[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790.J g89 dans ce cas, l’augmentation se ferait au marc la livre du taux de chaque département. Ce ne serait donc qu’après 25 années expirées qu’une municipalité, un canton, un district, un département, pourraient apporter un changement dans leur imposition : et de plus, à cette époque une pièce de terre ne pourrait monter que d’un degré dans la classification, quel que fût le taux du produit auquel l’industrie l’aurait élevé. En vain objecterait-on que les grandes améliorations n’auront lieu que dans les premières années qui suivront la révision du cadastre, et qui laisseront ainsi aux entrepreneurs une plus longue jouissance. Quand le cadastre ne serait revu que tous les siècles, la même difficulté resterait ; l’injustice s’accroîtrait même d’autant plus, que vous reculeriez l’époque du cadastre, et vous auriez, en la rapprochant trop, à redouter d’inquiéter l’industrie, et de ne pas accorder assez d’encouragement aux soins et aux travaux. Une terre améliorée, l’année qui précéderait le cadastre, ne pourrait pas être traitée avec rigueur. Il faut quelques années pour que l’amélioration d’une terre soit constatée et se fasse remarquer. Nous ne sommes plus sous les lois fiscales qui taxaient jusqu’à l’espérance. Jamais, Messieurs, vous n’atteindrez, je crois, à une plus grande précision ; jamais à ce moyen vous n’auriez besoin de reviser autrement votre cadastre général; votre gouvernement devenant tout ce qu’il peut être en bonté, toutes les terres s’amélioreraient à peu près en même proportion dans les diverses classes, et les relations ne seraient jamais très éloignées entre les divers départements, à moins que la législature ne se fût occupé, pour le bien de tous, d’en protéger plus particulièrement quelques-uns . Mais ces départements qui auraient joui des bienfaits plus directs de la nation, ne devraient pas pour cela supporter subitement une trop prompte augmentation d’impôt, sans quoi le bienfait deviendrait redoutable. Je conclus donc, Messieurs, à la classification des terres, et à ce que cette partie de l’instruction de votre comité soit conçu dans ce sens : « Les membres choisis dans le conseil général « de la commune, et les propriétaires qui leur « seront adjoints pour l’assiette et la répartition « de la contribution foncière, après avoir reçu « les déclarations des divers particuliers, et pris « connaissance de la diverse nature des terres « des sections de leur paroisse, formeront des « classes, dans lesquelles ils comprendront toute « l’étendue des terres de leur arrondissemeut. « Ces classes pourront être au plus au nombre « de trois pour les terres labourables, ainsi que « pour les bois taillis, les vignes, les prés, les « terres en friche et les marais (1). « Il sera déduit, sur le produit de chaque terre, « estimé au taux moyen de quinze années com-« binées, une somme équivalente aux frais de « semence, de récolte, de culture et d’entretien, « un quart sur l’estimation du loyer ou sur le « bail des logements des cultivateurs, et un quart « sur le produit connu ou présumé des étangs. » M. Oauchy, membre du comité. Le comité des impositions a examiné le système du préopinant; après quelques conférences, il n’a pas cru devoir s’en occuper plus longtemps. L’évaluation par (1) C’est ici, Messieurs, que vous ordonneriez, si cela vous convenait, qu’il y aurait une classe supérieure de tant pour le tabac. classes est une approximation bien plus éloignée que celle des estimations individuelles; moins le nombre de classes est nombreux, et plus cette approximation est imparfaite. Cette classification est injuste pour les terres d’un produit modique, qui, trop peu nombreuses pour faire une classe séparée, seraient mises dans une classe supérieure à leur valeur, et, par la même raison, inexacte relativement aux terrains les plus riches... Cette opération augmente même la difficulté ; car il sera très difficile, pour les terrains d’une valeur intermédiaire à celle de deux classes quelconques, de décider à laquelle de ces deux classes ils doivent appartenir.il faudra même pour la classification recourir souvent aux estimations et à tous les embarras qu’on voudrait éviter... Par le moyen des estimations que nous proposons, nous parviendrons aussi promptement que M. Lamervilleà la perfection du cadastre. Et en effet, s’il y a, dans une communauté, des terres depuis 3 livres jusqu’à 30 livres de produit parar-pent, une classification en trois classes seulement est injuste et fautive, puisqu’il pourra y avoir 9 livres de différence dans les évaluations... Enfin, l’opération ne serait pas si simple qu’on le pense d’abord, puisqu’il faudra trois classes pour chaque espèce de culture, etc. M. de Af urinais. Le mémoire de M. Lamer-ville est digne de fixer l’attention de l’Assemblée, et contient d’excellentes observations. Je demande qu’il soit renvoyé à un nouvel examen du comité des impositions. (Cette proposition est adoptée.) M. d’André demande que les greniers soient exemptés de l’évaluation et que les étages servant à l’habitation soient seuls imposés. (Cet amendement, consenti par le rapporteur, est adopté.) M. Armand, député de Saint-Flour, propose de porter à deux mois le délai de quinzaine accordé par l’instruction aux procureurs de la commune. pour mettre à exécution les contraintes. (Cet amendement est rejeté par la question préalable.) Divers membres obtiennent encore la parole. Les titres I et II du projet d’instruction, avec les modifications, retranchements et amendements consentis par le rapporteur ou décrétés par l'Assemblée, sont adoptés. La suite de la discussion est renvoyée à demain. La séance est levée à 10 heures du soir. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 22 NOVEMBRE 1790. MÉMOIRE A L’ASSEMBLÉE NATIONALE par les porteurs de quittances de V administration royale de la compagnie des eaux de Paris. Des porteurs de quittances de l’administration royale de la compagnie, des eaux, depuis longtemps arrêtés par de fausses promesses, apercevant 660 lABsepoblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790.] enfin l’erreur et le précipice dans lequel on voudrait les plonger, viennent déposer dans le sein de l’Assemblée nationale leurs inquiétudes et leurs espérances. Nous étions autrefois propriétaires d’actions de l’ancienne compagnie des eaux. Cet établissement commençait à fleurir et nous promettait de grands avantages; c’était le moment de son développement, ce fut aussi celui où la jalousie fixa sur lui un œil ambitieux, la ville voulut envahir cette entreprise en se l’appropriant; l’événement la servit; les principaux chefs de la compagnie, sacrifiant la chose commune qui leur était confiée, rencontrèrent en cela l’avantage de se voir les négociateurs d’un marché si important; il leur fallait pour opérer cette grande action, non pas le consentement de tous les vrais et honnêtes actionnaires, parce qu’ils s’y seraient opposés; mais le ministre les servit, il leur fut facile d’ailleurs de mettre dans leurs vues quelques actionnaires commodes; ce fut par cette intelligence, que, passant sur des conditions visiblement onéreuses à la compagnie, le projet de traité avec la ville fut adopté. Aussitôt, on s’empressa de donner à ce marché une exécution anticipée, quoiqu’il ne fût pas encore revêtu de ses formes; on menotta, pour ainsi dire, par avance, les actionnaires, de manière à les empêcher de revenir contre; il fallait pour cela leur surprendre le titre qu’ils tenaient de l’ancienne compagnie, sous des apparences séduisantes d’un traitement plus avantageux; outre qu’ils y furent forcés par des ordres impératifs, sous peine de perdre leur propriété, et sous un terme de rigueur, on leur présenta un nouveau titre si éblouissant, qu’ils n’hésitèrent pas de se desservir de l’ancien; il est consenti par le premier échevin de Ja ville, par la compagnie des eaux, le tout appiouvé par le roi; sans doute ils ne devaient pas le refuser, ce fut par ce moyen captieux que la surprise fut consommée. Les actionnaires demeurèrent ainsi dans l’erreur jusqu’à l’époque du premier payement; ils reconnurent alors que ce grand titre était plus brillant que solide, puisque la ville leur déclara qu'elle n’était pas engagée, et qu’ils n’avaient de recours que contre la nouvelle compagnie; mais cette nouvelle compagnie ayant existé depuis sa naissance, sans savoir bien ce qu’elle était, sans savoir si la ville tiendrait son traité ou non, n’ayant d’ailleurs reçu d’elle aucune assistance ni inspection, a vu son entreprise dépérir de jour en jour; de sorte qu’elle se présente dans ce moment à ses actionnaires dans une situation des plus alarmantes. Telle est la triste ressource qu’on nous présente et la manière adroite dont on prétendait jouer les actionnaires de la compagnie des eaux. Vous auriez peut-être réussi à nous les soustraire entièrement, puissants et coupables dépositaires de nos fortunes, si nous étions encore réduits comme autrefois à l’oppression et au silence! Heureuse Révolution, tu nous permets de déchirer le voile qui cachait les horreurs qu’on exerçait contre nous : ce n’est plus devant ces tribunaux imposants où la voix humble et craintive du simple artisan n’osait se déployer, où les retardements décourageaient les plus hardis, et dont les frais énormes et indispensables étonnaient les plus hautes fortunes; c’est devant le tribuûal du public, ce juge prompt et sévère, que nous venons déposer nos plaintes; c’est devant l’Assemblée nationale qui ne veut plus rien souffrir d’impur dans la société, qui recherche, qui fouille, et qui punit les actes de l’ancien despo-» tisme, qui veut enfin établir la plus scrupuleuse égalité et justice entre les citoyens; c’est devant elle que nous venons demander, à nos anciens administrateurs, compte de leur conduite; la cause de leur retraite précipitée, qui a suivi presque immédiatement la consommation du traité; nous leur demandons un compte de la gestion rie la caisse, depuis le moment qu’il fut question du traité, jusqu’à celui où elle fut remise à M.Dangirard, et par quel hasard le roi s’est trouvé porteur pour quinze millions de quittances des eaux, et si le bene que cet échange a dû occasionner contre des effets moins perdants a été mis dans la caisse des eaux? Si on ne pouvait nous satisfaire sur ces demandes, alors nous leur demanderions autant de dommages qu’ils nous auraient occasionné de-pertes; c’est devant l’Assemblée nationale, surtout, que nous venons dire et prouver que la ville est obligée envers nous, ou le roi, à son défaut; mais qu’il est de son honneur et de son intérêt de reconnaître un traité qu’elle a elle-même accepté. Malgré l’obscurité dus conditions du traité, le fond de l’engagement y est nettement exprimé ; la ville cède l’usufruit et la jouissance seulement de ses eaux et de ses fontaines, pendant l’espace de vingt années, à la compagnie des eaux (anciennement connue sous le titre de compagnie des Perriers) pour être jointes et ne faire qu’une seule et même chose avec l’entreprise de ladite compagnie ; et moyennant cette réunion d’intérêts et de propriétés, la compagnie des eaux promet et s’oblige d’abandonner à la ville, mais à toujours, le fond et la propriété de son entreprise et privilège, après les vingt années de jouissance commune, pourvu cependant que, dans ces vingt années, les actionnaires de la compagnie soient remboursés de leurs capitaux à même les produits et bénéfices delà société. C’est là le fond et la base d’où dérivent toutes les autres conditions et articles interprétatifs et additionnels. Or, c’est sur une de ces conditions accessoires que l’on voudrait nous faire croire que la ville n’est pas engagée envers nous ; l’article porte en substance ; • Que si cette entreprise réunie, devant être gérée par Ja compagnie des eaux et seulement surveillée par la ville, venait à ne pas réussir; que loin de présenter du progrès, elle présentât un délabrement, la ville serait autorisée dans ce cas à rentrer dans son ancienne propriété, laquelle lui serait rendue dans le même état qu’elle l’aurait cédée; et, au contraire, qu’elle ne serait aucunement tenue de contribuer aux charges et réparations que pourrait présenter le délabre des machines formant originairement la propriété de la compagnie des eaux. C’est sur cette condition que l’on infère que la ville n’est pas engagée auprès de nous. C’est ici une convention qui regarde et oblige seulement les associés contractants; les conditions particulières des associés n’engagent pas les commanditaires; elles ne peuventpas même altérer les bénéfices qu’ils doivent espérer de l’entreprise commune, parce qu’il leur importe peu que la dépense soit plutôt supportée par l’un que par l’autre des associés ; c’est affaire d’arrangement entre eux ; mais, dans tous les cas, la ville ne peut présumer un mal non avenu; qu’elle se soumette d’abord à son marché, elle verra ensuite si, par l’événement, elle aura des droits à exercer contre la compagnie des eaux. La ville nous oppose encore qu’elle n’a pu faire [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790.] revêtir son marché du sceau de lettres patentes, et que, dès lors, elle ne peut donner exécution au traité. Mais a-t-elle fait des démarches pour les obtenir? Il convenait qu’elle prouvât à la compagnie son impossibilité; il convenait qu’elle la sommât de venir entendre le refus qu’on lui opposait ; ce refus de lettres patentes devait être signé en bonne forme ; mais surtout il convenait que la ville annonçât aux actionnaires, par affiches publiques, que, ce traité ne pouvant avoir lieu, ils eussent à rapporter leurs quittances et à en retirer le montant. Nous devions être appelés au remboursement de la même manière qu’on nous avait appelé au payement. Or, ce silence de deux ans et demi, et la possession muette de nos deniers est un acquiescement formel ; une seconde quittance de nos deniers est la confirmation tacite du traité. Quoi! on contraint avec raison un particulier à suivre son engagement, bien qu’il puisse le ruiner, et cela parce qu’il l’a souscrit ; il n’a pourtant été aidé que de sa faible prudence individuelle. Ici, c’est une administration entière, secourue de toutes les. lumières que supposent la réunion de gens choisis. Us ont balancé, calculé leurs intérêts; enfin ils ont consenti un engagement qui a ensuite été révisé et autorisé du gouvernement, qui l’a aussi reconnu convenable et avantageux ; et cette administration aurait le droit de se rétracter ? Eh ! quand on admettrait à la minorité les vieux échevins de la capitale, on ne doit plus les considérer comme tels, dès qu’ils ont été par trois fois approuvés de leur tuteur, dès que trois différents arrêts du conseil sont intervenus pour la conformation du traité ; mais si on nous objecte encore que les seules lettres patentes peuvent mettre le dernier sceau au marché de la ville, nous demandons si cette mineure a obtenu contre nous des lettres de rescision, et surtout si elle nous les a sacrifiées d’une manière aussi menaçante et aussi rigoureuse, que l’ordre qu’elle nous donne de venir échanger nos actions auprès d’elle, pour satisfaire à un marché qu’elle se dit, après deux aas et demi, n’être plus en droit de continuer. Il n’est personne, il n’est aucun corps qui ait le privilège de tromper le public ; ainsi, malgré la minorité de la ville, nous avons bien le droit de la faire consentir à son engagement, soit en exécution ou en réparations. C’est même en vain que nous nous efforçons de prouver ici quele traité engage la ville ; nous pourrions nous dispenser d’en connaître, en nous tenant simplement à notre titre. Le public doit ignorer tout ce qui ne lui est pas annoncé par la voie de l’impression et des affiches, il ne peut être assujetti à se conformer à ces actes secrètement passés dans le silence d’une étude, et qui n’ont d’autres témoins que les contractants, et ne peuvent soumettre le public absent et non prévenu; ainsi nous ne pouvons connaître que le titre dont nous sommes saisis. Or, un effet, lâché dans la circulation engage ses souscripteurs sans aucune réserve; il les engage tous et un seul pour le tout ; il n’est aucun prétexte de rescision, si la réserve n’est exprimée au titre; or, qu’on lise notre quittance, elle ne contient ni exception ni réserve. Notre situation doit encore ajouter à la force de votre titre ; nous sommes, pour la plupart, du nombre de ceux-là, que la médiocrité de la fortune rend inquiet et craintif; simples artisans, il nous importait de placer souvent ce qui devait nous promettre un absolu nécessaire; ou 661 i bien, en bons pères de famille, nous voulûmes mettre en activité un bien que nos travaux avaient épargné, et que nous destinions à l’établissement de nos enfants. Nous jetâmes donc les yeux sur les différents effets publies qui s’offrent sur la place. Aucun, mieux que celui-ci, ne fut plus propre à rassurer notre timidité; nous le vîmes revêtu d’honorables signatures; celle du premier échevin, fixa notre confiance; mais nous nous empressâmes de nous munir, à l’envi, de ce garant solide, en voyant que le roi lui-même voulait protéger et cautionner cette entreprise, lorsque nous apprîmes, surtout, que les coffres de Sa Majesté en renfermaient pour 15 millions, ce qui fait presque la totalité ; cet exemple affermit notre confiance; d’après tant de sûretés, nous déposâmes avec la plus grande sécurité entre les mains de nos pairs, de nos municipaux, les fruits précieux de nos fatigues. Sans doute, elles sont vaines, ces inquiétudes qui nous alarment ; sans doute, notre municipalité, la mère commune des citoyens qu’elle renferme dans ses murs n’est pas capable de nous tromper; nous devons même regretter de lui avoir témoigné quelques alarmes; mais qu’il est pardonnable à des pères de trembler sur le sort de leur famille ! Mais non seulement la ville doit, en honneur, reconnaître son traité; elle y rencontre encore un véritable intérêt; les conditions sont toutes à son avantage; elle cède, il est vrai, le revenu de ses eaux, mais elle a part au revenu de celle de la compagnie. L’entreprise mise en activité donnera, au delà, de quoi rembourser les actionnaires; de sorte que son crédit et son nom sont la seule mise qu’elle apporte à la société ; et après vingt années de simple comparution, elle possède, en toute propriété, une entreprise indispensable à Paris, qui doit nécessairement être liée avec la police taut pour les arrosements que pour les établissements de fontaines dans des quartiers éloignés de la rivière. Ce grand projet, tant de fois souhaité, se verrait enfin sur le point d’être réalisé; l’air infect et malsain, qu’on respire à Pari3, pourrait être épuré par des arrosements journaliers, par des soupapes pratiquées dans tous les quartiers, ainsi que nous en voyons déjà dans quelques-uns. Quelle ressource contre les incendies! Enfin, ces deux établissements séparés se nuiront et languiront toujours, tandis que réunis ilspromettraient les plus grands succès . Puisqu’il est de la justice, de l’honneur et de l’intérêt de la ville de tenir son engagement envers nous; nous demandons qu’elle veuille l’exécuter, ce qui serait d’autant pins facile à effectuer que M. Dangirard nous a déclaré qu’il était prêt àpayer le coupon échu du premier janvier dès qu’il en aurait l’ordre du ministre (1); nous demandons également qu’on fasse incessamment le premier tirage de remboursement. Nous concevons néanmoins que la ville pourra bien parvenir à se faire décharger par le gouvernement, mais elle ne peut l’être auprès de nous, jusqu’à qu’elle nous ait fait reconuaître créanciers de l’Etat ; elle a été la main contractante pour le roi, elle ne peut donc être déchargée de sa comparution, qu’au moment de l’aven de son commettant : tout procureur est personnellement engagé, jusqu’à ce que celui pour lequel il opère ait consenti ses faits. Il est vrai, les arrêts du (1) Il n’y. a dans le public que 3,600 quittances ; ainsi, c’est 216,000 livres qui lui sont dues. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790.) 062 [Assemblée nationale.) conseil représentent le pouvoir à la fin de contracter ; mais en même temps que la ville s’acquitte de sa fonction de procureur, elle s’engage elle-même à certaines obligations, à livrer tels et tels objets, à faire telle et telle chose. C’est donc à défaut d’avoir suivi son propre engagement, que nous ne pouvons la décharger, que nous disons avoir des droits directs sur elle ; Ainsi, si la ville satisfaisait au traité nous pourrions être considérés comme créanciers de l’Etat, mais tant qu’elle n’y obéira pas, nous sommes tout à la fois créanciers de l’Etat et de la ville. Le roi est formellement engagé envers nous; par son arrêt du conseil du 18 avril 1788, il réunit à perpétuité au domaine de la ville, le privilège de la distribution des eaux, accordé à l’ancienne compagnie, et a créé une nouvelle administration sous le titre d’Administration royale des eaux de Paris et environs ; il veut que “son commissaire assiste à toutes les délibérations, qu’il ait la surveillance de toutes les opérations de l’administration. Ainsi, il en fait sa chose; c’est son entreprise; nous sommes donc ses actionnaires, nous sommes donc fondés à demander, ou que les payements et remboursements de nos quittances soient poursuivis dans l’ordre qui y est énoncé, ou qu’on nous fasse les remboursements de nos capitaux et arrérages échus; mais, sous quelque rapport qu’on veuille envisager nos droits, le roi nous ayant mis sous sa protection, sous sa garantie, nous sommes dès lors couverts de la protection et de la garantie de la nation. Non, le bon, le simple public ne sera pas puni de sa confiance; la loyauté, la droiture de notre conduite méritera sans doute la bienveillance de l’Assemblée nationale ; elle s’empressera de rassurer des citoyens qui ne vivent plus que pour la défendre;” elle leur rendra le calme et la tranquillité, cette seconde vie plus précieuse encore que la première, en prononçant incessamment sur nos droits. Dignes représentants d’une nation franche, libre et fière, nous ne venons pas auprès de vous, par des suppliques réitérées, vous demander justice, l’exposition de nos droits suffit, les prières d’ailleurs offensent les âmes justes. La puissance du corps que nous attaquons n’est pas non plus un obstacle. N'a-t-on pas vu l’autorité, elle-même, descendre au pied du tribunal suprême! oui, si nos législateurs étaient capables d’apporter quelques préférences, quelques égards dans leurs jugements, ce serait pour protéger, sans doute, le plus faible contre le plus tort. Ménard. Et ont signé : MM. Fournier, Renard, Raflin, Mon-tet, Sébert, Renaud, Louvrier, Carré, Do lié, Leclers, Legrand, Henry, Redon, Didiot, Barbier, Gérard, Bonnomet, Dubled, Léonard, Du-mouchel, Paiolet le jeune, Duhazé, Mielle, Delmotte, Balediy, Lefèvre, G. Hemar, Yalaix, Guignard, Petit, Azambre, Hottegindre. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 22 NOVEMBRE 1790. Opinion de M. Dosfant, député de Paris, SUR LE CONTRÔLE DES ACTES (1 ). Messieurs, je me propose de combattre le projet de règlement sur le contrôle, qui vous a été présenté par votre comité des impositions, et de vous démontrer que ce projet serait tyrannique, vexatoire, et sans objet, sous ses deux rapports, c’est-à-dire considéré comme formalité, et considéré comme impôt. Considéré comme formalité, il enchaîne la pensée, évente le secret des familles, astreint les citoyens à un esclavage inconnu, même chez les Orientaux, et enfin avilit des professions honorables, en rendant tributaires de la volonté du gré et du caprice d’un préposé à cette inquisition, des hommes estimables, dont l’état exige beaucoup de lumières et autant de probité. Considéré comme impôt, il est toujours subitement, et en masse, à charge au citoyen; et par une fatalité singulière, les mariages, inventaires et partages exceptés, c’est presque toujours sur le pauvre ou le moins aisé qu’il pèse le plus, parce que c’est toujours le vendeur et l’emprunteur qui supportent cet impôt, comme on le verra dans la suite de mon opinion. Enfin, considéré comme impôt, il sera toujours à peu près nul pour le Trésor public, à cause des frais immenses que nécessite sa perception , des réticences que sont forcés de faire, pour alléger le droit, ceux qui sont dans la nécessité de faire des actes devant notaires, et de la facilité que l’on doit avoir de faire des actes sous signature privée. (1) Le comité d’imposition de l’Assemblée nationale avait fait un projet de règlement pour la conservation du contrôle des actes dans les lieux où il existait et son établissement dans les pays abonnés ou affranchis. Le comité ayant eu la bonté de me communiquer ce projet, j’y vis à chaque page le cachet de cette odieuse fiscalité qu’un peuple libre doit proscrire ; j’y vis tout le génie des hommes de l’art que le comité avait cru devoir consulter; j’en fis l’analyse et je m’étais proposé de la lire à la tribune de l’Assemblée aussitôt que le projet de règlement aurait paru. Depuis peu le comité a annoncé à l’Assemblée nationale qu’il avait changé son plan et qu’il en présenterait incessamment un nouveau qui réunirait en un seul impôt le contrôle, l’insinuation, le centième denier, le droit de scel et autres. 11 semblerait d’abord que ce nouveau plan rendrait inutile mon travail sur le premier ; mais comme j’y démontre une grande partie des vices du contrôle et que cet odieux impôt doit exister dans le nouveau projet comme dans l’ancien, avec cette seule différence que, se trouvant masqué en quelque façon dans le nouveau, par sa réunion avec d’autres impôts, l’on pourrait s’y méprendre ; j’ai cru qu’il serait utile au bien public de faire connaître à l’Assemblée nationale l’étendue des maux qu’occasionnerait le contrôle; parce que cet impôt désastreux ne pourrait exister, quelque mode qu’on lui donnât, sans une armée de commis, sans vexation, sans arbitraire et sans tyrannie. Tel est son cortège indispensable. Cette réflexion m’a déterminé à faire imprimer l’analyse du premier plan, afin que l’Assemblée nationale fût en garde contre tout projet qui tendrait à lui faire décréter, soit explicitement, soit implicitement, la continuation du contrôle et son établissement dans les lieux où|il n’existe jias.