous sont parvenues. ALASSAC . Lettre de la municipalité d’ Alassac aux officiers municipaux de la ville de Tulle, pour en obtenir lre Sérié. T. XVI. des secours contre une nouvelle émeute dont elle se croyait menacée le 30 janvier. Il est dit dans cette lettre que, malgré la plus grande proximité de Brive, on a des raisons de ne pas s’adresser à elle. Autre lettre des mêmes, où l’on se plaint que le procès-verbal fait par la municipalité de Brive de ce qui s’était passé à Alassac, a été remis à un nommé Delmond, arrêté à Alassac par la maréchaussée de Tulle, et conduit dans les prisons de Tulle. On y dit aussi que le secours porté à Alassac par la municipalité de Brive, est devenu pour Alassac un fléau cruel. Et enfin on y remercie la ville de Tulle, avec des expressions d’une reconnaissance très vive, des grands services qu’elle a rendus à la ville d’ Alassac. Délibération de la commune d’Alassac, signée de vingt-cinq, tant officiers municipaux que notables et autres citoyens, du 17 mars, adressée à l’Assemblée nationale, dans laquelle, adhérant à la délibération de la ville d’Uzerche, du 11 du même mois (voyez ci-après), elle représente à l’Assemblée que l’amnistie sollicitée par la ville de Brive pour les séditieux détenus à Tulle, perdrait la province. Elle se plaint du défaut de secours de la part des troupes conduites par le comité de Brive; elle atteste que ces troupes ont abandonné la ville d’Alassac aux attroupements qui s’y étaient portés; que les chefs n’ont pas voulu y laisser un détachement de 50 hommes, avec lequel on aurait pu se défendre des brigands; que la garde nationale de Brive, se retirant, a vu commencer le pillage du château de Roussignac, sans y apporter aucun obstacle ; que la province doit sa tranquillité à la bonne conduite des gardes nationales d’Uzerche et de Lubersac à Glandier et à la Chapelle, ainsi qu’à l’expédition de Favars par la milice nationale de Tulle. Elle finit par supplier l’Assemblée d’ordonner que le procès soit fait au sieur Du-rieux, qu’elle inculpe sur plusieurs faits passés à Alassac, et aux autres prisonniers de Tulle; moyen qu’elle regarde comme le seul capable d’assurer la tranquillité publique. ALTILLAC. Délibération de la municipalité d’Altillac, dans laquelle il est dit que, dans l’état actuel des choses, toute insurrection, tout acte d'hostilité entre les citoyens ne pouvant que retarder l’établissement de la Constitution et favoriser les desseins des ennemis de la liberté, en jetant de l’embarras dans la marche de l’Assemblée nationale, elle juge que, d’après ces principes, les citoyens de Tulle ont fait un acte de patriotisme lorsqu’ils ont secouru les campagnes attaquées par les brigands. En conséquence, elle charge son maire de présenter aux citoyens de Tulle les sentiments de sa reconnaissance et de son estime pour leur dévouement généreux et leur activité courageuse, auxquels ils croient être redevables de la sûreté et de la tranquillité actuelle de la province. ARGENTAT. Lettre des officiers municipaux de la ville d’ Argentât, du 12 février, offrant à la ville de Tulle de coopérer avec elle à la tranquillité publique, et lui adressant des remercîments pour le patriotisme et la vertu courageuse qu’elle a montrés dans l’affaire de Favars, et sa reconnaissance de 5 66 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1790. ce qu’elle a dissipé les ennemis du repos public. Délibération prise le 16 mars par la même ville, dans laquelle elle réclame contre la lettre des deux députés extraordinaires du comité de Brive, les sieurs Serre le jeune, et Faye, insérée au n° 55 des Annales du sieur Mercier, comme capable, sous l’apparence de la commisération pour les séditieux, d’exciter et d’entretenir l’esprit d’insurrection. Bile y attribue la tranquillité de la province au courage de la garde nationale de Tulle et de la maréchaussée qui y était jointe 'et aux punitions qui ont suivi les jugements rendus dans la ville de Tulle, et supplie l’Assemblée nationale de ne point laisser enhardir le crime par l’impunité, et de rassurer les citoyens sur le sort de leurs personnes et de leurs propriétés. ÀRNAC-POMPADOÜR. Délibération de la commune d’Arnac-Pompa-dour, du 19 mars, dans laquelle, avertie que certaines personnes travaillent auprès de l’Assemblée nationale pour soustraire à la justice les prisonniers détenus à Tulle, elle sollicite l’Assemblée de donner au contraire ses ordres afin que le procès soit fait selon la rigueur des lois à tous les auteurs et moteurs des désordres commis à Aiassac, Glandier et autres lieux, et que l’impunité ramènerait les troubles de la province. BEAULIEU. Lettre, du 1er mars, de Ta municipalité de la Ville de Beaulieu à la municipalité de Tulle, par laquelle elle se plaint de n’être pas dans I’en-ceinle du département de Tulle, en lui témoignant sa reconnaissance pour le courage qu’elle a montré, et auquel on doit, dit-elle, le calme de la province; elle est signée de dix-sept citoyens, toüs officiers municipaux ou notables. Délibération du 16 mars, de la môme ville de Beaulieu, sur le rapport d’un des officiers municipaux. Dans ce rapport, il est dit que les excès commis dans la province sur divers châteaux, maisons religieuses et maisons bourgeoises et particulières, n’ont pu être réprimés que par les maréchaussées et les secours de la milice nationale de Tulle; que la conduite de cette milice et du tribunal de la ville, qui a jugé quelques-uns des malfaiteurs, a été mal à propos inculpée dans une lettre incendiaire attribuée à deux citoyens de Brive; qu’on y cherche à justifier le nommé Durieux, prévenu d’avoir eu part aux insurrections ; que cette lettre peut rallumer dans la province un feu mai éteint et faire reprendre les armes au peuple, en faisant entendre que ceux qui ont été punis l’ont été sans sujet. La commune délibère que Nosseigneurs de l’Assemblée nationale seront suppliés d’ordonner que la lettre insérée au n° 155 du sieur Mercier, sera supprimée comme incendiaire et capable d’exciter de nouveaux attroupements, et que le procès du nommé Durieux lui sera fait et parfait jusqu’à jugement définitif. BEYNAT. Adresse de la municipalité de Beynat à l’Assemblée nationale, dans laquelle elle annonce à l’AS-sèmblée elle-même sa-recnnnaissance envers la inilice nationale de la ville de Tulle, pour la conduite prudente et courageuse que cette milice a tenue, en réprimant les violences exercées dans le Bas-Limousin, et dans lesquelles on a, dit-elle, ouvert les digues des étangs, pillé et dévasté les châteaux et les maisons des particuliers. Ëlie exprime son étonnement des inculpations calomnieuses répandues par de soi-disant députés de la commune de Brive, contre la garde nationale et le tribunal prévôtaldelaville de Tulle; atteste que la conduite de cette garde envers les insurgés a été légale et irréprochable ; qu’elle n’a agi que par esprit de patriotisme, et que sa prudence et son courage ont rétabli la paix dans le Bas-Limousin. L’adresse est du 25 mars. BORT. Lettre du 6 mars, de la municipalité de Bort à celle de Tulle, pour la féliciter de ce qu’on a placé le siège du département dans cette dernière ville, où l’amour de la justice est réuni aux plus grandes lumières. Délibération du conseil général de la commune de Bort, du 15 mars, où elle adresse aux représentants de la nation les témoignages de sa vive reconnaissance, de son respect, de son adhésion à tous ses décrets, et le serment qu’elle réitère de maintenir la Constitution, d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi. En même temps qu’elle exprime sa reconnaissance envers la municipalité et la garde nationale de Tulle, à qui elle reconnaît devoir le rétablissement de la tranquillité publique, elle supplie l’Assemblée de continuer de faire instruire le procès des gens arrêtés à Favars, et détenus dans les prisons de Tulle. CHABREIGNAC. Délibération de la commune de Chabreignac, du 23 mars, par laquelle elle adhère, d’une voix unanime, à la délibération de la ville d’Uzerehe, dont la teneur se trouvera ci-après, et supplie l’Assemblée nationale de donner les ordres les plus exprès et les plus prompts pour faire instruire, sans aucun délai, le procès des instigateurs et auteurs des désordres causés à Favars, à Aiassac, à Glandier, qui sont détenus dans les prisons de Tulle, parce que, dit-elle, si on accordait une amnistie, le mal reviendrait plus grand que jamais, et qu’on s’égorgerait dans la province; autorisant les députés de Tulle à porter ses yœux à l’Assemblée nationale. CHAMBERET. Délibération dè la commune de Ghamberet, du 21 mars, où elle reconnaît l’obligation qu’elle a d’avoir été exempte des désordres, des insurrections, au secours et au courage de la garde nationale de Tulle, qui a défendu ses foyers, et sans lesquels le mal se fût étendu sur toute la province. Elle demande que les insurgés, détenus dans les prisons de Tulle, et notamment le nommé Durieux, soient jugés conformément à la nature de leur délit. Elle pense que leur jugement et leur punition, si elle a lieu, est urgente; et quoiqu’il en coûte à sa sensibilité, les circonstances et la crainte que les désordres ne recommencent, lui imposent l’obligation de solliciter auprès de l'Assemblée nationale l’exécution et la sévérité des lois. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [à jtiin 1790.] CIIAMBQUL1VE. Délibération de là commune de Ghamboulivè, dü 17 mars, sur le discours de son procureur-syndic. Selon cet officier, tous les bons citoyens sont remplis de reconnaissance envers le comité et la garde nationale de Tulle, pour leur conduite sage et courageuse, ainsi qmenvers la garde de Lübersad, et d’indignation pour lés auteurs dés relations infidèles des journaux, et pour les mémoires et lettres de quelques particuliers de la ville de Brive; pôür jouir de la liberté que les représentants de la nation nous out déjà procurée, l’Assemblée nationale doit être suppliée d’or* donner que le procès soit fait à ceux qui se sont rendus coupables de sédition daüs le Bas-Limousin, oü qui en ont été les moteurs et instigateurs; sur quoi, Lecture faite de l’arrêté de la commune d’Uzer-che, ià commune de Ghamboulivê arrête, d’une Voix Unanime, d’adresser à l’Assemblée nationale ce même vœu, dont elle envoie en même temps copie à la ville de Tulle et à la ville d’Uzercbe, en témoignage de son approbation et adhésion. Ladite délibération, adressée à l’Assemblée nationale, est accompagnée d’une lettré dü procureur-syndic au président de l’Assemblée, où il est dit que l’amnistie demandée par les prisonniers de Tulle serait pour la province un signal de troubles, de sédition et de violation des décrets de l’Assemblée nationale, par l’impunité donnée aux scélérats qui n’ont pas craint de les enfreindre» chanteix. Délibération de la commune générale de Ghan-teix, du 25 mars, adressée à l’Assemblée nationale. On y rappelle toutes les expressions injurieuses employées dans la lettre des députés de Brive aü n° 155 des Annales dü sieur Mercier : ta malignité des aristocrates du Limousin, qui ont exagéré les troubles du paÿs ; l’imprudence et la cruauté des ci-devant privilégiés , qui ont attiré sur eux les violences des paysans; le triomphe de V aristocratie consacré par le tribunal prévôtal de la ville de Tulle ; l’intérêt que ces députés veulent inspirer pour les brigands, en disant qu’ils sont pour la plupart des pères de famille aimés et estimés dans leurs cantons. On y dément ces allégations, comme autant d’impostures. Ou y atteste que les séditieux ont attaqué avec autant de fureur les ci-devant privilégiés les plus humains, que ceux qui pouvaient avoir abusé, contre leurs vasseaux, de l’ancien régime féodal. Que le nom d’aristocrate, appliqué aux eî-de-vant privilégiés de la province, ne peut être employé que par des ennemis de l’ordre publie, pour noircir ceux qui s’opposent à leurs violences ; que ceux qu’on calomnie ainsi se félicitent tous, en vrais et bons patriotes, de la Révolution qui rend la liberté à la nation, et qu’ils ont juré comme tous les bons citoyens de maintenir la nouvelle Constitution. Que c’est UDe atrocité de dire que le tribunal prévôtal de Tulle a consacré le triomphe de l’aristocratie, lorsqu’il u’a fait que punir des scélérats pris les armes à la main, répondant par des coups de fusil aux sommations qu’dn leur 67 faisait de se retirer, et ayant blessé dangereusement le commandant de la maréchaussée et des soldats de la garde nationale avant que ceüx-ci eussent fait feu. Enfin que c’est une imposture révoltante de prétendre que les attroupements étaient pour la plupart formés de pères de famille estimés; lorsqu’on reconnaît, dans ceux qui sont pris, des gens mal famés, tenus pour tels, et capables de tout. La commune finit par supplier l’Asâèmblêe dé faire faire le procès aux moteurs et instigateurs de séditions ; que c’est le setil moyen d’empêcher dans la province Une anarchie qui y compromettrait rétablissement de la Constitution et de là liberté de la nation, et ferait perdre le fruit des sages délibérations de l’Assemblée nationale, pour lesquelles elle est prête à verser son sang. Elle observe enfin que les municipalités étant désormais responsables des événements qui peuvent troubler chez elles la paix publique, il faut bien conserver le seul moyen qui reste d’empêcher le brigandage, l’impunité ne pouvant qu’enhardir les méchants. colonges. Lettre des officiers municipaux de la commune de Golonges à l’Assemblée nationale, par laquelle ils lui témoignent sa reconnaissance pour les légitimes éloges qu’elle a bien voulu donner, par l’organe de son président, à la. municipalité et à la garde nationale de Tulle, à laquelle elle reconnaît devoir la paix dont la province jouit depuis deux mois. Mais elle ajoute qu’effrayée des cruels effets qu’opère déjà la noire calomnie que des députés extraodinaires de Brive ont répandue de toutes parts, et qui peut détruire la tranquillité naissante, mais non encore suffisamment affermie, elle supplie l’Assembfée d’ordonner un jugement local des personnes détenues dans les prisons de Tulle. CONCÈZE. Délibération de la commune de Goncèze, du 21 mars, par laquelle, informée que certaines personnes se donnent de grands mouvements auprès de l’Assemblée nationale pour soustraire à la j ustice les personnes accusées de sédition, détenues dans les prisons de Tulle* elle arrête de solliciter l’Assemblée nationale de donner des ordres pour que le procès de tous les auteurs et complices des. désordres commis à Alassae, G lundi er et autres lieux, leur soit fait selon la rigueur des lois, l’indulgence ne pouvant être que dangereuse pour la-sûreté publique. CORRÈZE. Discours du procureur de la commune de Corrèze, et délibération de ladite commune. On rend compte dans le discours des heureux effets de la conduite fermé et généreuse de la garde nationale de Tulle à Favars. On y dit que desenUemis du bien public commençaient à persuader dans la province à une classe d’hommes qae les attentats eûntre là propriété seraient impunis, et que sans le secours de la milice nation 68 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1790.] nale de Tulle et d’un détachement de Royal-Navarre, envoyé par la ville de Limoges, toute la province était en danger. On y dénonce la lettre des députés de Brive , contenue au n° 155 du journal du sieur Mercier, intitulé -.Annales politiques , comme calomnieux envers la ville de Tulle ; enfin on y établit la nécessité de faire juger les prisonniers de Tulle, et notamment le sieur Durieux, La délibération de la commune adopte toutes ces vues d’une voix unanime ; supplie l’Assemblée de faire instruire avec célérité le procès des auteurs et complices des désordres, et en particulier du sieur Durieux ; demande satisfaction pour la ville de Tulle contre les imputations gui lui sont faites dans les Annales du sieur Mercier, et supplie enfin l’Assemblée de fixer le tribunal du département à Tulle, comme la ville qui a le plus grand nombre de sujets propres à en remplir les importantes fonctions. ÉGLETONS. Discours du procureur-syndic de la commune, qui lui dénonce la lettre insérée au journal du sieur Mercier, comme un libelle atroce envers la ville de Tulle, qui mérite, dit-il, et les éloges et la reconnaissance de toute la province. Sur quoi il est arrêté par le conseil général de la commune qu’il sera fait une adresse à l’Assemblée nationale, pour la supplier de croire que c’est l’opinion générale des habitants de la province, qu’ils doivent leur salut à l’expédition faite par la milice nationale de Tulle dans les paroisses de Chanteix et de Favars, et que l’unique moyen de maintenir la tranquillité est que le procès des prisonniers de Tulle soit continué sans délai avec tout l’éclat possible, et que la peine de ceux qui seront reconnus coupables leur soit infligée sur les lieux. L’envoi de cette délibération à la ville de Tulle est accompagné d’une lettre du maire d’Egle-tons, qui la félicite sur la bravoure et le patriotisme qu’elle a montrés en arrêtant les désordres et le pillage, et qui lui offre les secours de la ville d’Egletons pour la seconder. EYM0UT1ER. Délibération du conseil général de la commune d’Eymoutier, par laquelle, lecture faite de la délibération de la commune d’Uzerche, tendan à obtenir de l’Assemblée nationale qu’on instruise de la manière la plus publique le procès des auteurs et complices des troubles et désordres qui ont eu lieu dans le Bas-Limousin : considérant que la justice et l'amour de l’ordre ont seuls dicté ladite délibération, elle y donne son entière et parfaite adhésion. Elle arrête, en conséquence, qu’il sera fait de très respectueuses adresses à l’Assemblée nationale pour qu’elle donne des ordres de poursuivre, suivant la rigueur des lois, les coupables ou prévenus détenus dans les prisons de Tulle, et particulièrement le nommé Durieux. favars. Dans l’assemblée de cette commune, le 28 mars, le maire commence par professer l’adhésion la plus absolue aux décrets de l’Assemblée nationale. Il peint la situation critique de la commune de Favars lorsqu’elle vit sa paroisse assiégée par une armée de brigands, avant que la municipalité fût formée, et trop faible par elle-même pour se défendre ; il atteste qu’au milieu de ces troubles les habitants de Favars n’ont point cessé de reconnaître et de respecter les lois protectrices de toutes les propriétés (ce qui prouve qu’aucun n’avait à se plaindre des seigneurs, et ce qui dément ce qu’on a avancé, que les imprudences et les cruautés des seigneurs ont provoqué les violences des paysans.) Il rend à la maréchaussée et garde nationale de Tulle le témoignage qu’ils ont employé le courage et la prudence ; qu’ils ont vaincu en ménageant le sang. Il assure que la punition des séditieux détenus dans les prisons ae Tulle peut seule empêcher les troubles de renaître, et qu’une amnistie ou pardon serait pour les ennemis de la tranquillité publique une force d’approbation donnée par l’Assemblée nationale aux désordres qui ont mis la province à deux doigts de sa perte, et un cri de ralliement pour y consommer le ravage des propriétés et faire ensanglanter les maisons. Par délibération unanime, la commune arrête que le discours du maire sera transcrit sur les registres, et adressé à l’Assemblée nationale, comme exprimant les sentiments et les vœux de la commune de Favars. FORZES. Discours du procureur de la commune de For-zés, qui dénonce la lettre insérée dans le n° 155 des Annales du sieur Mercier, comme calomnieuse envers la garde nationale de Tulle, et capable d’allumer la guerre civile dans le Limousin, qui dément les diverses assertions faites par les auteurs de cette lettre : 1° en ce qu’ils assurent que les paysans n’ont pas fait feu les premiers à Favars, tandis que personne n’ignore que le lieutenant de la maréchaussée a été grièvement blessé de coups de feu en parlant aux séditieux ; 2° En ce qu’ils disent que le désordre a été le fruit de l’imprudence ou de la cruauté des ci-devant privilégiés, tandis qu’il n’y a jamais eu aucune plainte élevée contre la dame de Favars, ni contre le sieur de Lamaze, seigneur de Roussignac ; qu’il a été reconnu notamment que parmi les attroupés de Favars il n’y avait point de censitaire de la dame de Saint-Hilaire, et que les Chartreux de Glandier et tant d’autres honnêtes citoyens insultés, pillés, ont toujours eu une conduite douce et irréprochable ; 3° En ce qu’ils soutiennent que les attroupements n’ont eu pour but que de démolir les bancs des églises, tandis qu’un grand nombre de maisons ont été pillés ; 4° En ce qu ils qualifient la garde nationale de Tulle d’assassins, et la journée de Favars comme le triomphe de l’aristocratie, consacré par le tribunal prévôtal de Tulle; tandis qu’en défendant sa vie avec ses biens et ceux de ses parents, amis et voisins, on mérite des éloges, et que si c’est là être aristocrate, il n’est personne qui ne doive s’empresser de passer pour tel ; 5° En ce qu’ils assurent que les séditieux sont des pères de famille aimés, estimés, de bons sujets, tandis qu’il est notoire que la plupart sont des gens sans aveux et n’ayant rien à perdre, qui donnent le nom odieux d’aristocrates non seulement aux nobles et ci-devant privilégiés, mais à tout citoyen jouissant de quelque bien-être et de quelque propriété. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1790.] 69 Sur quoi la commune déclare les faits contenus en la lettre insérée au journal du sieur Mercier faux et calomnieux, et la conduite des citoyens de la garde nationale, du lieutenant du prévôt de la maréchaussée, dignes des éloges et de la reconnaissance de la province, comme ayant arrêté les séditions et brigandage dont elle allait être le théâtre. Elle déclare, en outre, qu’elle est indignée de l’apologie faite par les auteurs de ladite lettre, du nommé Durieux, auteur, fauteur et principal mobile des attroupements, queles députés de Brive appellent citoyen le plus zélé et le plus brave que leur ville renferme dans son sein. Enfin elle finit par supplier l’Assemblée de presser le jugement dudit Durieux et autres prisonniers détenus aux prisons de Tulle, le salut des honnêtes citoyens, leur vie et la sûreté publique dépendant de la plus prompte et de la plus sévère justice. HAUTEFAGE. Lettre de la municipalité d’Hautefage, du 15 mars, à la municipalité et à la garde nationale de Tulle, où elle les félicite des éloges que leur a donnés l’Assemblée nationale par l’organe de son président. Elle peint les violences des brigands, les alarmes des citoyens, les progrès de l’insurec-tion qui menaçait d’embraser toute la province, enfin les succès des mesures prises par la garde nationale de Tulle, qu’elle loue aussi de la modération dont elle a usé envers les coupables. LE LONZAC. La commune de Lonzac, assemblée le 19 mars, adresse à l’Assemblée nationale l’assurance de son adhésion respectueuse et soumise à tous ses décrets, lui renouvelle le serment de maintenir la Constitution et d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi, et lui envoie en même temps un arrêté du même jour, dans lequel il exprime sa reconnaissance envers la ville de Tulle pour la sagesse des mesures qu’a prises le comité de cette ville, et la valeur qu’a montrée sa garde nationale, ainsi que celle de Lubersac. Elle parle avec indignation des écrits et mémoires de quelques citoyens de la ville de Brive publiés dans les journaux, et qui ont pour objet de blâmer les honnêtes citoyens de la ville de Tulle, à qui elle croit devoir la fin des troubles et le repos de la province ; elle adhère d’une voix unanime à l’arrêté de la ville d’Uzerche, et demande, comme elle, que le procès soit fait promptement aux accusés, auteurs et complices des insurrections ; enfin elle réclame contre l’amnistie qui encouragerait de nouveaux désordres. LA CROISILLE. Lettre du 21 mars, des officiers municipaux de la Croisille à la municipalité de Tulle, où ils l’assurent des dispositions de leur commune à se réunir à elle toutes les fois qu’il s’agira de maintenir l’ordre et la sûreté publique. Ils ont ignoré, disent-ils, qu’il fût question de leur rendre témoignage auprès de l’Assemblée nationale, mais ils sont persuadés de la nécessité de faire le procès au nommé Durieux et aux autres accusés détenus dans les prisons de Tulle, et ils craignent tout, si la moindre grâce est accordée aux perturbateurs du repos public. LA GARDE. Le procureur de la commune, assemblée le 25 mars, rappelle les désordres qui ont affligé la province, la conduite ferme et généreuse des citoyens formant la garde nationale de Tulle, qui ont sauvé la province de plus grands malheurs, et la lettre écrite, au nom de l’Assemblée nationale, par son président, où l’Assemblée a rendu justice à leur zèle et applaudi à leur conduite. Il s’étonne ensuite de la hardiesse des deux soi-disant députés extraordinaires de Brive qui ont tenté de flétrir ces estimables citoyens, par la lettre qu’ils ont insérée au n° 155 des Annales du sieur Mercier, et qui, plus est, de soustraire les séditieux et moteurs de séditions à la sévérité de la justice, ce qui porterait à la province le coup fatal. Il rappelle aux habitants combien de fois ils ont entendu répéter autour d’eux que la justice n’avait plus de force, que l’Assemblée nationale et le roi, dont on prostituait les noms sacrés, autorisaient les vexations dont on pourrait user envers les riches. Il finit par déclarer que tout est perdu si la justice ne reprend toute son activité. Sur quoi la commune, adoptant le réquisitoire de son procureur comme très sage et très salutaire, arrête : 1° de protester de nouveau à l’Assemblée de son respect pour ses décrets, et de sa disposition à défendre au prix de son sang la Constitution qui doit faire le bonheur de tous ; 2° De punir les coupables détracteurs de la commune et de la maréchaussée et milice de Tulle, bons citoyens, qui, après avoir exposé leur vie pour le salut public, ne doivent pas être impunément l’objet de la calomnie et de la diffamation ; 3° De rendre à la justice son activité, en ordonnant que les moteurs, instigateurs et auteurs des insurrections seront recherchés et punis selon la rigueur des lois *, 4° D’envoyer à l’Assemblée nationale copie de la présente délibération. A la délibération est jointe une adresse exprimant les mêmes sentiments. LA GRAULIÈRE. Lettre et délibération de la commune de la Graulière, dans laquelle elle loue avec reconnaissance la garde nationale de Tulle, d’Uzerche et de Lubersac ; attribue à leur conduite courageuse le retour de la tranquillité; elle exprime ses craintes que cette tranquillité ne soit bientôt troublée par des ennemis publics qu’elle voit en même temps comme des ennemis de la Révolution. Elle emploie les expressions les plus fortes contre ceux qui ont eu l’adresse d’exciter la pitié dans l’âme des augustes représentants de la nation, en faveur de quelques brigands dont la punition est nécessaire pour ramener l’ordre, et le3 taxent d’avoir employé pour cela le langage du mensonge et de la calomnie. Enfin en assurant l’Assemblée nationale d’une entière adhésion à tousses décrets, et d’une parfaite reconnaissance, elle exprime son vœu pour que les brigands détenus aux prisons de Tulle soient punis suivant toute la rigueur de la loi. LIMOGES. Lettre de la municipalité de Limoges, qui offre (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1790.] 10 les secours de sa garde nationale à la ville de Tuile, pour concourir avec celle-ci au maintien de l’ordre public. Délibération de la municipalité de la ville de Limoges, où les officiers municipaux, rendant hommage à la conduite ferme, juste et loyale de la commune et garde nationale de la ville de Tulle, reconnaissent que c’est à cette conduite et à la sévérité employée dans cette circonstance que le haut et bas Limousin doivent leur tranquillité, et expriment leur vcèu pour que la commune et la garde nationale de Tulle obtiennent auprès de l’Assemblée nationale la justice qui leur est due. lubersac. Délibération de la commune de Lubersac sur le discours de son maire, dans lequel il est dit que la province doit son repos aux exemples de justice faits à Tulle ; qu'elle craint qu’il ne soit bientôt troublé, si les mouvements que quelques personnes se donnent pour arracher à la punition plusieurs accusés et prévenus de crimes commis dans la province, sous le faux prétexte qu’ils sont les victimes innocentes de l’aristocratie ; que la garde nationale de Tulle blâmée dans plusieurs ouvrages périodiques, dans le courage même qu’elle a montré à maintenir les décrets de l'Assemblée nationale, que violaient des troupes de brigands, a écarté de la province le pillage et les dévastations, mais que ces désordres yont renaître si on parvient à suspendre le cours des procédures; suspension qui équivaudra à une véritable impunité. Sur cet exposé, la commune arrête d’une voix unanime, de prier et solliciter l’Assemblée nationale de faire instruire avec éclat et promptitude le procès de tous ceux qui sont détenus dans les prisons de Tulle; que l’opinion répandue déjà dans ia province, que les coupables ne seront pas punis alarme tous les bons citoyens ; elle finit par conjurer l’Assemblée de se rappeler l’hommage d’amour, de respect et de reconnaissance qu’elle a adressé à l’Assemblée, l!adbésion qu’elle a professée à ses décrets et son serment de maintenir la Constitution ; d’où elle conclut qu’en demandant que les coupables soient punis, elle n’exprime que la vœu des bons patriotes qui ne veulent que l’établissement de l’ordre et de la tranquillité. martel. Délibération de la municipalité de la ville de Martel, en Quercy, par laquelle, d’après un exposé fait dans le discours du maire, et qu’elle déclare ne présenter que. des vérités également connues et 'effrayantes , elle supplie l’Àssemblée nationale de donner des ordres pour que la force publique soit sans délai déployée dans les pro� vinces du Quercy, Limousin et Périgord, et qu’il soit procédé sans délai aux poursuites nécessaires contre les auteurs des troubles et désordres, et à l’exécution des jugements qui inter-' viendront. À quoi nous devons ajouter les principaux traits du discours du maire, adopté, comme on voit, par la commune ; on y lit que la conduite également sage et ferme de la garde nationale de Tulle a épouvanté leg méchants... que les exemples de justice faits dans la même ville ont annoncé que la loi veillait au salut des citoyens... que ceux qui ont osé calomnier ces généreux défenseurs des propriétés n’ont répandu que des mensonges dans le narré des faits, et en désignant sous ie nom odieux d’aristocrates ceux qui ont repoussé des actes de violence, et en peignant ie pillage, le vol et les attroupements comme une erreur de l’esprit et les suites de vexations antérieures. « Ne craignez pas, dit encore le maire de Martel, ne craignez pas, citoyens généreux, les suites de cette calomnie ; si la défense des propriétés est uq crime, nous le partageons avec vous. Si vous êtes en cela des aristocrates, nous le sommes tous avec vous; mais loin de vous regarder comme criminels, nous vous proclamons les restaurateurs de la tranquillité publique. Ce n’est pas le poignard des assassins qu’on a vu dans vos mains, c’est le glaive de la justice. Ce ne sont pas des reproches qui vous sont dus, c’est la couronne civique. » « Témoins oculaires du mal et des effets du remède, disons à l’Assemblée nationale ; des méchants avaient armé le peuple, et l’avaient entraîné dans le crime... Nous avons vu le moment d’une subversion totale; le glaive de la justice1 a brillé, l’orage s’est dissipé : mais de nouveaux attentats nous menacent, si la force publique n’est déployée; ouvrez-nous le temple de la loi, que ses ministres y prononcent ses oracles avec 1 éclat et la promptitude que le bien public réclame hautement. » MEYMAC. Délibération de la municipalité de Meymac, d’après un discours de son procureur syndic, le 15 mars. Dans le discours on défère la lettre des deux députés de Brive, insérée au journal du sieur Mercier, comme ayant déguisé les faits par des faussetés patentes et des calomnies atroces contre les bons citoyens de la ville de Tulle qui ont préservé le bas Limousin et les provinces adjacentes des périls qui les menaçaient. Sur quoi la commune, lecture faite de ladite lettre, la déclare fausse et calomnieuse, atteste que plusieurs châteaux et maisons, non seule-* ment des nobles et ci-devant privilégiés, mais de bourgeois et propriétaires, ont été pillées par des troupes de plus de six cents hommes, armés de fusils et autres armes; que la milice de Tulle n’a tiré à Favars qu’après le feu fait sur elle par les brigands ; que c’est une fausseté notoire avancée par les deux députés que les brigands ne s’étaient assemblés que pour se réjouir de la liberté, planter des mais, et brûler quelques bancs; que c’est une calomnie non moins révoltante que celle des auteurs de ladite lettre, qui taxent de cruauté le tribunal prévôtal de la ville de Tulle qui n’a condamné quelques-uns des coupables, que d’après une procédure légitime et des preuves complètes. Qu’elle s’adresse en conséquence à l’Assemblée nationale, pour la supplier d’ordonner instamment au tribunal de la prévôté de Tulle d’instruire le procès des coupables non encore jugés, et notamment du sieur Durieux, qui, bien qu’appelé, par les auteurs de la lettre, honnête homme, bon citoyen et leur digne camarade , est aoc�é, par l’opinion publique, d’être un des principaux auteurs et fauteurs desdits, troubles et insurrec� lions, Elle finit par adresser à la ville de Tulle, conjointement, ditmiie, avec toutes les communes de la province, les remerçî monts les plus em* pressés et les témoignages de leur plus vive re? [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1790.] 74 connaissance pour le patriotisme, la prudence et le courage de sa municipalité et de sa garde nationale, à qui la province doit sa sûreté et sa tranquillité. Il y a une autre délibération du 16, par laquelle lecture faite de la lettre de M. le président de l’Assemblée nationale à la garde nationale de Tulle, arrête de consigner dans ses registres cette lettre honorable à la garde nationale de Tulle. MEYSSAC. Lettre des officiers municipaux de Meyssac, du 16 mars, à la municipalité de Tulle, dans laquelle ils expriment fortement leur improbation de la lettre des députés de Brive, en ce qu’elle inculpe la garde nationale de Tulle et le tribunal prévôtal, et où ils annoncent qu’ils ont écrit à l’Assemblée nationale pour déposer auprès d’elle les témoignages de tous les sentiments de leur commune pour celle de Tulle, qu’ils disent avoir sauvé la province. NAVES. Délibération de la commune de Naves, du 20 mars. C’est une des plus détaillées de celles qui nous sont parvenues; on y exprime d’abord la crainte de nouveaux troubles pour la province; on s’v plaint de la délation faite à l’Assemblée nationale par deux députés de Brive, de la conduite de la municipalité et garde nationale de Tulle, et de l’amnistie demandée pour les coupables détenus dans les prisons de Tulle , on y dit que toute la province est indignée de cette calomnie, et alarmée d’une tentative dont le succès encouragerait le crime par l’impunité, en conduisant le peuple à confondre la licence et le désordre avec la liberté. On y observe qu’il est d’autant plus nécessaire de contenir les brigands, qu’après avoir attaqué les propriétés des seigneurs, Us se sont portés sur celles des bourgeois et qu’ils allaient bientôt se jeter sans exception sur toutes les propriétés. La commune de Naves rend, de l’affaire de Favars, le même compte que toutes les autres, parle avec les mêmes éloges de la conduite de la garde nationale et de la maréchaussée, et, avec la même reconnaissance, des heureux effets de son expédition pour le repos de la province. Elle insiste comme les autres sur la nécessité de faire suivre le procès et la punition de ceux qui sont détenus dans les prisons de Tulle, et notamment celui du sipur Durieux, d’après les preuves légales et la rigueur des lois, Il en coûte, dit-elle, à notre cœur de solliciter une punition; nous solliciterions plus volontiers une amnistie, si nous pouvions nous persuader ue la clémence et le pardon sont compatibles ans les circonstances actuelles avec la sûreté de la province; mais nous ne pouvons nous dissimuler qu’une amnistie produirait dans ce moment les effets les plus funestes : les ennemis de l’ordre public séduiraient de nouveau les habitants des campagnes, à qui on persuadait, même avant la démarche des députés de Brive, que les prisonniers de Tulle n’avajent rien à craindre et seraient relâchés, La commune finit par prier l’Assemblée nationale de rendre le calme à la province en prenant en considération te situation critique et malheureuse où elle est réduite par les premières insurrections, par la disette et la cherté des grains et par le fardeau des impositions. NEÜVIC. Adresse de la commune de la ville de Neuvic, qui sollicite l’Assemblée nationale de placer le chef-lieu du département dans la ville de Tulle , et qui appuie cette demande sur les services importants qu’a rendus à toute la province la ville de Tulle, en réprimant les insurrections par le courage de 1a garde nationale et par la conduite de ses juges, qui ont instruit le procès des personnes' détenues pour y avoir eu part; elle s’élève, à cette occasion, contre le discours de M. l’ahbé Mulot à l’Assemblée nationale, au nom de la commune de Paris, qu’elle dit n’avoir pas été instruite des faits ; et elle demande que le procès du sieur Durieux et autres, ses co-accusés, détenus dans les prisons de Tulle, continue de s’instruire, afin que les exemples influent sur toute la province, où l’on peut craindre encore de voir les désordres se renouveler, NONARS. Lettre du maire et officiers municipaux de Nq-nars à la municipalité de Tulle, du 26 mars. La municipalité de Nonars, nouvellement formée, s’empresse de témoigner sa reconnaissance à 1a municipalité de Tulle, pour la conduite brave et généreuse de sa milice nationale contre les brigands ; conduite à laquelle, selon le cri général de la province, est due la tranquillité et 1a sûreté dont elle jouit, Elle adresse en même temps à la municipalité de Tulle la supplication qu’elle fait à l’Assemblée nationale de faire suivre, suivant les lois et jusqu’à jugement définitif, le procès du nommé Durieux, proclamé dans tout le Bas-Limousin comme un des auteurs et instigateurs des eédi-tions, et dont la détention a contribué à rendre le calme à 1a province. orgnac. Discours du maire, dans lequel il dénonce de mauvais sujets de 1a province qui travaillent à perpétuer les désordres, en excusant les coupables auprès des représentants de la nation, tentative qui ne pourrait réussir sans compromettre la sûreté et la propriété de tous les citoyens : sur quoi la commune a délibéré unanimement de se réunir aux différentes communes qui l’avoisinent, et notamment à celles d’üzerche et de Tulle, pour demander à l’Assemblée nationale qu’elle donne incessamment des ordres pour faire instruire le procès aux moteurs et auteurs des troubles et pillages, et surtout au sieur Durieux, reconnu pour un de ceux qui ont le plus travaillé à tromper et égarer le peuple. PERPEJÏAC -LE-NOIR . Discours du maire, où il est dit que les excès commis dans la province depuis plusieurs mois ne se sont arrêtés que par les soins d’une vertueuse confédération des municipalités zélées pour le rétablissement de l’ordre, et pour faire respecter et observer les décrets de l’AssemAlée nationale; que c’est calomnieusement que dos 72 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1790.] émissaires du comité de Brive ont répandu, à l’aide de quelques feuilles périodiques, que le Bas-Limousin n’était peuplé que d’aristocrates, et que les dévastations faites à Alassac, à Favars, à Glandier, et les incursions sur les propriétés des citoyens, n’ont été que le fruit d’une honnête liberté ; de sorte qu’à les entendre il n’y aurait d’honnêtes citoyens, de patriotes zélés et d’amis du peuple, que des hommes révoltés, ennemis de tout ordre et de toute subordination, courant les campagnes, pillant les châteaux et les maisons, exigeant des contributions; que la ruine de la province est certaine et prochaine, si l’on ne prévient pas les suites de ces funestes impressions répandues par quelques membres du comité et un petit nombre d’habitants de la ville de Brive. Sur quoi la commune arrête de supplier l’Assemblée nationale de faire instruire, sans délai et sans interruption, et avec le plus grand éclat, le procès des prisonniers détenus à Tulle, et notamment du sieur Durieux, comme prévenus d’être auteurs et participants des pillages et violences exercées à Alassac, Favars, Glandier et autres lieux, et accusés, non pas par les cris des aristocrates, comme le répandent les députés du comité de Brive, mais par la voix publique ; elle déclare que la cessation des désordres, restés longtemps impunis par l’inaction du ministère public, trop faible pour réprimer tant de violences, est due aux efforts généreux des municipalités d’Uzerche, de Vigeois, de Lubersac, et surtout à la conduite de la garde nationale de Tulle à Favars ; elle observe que cet heureux effet n’est nullement dû à la lettre circulaire adressée par le comité de Brive, aux habitants de la campagne, bien longtemps après l’action de Favars, et que les principes de cette lettre sont à la vérité ceux d’un véritable patriotisme; mais qu’on ne peut les concilier avec les lettres incendiaires consignées dans les papiers publics par les députés du même comité de Brive dans lesquelles ils cherchent à inculper les communes de Tulle et d’Uzerche, sur la conduite qu’elles ont tenue pour ramener la tranquillité dans le pays. P1ERREFITE. Délibération de la commune de Pierrelite, précédée du discours de son maire, qui, après avoir exprimé le respect et la reconnaissance de la commune envers les représentants de la nation, pour leur zèle et leurs bienfaits, se plaint de voir en péril la liberté même qu’on leur doit, à la suite des excès dont la province a été le théâtre, et qu’elle craint de voir se renouveler. Il fait l’éloge de la conduite de la ville et de la justice de Tulle envers les séditieux qu’elle a condamnés. Il se plaint des papiers publics où l’on a tenté de justifier la conduite des brigands. Sur quoi la commune arrête de représenter à l’Assemblée nationale, qu’une amnistie qu’on surprendrait d’elle sur un exposé calomnieux, deviendrait la source d’excès nouveaux et plus violents et de la supplier d’ordonner que le procès sera fait à tous les auteurs et moteurs des troubles, la punition étant le moyen le plus efficace de réprimer de pareils attentats. puy-d’arnac. Délibération de cette commune, du 22 mars. D’après un discours du maire, où il est dit que la commune ayant vu avec douleur les désordres de la province, craignant de les voir renaître, et trop faible pour s'en défendre par elle-même, elle croit n’avoir d’autre parti à prendre que de s’unir aux communes de Tulle et d’Uzerche dans les sages dispositions que leur patriotisme leur a fait prendre pour la tranquillité publique; qu’elle ne peut se dispenser de rendre témoignage au courage de la milice nationale de Tulle à l’affaire de Favars ; qu’elle ne peut comprendre comment quelques citoyens de Brive ont osé inculper les citoyens de Tulle;, et les donner comme des assassins, lorsqu’ils ont au contraire arrêté le cours des assassinats et des violences de toute espèce qui allaient désoler tout le pays; que l’exécution faite à Tulle de deux des coupables, a produit un effet salutaire; qu’il est nécessaire de poursuivre la procédure contre les autres prévenus détenus dans les prisons, et en particulier contre le sieur Durieux, qu’elleaccuse d’avoir excité le peuple dès le mois de décembre, à Vegennes, où les troubles ont commencé, et d’où ils se sont portés à Puy-d’Arnac même; enfin cette commune, de concert avec toutes celles du Bas-Limousin, supplie l’Assemblée nationale d’avoir égard à sa très respectueuse représentation, en pourvoyant aux moyens les plus prompts d’assurer la tranquillité publique. SAÎNT-CHAM AN S ET SAINT-PARDOUX. Délibération des communes réunies de Saint-Chamans et de Saint-Pardoux, du 14 mars, ouverte par un discours du procureur de la commune, qui dénonce la lettre du journal du sieur Mercier, écrite par les deux députés du comité de Brive, comme contenant un faux exposé de l’affaire de Favars, des imputations injurieuses à la garde nationale de Tulle, sur lequel les deux communes arrêtent une adresse à la ville de Tulle. Dans cette adresse, les deux communes expriment leur indignation contre la lettre des députés, comme remplie d’allégations mensongères et de faits dénaturés. Elles rendent hommage à la conduite brave et généreuse de la milice de Tulle à Favars. Elles rappellent les violences faites par les brigands, les exhortations qui leur furent faites par le lieutenant de la maréchaussée, qui fut dangereusement blessé en leur parlant. Elles assurent que le plan des séditieux, après avoir pillé Favars, était de se porter sur Poissac, La Morguie, etc, etc. ; d’aller forcer les prisons à Tulle, et de se répandre dans le reste de la province. Elles reconnaissent qu’elles doivent à la bravoure des gardes nationales de Tulle la conservation de leurs propriétés; enfin elles demandent aux gardes nationales de Tulle de regarder la milice de leurs communes comme fraternisant avec elles, et elles invitent les tribunaux de Tulle de poursuivre le procès du sieur Durieux et des autres détenus. SAINTE-FORTUNADE. Cette commune, assemblée le 23 mars, traite de libelles les écrits répandus dans les journaux contre la ville de Tulle, à qui elle reconnaît devoir le maintien de l’ordre public, et pour qui elle exprime la plus grande reconnaissance, et sollicite de l’Assemblée nationale d’ordonner que le procès soit fait aux accusés détenus dans les [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1790.] prisons de Tulle, et notamment au sieur Du-rieux ; déclarant que ce vœu est celui de tous les bons citoyens, et en particulier des cultivateurs et laboureurs, persuadés qu’une amnistie ramènerait tous les désordres. SAINT-GERMAIN-LES-VERGNÉS. Cette commune s’adresse directement à l’Assemblée nationale, disant : Que le sursis à l’exécution des jugements de Tulle a été surpris à sa sagesse; qu’on a calomnié auprès d’elle la conduite du prévôt et de son lieutenant; que les bons citoyens doivent faire leurs efforts pour la détromper. Que la grandeur des désordres qui ont eu lieu dans la province ne peut être révoquée en doute ; qu’il est de notoriété la plus certaine que, dans la plupart des paroisses du bas Limousin, non seulement les bancs, tant des seigneurs que des bourgeois, ont été brisés ou brûlés ; mais qu’on y a planté des mais portant inscription et défense de payer ni recevoir à l’avenir aucune dîme ni rente, sous peine d’être pendu. Qu’on a fait croire au peuple qu’il n’y avait plus de justice, et que non seulement les seigneurs, mais les prêtres, les citoyens de toutes les classes aisées, les simples laboureurs et métayers ont vu leurs propriétés et leurs personnes exposées aux plus grands dangers. La commune de Saint-Germain fait ensuite un tableau très détaillé des excès commis à Lissac, à Alassac, chez les Chartreux de Glan-dier, où, dit-elle, le supérieur eut plusieurs amorces brûlées sur lui, et où les religieux durent leur salut à un détachement de Royal-Na-varre et à la milice nationale de Lubersac. Elle atteste qu’une troupe de 400 hommes, précédée d’un tambour et d’un fifre, ayant sonné le tocsin dans l’église de Saint-Germain, a forcé plusieurs habitants, et notamment le curé et le procureur de la commune, soussignés, de se joindre à elle, par la menace de mettre le feu à leur maison , que les honnêtes gens, ainsi forcés, ne purent éviter d’aller jusqu’à Favars, qu’en se dérobant en chemin, Elle raconte l’affaire de Favars, comme les autres relations, en rendant témoignage à la modération des citoyens de Tulle, et en assurant que le nombre des morts a été fort exagéré, et qull n’a pas passé trois ou quatre personnes. Elle ajoute que les jugements rendus à Tulle paraissaient nécessaires à tous les bons citoyens, à tous les amis de la paix ; qu’ils ont prouvé à la classe ignorante et trompée du peuple que les méfaits sont encore punis, et que la justice se fait encore ; que si les désordres recommençaient, ils compromettraient la liberté même à laquelle l’Assemblée travaille avec tant d’ardeur. Elle supplie enfin l’Asssembiée nationale d’ordonner incessamment le jugement de tous les prévenus détenus dans les prisons de Tulle et notamment celui du sieur Durieux, qui passe pour s’être trouvé dans presque tous les attroupements ; et réclame, en finissant, contre l’intervention de la commune de Paris dans cette affaire, tant à raison de ce qu’elle n’a pas pu bien connaître les faits que parce qu’elle n’a point ce droit par la Constitution. 25 mars. SAINT-JAL. Discours du maire de la commune de Saint-Jal, et délibération de la commune, du 21 mars. Le discours du maire exprime d’abord la reconnaissance et le respect de la commune pour l’Assemblée nationale, et en même temps la nécessité de maintenir la paix et l’ordre pour seconder ses travaux et répondre à ses vues. On y peint ensuite les désordres dont la province a été la proie ; les dangers dont elle a été délivrée par la conduite ferme et vigoureuse des municipalités et gardes nationales de Tulle, d’Uzer-che, de Lubersac, et des maréchaussées, et l’espoir qu’elle fonde sur le jugement et la punition des coupables, pour ramener la paix. La délibération arrête, d’une voix unanime, de nouvelles protestations de respect pour l’Assemblée nationale, de soumission à ses décrets, de zèle pour la Constitution, qu’elle fait serment de maintenir. En même temps, se réunissant d’intention et d’affection aux communes d’Uzer-che et de Tulle, auxquelles elle voue une éternelle reconnaissance pour la conduite par laquelle elles ont sauvé la province, elle supplie l’Assemblée d’ordonner que les auteurs et moteurs des désordres soient poursuivis et reçoivent le châtiment qui leur est dù, d’autant, disent-ils, que les habitants de la commune, sentant le prix de la liberté qu’ils ont recouvrée, sont indignés de la voir en danger par une licence effrénée, destructive de la société. La délibération est envoyée à la commune de Tulle, avec une lettre de remerciements pour la municipalité et la garde nationale. SAINT-PARDOUX-L’ENF AN TlER . Délibération du 19 mars, précédée d’un discours du maire. L’assemblée, dit-il, est convoquée d’après la crainte de voir suspendre le jugement des prisonniers de Tulle. Il rappelle les désordres commis à Favars, à Glandier, à Alassac, à Saint-Bonnet et sur plusieurs propriétés bourgeoises : il dit que les deux exécutions de Tulle ont ramené le calme, et que les pillages recommenceront bientôt si l’on met quelque lenteur à poursuivre les criminels. La délibération est d’après ces principes. La commune, d’une voix unanime, sollicite l’Assemblée nationale d’ordonner de faire instruire avec promptitude et éclat le procès de tous ceux qui sont détenus dans les prisons de Tulle et elle atteste à l’Assemblée que, sans les punitions qui ont été faites, la vigilance des officiers civils et militaires n’aurait pas pu empêcher de nouveaux désastres, attendu qu’on avait persuadé au peuple que ses excès demeureraient impunis. SAINT-MARTIN-SEPERTS . La délibération de cette commune est la même que celle de Saint-Pardoux. SAINTE-SOLVE. Délibération de la commune de Sainte-Solve, du 21 mars, adressée à l’Assemblée nationale, par 74 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1790.] laquelle, instruite que certains particuliers font leur possible pour disculper auprès de l’Assemblée nationale les personnes accusées des désordres affreux qui se sont commis dans le bas Limousin, elle supplie les augustes représentants de la nation de faire faire le procès à tous ceux qui seront reconnus auteurs, fauteurs et instigateurs de ces mêmes troubles, séditions et insurrections, et de les faire punir suivant la rigueur des lois. salon. Délibération et adresse du conseil général de la commune de Salon, du 25 mars, qui n’est autre chose que le discours du maire, adopté par la commune et adressé à l’Assemblée nationale. Le maire y rappelle les troubles et les désordres de la province, arrêtés lorsque la garde nationale et quelques troupes réglées les ont heureusement réprimés, 11 remarque que, lorsqu’on eut conduit dans les prisons de Tulle les coupables pris dans les attroupements, on répandit parmi le peuple qu’on n’oserait puniraucun des prisonniers, qumn leur donnerait au contraire des dommages et intérêts, et qu’on leur paierait leurs journées; que le supplice de deux des coupables avait désabusé le peuple et arrêté les désordres qui menaçaient de s’étendre dans toute la province. Qu’on apprenait cependant que de soi-disant députés de l’ancien comité de Brive, les sieurs Serre le jeune et Fave, dans une lettre insérée aux Annales du sieur Mercier, avaient pris la défense des brigands détenus dans les prisons de Tulle, qui ont été arrêtés en attroupement et les armes à la main contre les citoyens. Que, sans révoquer en doute les sentiments d’humanité de l’ancien comité de Brive, Je succès de leurs tentatives auprès de l’Assemblée nationale pourrait causer la perte de la province. Qu’aujourd’hui, par de nouveaux écrits et propos répandus dans la populace, on cherche à lui persuader que les condamnés sont des victimes immolées par les aristocrates, et que l’Assemblée improuve la conduite du prévôt et l'a destitué. Que si ces bruits achevaient de prendre crédit par l’amnistie que les députés de Brive osent solliciter, les attentats et les violences du peuple recommenceraient. Que, dans ces circonstances, ia commune de Salon élève sa voix vers les pères de la patrie pour les supplier de faire suivre le procès pour des prisonniers détenus à Tulle. Le maire observe que le vœu de sa commune ne peut êtresuspectauxreprésentants delà nation ; que cette commune pauvre n’a ni passions à satisfaire, ni grands intérêts à ménager; que les officiers municipaux vivant avec les paysans connaissent mieux leurs dispositions que Messieurs de l’ancien comité de Brive, etc. Sur quoi Ja matière mise en délibération, et après avoir entendu plusieurs fois lecture faite à haute voix des raisons ci-dessus énoncées qu’il a trouvées conformes à la Vérité, le conseil général de la commune supplie l’Assemblée nationale d’avoir égard au susdit exposé, pour le salut de la province, et ont signé, au nombre de quatorze, les officiers municipaux, notables et autres. seilhac. La commune de Seilhac, assemblée après la formation de la nouvelle municipalité, le 16 mars, offre d’abord à l’Assemblée nationale, par l’organe de son procureur-syndic, l’hommage de son res-' pect et de sa reconnaissance pour sa justice et la bienfaisance qu’elle a montrée envers les habitants des campagnes. Elle loue ensuite le patriotisme de la ville de Tulle, comme lui assurant la reconnaissance de tousles bons citoyens; elleditque ceux qui jettent des doutes sur les bons sentiments de la ville de Tulle, et qui l’accusent d’entretenir des principes contraires à la régénération du royaume, n’en-çhaîneraient ainsi ses forces que pour donner aux méchants la liberté de tout oser. Que si cette barrière était abattue, les citoyens seraient bientôt obligés de prendre les armes pour défendre leurs héritages. Qu’il faut supplier l’Assemblée nationale d’ordonner qu’il sera informé, avec le plus grand soin, par le tribunal prévôtal de Tulle contre les auteurs et complices des attroupements, et que les coupables seront punis suivant les lois, et enfin de faire connaître elle-même à toute la province l’horreur et l’indignation que lui inspirent (à l’ Assemblée) les attentats qu’on se permet contre les personnes et les propriétés. SAINT-CLÉMENT. Cette commune, assemblée le 17 mars, adhérant à la délibération et adresse de la commune de Seilhac, y ajoute des considérations importantes. Elle supplie l’Assemblée de ne pas perdre de vue que les brigands attroupés attaquaient non seulement les châteaux des gentilshommes, mais les maisons des bourgeois, dont plusieurs ont été pillées; oùles femmes même ont été exposées aux plus affreuses indignités, celles des paysans riches, et le monastère des Chartreux ; “de sorte dit-elle, qu’il est évident que le principal motif des attroupements est l’ardeur du pillage; qu’ils ont élevé des potences avec des écriteaux menaçant de pendre ceux qui paieraient les rentes et les dîmes ; qu’ils ont mis à contribution tous les bourgeois du bourg de la Grolière, et jusqu’au curé qui est à portion congrue; qu’ils ont été jusqu’à vouloir qu’on allât réclamer les dîmes et les rentes déjà payées, qu’il est donc bien faux qu’ils ne s’assemblassent que pour planter des mais et se réjouir de la liberté; que malgré la vigilance et le courage de la, municipalité et de la garde nationale de Tulle, on avait encore eu besoin, pour arrêter les suites du désordre, d’avoir recours à Limoges pour en obtenir quelque cavalerie qui pût achever de dissiper les factieux. Qu’en conséquence de tous ces faits connus, la municipalité de Saint-Clément, en adhérant à la délibération et adresse de Seilhac, supplie l’Assemblée nationale de vouloir bien les prendre en considération, et ordonner que les procès commencés contre les auteurs et complices des attrouppements, et notamment celui du nommé Durieux, regardé dans la province comme chef de parti* seront mis à fin pardevant le prévôt de la ville de Tulle, et les coupables punis seront l’exigence des cas. SAINT-SALVADOUm Cette commune adhère aux délibérations et adresses de Seilhac. Beaumont y adhère de même. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 Juin 4790.] 75 Servières, du 15 mars 1790. Le procureur de la commune lui dénoDce la lettre des deux députés de l’ancien comité de Brive, insérée au journal du sieur Mercier, comme un écrit incendiaire, capable de faire renaître dans la province le trouble et les désordres qui ont fait gémir tous les bons citoyens, et comme contenant des calomnies atroces contre ceux à qui la province croit devoir le retour de la tranquillité publique. Le procureur-syndic fait ensuite un tableau frappant des désordres que nous nous abstiendrons de répéter ici; il s’élève contre les apolo-gistes de ces brigandages, qui ont porté, dit-il, la démence jusqu’à qualifier de barbares les citoyens courageux qui ont généreusement exposé leur vie pour défendre les propriétés de leurs concitoyens. Il observe que les ennemis de la liberté naissante voudraient bien qu’on la confondît avec une licence effrénée, bien persuadés que celle-là ne pourrait subsister longtemps avec les scélératesses auxquelles conduirait celle-ci. Il s’étonne que les auteurs de l’apologie du désordre et du crime, insérée au journal du sieur Mercier, se soient dits chargés d’exprimer à l’Assemblée nationale les sentiments et les vœux de la commune de Brive, et ne doute pas que tous les honnêtes gens de Brive ne s’empressent de les désavouer. Il donne comme l’opinion générale de toute la province, l’éloge qu’il fait de la conduite de la garde nationale de Tulle, à Favars, à qui on doit la cessation des désordres et la conservation des propriétés, et il regarde comme indispensables, et commandées par la justice, les condamnations portées par le tribunal prévôtal de Tulle, qui ont détrompé le peuple de la persuasion qu’on lui avait inspirée que les pillages demeureraient impunis. Il convient qu’une amnistie générale serait désirable, sans doute, sielle pouvait se concilier avec la sûreté publique; mais il observe qu’il faut se défendre d’une pitié meurtrière, qui, pour sauver la vie d’un coupable, assassine mille innocents ; qu’en des temps critiques comme ceux où nous Vivons, et où la propriété et la vie des meilleurs citoyens peuvent être, d’un moment à l’autre, à la merci du premier scélérat, l’indulgence et le pardon deviendraient une horrible cruauté; qu’on ne peut donc qu’applaudir à la juste sévérité du tribunal prévôtal de Tulle, si indignement calomnié par des hommes dont l’humanité semble ne s’émouvoir qu’en faveur du crime, et en qui une fausse pitié fait taire le sentiment de la justice. Il s’inscrit en faux contre ce qu’ont osé avancer les députés de Brive, que dans la ville de Tulle, pour justifier les barbaries du prévôt, on faisait courir le bruit que l’Assemblée nationale avait envoyé des ordres secrets pour presser les jugements et exécuter les sentences. À cette calomnie, dénuée d’ailleurs de toute preuve, il appose que le tribunal prévôfal de Tulle n’avait nul besoin d’employer un moyen si vil, qu’il était suffisamment autorisé par les lettres patentes du 12 août 1786 et par la loi martiale, à poursuivre les jugements contre les prévenus d’insurrection et de révolte, et à punir de mort ceux qui avaient excité l’insurrection et qui avaient été pris les armes à la main. Il s’élève contre la violence de ces écrivains qui ont osé donner le nom odieux de perfides ennemis du peuple, à des hommes qui n’ont été que ses vengeurs, ses défenseurs contre les brigands, qui ont assuré le bon ordre et la propriété, sans lesquels un peuple ne peut subsister. Il dément d’ailleurs l’imputation faite à la garde de Tulle d’avoir tiré la première sur les brigands, ainsi que ce qu’ils avancent, que leurs sentiments sont ceux de tous les bons concitoyens de la province; il exhorte ceux-ci à désavouer publiquement et hautement cette allégation. Enfin il requiert de la municipalité qu’elle supplie l’Assemblée nationale d’ordonner que le procès soit fait avec la plus grande publicité à tous les prévenus de crimes d’insurrection, détenus dans les prisons de Tulle ; qu’elle écrive à la municipalité et garde nationale de Tulle, pour leur témoigner qu’elle improuve les inculpations intentées contre elles par les députés de Brive, et qu’elle regarde leur conduite comme digne de l’approbation de tous les bons citoyens. Et sur tout ce que dessus la commune de Ser-vières délibérant, a ordonné le soit fait ainsi qu’il est requis. Nous trouvons encore parmi les pièces relatives à la commune de Servières, une lettre de la municipalité à M. le président de l’Assemblée nationale, où elle remercie l’Assemblée de la justice qu’elle a rendue à la conduite de la municipalité et de la garde nationale de Tulle, et où elle dit que la lettre de M. le président a produit de bons et salutaires effets, achevé de calmer les esprits inquiets, etc. Cependant une lettre plus récente, et du 29 mars, du procureur de la commune, et jointe aux pièces, annonce que les affaires de Tulle et de Brive tenant le pays en suspens, les paysans semblent commencer à reprendre leur premier esprit; que les étangs d’Auriac, paroisse voisine de Servières, ont été pêchés nuitamment, et qu’enfin l’absolution ou la punition des brigands détenus à Tulle, vont décider du calme ou du désordre-SOUD AINE«L A ~ VINADljtRB • La délibération de cette commune, du 21 mars, adopte un discours fort étendu de son procureur-syndic, qui rentre dans tous ceux que nous avons déjà recueillis des désordres de la province. Rétablissement de la paix dû à la sage conduite des gardes nationales de Tulle, d’Uzerche, de Lu-bersac, du détachement de Roval-Navarre, et à l’emprisonnement et jugement de plusieurs séditieux ; plaintes vives des écrits répandus dans la province, où i’on honore les brigands du nom de bons citoyens, de frères d’armes, de martyrs du patriotisme, et victimes de la vengeance des aristocrates, Protestations de la soumission entière de la commune aux décrets de l’Assemblée nationale, à la nouvelle Constitution, à la loi et au roi, Alarmes de toute la province sur les nouvelles qu’on ose annoncer d’une amnistie accordée aux détenus dans les prisons de Tulle, ect, Ce discours est suivi d’une délibération unanime de la commune, qui en adapte tous les sentiments, tous les vœux, et les adresse à l’Assemblée nationale. TREIGNAC. Lettre des officiers municipaux de la ville de Treignac, qui proteste de leur dévouement à la 76 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1790.1 ville de Tulle, et de la résolution où ils sont de concourir avec elle à l’entretien de la paix publique, pour laquelle la commune de Tulle a déjà fait , disent-ils, tant de choses; elle est du 16 mars. Une délibération du 17 porte en substance que les citoyens de Tulle sont de vrais défenseurs de la patrie, qui n’ont employé que les moyens d’une juste défense, et que la condamnation des coupables a arrêté le feu de la sédition qui allait embraser la province. Que quoiqu’il en coûte à la commune de solliciter la sévérité des lois, elle croit que l’intérêt de tous exige d’elle de manifester à l’Assemblée nationale le vœu qu’elle forme de voir continuer le procès des prisonniers détenus k Tulle, et notamment celui du sieur Durieux. TROCHE. Un discours de son procureur-syndic et une adresse à l’Assemblée nationale renferment, l’un et l’autre, les mêmes sentiments et les mêmes vues. L’adresse représente à l’Assemblée que la liberté reconquise au peuple français par les travaux des représentants, sert de prétexte aux méchants qui violent leurs sages décrets ; que le pillage de la Chartreuse de Glandier peut faire craindre que la licence ne connaisse plus rien de sacré; ces religieux ayant constamment donné l’exemple de toutes les vertus sociales et religieuses, surtout dans les années calamiteuses où ils se sont montrés riches en bonnes œuvres, et où ils se sont appauvris par d’immenses aumônes. Que l’activité de la garde nationale de Tulle, de Lubersac et d’un détachement de cavalerie de Royal-Navarre, ainsi que la détention et le jugement de quelques coupables, faisait espérer désormais la tranquillité de la province, mais que le décret portant suspension des procédures de la juridiction prévôtale du Limousin, avait ramené toutes les inquiétudes, que les mêmes propos incendiaires qui avaient causé les premières insurrections recommençaient. Qu’elle demande la continuation des procédures, d’après laquelle on élargira les innocents, et ceux mêmes qui ne seraient que peu coupables, mais qui conduira aussi à la condamnation et punition des auteurs et complices des désordres, seul moyen de rétablir la tranquillité publique. TUDEIL . Lettre des officiers municipaux de la commune de Tudeil, du 23 mars, à la municipalité de Tulle. Us expriment leur reconnaissance pour le service rendu à la province par la garde nationale de Tulle à Favars, et le désir qu’ils ont de faire partie du département de Tulle ; et ils se réunissent, disent-ils, à la majorité de la province pour demander la punition des malfaiteurs et pour blâmer ceux qui ont cherché à inculper les généreux habitants de la ville de Tulle. vigeois. Adresse de cette commune à l’Assemblée nationale, du 18 mars. Cette commune y représente à l’Assemblée que le feu de la guerre des brigands aux propriétés couve encore dans la province; qu’il peut être aisément rallumé par les impostures et calomnies répandues dans les journaux dont les rédacteurs ne s’assurent pas assez de la vérité des faits qu’ils consignent dans leurs feuilles ; que c’est ainsi que des ennemis du bon ordre, sous le voile du patriotisme, ont défiguré les faits arrivés à Favars, Glandier et Alassac, en cherchant à inculper les victimes de ces brigandages et leurs défenseurs, sous le nom d’aristocrates, dont on fait aujourd’hui le même usage que celui de huguenot au temps des guerres de religion, pour rendre odieux ceux qu’on veut perdre. Elle se plaint de la démarche de la commune de Paris, en faveur des perturbateurs du repos de la province, qu’elle espère voir rétractée. Elle observe que les décrets de l’Assemblée nationale rendant chaque municipalité responsable des désordres qui peuvent résulter de sa négligence, elle croit remplir ce devoir en suppliant l’Assemblée de faire suivre l’instruction des procédures criminelles contre les accusés de séditions arrivées dans le Bas-Limousin, le salut de la province dépendant de la punition des coupables. VIGNOLS. Délibération et adresse de la commune de Vignots à l’Assemblée nationale, du 21 mars. La commune, instruite que les moteurs et complices des désordres du Bas-Limousin ont trouvé des protecteurs de leurs excès, jugeant que l’impunité rendrait les coupables plus hardis, réclame d’une voix unanime la protection de l’Assemblée nationale, la suppliant de faire instruire, avec célérité, et avec le plus grand éclat, le procès des accusés, dont la punition peut seule empêcher de nouveaux brigandages, et mettre en sûreté les honnêtes gens ; elle assure qu’en cela elle exprime un même vœu avec toutes les communes de son voisinage. ~ USSEL. Dès le 2 février, cette commune avait adressé à la ville de Tulle une députation pour lui porter les offres de services et de secours dont elle pourrait avoir besoin dans les incursions dont onia disait menacée, et pour lui renouveler l’assurance d’une fraternelle union. Le 16 mars, arrêté de la même commune, par lequel elle exprime sa reconnaissance pour le patriotisme signalé de la ville de Tulle, et la peine qu’elle ressent des calomnies dont on cherche à flétrir la conduite de sa garde nationale dans les insurrections du Bas-Limousin; conduite à laquelle elle croit la province redevable de son salut. Elle observe que dans le nombre des prisonniers détenus à Tulle, il en est sans doute qui ne sont coupables que d’erreurs ou d’imprudence, mais qu’il peut y en avoir d’autres assez instruits pour découvrir leurs instigateurs, et qu’innocents ou criminels, il est à désirer que leur procès soit fait et suivi avec la plus grande authenticité : demande qu’adresse très respectueusement à l’Assemblée la commune d’Ussel. Elle supplie en même temps l’Assemblée de placer le tribunal du département dans la ville de [2 juin 1790.] 77 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Tulle, qui mérite cette préférence par sa conduite et par sa situation. üzerche. La ville d’Uzerche, que Tordre alphabétique nous a fait placer ici la dernière, est une des premières qui ait exprimé les vœux qu’on vient de voir énoncés par toutes les autres municipalités de la province, et une de celles qui s’est expliquée avec le plus de force. Voisine des lieux où les désordres ont éclaté, elle a craint davantage les effets des relations infidèles des journaux et de la multitude de papiers qui pouvaient accréditer le crime et propager la sédition. Dans un discours à la commune, le maire observe que les exemples de justice faits à Tulle assuraient la tranquillité, en apprenant aux séditieux que la loi veillait au salut des citoyens, et que la force publique était encore assez puissante pour réprimer les attentats : mais que cette tranquillité est en danger par l’effet de plusieurs écrits, où Ton donne comme de légères erreurs, des attroupements portant avec eux la terreur et la dévastation; où Ton représente les chefs de ces attroupements comme de bons citoyens, de braves frères d’armes, dés martyrs du patriotisme ; les maux qu’ils ont causés comme une juste réparation des torts et des vexations de l’aristocratie ; des voleurs pris les armes à la main comme des opprimés, et leur cause comme celle l’humanité, de la société; en même temps qu’on ne rougit pas de donner dans ces écrits le nom d’oppresseurs et d’assassins à des citoyens paisibles, qui, menacés de voir fondre sur eux des troupes de 5 à 600 brigands armés, appellent du secours pour repousser le pillage, le meurtre et l’incendie, et parviennent à défendre leurs propriétés et leur vie. Sur quoi la commune délibérant, et la lecture faite de la lettre de M. Serre, député de l’ancien comité de Brive, insérée dans les Annales patriotiques, et de diverses lettres de Paris annonçant le discours de M. l’abbé Mulot, président de la commune de Paris, à l’Assemblée nationale, concernant les troubles du Bas-Limousin, arrête, d’une voix unanime : De solliciter auprès de l’Assemblée nationale la poursuite des procédures commencées contre le sieur Durieux et autres particuliers prévenus d’être instigateurs et moteurs des séditions et désordres d’Alassac, Glandier, et autres lieux et accusés, dit-elle, non par les aristocrates, mais par la voix publique. Elle représente ensuite que la province n’a dû son salut qu’à la conduite ferme et généreuse de la garde nationale de Tulle, de Lubersac, et à un détachement de Royal-Navarre ; que tout était à craindre avant les exemples faits par la justice de Tulle, parce qu’on avait persuadé au peuple qu’on n’oserait pas punir les coupables. Qu’en pressant l’Assemblée nationale de faire faire le procès de ceux qui se sont rendus coupables des désordres du Limousin, les habitants d’Uzerche ne sont point ennemis de la nouvelle Constitution pour laquelle ils ont été des premiers à montrer la plus parfaite soumission, et et qu’ils ont juré de maintenir, ainsi que les décrets de l’Assemblée; mais qu’ils expriment le vœu des bons citoyens pour la tranquillité publique, vœu qui est celui de toutes les communes de la province, et qui n’est contrarié que par un certain nombre d’habitants de la seule ville de Brive, qui seraient déjà démentis par les bons citoyens de la même ville, si ceux-ci eussent osé se montrer, et s’ils n’avaient craint des dangers véritables, en s’élevant contre les manœuvres de leurs compatriotes, etc. C’est vainement, ajoute-t-elle, que Tancien comité de la ville de Brive, inculpé par l’opinion publique pour avoir été un foyer de sédition, prétend se justifier en alléguant la lettre circulaire écrite en son nom aux habitants des campagnes, et dont les principes sont ceux du plus pur patriotisme, mais qu’il n’a pas pratiqués lui même, etc. En terminant Textrait des délibérations et adresses des villes et municipalités du Limousin, nous ne pouvons nous dispenser de présenter ici une réflexion que nos lecteurs auront faite en même temps que nous. Quoi, diront-ils, tous les citoyens qui ont quelque part à l’administration de la province dans les municipalités auxquelles ils ont été élevés par le choix de leurs compatriotes, attestent les désordres dont elle a été le théâtre, expriment leur reconnaissance pour les secours que leur ont donnés la municipalité et la garde nationale de Tulle, assurent que c’est à elle et à la justice faite par la juridiction prévôtale qu’ils doivent leur tranquillité, se plaignent de l'interruption qu’on vient d’apporter à l’exécution de ses jugements, et demandent avec instance que la justice reprenne son activité, si Ton veut éviter le retour des brigandages ; et on pourrait balancer un moment sur le parti que doit prendre l’Assemblée; et on pourrait douter un moment, soit de la vérité des faits attestés par une telle nuée de témoins, soit de la nécessité de céder à une demande si pressante, et fondée sur de si puissants motifs ! Non, une telle incertitude ou un tel refus ne pourraient recevoir aucune explication dont un homme raisonnable et juste puisse se contenter. Après tout, pour contrebalancer des autorités et des raisons d’un si grand poids, il en faudrait de bien puissantes; et où sont-elles? La seule réponse qu’on puisse faire à cette question, a de quoi étonner. A cette multitude de témoins, à cette autorité imposante, à ces pressantes sollicitations de toutes les municipalités des villes, bourgs et paroisses du Limousin, on voit s’opposer la commune de la seule ville de Brive, et des plaintes apportées à la commune de Paris et à l’Assemblée nationale par deux députés de cette commune, qui viennent dire, et qui trouvent l’art de persuader un moment que les troubles du Limousin ont été exagérés par les aristocrates de la province; qu’on n’en peut pas craindre le retour; que les paysans qui ont pillé sont plus égarés que coupables; qu’on en a inhumainement massacré un grand nombre qui sont morts victimes de l’aristocratie; qu’on continue de les égorger au nom de la loi, etc. ; imputations aussi fausses qu’atroces, consignées dans vingt papiers publics, imprimés soit à Paris, soit à Brive, et répandus dans la I province avec la plus grande profusion. Voilà ce qu’on ose opposer au témoignage, à la réclamation, aux sollicitations de cinq cents officiers municipaux ou notables de la province , et c’est en faveur d’une telle opposition qu’on oserait prononcer 1 Mais que parlons-nous de l’opposition de la seule commune de Brive ? Ce n’est pas même [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1790*] toute la commune de Brive qui s’élève ainsi contre la province; car, contre la délibération de cette commune a réclamé la plus saine partie dés citoyens de la ville de Brive, au nombre de cent vingt-huit bourgeois et citoyens, parmi ceux que leur état ou leur aisance peuvent mettre à l’abri de tout soupçon de corruption ou d’injustice , et contre l’ancien comité de la ville a réclamé la nouvelle municipalité. Citons d’abord les protestations d’une partie nombreuse des citoyens de Brive ; il y en a deux : la première, du 16 mars, signée de cent dix habitants de tous états; la seconde, en forme d’adhésion à la première , signée le 23 mars, par dix-huit nouveaux signataires. Ces cent vingt-huit citoyens expriment leur surprise et leur indignation des inculpations atroces dont les auteurs d’une lettre insérée au journal du sieur Mercier, n° 155, signée Serre jeune et Faye, et de divers autres papiers publics, ont cherché à inculper les ci-devant privilégiés, en insinuant qu'ils pourraient être les auteurs secrets des attroupements et insurrections qui ont eu lieu dans la province. Ils protestent contre la légalité de l’Assemblée qui a nommé les sieurs Serre et Faye pour députés à Paris , sur ce que partie d’entre eux n’a pu entrer dans la salle, qui n’était pas assez grande, et que l’autre n’a pas pu y faire entendre sa voix. Ils font observer combien il est absurde de taxer comme auteurs des insurrections des hommes qui en ont été les premières victimes, ainsi que plusieurs citoyens non privilégiés, riches propriétaires et laboureurs aisés. Ils se rendent le témoignage qu’ils ont cherché à arrêter les insurrections, dès leur origine, par des sollicitations réitérées , faites à l’ancien comité, pour l’engager à écrire aux habitants de la campagne cette même lettre que tout le monde a approuvée, mais qui n’a été écrite qu’a-* près les instructions d’Alassac et de Favars, et la capture de plusieurs séditieux (parmi lesquels se trouvait le sieur Durieux, auquel on a vu que l’ancien comité de Brive a mis un si grand intérêt). Qu’instruits de la délibération du 11,, de la commune d’Uzerche, ainsi que de l’arrêt du 15, pris à l’hôtel de ville de Brive, pour se plaindre à l’Assemblée nationale de la commune d’Uzerche, et pour soutenir la demandedelasuspension des procédures contre les accusés détenus dans les prisons de Tulle, ils déclarent protester tant contre la première nomination des sieurs Serre jeune et Faye, comme députés extraordinaires, ce dernier n’étant pas même citoyen actif, que contre la délibération du 15. Ils démentent ensuite les imputations faites dans les papiers publics aux ci-devant privilégiés et autres bons citoyens, d’avoir tiré contre un peuple désarmé qui nefaisait aucune violence, tandis, disent-ils, qu’il est de notoriété publique que le peuple était armé, et qu’il a fait feu plusieurs fois avant qu’on cherchât à repousser la force par la force. Ils finissent par demander que le procès contre les accusés soit continué et les auteurs et instigateurs punis suivant la rigueur des ordonnances, protestant d’ailleurs de leur soumission aux décrets de l’Assemblée nationale, en quoi ils de» meurent unis de cœur et d’affection à tous les bons citoyens de leur commun, avec lesquels ils se sont empressés de prêter le serment civique lors de la formation de la nouvelle municipalité. La réclamation delà nouvelle municipalité con* tre les imputations des deux députés de l’ancien député de Brive est dans le meme esprit ; mais nous ne nous permettrons pas de l’abréger, parce qu’elle dément une partie des faits altérés par l’ancien comité de Brive. EXTRAIT des registres de l'hôtel de ville de Êrive des 17 et 27 mars 1790. M. le maire a dit : « Messieurs, je suis fâché que la place à laquelle on m’a fait l’honneur de me nommer me mette dans la triste nécessité de vous dénoncer un écrit dont la publication fait le plus grand bruit; mais mon devoir m’impose la loi de veiller, autant qu’il est en moi, à l’honneur et aux intérêts de la municipalité et de la commune. « J’ai lu dans un journal, connu sous le nom de Journal de Mercier , au supplément du n° 155, une lettre signée de MM. Faye et Serre, députés extraordinaires de la commune de Brive. Je pense que si ces messieurs l’avaient signée comme particuliers, nous n’aurions rien eu à dire; mais que, signant en qualité de députés extraordinaires de la commune de Brive, ils sont censés être nos organes, ne parler qu’à notre instigation et en notre nom, ou au moins d’après nos instructions , et que tous les pays où ce journal parvient seraient fondés à le croire. Gomme cette lettre contient des expressions qui ne paraissent pas assez modérées, je vais, Messieurs, avoir l’honneur de soumettre à votre jugement et à vos lumières celles que je regardé comme répréhensibles. « Une phrase dit : « Dans les paroisses où le « désordre a régné, ce désordre a été le fruit ou « de l’imprudence ou de la cruauté des ci-devant « privilégiés. » Dans un autre endroit, on ajoute ; « Ce qu’ils n’oflt eu garde de dire, les perfides « ennemis du peuple, c’est l’attentat qu’ils ont « commis eux-mêmes, en publiant la toi mar-« tiale sans le concours ni l’aveu des municipa-« lités, et eu tirant, pour la mettre à exécution, « des coups de fusii sur un peuple désarmé, « assemblé uniquement dans l’intention de brûler « les bancs d’une église. « Ce qu’ils n’ont eu garde de dire non plus, « c’est qu’ils ont fait feu les premiers sur le « peuple en un autre endroit, sans qu’il ait été « question, en aucune manière, de la loi mar-« tiale, et qu’ils ont cherché à l’amuser par de « fausses caresses et des invitations à boire, « jusqu’au moment où ils ont été assez forts « pour l’attaquer avec plus de sûreté. « Le triomphe de l’aristocratie est consacré de « la manière la plus effrayante par le tribunal « prévôtal de la ville de Tulle. De soixante « infortunés qui ont été traînés dans les prisons, « deux ont déjà subi une mort ignominieuse, « d’autres ont été condamnés par contumace, « d’autres fouettés et marqués ; et nous appre� « nous que ce tribunal se prépare à renouveler « ces scènes d’horreur une fois Ja semaiue, jus-* qu’à ce qu’il n’y ait plus de victimes. » « Je suis bien éloigné de eroire que la cruauté des ci-devant privilégiés soit la cause du désordre qui a régné dans nos paroisses, puisque, d’après les procès-verbaux déposés en notre greffe, ce sont les non-privilégiés qui ont commencé par s’attrouper pour enlever les bancs des églises et 79 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1700.] les brûler, et pour dévaster les étangs. Pouvons-nous nous permettre de hasarder le moindre récit de ce qui se passa dans Vautre endroit , dont parle cette lettre, sans connaître la vérité des faits, qui ne peut être réellement établie que par la procédure instruite à Tulle? Le pouvons-nous même sans inculper la milice nationale de cette ville, et sans manquer de respect envers les représentants de la nation, qui ont approuvé la manière dont elle s’est comportée dans cette occasion? Pouvons-nous aussi nous permettre d’accuser MM. de la juridiction prévôtale de Tulle, contraints par leur devoir à faire des exemples nécessaires, sans lesquels la tranquillité publique ne serait peut-être pas encore rétablie, et dont l’Assemblée nationale, en ordonnant le sursis pour l’avenir, n’a point blâmé la conduite précédente? Nous ne devons pas nous dissimuler que notre province était menacée des plus grands dangers par des brigands qui avaient déjà commis bien des désordres, et que nous devons notre salut en grande partie à la prudence de ce tribunal; ne lui témoignerons-nous notre reconnaissance que par les reproches les plus amers? Vous êtes, Messieurs, trop justes pour être capables d’une pareille ingratitude. Nous serions cependant censés autoriser, par notre silence, le contenu de cette lettre, si nous ne la désapprouvions pas authentiquement. « Je pense donc que vous ne deveÉ pas laisser ignorer aux communes voisines et à MM. de la juridiction prévôtale de Tulle que la lettre a été écrite à notre insu et sans notre participation, et que ledit désaveu doit être envoyé au sieur Mercier, pour le prier de l'insérer dans ses feuilles. « Je sais bien que les auteurs de la lettre l’ont soumise à la décison de la commune ; mais cette espèce de rétractation, connue de nos seuls compatriotes, est-elle suffisante pour convaincre les lecteurs des feuilles de M. Mercier et notre province de la pureté de nos intentions? » Sur quoi, la matière mise en délibération, il a été arrêté unanimement que la municipalité, loin de donner son adhésion aux termes injurieux que peut contenir la lettre dont il s’agit, soit contre M. le prévôt de la ville de Tulle, soit contre les ci-devant privilégiés, ou tel autre citoyen que ce soit, désapprouve de la manière la plus formelle toutes ces expressions, et déclare n’avoir donné ni entendu donner aucun pouvoir pour insérer dans les papiers publics rien qui pût donner atteinte à la réputation d’aucun habitant de cette province; demeure en conséquence arrêté que la présente délibération sera imprimée, et que plusieurs exemplaires en seront envoyés aux municipalités voisines, et notamment à M. le prévôt et aux officiers qui l’ont assisté dans les jugements que leur sagesse a sans doute dictés. Il en sera également envoyé un exemplaire au sieur Mercier, avec prière de l’insérer dans un des numéros de son journal. Signé Salfiat, maire; Dejean, officier municipal; Maijonade, officier municipal; Malès, officier municipal; Rebière, officier municipal; Lageneste, docteur-médecin, officier municipal; Rogemond, officier municipal. Mialhet, secrétaire. A cette protestation se joignent, pour la fortifier, deux actes publics, l’un portant la démission du sieur Gerou, un des officiers municipaux présent aux assemblées de l’hôtel de ville des 15 et 16 mars, qui motive sa retraite sur les désa-réments qu’il a essuyés dans ces deux séances, ont le moindre, dit-il, a été de voir que les suffrages n’y ont pas été libres, et que la voix des bons citoyens y a été étouffée. Il a refusé sa signature le 15 : mais le 16, comme rédacteur, il a été forcé de signer. Il proteste que ce n’est qu’en cette qualité, et qu’il a déclaré, en signant, qu’il donnerait sa démission; il ajoute que la lettre des sieurs Serre et Faye ne contient ni ses sentiments ni ceux de la plupart de ses confrères dans la municipalité, et qu’en conséquence il déclare désapprouver et être opposant à tout ce qui a été fait dans les séances des 15 et 16 mars, et donne sa démission. Le second acte de ce genre, du 17 mars, est une protestation des sieurs Malés, bourgeois, et Jean-Baptiste l’Escot, procureur, tous les deux officiers municipaux, contre tout ce qui s’est fait à l’hôtel de ville le 15 de mars, disant qu’ils n’avaient pas protesté la veille, pour ne pas exciter dans Rassemblée une fermentation à laquelle elle paraissait trop disposée. Que le 16, se trouvant présider l’assemblée, ils avaient cru devoir signer le procès-verbal en cette qualité ; mais que dans ces deux assemblées il s’est passé des choses auxquelles ils n’entendent point donner leur approbation ; qu’ils n’approuvent point, notamment la lettre des sieurs Serre et Faye, insérée au journal du sieur Mercier, ni la qualité que lesdits sieurs prennent dans cette lettre de députés extraordinaires de la commune; ils font à ce sujet toutes leurs protestations de fait et de droit, professant d’ailleurs les sentiments d’union et de fraternité avec toutes les communes de la province, et particulièrement celles qui. sont voisines de la ville de Brive, et de leur respect pour les décrets de l’Assemblée nationale, etc. A ce seul exposé, et en voyant d’un côté toute une province, par l’organe de ses nouvelles municipalités, et de l’autre quelques membres de la municipalité de Brive, et une partie seulement de ses citoyens opposés sur des faits publics, nou3 ne pensons pas qu’un homme sage puisse hésiter à prononcer en faveur de la province. Mais mettons de côté toute autorité, et discutons jusqu’aux moindres prétextes. Ges prétextes sont énoncés dans divers écrits répandus avec une extrême profusion dans la capitale et dans les provinces; lettres dans les journaux, adresses aux municipalités voisines, avis aux paysans, enfin adresse à l’Assemblée nationale. Nous nous bornerons à l’examen de cette dernière pièce. Nous distinguerons dans cette adresse ce qui est relatif aux plaintes réciproques des deux villes d’Uzerche et de Brive, et ce qui tient à l’objet principal de notre mission, le rétablissement de la justice dans toute son activité. il y a d’abord une observation bien importante à faire sur le premier de ces objets. La commune de Brive se plaint de la ville d’Uzerche, dénonce sa délibération à l’Assemblée, comme calomnieuse et respirant la sédition . Mais elle se trompe, elle n’en dit pas assez, ou plutôt elle dissimule un fait embarrassant pour elle. G’est toute la province du Limousin, c'est. même plusieurs villes et communes du Quercy, du Périgord, de l’An-goumois, et même du Languedoc, que la ville de Brive devait accuser auprès de l’Assemblée nationale, comme coupables de calomnie et dé sédition, puisque toutes ou presque toutes ces villes adhèrent, ainsi qu’on l’a vu, à la délibération d’Uzerche, et que celles qui n’en font pas mention en répètent les plaintes et en .adoptent les principes. Ceci, comme on voit, peut servir à apprécier les plaintes de Brive contre Uzerche, 80 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1790.] puisqu’elles se présentent sous un aspect bien peu favorable lorsqu’elles attaquent, non plus une seule ville, mais toute une province. Nous observerons ensuite une circonstance bien capitale dans la question. Cette circonstance est que ce n’est qu’en se défendant des imputations calomnieuses et incendiaires insérées dans les papiers publics par les députés de l’ancien comité de Brive, que la ville et la municipalité d’Uzerche ont inculpé ce comité. Le maire d’Uzerche, suivi de quelques volontaires, s’était transporté à Alassac au temps du pillage, et avait employé son intervention pour sauver le château et calmer les mutins, sans y réussir, faute de moyens. Il avait désapprouvé l’inaction de la garde nationale de Brive. La ville d’Uzerche avait loué et remercié la garde nationale de Tulle de son courage à repousser les brigands, enfin elle s’était montrée très ouvertement en faveur des mesures prises pour la tranquillité de la province, et de la vigilance et de l’activité de la justice de Tulle. Dès lors les reproches, les calomnies répandues même dans la capitale contre les prétendus aristocrates, « qui pourraient bien être eux-mêmes les auteurs secrets des désordres qui ont attiré sur eux la vengeance du peuple par leur cruauté, qui sont de perfides ennemis du peuple, qui ont tiré des coups de fusil sur un peuple désarmé, qui ont applaudi au tribunal de Tulle, consacrant le triomphe de l’aristocratie par des scènes d’horreur, etc. » Dès lors, dis-je, tous ces reproches sont tombés sur les habitants d’Uzerche autant que sur tous les ci-devant privilégiés; et quoique la municipalité ait eu surtout le bien public en vue en se plaignant des papiers incendiaires où on les insultait ainsi, leur intérêt, le besoin de se défendre s’est joint à ce motif. La commune d’Uzerche n’a donc rien fait que de bien naturel et de bien juste en s’élevant contre la lettre des sieurs Serre et Faye, et contre le comité, dont ces Messieurs paraissaient énoncer les sentiments. Mais, dit-on, la commune d’Uzerche a dit dans sa délibération, que le comité de la ville de Brive était inculpé par l'opinion publique, comme étant un foyer où résident des incendiaires , des moteurs et instigateurs de sédition, et que ce comité n'a pas pratiqué la morale qu'il recommande dans la lettre qu'il a publiée lui-même, adressée aux habitants des campagnes. Honorés de la députation de la ville d’Uzerche en même temps que celle de Tulle, sa réputation et ses intérêts doivent nous être chers : jusques dans la vivacité des plaintes qu’elle forme contre les mauvais citoyens qu’elle croit voir parmi les bons au sein de la ville de Brive, nous ne craignons pas de dire qu’elle est encore guidée par le patriotisme et par le zèle qu’elle a constamment montrés pour les principes de la Révolution. Nous observons que si les citoyens de la ville d’Uzerche, après s’être vus menacés d’insurrections et de pillages qui ont dévasté leurs environs, voyant répandre des ouvrages où l’on semble justifier les excès du peuple, et louer, comme de bons citoyens, des hommes que la voix publique dénonçait comme auteurs de ces mêmes désordres; si, voyant cette apologie et ces éloges dans la bouche des membres du comité et des députés de la ville de Brive, ils ont dit que le comité de cette ville était inculpé par l’opinion publique pour être un foyer où résident des incendiaires, des moteurs et des instigateurs de sédition ; ces reproches de la ville d’Uzerche n’ont-ils pas, dans de pareilles circonstances, un degré de vraisemblance qui peut les rendre excusables même aux yeux de ceux qui ne les regarderaient pas comme véritablement fondés ? Enfin, puisqu’il faut le dire, ce qui justifie les plaintes de la ville d’Uzerche contre l’ancien comité, c’est la protection avouée, éclatante, qu’a donnée cet ancien comité au sieur Durieux, à cet homme prévenu par les informations et dépositions, et par une notoriété universelle, d’avoir été auteur, fauteur et participe des insurrections qui ont eu lieu en plusieurs parties de la province. Le sieur Durieux était en même temps membre de l’ancien comité, et dans les mêmes ouvrages où l’on dénonce au peuple comme ses tyrans, ses ennemis, ses assassins, ses bourreaux, des citoyens honnêtes qui défendent leur propriété, et des magistrats qui punissent ceux qui la violent, on ne rougit pas de donner à ce démagogue forcené les éloges les plus grands. On se fait gloire de l’avouer pour camarade, et comme un des plus zélés et des plus braves citoyens que la ville de Brive renferme dans son sein. Gomment s’étonnerait-on que la commune d’Uzerche ait dit que le comité de Brive était inculpé par l’opinion publique pour être un foyer où résident des incendiaires, des moteurs et instigateurs de sédition, lorsqu’il est public que Durieux était membre de ce comité, qu’il est prévenu gravement d’avoir été moteur et complice des insurrections, et que le comité l’appelle brave camarade, honnête homme, excellent citoyen? Il faut d’ailleurs expliquer ce que l’on entend par avoir inculpé la ville de Brive. La ville d’Uzerche et la ville de Tulle protestent contre cette imputation. Elles n’ont entendu ni l’une ni l’autre former une pareille accusation contre toute la ville de Brive, dont elles regardent les habitants, pour la plus grande partie, comme d’aussi bons citoyens qu’aucun de ceux qu’elles renferment dans leur sein. Elles n’ont attaqué que l’ancien comité, et même seulement quelques-uns des membres de l’ancien comité, et la partie la plus tumultueuse, la moins éclairée des habitants, entraînés par quelques hommes de parti à des opinions qu’ils n’entendent pas, et à des mesures dont ils ne connaissent pas les funestes conséquences. Et comment cela serait-il autrement, lorsqu’il est public et bien connu des habitants d’Uzerche, qu’une grande, et la saine partie des habitants de Brive et de tous états, désavouent les démarches de l’ancien comité et celles des deux députés qu’il avait envoyés à Paris, ceux-là même qui ont répandu les écrits incendiaires qui ont excité les plaintes de la ville d’Uzerche ? Elle ne se plaint donc pas de la ville de Brive, mais de son ancien comité, et des députés, et d’uneportion de citoyens séduits qui ne sont pas de la ville de Brive elle ; ne calomnie donc personne. Dans l’adresse àd’Assemblée nationale, on cherche àfaire méconnaître tant au public qu’aux habitants de Brive la distinction que la commune d’Uzerche n’a cessé de faire entre les bons citoyens de la ville de Brive avec lesquels elle veut se tenir unie de vue et de sentiments, des hommes violents, perturbateurs du repos public, apologistes des excès qui se sont commis, que Brive renferme aussi dans son sein. Les rédacteurs font remarquer à l’Assemblée que la commune d’Uzerche n’a fait tomber ses noirceurs que sur une partie des citoyens de Brive, afin de diviser la ville ; que cependant la dénonciation de la délibération d’Uzerche a été unani- 81 [Assemblée nationale*] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [2 juin 1790.] mement adoptée par tous les citoyens, et l’arrêté pour la députation pris unanimement, et que tous les citoyens, interpellés s’il était vrai que quelqu’un d’eux eût essuyé quelque danger réel, ont démenti, par leur silence, l’assertion téméraire énoncée dans la délibération d’Uzerche. » Les rédacteurs de l’adresse sont véritablement courageux dans leurs assertions. En écrivant, ils ne pouvaient pas ignorer la protestation d’une partie considérable des citoyens de la ville de Brive, du 16 mars, contre tout ce qui s’était passé le 15, nommément contre la dénonciation de la délibération d’Uzerche , et contre l’élection des députés à l’Assemblée nationale. Us savaient que cette protestation était signée de cent vingt-huit citoyens considérables, c’est-à-dire d’un plus grand nombre de protestants qu’il n’v a d’adhérents aujourd’hui à la délibération et a la députation. Ils connaissaient aussi la protestation et la démission du sieur Gerou et celle des sieurs Malés et l’Escot, tous trois officiers municipaux, d’après les pièces que nous avons rapportées ci-dessus; et ils osent avancer à l’Assemblée nationale que la dénonciation, que la députation ont été faites à l’unanimité! Que dire d’une telle hardiesse, démentie par des faits si publics, sinon qu’elle est vraiment inexplicable? Quant au silence des gens interpellés dans cette même assemblée, pour déclarer si quelqu’un d’eux avait essuyé des dangers réels, il faut convenir que c’est une étrange manière de démentir la délibération d’Uzerche, en ce qu’on y dit « que si les bons citoyens avaient osé s’y montrer, et n'eussent pas couru des dangers, ils se seraient élevés contre les manœuvres de leurs compatriotes » ; c’est une preuve précisément semblable à' celle qu’on tirerait de la liberté d’un homme, sa déclaration qu’il est libre, datée de sa prison. Il est bien clair que par la raison qu’ils n’étaient pas libres ils ne pouvaient pas déclarer qu’ils ne l’étaient pas au sein de cette même assemblée qui attentait à leur liberté, et que leurs protestations du lendemain détruisent du reste tout ce qu’ou veut induire de leur silence de la veille. Les auteurs de l’adresse revenant à employer contre les citoyens d’Uzerche la dénomination d 'aristocrates, devenue aujourd’hui un signal de proscription, leur reprochent d' éterniser des ressentiments et d'oublier que les paysans sont leurs frères . Mais quel ressentiment peut-on attribuer aux citoyens d’Uzerche envers des hommes qu’ils ne connaissent pas individuellement, mais seulement comme coupables des attroupements, et complices des pillages qui ont désolé la province, et qui leur ont fait souffrir ou craindre dans leurs propriétés ? Le désir de voir punir un coupable n’est pas un ressentiment ; et quoique les paysans soient nos frères, un paysan même, devenu voleur ou assassin, n’est plus pour nous un simple paysan, et encore moins un frère. Les habitants d’Uzerche, dont nous sommes les députés, ne peuvent non plus être fort sensibles au procédé que les rédacteurs de l’adresse veulent bien avoir pour ceux d’entre eux dont les noms sont écrits dans la délibération , en disant aux citoyens , dont elle blesse les intérêts, d’excuser des hommes que la défiance et de fausses terreurs ont égarés. Nous ne voyons pas en cela un exemple de vertu patriotique bien touchant. La vertu patriotique eût été plutôt à ne pas désigner aux habita ois des campagnes, ceux dont les noms sont écrits dans la délibération , d’autant plus que tous les citoyens d’Uzerche, et, ainsi qu’on lra Série. T. XVI. l’a vu, toute la province, pensent à cet égard comme ceux dont les noms sont écrits dans la délibération ; quanta la défiance et aux terreurs, on a vu qu’elles ne sont point fausses ; elles ne les ont donc point égarés. Nous passerons enfin à discuter les raisonsqu’on emploie dans l’adresse en faveur du sursis contre lequel nous réclamons au nom de toute la province. On s’appuie d’abord sur cette considération « que « le sursis regarde tout le royaume, etparconsé-« quent des provinces où les troubles ont eu des « suites plus funestes que dans le Limousin, et « qu’il ne faut pas faire une injuste exception « pour les infortunés paysans de cette province. » Notre réponse sera simple. Nous ignorons l’état actuel des provinces où les troubles ont été plus grands que chez nous. Il est absolument possible, quoique bien peu vraisemblable, qu’en quelques parties du royaume où les mouvements du peuple seraient apaisés depuis plus de temps, où ses dispositions seraient différentes, où il ne serait pas flatté de l’impunité, etc.; la suspension du cours de la justice produise des effets moins funestes que ceux que nous craignons chez nous; mais nous parlons de notre province et des provinces nos voisines que nous connaissons, et nous annonçons à l’Assemblée que les désordres y recommenceront si la justice ne reprend pas tout à l’heure son cours ; ce qu’on peut faire, et ce qu’on fera ailleurs bien ou mal à propos ne nous regarde pas. « Le cœur se soulève, continuent les rédae-« teurs de l’adresse, à la vue des sentiments de « vengeance exprimés dans la délibération de * la ville d’Uzerche. Peu satisfaits du sang qui « a coulé parmi le peuple, soit à Alassac, à Fa-« vars, soit sur les échafauds, il leur faut encore <• d’autres victimes, ils forment les regrets les « plus amers sur celles qui sont prêtes à leur « échapper. » Si le cœur se soulève, c’est en lisant ces dé-* clamations calomnieuses , bien plus capables d’exciter de nouveaux brigandages que de porter l’Assembiée nationale à user de clémence envers ceux qui les ont commis. On y montre les propriétaires qui se sont défendus, ou que la force publique a défendus souvent trop tard, comme des gens avides du sang du peuple. On trouve des sentiments de vengeance dans cette expression du maire, si commune dans la bouche des magistrats, la vindicte publique , comme si cette vindicte, qui est. la punition du crime par la loi, avait rien de commun avec des sentiments de vengeance sur les victimes qui sont prêtes à leur échapper. Nous demandons si cette manière de préseuter les sentiments d’hommes publics n’est pas aussi criminelle que fausse ? Les rédacteurs s’écrient ensuite, en parlant des citoyens d’Uzerche ; « Et ce sont des hommes « qui vantent leurs vertus patriotiques! » Non, la municipalité d’Uzerche ne s’est point vantée de ses vertus patriotiques; c’est le comité de Brive qui s’est appelé le comité patriotique par excellence, et qui oppose sans cesse, dans tous ses écrits, son patriotisme à l’aristocratie d’Uzerche, et de toutes les villes et communes de la province. Mais la commune d’Uzerche a bien autant de droits que la commune de Brive à se rendre ce témoignage. Sans doute, les hommes qui ne demandent que justice peuvent vanter leur patriotisme avec plus de raison que ceux qui s’opposent à ce qu’on 6 82 [Assemblé* n*tioa*M ARCHIVES PAJtLEMEIN T AIRES. [2 juin 1190.1 la ronde, et les exclamations des faiseurs d’adresse ne leur ôteront pas ce droit. Le vrai patriotisme est inséparable de l’amour de l’ordre et de la justice, sans lesquels il n’y a point de patrie, ou sans lesquels il est inutile d’en avoir une ; et ceux-là seuls sont mauvais patriotes qui osent défendre, justifier, flatter même les perturbateurs du repos public, les ennemis de la patrie et du peuple, en appelant peuple des brigands, et: peux qui se défendent du brigandage, hommes avides du sang du peuple, Selon les auteurs de l’adresse, « les despotes et * les tyrans mettent un terme à leurs vengeances, * et on doit s’étonner de voir blâmer l’Assemblée « de suspendre l’effusion du sang d’un grand « nombre de malheureux que l’ignorance avait « séduits. » Ainsi la demande du cours libre de la justice, si naturelle de la part d’une province en proie à des brigandages, est assimilée aux procédés et aux sentiments des despotes et des tyrans, et appelée encore du nom odieux de vengeance; et l’on appelle blâme de l’Assemblée, la prière que lui adressent des citoyens qui la respectent, de rétablir l’activité des tribunaux , qu’ils croient absolument nécessaire à l’ordre public et à leur propre sûreté ! Cette manière de présenter les sentiments de la ville d’Uzerche et les nôtres, et ceux de toutes les municipalités de la province, n’est-elle pas un cri d’insurrection jeté parmi le peuple ? D’où savent aussi les rédacteurs de l’adresse que le sursis suspend l’effusion du sang d’un grand nombre de malheureux ? La justice de Tulle n'a pas montré qu’elle eût soif du sang; lorsque de 26 prisonniers pris dans les attroupements et les armes à la main, elle n’en a condamné que 2 à mort, et qu’elle en a relâché seize sans aucune punition. Il n’est pas vraisemblable qu’elle ait de plus grandes sévérités à exercer sur le nombre de ceux qui demeurent détenus. Avec quelle justice peut-on donc annoncer que le sursis arrête l’effusion du sang d’un grand nombre de malheureux? C’est au contraire pour épargner le sang qu’il faut que la justice reprenne son cours, afin que son interruption ne confirme pas les malfaiteurs et ceux qui peuvent se joindre à eux, dans les idées d’impunité qu’on a répandues. L’ignorance et l’erreur qu’on affecte de donner comme les seules causes des insurrections, quand elles ne seraient pas jointes à des intentions très criminelles, auront de quoi se confirmer, si elles ne sont pas détruites par une juste punition. Alors les désordres recommenceront. Alors les propriétaires et tous ceux qui ont quelque chose à perdre, forcés de se défendre, se réuniront; ils seront secondés par les gardes nationales de toutes les villes et municipalités de la province, et pour n’avoir pas voulu punir quelques malfaiteurs, c’est alors qu’on causera l’effusion du sang d’un grand nombre de malheureux. Voilà ce que nous craignons; voilà l’horrible malheur que nous supplions l’Assemblée nationale de prévenir. Il faudrait, ce semble, d’autres garants que l’autorité des rédacteurs de l’adresse pour répondre de la tranquillité de la province, lorsque toutes les municipalités qui ia forment, ou le plus grand nombre d’entre elles, sans qu’aucune réclame au contraire, nous assurent que le Limousin est menacé de nouveaux troubles si le cours libre de la justice n’est pas rétabli. Ne faut-il pas une grande audace pour contredire ainsi une assertion présentée à l’Assemblée nationale, par plus de soixante municipalités et communes de bourgs et de villages, sur l’état actuel de leur pays. Mais on croit, sans doute, pouvoir avancer hardiment tout ce qu’on peut mettre par écrit. Que veut-on dire au reste, par celte prétendue ligue des villes et municipalités du Limousin, contre la ville de Brive? si l’on appelle ligue le concert de toutes les villes, pour former une même demande à l’Assemblée, celle de rendre l’activité à la justice, qu’est-ce que cette demande a de commun avec une ligue contre la ville de Brive ? A la vérité, lorsqu’un petit nombre de citoyens de Brive, inquiets, turbulents, ennemis de l’ordre s’élèvent contre une demande si juste, et que les autres villes et municipalités insistent, celles-ci se trouvent en opposition avec cette partie des citoyens de Brive, qui les combattent : mais c’est un grand abus de mots que d’appeler cette opposition une ligue et une ligue contre Brive. Cet abus est d’autant plus grand, qu’ainsi que nous venons de le prouver par pièces, il s’en faut bien que les villes et municipalités du Limousin aient à combattre toute la ville de Brive où nous trouvons plus de cent trente citoyens des plus connus, des plus considérables, parmi lesquels trois officiers municipaux, réclamant contre les mesures prises par une autre partie des citoyens. MM. les rédacteurs de l’adresse ont à la vérité la bonté de promettre aux habitants du Limousin qu’ils emploieront l'influence qu'ils ont sur les habitants des campagnes , pour leur inspirer la paix et la modération ; qu’ils leur diront combien de nouveaux troubles deviendraient nuisibles à la chose publique, etc. Ces Messieurs font, ce nous semble-là, un aveu fâcheux pour leur cause : car ces offres de service les montrent un peu trop comme influant sur les mouvements du peuple, et pouvant les exciter ou les calmer à leur gré. C’est de quoi se plaint toute la province, que la fermentation a été en grande partie l’ouvrage de quelques mauvais citoyens de Brive ; nous ne disons pas que les rédacteurs de l'adresse aient jamais pu partager ce délit : mais ils le défendent, ils le justifient, ils l’encouragent, en sollicitant l’impunité. Au reste, la province serait très-malheureuse si l’influence de la ville de Brive était la seule ressource qu’elle eut pour inspirer aux habitants des campagnes la paix et la modération. Les villes d’Uzerche et de Tulle ont, comme la ville de Brive, écrit des lettres aux habitants des campagnes, et dans les mêmes sentiments, et à la même époque ; elles continueront d’employer ce moyen avec le même zèle : mais elles ne se dissimulent pas que les lettres les mieux faites ne suffisent pas sans le secours de la force publique et de la justice, qui sont les freins nécessaires des hommes en société. Mais la ville de Tulle a fait mieux que des lettres. Pour conserver et rétablir la tranquillité publique, elle a fourni, par des contributions volontaires, aux dépenses d’une garde nationale qu’elle a tenue sans cesse en activité, et qui s'est portée avec courage partout où elle a été appelée pour défendre efficacement les propriétés. Elle a acheté une grande quantité de grains, tant du royaume que de l’étranger; et elle a distribué pendant cinq mois plus de deux mille setiers de blé en pain, vendu aux pauvres à deux sous la livre, quoiqu’il en coûtât plus de trois, et vendu pendant les deux mois de l’année les plus diffi- 83 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1790.] ciles à passer, du .graiu à trente sous de perte dans les marchés, qui tiennent deux fois la semaine ; enfin au moment même où nous écrivons ceci, elle est encore occupée d’approvisionnements qui puissent modérer les prix pour le soulagement des pauvres, que le besoin conduit trop souvent au désordre : voilà ce qu’elle a fait pour la tranquillité publique, et ce qu’elle continuera de faire, surtout si le rétablissement du cours de la justice vient à l’appui de la bonne volonté. Quels sont donc après tout, ces puissants moyens que le comité de Brive nous promet d’employer ? Nous dirons aux habitants des campagnes, continuent les rédacteurs, que ce sursis n est pas un pardon , qu'il ne fait que suspendre les jugements , et leur exécution, et que les méchants ne doivent pas s'en prévaloir. Voilà certes une belle harangue et de grands moyens pour détourner du pillage les habitants des campagnes. Est-ce que ces moyens et beaucoup d’autres n’ont pas été déjà employés inutilement? ont-ils quelque proportion avec les effets qu’on veut produire ? est-ce en disant aux malfaiteurs ou à ceux qui ont envie de le devenir, que ceux de leurs semblables, qu’on a pris en flagrant délit, et qu’on ne juge ni ne punit actuellement, seront un jour, et tôt ou tard, jugés et punis, qu’on les détournera du crime ? Si cela était, tous les législateurs se seraient bien grossièrement trompés, en établissant cette maxime, que ce n’est pas tant la gravité de la peine, que la certitude et la promptitude de la punition qui sont le véritable frein du crime et la sûre garde des lois. Nous nous sommes arrêtés sur l’adresse de la commune de Brive à l'Assemblée nationale, parce que cette pièce renferme les principales raisons alléguées par cette commune, en faveur du sursis. Nous achèverons notre tâche, en ajoutant ici quelques considérations générales à celles qu’on a vues dans tout le cours de ce mémoire, et dans les délibérations et adresses de toutes les communes de la province, pour obtenir que la justice reprenne son cours et son activité. I. Si l’expérience en pareille matière est de quelque poids, comme le pensent tous les gens sensés, ne parie-t-elle pas bien hautement ? Y a-t-il une seule grande nation qui ait pu se passer d’établir des formes de justice prompte, dans tous les cas d’insurrection. La dictature chez les Romains, la loi martiale en Angleterre, et chez tous les peuples l’équivalent des jugements pré-vôtaux, sous diverses formes, ont été regardés comme des moyens nécessaires au maintien et au rétablissement de la paix publique, toutes les fois qu’elle a été menacée ou troublée par des mouvements populaires. II. On ne peut imaginer aucune raison valable de suspendre le cours de la justice, si ce n’est d’empêcher la précipitation ou l’injustice dans les jugements. La précipitation û’a point eu lieu dans les jugements prononcés à Tulle, qui n’ont été portés qu’avec une lenteur et une maturité dont les gouvernements les plus justes, les plus doux, les plus populaires se sont souvent dispensés dans les grands dangers où les Etats se trouvent quelquefois par les insurrections. L’instruction a été régulière; un grand nombre de témoins ont été entendus. La procédure a été publique, les accusés ont eu des conseils de leur choix. Tout reproche de précipitation dans les jugements déjà portés, et toute crainte de ce même vice dans les jugements à venir seraient donc destitués de fondement. Par la même raison, le motif de prévenir des injustices ne peut s’alléguer contre un trbunal régulier, nombreux, se conformant aux règles connues, procédant sous les yeux du public, et formé après tout de citoyens magistrats, qu’on inculperait injustement par le seul soupçon élevé contre leur équité. III. En demandant qu’on suive les procédures contre les prisonniers détenus aux prisons de Tuile, les communes des villes, bourgs et villages du Limousin, et des provinces adjacentes, n’ont et ne peuvent avoir aucun autre intérêt que celui de leur tranquillité, qui s’identifie avec l’intérêt public. Elles ne peuvent être poussées à cette démarche par aucune passion particulière; les accusés ne leur sont pas connus. Elles ne les voient que comme des perturbateurs du repos public, dont la punition leur paraît nécessaire pour prévenir des attentats du même genre. D’un autre côté, en sollicitant le sursis, l’ancien comité de la ville de Brive, a eu un intérêt très puissant : il a voulu sauver un de ses membres, le sieur Durieux, prévenu d’avoir été moteur et participe dans beaucoup d’insurrections, et nous avons lieu de croire que si ce citoyen de Brive n’était pas impliqué dans la procédure, la commune de cette ville ne se serait pas donnée tant de mouvement pour obtenir qu’elle fût suspendue, en quoi même elle a été contredite par cent trente citoyens, dont nous avons rapporté la protestation, ainsi que par la municipalité nouvelle dans sa délibération des 17 et 27 mars. Si, depuis, cette même municipalité a adhéré en quelque sorte à la demande du sursis, elle peut avoir eu le même motif, celui de sauver un de ses citoyens. Cet intérêt en elle est bien naturel et serait excusable s’il n’était pas en opposition avec celui de toute la province; mais il n’en est pas moins vrai que c’est là un intérêt particulier opposé à un intérêt public, et que la ville de Brive peut être légitimement suspecte dans la demande qu’elle forme, lorsqu’aucun soupçon ne peut atteindre la province entière et plusieurs villes des provinces voisines, qui demandent unanimement la punition des coupables. Cette différence est, comme on le voit, tout à l’avantage de la cause que nous défendons. IV. On croit défendre efficacement le sursis en disant qu’il n’est que provisoire, et comme le disent les rédacteurs de l’adresse de Brive à l’Assemblée nationale, qu’il ne fait que suspendre les jugements et leur exécution. Mais la futilité de cette raison est sensible, d’après le tableau que nous avons fait de l’état de la province et des dispositions qu’on a lieu d’y craindre. On ne peut pas se dissimuler que ce qu’on appelle une simple suspension des jugements est et sera, aux yeux des gens des campagnes disposées à de nouvelles insurrections, une annonce du renvoi des gens qui n’auraient pas été trouvés coupables. On a proclamé leur délivrance prochaine. Les députés de Brive les donnent comme d’infortunés paysans égarés plutôt que coupables ; séduits par leur ignorance, iis ne méritent donc aucune punition . Cependant, j usqu’à ce qu’ils soient jugés, il n’est pas possible de dire, avec quelque certitude, que les accusés détenus sont tous innocents; et s’il se trouve parmi eux des voleurs à force ouverte, des meurtriers, noms qu’il faut bien donner à ceux qui ont piiJé les maisons, crevé les digues des étangs, etc., tiré sur les citoyens qui leur résistaient; si parmi eux il se trouve enfin des auteurs, des moteurs d’insurrections, le sursis, qui passera aux yeux du {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {2 juin 1790.] peuple des campagnes pour l’avant-coureur du renvoi des prisonniers, sans aucune punition, n’encouragera-t-il pas leurs imitateurs? voilà ce que toute la province craint. Ajoutons que quand le sursis ne serait pas regardé dans nos provinces comme une reconnaissance de l’innocence des prisonniers détenus à Tulle, il serait au moins vu comme une amnistie, c’est-à-dire comme le pardon d’un crime réel. Mais comment veut-on que nous soyons sans inquiétude sur les suites d’u ne indulgence pareille, lorsque nous croyons qu’elle ramènera les désordres, qu’elle compromettra tous les citoyens qui les ont réprimés, et que, pour faire grâce à quelques méchants, on hasardera la tranquillité de plusieurs provinces? Et ceci n’est plus une conjecture, c’est un fait dont nous sommes instruits au moment où nous écrivons ceci, qu’il y a eu de nouvelles violences dans la Xaintrie, où l’on a encore rompu les digues de plusieurs étangs. V. A notre demande, on a opposé, dans un grand nombre d’écrits, tous les lieux communs qu’on tire des mots de peuple et d’humanité, d’aristocratie et de tyrannie, et autres richesses du style déclamatoire qu’on a employées dans tous les journaux et dans les papiers dont nos adversaires ont inondé la province, et à l’aide desquels ils ont excité et entretenu des dispositions qui peuvent en troubler encore la paix . Ainsi on a dit que nous sommes des aristocrates, que nous voulons opprimer le peuple des campagnes; que nous les réduisons à errer dans les bois sans retraite et sans nourriture, et à laisser les terres incultes par la crainte des jugements pré-vôtaux (fait controuvé et faux que nous démentons formellement); que nous demandons des bourreaux et des gibets, etc., contre des malheureux paysans qui n’ont fait que tirer quelques banesdes égliseset boire quelques bouteillesdevin. Mais nous avons une réponse décisive à cette grande objection, tirée de notre prétendue aristocratie, c’est que parmi les municipalités, dont nous avons recueilli les délibérations, la plus nombreuse partie est des municipalités de campagnes, dont les officiers sont des hommes de campagnes; et on sait que dans nos provinces ie3 municipalités des villes elles-mêmes sontforméespresqu’en-tièrement deciîoyensbourgeois, petits marchands, gens même qu’on appelle du peuple, et qu’on ne peut assurément pas regarder comme ennemis de ce même peuple dont ils font partie. Il y a plus: parmi les réclamations les plus fortes en faveur de la continuation des procédures, se trouvent celles des villages mêmes, dont quelques habitants se sont reuuus coupables des insurrections, et sont détenus dans les prisons de Tulle, où ont été déjà punis. L’un des deux coupables condamnés à la mort à Tulle, était un habitant de Saint-Germain-les-Vergnes. Les pillards de Giandier sont d’Orgnac; il y en a six de prisonniers ; et la commune de cette paroisse, ainsi que celle de Saint-Germain, se joiguent à toutes les autres. VI. Enfin, nous nous autoriserons d’un exemple pris dans les décisions de l’Assemblée nationale. Elle a cru devoir suspendre les procédures du prévôt de Provence, mais elle a senti qu’il fallait une force réprimante et elle l’a transférée à la sénéchaussée. En Limousin toute justice est arrêtée, les ordonnances défendent aux sénéchaux de connaître des insurrections, et les décrets de l’Assem-b ée nationale enchaînent la justice prévôtale. Les villes et municipalités qui nous ont chargés de présenter à l’Assemblée nationale la continua tion des procédures comme nécessaire au rétablissement de la tranquillité dans la province, ne veulent qu’une chose, un prompte justice, d’après la conviction où elles sont que l’ordre public ne peut-être rétabli que parce moyen. Nous ne pouvons penser sans effroi à la situation du Limousin et des provinces voisines. Si l’Assemblée nationale n’écoutait pas favorablementnotre réclamation, l’anarchie est le moindre des maux dont nous aurions à gémir, et sans doute le silence des lois, l’inactivité des tribunaux, ne laissant aux citoyens d'autre appui contre l’oppression et la violence que la force, on verrait le sang couler de toutes parts. N’est-il pas de la sagesse, du devoir même de l’Assemblée, de prévenir de si grands malheurs? C’est là l’objet de la très humble supplication que nous sommes chargés de présenter à nos représentants, en vertu des délibérations remises au comité des rapports. Mais dans l’intérêt de la ville de Tulle, dont nous sommes plus particulièrement les députés, nousobservons que dans la délibération du 11 mars, qui nous autorise, il est dit, au nom du conseil général de la commune et de la garde nationale, que justement indignés des inculpations diffamantes élevées contre les mesures qu’elles ont prises pour maintenir la tranquillité dans la province au moment même où la conduis de la garde nationale recevait de l’Assemblée un témoignage de sa satisfaction, la plus glorieuse des récompenses, elles se croient obligées derécla-mer hautementcontreles écrits calomnieux qui ont présenté faussement et leur conduite et les événements qui y ont donné lieu, et la situation actuelle de la province. La commune donne ensuite à ses deux députés les instructions suivantes : 1° Ils doivent renouveler à l’Assemblée nationale la protestation du dévouement respectueux de la ville de Tulle, de son adhésion à ses décrets, et mettre sous ses yeux le procès-verbal de la prestation du serment civique dans lequel elle exprime ces mêmes sentiments ; 2° Ils doivent dénoncer à l’Assemblée nationale la lettre écrite au rédacteur des Annales politiques :, n° 155, par les sieurs Serre le jeune et Faye, se disant députés extraordinaires de la commune de Brive, comme incendiaire et tendant à renouveler et fomenter les insurrections, calomnieuse, remplie de faits faux, démentis par toutes les municipalités de la province et par des procès-verbaux, ce qu’ils appuyerontpar la production des pièces ; 3° Ils doivent représenter à l’Assemblée que les troubles se sont manifestés et propagés d’abord dans les environs de Brive, que le nommé Durieux, ci-devant maître de billard à Tulle, devenu membre de l’ancien comité de Brive, et que les auteurs de la lettre appellent leur brave camarade et un bon citoyen, est généralement accusé comme moteur, instigateur d’insurrections en différents endroits de la province; que les informations faites contre lui par la juridiction prévôtale, doivent fournir les preuves de cette accusation, et que les démarches faites par l’ancien comitéde Brive, pour obtenir la liberté de cet accusé, les efforts qu’on renouvelle chaque jour pour le soustraire à la justice laissent un louche que l’Assemblée nationale peut seule approfondir ; 4° Les deux députés doivent représenter à l’Assemblée qu’on a répandu dans le Limousin et les provinces adjacentes, que l’Assemblée et le roi aient blâmé la conduite de la garde nationale 85 [Assemblée nationale.] AKCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1790.] de Tulle et celles des juges qui ont prononcé sur le sort des coupables, et que les autres détenus seraient mis en liberté ; que ces bruits peuvent avoirdes suites funestes à la tranquillité publique, et que dès ce moment plusieurs témoiDs n’osaient plus parler, de peur de retrouver bientôt les coupables libres et les séditieux innocentés ; 5° Que si la lettre des sieurs Serre et Paye, et plusieurs autres écrits publics du même genre ne sont pas flétris, cette impunité sera d’autant plus funeste que les auteurs de ces écrits coupables s’enveloppent du voile de l'humanité et de la liberté ; 6° Les députés représenteront encore que l’ancien comité de Brive n’a pris d’autre mesure pour calmer les insurrections, quele voyage de sa milice nationale à Alassac, où elle n’a pas empêché le pillage de l’habitation du sieur de Lamaze, ainsi qu’il est constaté par les procès-verbaux, et que la lettre qui a été répandue en son nom, propre à produire de très bons effets, ne l’a été que lorsque latranquillité était déjà rétablie par la fermeté de la garde nationale de Tulle. Enfla, les députés sont spécialement chargés d’obtenir pour la commune de Tulle, une réparation aussi éclatante que l’injure et la détractation, etc., etc., etc. Nous avons déjà manifesté, à la barre de l’As-sembiée, au nom de nos commettants, l’adhésion la plus formelle à ses sages décrets, et remis la prestation du serment civique. Son indulgence et sa bonté à nous entendre nous font espérer avec confiance et avec la plus grande soumission qu’une demandeaussi juste, soüiciiée par toute la province, qui déclare nous devoir son salut, sera favorablement accueillie. P. S. Pendant l’impression de notre mémoire nous avons reçu de nouvelles délibérations de plusieurs municipalités, tant de notre province que des provinces voisines, tendant au même but, adoptant nos principes, consacrant notre mission, ou envoyant elles-mêmes des députés à l’Assemblée nationale pour en obtenir ce que nous lui demandons. De ce nombre sont : la municipalité de Péri-gueux en Périgord, par délibération du 26 mars ; La municipalité d’Estivaux, par délibération du 29 mars ; La municipalité de Saint-Etienne-Laqueneste, par délibération du 25 mars ; La municipalité de Saint-Frejeon-le-Majeur, par pélibération du 4 avril ; La municipalité de Turenne, par délibération du 28 mars ; La municipalité de Lautrec, au diocèse de Castres en Languedoc, par délibération du 29; La municipalité de la Guenue, par une lettre à la municipalité de Tulle, du 6 avril ; La municipalité de Saint-Pardoux-l’Ortigier en Limousin, par délibération du 5 avril ; La commune de Daruets, au district d’Ussel, par deliberation du 28 mars. On peut observer que parmi ces réclamations et adresses il en est de villes du Périgord, de l’Angoumois, de l’Albigeois et du Quercy; que ces provinces où les propriétaires, tant nobles que bourgeois, sont eu grand nombre, ont le même intérêt que le nôtre. Melon de Pradoü, maire de Tulle; De Saint-Priest, major de la garde nationale , de Tulle , députés extraordinaires. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 2 JUIN 1790. DÉLIBÉRATION DE LA COMMUNE DE SAINT-GAUDENS relative à V évêché de Comminges, sur la pétition des citoyens actifs (1). L’an 1790 et le 48 jour du mois d’avril, dans l’hôtel de ville de Saint-Gaudens, ont été convoqués les citoyens actifs en corps de commune, de l’ordre et mandement du conseil général de ladite commune, en vertu de la proclamation du jour d'hier, sur la pétition desdits citoyens actifs susdits, par plus de cent cinquante , adressée au corps municipal, pour provoquer ladite assemblée à laquelle M. Tatareau , maire, conseiller et procureur du roi au sénéchal de Comminges, lieutenant en la maîtrise des eaux et forêts de Comminges, a présidé, assisté de MM. Danisan, procureur du roi au siège de ladite maîtrise; Barou; Lucauti; Cauboux ; Saint-Pê; La Chaume Baisse et Arpajou , officiers municipaux ; Ms Mariande, procureur-syndic de la commune; MM. Mariande aîné; Labat ; Mezau; Barrère; Mourlon; Lafosse fils ; Sabathier ; Ber seaux ; Adoue ; Lafage ; Bougues ; Pair au; Dufuur; Saint-Paul ; Lacroix ; Bigourdan et Lapène père, tous notables ; de MM. Bar'the, archiprêtre; Lefrique de Laucourt, ingénieur des ponts et chaussées; Saint-Martin , prêtre; Estremé; Adémar père, notaire royal ; Durand , artiste; Montalègre, docteur en médecine; Cauté, bourgeois; Pégot , avocat; Danisan, avocat; Lavigne; Gazave , lieutenant du premier chirurgien du roi ; Pierre Soulé; Simon Cerp; Jean-François Caubère ; S. Castetx ; Pierre Char-rière; S. Picot; Mistrot; Pierre Saint-Pé; Lafosse; Montaut; Ferraud; Pouiségur ; Montant père; Pey-russau; F. Chaire ; Adoue, négociant; Pouiségur jeune; Adoue jeune; Gaudens; Lafosse; Fougue; Picot ; Michel Saint-Paul ; Castêres; Cazaubon; F. Ferraud ; Tatareau, juge-mage du sénéchal deNébou-zan, Georges Pouisségur ; Guilhem Pouiségur; La-fuste; Miégeville aîné; Gaudens Laforgue ; La Guil£ Ionie; Pouiségur cadet; Barrère, dit Bauières ; Lau$ rent Lafosse; Bergougnon; Puges aîné; 8. Baron; Montamat ; Bartrand Fourment; Auberdiac ; Miégeville cadet; Payrar ; S. F. Nogués ; Armelin ; Pierre Decap ; S. Barutant; Sainte-Marie; Gaudens Adoue ; François Cistac; Pujes cadet; Gar-del; Fourtines; Ané ; S. Barus ; Pouianne ; Cape-r an cadet; Cames cadet; Fauré cadet; Simon La Guillonie ; Guillaume Mainville; Estupux ; B. Montaut Dubois père; Adrien Despagne ; Antoine Baron; Baron cadet; S. Baron; Artigues aîné', Labatut ; Res-seguiel; Lamarque; Jean Dufour ; Bernard Saint-Pé; Pierre Descomps; Saux; Boupunt; Cazessus; Caperan aîné; Ducos ; S. Mounerot ; S. Suberville , avocat; S. Caperan; Gaudens ; Danissan, négociant; Fages, maître en chirurgie; Gaudens; Dufour; Cau-bet, négociant ; Robert; Pouites, niaîire en chirurgie; Bernard Stupux; Fourcade ; Clément Dupuy; Pierre Saint-Pé, marchand ; Pierre Barutant, marchand ; Courties , marchand ; Estube Gaudens Ané ; Dominique Sempé; Blanchard; Pierre La Guillonie ; Alexis Bigourdan ; S. Poe; Pousson; Jeaunel Dufour; Dominique Lambert; Guillaume Bex; Lafage; Antoine Saint-Blancard; Seupenne; François Barrère, oncle; autre Dominique Saint-Pé; Etienne-Saint-Pé ; Guillaume Puisségur ; Dominique Loubet; Bernard Barrada; Simon Lavigne; (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur.