SÉNÉCHAUSSÉE DE MORLAIX. Nota. — Le clergé et la noblesse de Bretagne refusèrent de députer aux États généraux. — Voyez plus loin l’article Saint-Brieuc. CAHIER De doléances du tiers-étal delà sénéchaussée de Morlaix , rédigé par le tiers-état de ladite sénéchaussée (1). ' Le premier des besoins de l’assemblée a été de présenter au meilleur des rois les sentiments d’amour, de fidélité, de respect et de reconnaissance dont est pénétrée la nation en général et le tiers-état de sa province de Bretagne. Le second est de présenter à Sa Majesté les assurances d’un dévouement sans bornes aux sacrifices réglés par l’assemblée nationale. Pour remplir la tâche qui lui est imposée de lui faire connaître les besoins et les moyens de les exprimer dans l’assemblée nationale, elle réclame : 1° La votation par tète aux Etats généraux, comme celle qui s’accorde avec l’équité naturelle, excepté l’avis de MM. les avocats et procureurs qui demandent la votation par ordre, l’indépendance des ordres entre eux, la nécessité de leur concours libre pour la formation de toute loi avec le liberum veto à chaque ordre. 2° L’établissement de la liberté et de la liberté individuelle tant que l’intérêt de tous ne sera pas compromis. 3° Retour périodique des Etats généraux à un terme court et fixe et leur ajournement déterminé par eux-mêmes à une époque réglée. 4° Responsabilité et comptabilité des ministres aux Etats généraux de leur administration. 5° Réforme des lois civiles et criminelles, égalité des peines dans les délits semblables sans distinction de rang, nullité efficace de toutes lettres closes, liberté de la presse, parce que tout ouvrage portera les noms d’auteurs et d’imprimeurs, sauf recours vers eux dans les délits. 6° Suppression de toüs droits sur les actes de juridiction contentieuse, même sur les actes de greffe et modération des. droits sur les actes des notaires ; que les formalités de contrôle et d’insinuation soient perfectionnées. Qu’il soit établi une nouveau tarif clair et précis des droits de contrôle, sans qu’il y soit fait nulle augmentation. L’entrée de toutes les compagnies et offices, ouverte aux personnes de tous les ordres, et que, dans le cas de refus, les compagnies soient obligées de motiver leur refus, sur lequel il devra être statué. Suppression de l’exclusion injurieuse prononcée contre le tiers-état de tout corps ecclésiastique, civil et militaire. Qu’il soit fait un examen scrupuleux de l’état des finances, des causes du déficit et des abus dans l’administration ; des ressources de l’Etat, des bonifications que l’économie peut offrir avant (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’E'Mpire. de consentir un seul impôt qui sera toutefois lors consenti par la nation d’après le modèle de votation adopté. Qu’il soit statué sur la manière la moins onéreuse de percevoir l’impôt et celle qui offrira le moins d’appât à la fraude. Qu’une fois les contributions décidées , elles soient réparties également sur des rôles uniques, et supportées indistinctement par tous les membres de la société à proportion de leur faculté individuelle, abstraction faite de toute dignité honorifique ou originaire. Que les milices, les casernements, le guet, la garde de la ville, la corvée aux grands chemins, le logement des gens de guerre et toutes autres charges et corvées publiques qui sont les contributions que réclament un grand empire et une société nombreuse soient supportées par tous les citoyens, soit personnellement, soit par un remplacement en argent. Que les francs-fiefs soient absolumentsupprimés comme l’impôt le plus ruineux pour les héritiers des possesseurs au moment de la mort. Un régime conforme pour les municipalités ; que les trois ordres des différentes classes élus par L’universalité de la commune pour faire partie de cette communauté, soient assujettis à en supporter les charges avec parité. Que toutes les banalités soient supprimées comme reste d’une servitude avilissante et plus encore motif de vexation pour les sujets, sauf une indemnité proportionnelle. Qu’à l’avenir la noblesse, qui doit être la récompense des services tant militaires que civils, ne soit plus le prix d’une négociation pécuniaire, et que les charges donnant la noblesse perdent à l’avenir cette attribution à la mort des titulaires actuels. Que l’édit du mois de janvier 1700, qui établit les lods et ventes pour les charges, contre le texte formel de l’article 660 de la coutume, soit retiré. Qu’il soit promulgué une loi qui établisse une parité en nombre de représentants du tiers-état à celui des deux autres ordres réunis. Qu’il soit d’obligation rigoureOse à l’ordre du clergé de partager avec la société dont il fait partie tous les impôts et charges publiques sans nulle exception. Que tous les débiteurs de rentes foncières aux mainmortables soient autorisés à les leur rembourser à leur gré au denier 25, et qu’on crée l’établissement d’une caisse pour recevoir ces remboursements et pourvoir à leur collocation. Que les juridictions seigneuriales en général soient supprimées sur la réserve des droits féodaux et la faculté d’avoir un procureur spécial pour leur éligement dans les juridictions royales, et parce qu’il sera pourvu à l’indemnité des greffes et des offices aliénés. Que l’on perfectionne les études de droit ; que l’on soit plus attentif au choix et à l’admission des officiers publics et surtout des greffiers. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES.. [Sénéchaussée de Morlaix.] 73 Que les constitutions bien reconnues de lapro-viDce de Bretagne soient conservées dans leur intégrité comme s’accordant avec le bonheur des peuples bretons et les traités de la province avec le Roi. Suppression du centième denier sur tous les offices de judicature et autres et substitué aux droits d’hérédité. Que les notaires qui auront présenté leurs actes au contrôle ne puissent être recherchés sous prétexte d’omission ou de supplément de droit, sauf l’action des contrôleurs envers les parties ; que la connaissance des matières bénéficiâtes soient remises aux juges royaux. Que les contrôleurs soient-obligés de mettre leur vidi lorsqu’ils déclareront que les pièces à eux présentées ne sont pas sujettes au contrôle, et sur refus, qu’il soit permis de le constater par notaires ou autres officiers. Que le parchemin pour greffe et notaire soit supprimé. Demandes particulières des corporations. Adhésion pleine et entière aux délibérations et charges de la communauté déposées aux Etats de la province par ses députés au nom de ladite communauté et des communes. Ratifient également et adhèrent au' résultat des délibérations de l’ordre du tiers tenues à Rennes les 22, 24, 25, 26 et 27 décembre 1788 et de même au procès-verbal des séances du même tiers assemblés à Rennes depuis le 11 jusqu’au 21 février dernier, sans aucune réserve ni restriction. Demandent que le droit des devoirs en Bretagne, qui pèse uniquement sur l’indigent, soit aboli et remplacé par un droit unique perçu à l’entrée et payable également par toutes les classes des consommateurs. Demandent qu’il soit établi des prud’hommes dans chaque corporation pour décider sans appel les contestations entre ses membres jusqu’à la concurrence de 30 livres. Demandent que tout arrêt du conseil soit rendu public et adressé à chaque chef de corporation pour en connaître l’esprit et éviter les surprises de l’ignorance. Demandent une égalité de poids et mesures dans tout le royaume. Demandent que les lieutenants généraux de police soient amovibles dans les cas de négligence de leurs devoirs. Demandent le renvoi aux frontières de tous les droits de traites et barrières provinciales, et liberté intérieure du commerce. Demandent garantie pour les citoyens de l’obéissance aveugle et. illimitée du militaire. Demandent suppression des banalités dont la compensation sera réglée par l’assemblée nationale. Demandent l’établissement desjurandes et suppression des appointements du gouverneur du château du Taureau pour être appliqués aux besoins de la ville qui les paye. Demandent une réforme et suppression des droits et vexations multipliés qui anéantissent le commerce des tanneries dans tout le royaume, et notamment en Bretagne, en se référant aux mémoires particuliers qui seront délivrés aux députés et qui ont déjà été mis sous les yeux des notables en 1788 par les Etats de lafprovince. Demandent l’abolition des. droits exigés par la régie sur les papiers fabriqués dans le pays, et bornent nécessairement les effets de l’industrie, se référant aux mémoires instructifs et détaillés qui seront délivrés aux députés tant au sujet des entraves que souffre l’exportation libre des droits pour l’étranger que la fabrication même des papiers propres pour le royaume. Demandent, les corporations, une prohibition entière d’entrée et de vente des objets qu’elles fabriquent, et qui ne pourront être vendus que par les maîtres de chacune de ces corporations. Demandent la-suppression de toute liberté d’emporter des grains hors du royaume, des bornes à celle qu’exigeraient les besoins des autres provinces, comme aussi pour l’exportation des graisses, des beurres, des graines et des suifs. Demandent un nouveau tarif invariable pour les prix des baux à ferme, transactions, ventes, règlements de mineurs dans les campagnes. Demandent d’avoir des experts pris exclusive-. ment dans leurs Etats pour l’appréciation des ’ bois qui se trouveraient sur les fossés ; liberté de planter des plants, d’augmenter les souches pendant leur bail et d’en être dédommagés à la fin. Demandent que les municipalités soient désormais formées par le vœu et le choix de toutes les corporations et par leurs représentants. Demandent, les orfèvres, des règlements pour remédier au débit des ouvrages sans qualité et aux abus que les marchands coureurs perpétuent en vendant des ouvrages inférieurs en titre et fabriqués dans l’étranger� *■ Demandent suppression des bourses communes perçues sur les vacations des huissiers, comme illégales et détournées de leur vraie destination, suppression du droit du centième denier sur les offices; mêmes vacations dans les procédures tant criminelles que civiles. Demandent magasin au grenier public des grains pour prévenir les disettes, et la réforme des corps politiques de la ville pour qu’ils soient régis sur le règlement des paroisses. Demandent que, pour l’assise de la capitation et autres impôts, un membre de chaque corporation soit appelé à ce travail. Réclament contre l’article de la coutume qui autorise un gentilhomme à insulter un homme du tiers sans lui laisser la ressource d’une satisfaction suffisante. Demandent une augmentation de commissaires de police, établissement de plusieurs classes dans le collège d’éducation, instruction gratuite. Demandent un règlement d’inspection commis à un laboureur-bourgeois, un boulanger exclusivement, pour l’examen des blés qui seraient destinés aux amidonneries, lesquels ne pourront y être appliqués que lorsqu’ils seront gâtés. Demandent, les capilaineset marins, que l’exportation des denrées indigènes soit faite par des bâtiments nationaux et prohibée aux étrangers hors des cas où il ne s’en trouverait pas d’autres. Demandent que les hôpitaux soient ouverts aux marins infirmes et invalides, l’exécution des lois qui ont ordonné les logements par étapes des matelots au service du Roi. Demande, la généralité, l’exclusion d’offices et fonctions de police seulement contre tout particulier faisant personnellement, ou par personnes interposées, commerce et trafic de denrées de première nécessité. Doléances du commerce. Demande, le commerce: La revendication de la compétence des consulats pour toutes les discussions résultantes des faillites ainsi que pour l’homologation des délibérations et contrats dont elles sont suivies. 74 {Ét&ts gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Morlaix.] Cette même demande, portée devant le souverain en 1775 et 1776, 1779, répétée en 1785 par les divers consulats de France, et accordée à ceux de Lyon, Marseille et autres villes, par une délibération du 8 septembre 1759, registrée pour la ville de-Saint-Malo, au parlement de Bretagne, le 22 décembre de la même année, sera développée dans tous les effets qu’elle peut produire sur les mémoires particuliers, et qui seront délivrés aux députés, Demande, conformément à l’article 7 du titre XI de la juridiction des consuls de l’ordonnance de 1673, la même revendication de compétence pour la connaissance des contrats d’assurance, grosses aventures, promesses et contrats maritimes, fréte-ment et nolissement de vaisseaux, comme pactes, conventions entre commerçants; les avantages de cette concession seront également développés dans le mémoire dont les députés sont porteurs. Demande prolongation à un terme indéfini de l’entrepôt des eaux-de-vie, papiers et autres denrées de fabrique nationale destinées pour l’étranger, et que celles destinées pour les colonies jouissent des mêmes faveurs. Les avantages et les ressources que produira à la spéculation cette prolongation seront développés dans le mémoire qui sera remis aux députés.' Demande une suppression totale des droits qui se perçoivent sur les papiers de fabrique nationale qui se consomment dans le royaume et qui ont réduit la quantité de ces papiers à un tel degré d’anéantissement, qu’il est constaté que le produit de ces droits ne s’élève annuellement qu’à la modique somme de 1,600 livres, tandis que les frais de régie, le nombre d’employés qu’elle soudoie absorbent une somme infiniment supérieure et perpétuent des vexations funestes aux progrès de cette industrie. MM. les députés seront chargés de remettre sous les yeux du Roi et des Etats généraux les divers mémoires qui ont été fournis à à ce sujet. Demande que MM. les députés se réunissent pour leurs représentations à ceux du comté de Provence, qui, dans un mémoire présenté aux notables en 1788, ont fait le tableau des gênes et des vexations qui tendent rapidement à anéantir dans toute la France le commerce intéressant de la tannerie, et feront revivre, lesdits sieurs députés, les divers mémoires qui ont été fournis et dont il leur sera remis copie. Demande que, par un tarif judicieusement formé, les vaisseaux étrangers soient assujettis à un droit de port et de quai pour subvenir en partie aux frais de l’entretien des cales. Demande l’exécution rigoureuse de l’article 13 de l’ordonnance des cinq grosses fermes de 1687, qui défend aux percepteurs de faire renouveler les expéditions des navires marchands à chaque bureau qu’ils parcourent dans leur navigation de port à port, et se borner à y mettre leur vu sans prendre aucuns droits ni pour les congés, passavants, etc. Les abus de cette perception, multipliés à l’infini, tendent à anéantir le cabotage et seront développés dans toute leur étendue sur le mémoire dont MM. les députés seront porteurs. Demande l’exécution de l'arrêt qui défend aux-dits receveurs des cinq grosses fermes d’exiger, pour les acquits de payement ou acquits-à-caution, des marchandises sujettes au tarif de 1667, comme aussi pour les acquits de payement et à caution du droit de fret, ports et havres, brieux, congés, etc. ; aucune contribution quelconque à l’exception du receveur de la prévôté de Nantes, qui pourra continuer à percevoir comme par le passé. Demande une modération sur les droits d’entrée de l’acier comme un objet de première nécessité et qui paye un droit disproportionné à sa valeur et à son utilité pour l’agriculture. Demande par les mêmes raisons une modération sur les droits d’entrée du charbon de terre étranger qui ne peut être suppléé par aucun charbon de terre national et qui devient d’autant plus précieux aux besoins de l’agriculture que la dévastation des forêts n’offre plus de ressources. Demande que cette modération soit appliquée aux charbons de terre qui seraient importés sur des navires nationaux pour encourager d’autant plus la navigation du cabotage contre la rivalité des nations étrangères qui trouvent chez elles à jouir sur cet article de grandes faveurs refusées aux étrangers. MM. les députés trouveront dans les mémoires particuliers qui leur seront délivrés les instructions les plus détaillées sur cet article de réclamation. Demande l’abolition des entraves que mettent les cinq grosses fermes au transport par terre sous les plombs et par acquits-à-caution des marchandises sujettes et jouissant de l’entrepôt, vers un port quelconque de France, où l’occasion et l’intérêt du négociant pourraient trouver une exportation convenable. Ces gens entraînent souvent des pertes et des préjudices considérables sans aucun avantage tpour les fermiers. Demande un code de jurisprudence uniforme pour tous les consulats du royaume, dont le plan serait préalablement soumis ' aux réflexions de toutes les chambres de commerce du royaume. Demande ampliation aux tribunaux consulaires de pouvoir juger sans appel jusqu’à la somme de 3,000 livres, même pouvoir sans limite des valeurs pour l’effet des billets et lettres de change acceptées. Cette dernière déclaration a été provoquée dans les conférences du parlement de Paris sur l’ordonnance de 1667 et paraît avoir été rendue en faveur du consulat de la capitale. Demande pour le bien et la prospérité de chaque manufacture de toiles en Bretagne, que l’entrée de toutes celles qui se fabriquent hors du royaume, à l’imitation de celles de Bretagne, soit sévèrement défendue et poursuivie dans tous les ports maritimes de la France, excepté ceux qui, jouissant du droit d’entrepôt, doivent conserver le privilège nécessaire à leurs armements pour la Guinée ou les colonies, parce qu’il sera pourvu à ce que les expéditions pour ces parties souffrent une rigoureuse inspection qui prévienne les fraudes destructives des manufactures de France. Demande l’abrogation de la loi qui défend les intérêts du simple prêt, qui empêche la reproduction, borne la circulation, et qui est cause que dans les campagnes le commerce des bestiaux n’est pas aussi étendu qu’il devrait l’être. Arrêté en la salle de l’hôtel de ville ce jour 9 avril 1789. Ainsi signé sur l’original : Béhic, maire; Duclos le Gris, Bailli, Jamin, lieutenant général en l’amirauté; Raymond, Kbriand, Postic,Le Brigant,Le Bras, Boistard, de La Touche, Larrant, Le Vaillant, Duquesne, Guidon, Reucher. Pour approbation en ce qui est conforme à nos charges et sauf à nous pourvoir contre le refus de jonction d’icelles au cahier des charges générales. Signé Le Denmat de Kvern, avocat ; Duri-vage Guillaume, avocat. Sous toutes • protestations contre ce qui est écrit par MM. Le Denmat et Guillaume Duri- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [Sénéchaussée de MorlaiS.] 75 vage avec leurs signatures, nous continuons de signer. Signé Béhic, maire; Gueguen-Anton, Hamelin, Jasme, LeHessast, Jean Mallet, Berthou, Bertrand, Jaouen, Maillard, Louis Dubois, Massach, Saunier, Quilmer, pour la communauté approuvant tout ce qui a été et sera demandé par l’ordre du tiers; Julien Debié, Loussant, Michel Gilbert, Louis Le Loarer, Le Sévère pour moi, et, Levennec, pour Zezequel Le Guerrech, Julien Petel, Jean-Louis Le Dantec, Yves Le Traon, Pierre Krien, et plus bas est écrit : « Certifié la présente copie conforme a l’original, déposéaux archives. SignéMhiv, maire; et plus bas : Guillod Lobau, sénéchal. » CAHIER Des doléances , charges et remontrances rédigé par les députés de la sénéchiussée de Morlaix au nombre de soixante-trois membres de l’ordre du tiers , convoqués à l'hôtel de ville dudit lieu (1), • Ledit cahier, rédigé par les neuf commissaires nommés à cet effet en conformité des règlements donnés par Sa Majesté les 24 janvier et 16 mars 1789 pour la convocation des Etats généraux du royaume et sous la présidence de M. le sénéchal de Morlaix-Déclarent, lesdits commissaires, après avoir pris lecture et connaissance du cahier des doléances rédigé par l’ordre du tiers, corps et corporations, communautés de la ville de Morlaix, le 9 avril 1789, et qui se trouve attaché aux présentes, et approuver, ratifier et adhérer à toutes et chacune des charges et demandes qui y sont énoncées, les adoptant comme formant le vœu général et particulier des paroisses représentées par lesdits députés, et conforme en tout à l’énoncé de leurs charges et doléances respectives et en addition des susdites dôléances et au nom des paroisses qu’ils représentent, requérant, lesdits députés, la réunion du cahier delà maison de ville au présent. Demandent l’abolition du droit de quevaise,la suppression totale de tous les usements locaux relativement aux domaines congéables aux susdits droits de quevaise et mottes, etc,, sauf les indemnités qui seront fixées et équitablement jugées par l’assemblée nationale. Demandent que les droits de dîmes, prémices et presbytères soient entièrement abolis et que, par une répartition juste et équitable sur toutes les propriétés des paroisses, il soit fait un fonds pour pourvoir aux pensions honnêtes et décentes des recteurs et secondaires de chaque paroisse et trêves, moyennant lesquelles pensions lesdits recteurs et leurs secondaires seront tenus de pourvoir à leur logement, parce que lesdites paroisses demeureront de droit chargées de l’entretien des chœurs et canceau que les décimateurs seront tenus de rendre en bon état avant l’exécution de cette loi. Demandent la suppression de la dîme à la douzième gerbe comme les seigneurs l’exigent, parce, qu’il y sera suppléé par une indemnités judicieusement réglée. Demandent laliberté individuelle dans tous les objets énoncés dans les susdites doléances, Demandent l’établissement de douze prud’hommes dans les campagnes pour juger sans appel dans chaque paroisse les contestations jusqu’à la somme de 30 livres. Demandent que les seigneurs des rentes en grains soient ténus de prendre et recevoir ce que produira la tenue sujette auxdites rentes, faute de quoi ils ne pourront exiger que la valeur en argent sur le pied de l’approcis. Demandent un règlement clair et détaillé touchant la coupe et récolte des gouesmons, lequel réglement serait fondé sur des mémoires que fourniraient les paroisses voisines de la mer. Demandent l’extension dans l’article de la loi et qu’il soit désormais ordonné que les tiers experts nommés dans les campagnes soient pris par les juges dans la classe des cultivateurs exclusivement, et que les vacations de tous les experts soient payées au même taux qui sera réglé sur celui du tiers expert pour les biens de campagne seulement. Demandent, les campagnes, que la majorité soit acquise à vingt ans pour les deux sexes. Demandent la destruction des fuies et colombiers comme funestes pour les semailles des cultivateurs, permission de chasse sur son terrain et port d’armes. Demandent qu’il soit procédé à un plan relatif à la mendicité et aux moyens de la détruire. Demandent que les chemins de traverse soient tenus en bonne réparation aux dépens du seigneur de fief et de tous les propriétaires quelconques des terrains bordant lesdits chemins, et que les frais de ces réparations soient réglés à raison de la toise et au marc la livre des toises qu’occuperont ces propriétés. Demandent liberté indéfinie dans le commerce intérieur par la suppression de tous droits, de. coutumes vexatoires qui tombent sur l’agriculture et les denrées de première nécessité. Demandent la suppression des haras et une forme moins coûteuse pour le service des fiefs. Demandent l'application des gros revenus des communautés n’avant pas charge d’âiqes au soulagement du trésor royal, parce qu’il sera pourvu par des pensions à la”subsistance de chacun des membres desdites communautés. Demandent la suppression de tous tribunaux d’attribution. Demande, la ville de Laumeur, un nouveau plan de régie et d’administration pour son hôpital et application d’un certain nombre de lits pour les pauvres de la paroisse, et que les délibérants choisis dans la paroisse aient le droit de composer le bureau et de nommer l’administration. Fait et arrêté en notre présence sous notre seing, celui du procureur du Roi, de notre adjoint et de ceux de tous les députés, qui savent signer, les autres ay�nt déclaré en présence de tous ne savoir le faire. Le 10 avril 1789. Signé à l’original, Gueguen, Jamin, Gilbert, Teurnoy, Le Lay, Fol-loron, Yves Le Gentil, Jean de Bail, Guillaume Salaun, Jean Tourmen, Priquent, Bodros, Le Dru, Jean Madec, Car, Le Gall, Jean Taillen, Gayouer, Guenolé Bogu, Henry, Nicolas Sallou, Bourdon-nec, Morvan, Kiou, Guillou, Pierre Rolland, Jean Gueguen, Morion Kborio, François L’Archantec, Guillon Grassin, Quemeneur, procureur du Roi ; Guillod-Lohan, sénéchal. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire, 76 [États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Morlaix.] CAHIER Des doléances du tiers-état de la sénéchaussée de Tréguier et Lannion arrêté à l’assemblée du 10 avril 1789. tenue en vertu des ordres clu Roi pour les Etats généraux (1). Un Roi bienfaisant demande à ses sujets ce qui peut contribuer à leur bonheur, il les interroge avec bonté, ils répondent avec confiance : sûreté pour les personnes et les biens, justice dans les impôts, régularité dans l’administration. Sûreté . La vraie sûreté consiste dans la liberté légale des personnes ; elle s’élève contre les abus des lettres de cachet qui incarcèrent souvent l’innocence ou soustraient le crime des coupables distingués à la punition. Elle sollicite au contraire la liberté de la presse, qui produit tant de bien ailleurs, et l’établissement d’une imprimerie près de chaque siège royal. L’usement de quevaise enchaîne la liberté des personnes et nuit au progrès de l’agriculture ; tout réclame la conversion en féages d’une censure qui tient de l’antique servitude. 11 existe encore en plusieurs endroits des usages _ avilissants pour l’humanité, transformés en droits féodaux par les seigneurs, tels sont les droits de quintaine, de jeter la sonde, de faire sauter dans l’eau, de faire chanter en public, etc., etc.; nul seigneur ne peut s’opposer à l’anéantissement de pareils droits, à moins qu’il ne place l’honneur dans l’humiliation de ses semblables. Chaque citoyen devrait être libre pour la préparation de ses aliments; cependant la banalité de four et de moulins accable les détraignables; il convient de les autoriser à rembourser ces sujétions. La mendicité trouble la sûreté publique et entretient la fainéantise. L’établissement de bureaux de charité et d’ateliers de travail subviendrait aux besoins des nécessiteux et occuperait les bras oisifs des fainéants; à ces établissements devrait être dévolue la succession des bâtards, à moins que les seigneurs de fief qui en profitent ne se soumettent aux termes de notre règlement et ne continuent l’entretien des enfants exposés et des bâtards sans secours. La sûreté des propriétés, qui consiste dans la possession paisible, entraîne : 1° La réforme de la procédure civile et criminelle, qui compromet les droits les plus certains par un chaos de formalités compliquées. 2° La suppression des justices seigneuriales, des officiers seigneuriaux quelconques, des tribunaux d’attributions, qui ruinent le peuple, surtout les campagnes. 3° L’érection des sièges royaux avec arrondissement et des magistrats nombreux qui connaissent de toutes matières, même bénéficiâtes, jugeant en dernier ressort pour une somme modérée et au surplus ressortissent par appel au parlement ou aux présidiaux, suivant les règles de compétence déjà établies. Création de simple prévôté dans les lieux où la police l’exigera. ¥ Il serait également avantageux de former un tribunal, plutôt économique que contentieux, de simples jurés qui connaîtraient sans frais des (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. servitudes, des cours d’eau, chemins de voisinage, gages domestiques, dommage de bestiaux et autres matières de ce genre si fréquents dans les campagnes. et donneraient leurs décisions en forme d’avis avant que l’on puisse procéder dans les tribunaux de justice, les condamneraient par corps à une amende particulière réfractaire quand ils succomberaient. 5° L’assujettissement des priseurs experts à des études et épreuves sans ériger leurs fonctions en titre d’office. 6° L’abolition de la foi et hommage tant au Roi qu’aux seigneurs particuliers; cette formalité dispendieuse est inutile pour un Roi chéri de ses sujets, et indécente à l’égard des seigneurs particuliers ; le fournissement des aveux par enrôlement au greffe de l’arrondissement, sans frais et après bannies du seigneur de vingt ans en vingt ans. 7° Modération de la rigueur des lois bursales surprises au détriment public par les receveurs des consignations. 8° L’extinction du centième denier sur les offices qui, faute de payement, tombent aux parties casuelles et sont perdus pour les familles ; remplacement par un vingtième annuel et fixe imposé dans les rôles du lieu de l’exercice de l’of-licier qui serait contraint au payement par les voies ordinaires ; l’équité veut que ce vingtième soit modéré. 9° La faculté aux seigneurs d’afféager leurs domaines congéables et métairies et de prendre des deniers d’entrée avec augmentation ou diminution de rente, sans perdre la mouvance; il serait même plus avantageux de supprimer et abolir tous osements convenanciers. Justice dans les impôts. L’impôt, pour être juste, doit être proportionnellement supporté par tous les citoyens avec les autres charges publiques, ainsi : 1° Abolition des francs-fiefs, fouages, corvées de grands chemins et de tous subsides distinctifs des ordres de citoyens. 2° Assujettissement général de toute personne actuellement privilégiée au logement des troupes, casernement, charrois, patrouilles, milices de terre et de mer par contribution en argent, suppression de toute exemption pécuniaire. 3° Egale et proportionnelle répartition des impôts en raison de la fortune, sans distinction de naissance et de profession, sur des rôles communs aux trois ordres, égalisés sur les lieux. 4° Défense d’établir et lever des droits additionnels de sous pour livres et autres pareils, ni aucun subside, même d’altérer le titre des monnaies sous quelque prétexte que ce soit, sans le consentement de la nation asssemblée ; mais il ne suffit pas de lever des impôts justes destinés aux besoins de l’Etat, ils doivent y être employés. De là naissent : En premier lieu, la nécessité que les fonds levés pour l’Etat soient directement versés au trésor royal, sans tant de cascades intermédiaires, tant de diminutions qui aggravent le fardeau des peuples. En second lieu, la suppression des pensions, dons et gratifications qui déprédent le trésor royal et la caisse des Etats de Bretagne. En troisième lieu, la renonciation formelle à l’avenir du gouvernement à tout emprunt et anticipation. En quatrième lieu, la simplification des impositions, surtout de contrôle, par un tarif clair et 77 [États gén. 1789. Cahiers.] précis-, modération et réduction des droits actuels sur la procédure, au surplus attribution des recouvrements aux Etats de la province ainsi que le règlement des comptes des villes. En cinquième lieu, la réduction des places de gouverneurs-commandants, lieutenants de Roi, agents généraux des finances, dont la graduation et multiplicité sont si coûteux aux provinces. Régularité dans V administration. Une bonne administration est nécessaire pour la régénération de la France , si elle doit embrasser l’empire français dans son ensemble, elle arrêtera aussi ses "regards sur une grande province telle que la Bretagne, sur les villes et sur les paroisses. 1° L’objet capital pour le royaume entier est d’établir i’émulation parmi ses citoyens et de profiter du mérite en les élevant sans acception de naissance. Ainsi le tiers-état doit être admis aux emplois militaires, aux bénéfices, à la magistrature, sans exclusion, sous prétexte de l’éminence de ces places; il est même de l’intérêt public et dans la vraie constitution de la province que les offices du parlement soient remplis par les membres des trois ordres. Il serait également à désirer que, pour entretenir l’émulation entre les citoyens des villes, les maires en titre d’office soient supprimés. 2° 11. importe que les ressorts du gouvernement soient souvent retrempés, que les abus qui les relâchent soient solennellement déférés; l’unique voie d’y parvenir est de réunir la nation en Etats généraux à des termes fixes et périodiques. 3° Il importe de favoriser le commerce et l’agriculture, et les premières faveurs à leur accorder sont : l’abolition de l’impôt, l’industrie, le recule-ment des douanes intérieures aux frontières du royaume, l’extinction des péages seigneuriaux et domaniaux, l’uniformité des poids et mesures, la circulation libre tant en détail qu’en gros des objets fabriqués dans le royaume, une surveillance de la part du gouvernement à la boulée des graines de lin et à obvier aux fraudes qui se commettent tant dans le Nord qu’en France. Dans une partie importante, une loi pour obliger les seigneurs qui ont des redevances en grains à les recevoir durant le mois d’octobre, et faute de les avoir exigées, de se réduire à l’ap-précis de justice, que les mêmes seigneurs soient obligés d’abandonner les bois blancs aux colons, sur lesquels ils en ont usurpé la propriété, que les dîmes sur les défrichements faits depuis 1758 et ceux à faire à l’avenir, soient, même en cas de concours de dîmes, réduites à la trente-sixième gerbe, que même les dîmes existantes sur les autres terres cultivées soient également modérées à la même quotité, sauf à indemniser les seigneurs de l’excédant actuel. Si les commerces de grains doivent être favorisés dans cette province, il faut aussi pourvoir à la subsistance du peuple lorsque le prix du froment excède 8 livres le quintal; aussi prohibition d'exportation dès qu’il sera parvenu à ce prix, et de cet instant, obligation aux possesseurs des grains dans les villes et campagnes d’en fournir un état à la police. Au surplus il se lève sur les denrées et marchandises plusieurs coutumes et droits locaux tant aux foires et marchés que dans les ports et havres ; ils gênent la subsistance et le commerce : ainsi, abolition. L’administration publique de la province est surtout très-vicieuse et contribue à l’oppression du tiers. [Sénéchaussée de Morlaix.] Les campagnes ne sont pas représentées aux Etats ; elles doivent l’être par des députés librement élus, non nobles ni anoblis. Le tiers-état n’a maintenant que quarante-deux députés, nombre insuffisant qui devrait monter jusqu’à la concurrence des deux autres ordres réunis. Les pasteurs des villes et des campagnes n’y sont pas admis; ils méritent cette confiance de la nation. La Bretagne est couverte d’abbayes et de communautés inutiles : suppression et emploi des revenus à des établissements d’utilité publique, suivant les indications qu’en feront des Etats. Les places intéressantes de procureur général syndic et de greffier des Etats sont jusqu’ici réservées à la noblesse ; le tiers a le droit naturel de les partager. L’on y vote par ordre, et l’intérêt public veut que l’on y vote par tête. Administration des vins. Des villes sont aujourd’hui ruinées et leurs fonds absorbés par les frais immenses de l’adjudication de leurs octrois ; demander qu’elles soient faites en présence des subdélégués par les officiers municipaux sans le concours dispendieux des officiers de la chambre des comptes. On se plaint généralement de la formation actuelle des municipalités et de ce que les corps et corporations n’y sont pas représentés par des députés librement élus. Dans tes paroisses, les réparations des presbytères écrasent souvent les paroissiens ; elles devraient être faites des fonds d’une caisse benéfi-ciale et diocésaine, où chaque année se verserait une somme levée sur la cure pour y frayer à la diligence du recteur sans recours vers les paroissiens. Les rentes des églises et fabriques leur sont onéreuses par leur modicité et les frais immenses qu’occasionne leur conservation ; elles gênent d’ailleurs le commerce des biens ; il serait intéressant d’autoriser les agents généraux à en recevoir le remboursement ; qu’ils ne pouvaient refuser de recevoir au denier 30, à la charge de colloquer le principal en autre bien d’un ou deux tenants, sans indemnité, amortissement ni lods et ventes, vu que les rentes aliénées auront déjà produit ces droits. L’abus est presque général que les chapellenies et autres fondations se desservent par les pourvus ailleurs que dans les paroisses, ce qui enlève aux prêtres de campagne une partie de leur subsistance. Il est conforme à la religion comme à la politique que le service s’en fasse dans les paroisses auxquelles les fondations sont attachées par les titres. Au surplus l’assemblée déclare persister dans les arrêtés pris par le tiers-état de Bretagne assemblé à Rennes au mois de décembre et de février dernier, et en outre, elle arrête que Sa Majesté sera suppliée 1° de vouloir bien rendre les offices de juges non vénaux en autorisant les provinces, les villes et tous les corps même à les rembourser à leur commodité ; 2° de n’accorder aucune lettre de noblesse à ceux qui auront été députés aux Etats généraux. Fait et arrêté à l’assemblée générale de la sénéchaussée royale deTréguier etLannion, lesdils jour, mois et an que dessus, par triple, dont un exemplaire sera remis aux députés nommés en ladite assemblée et un autre déposé au greffe, et ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 78 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Morlaix.] le troisième adressé à M. le garde-des-sceaux Signé Riva-Cellan-Savidau, Morvan, Yves Le Ru-bec, Allain Le Roué, Pierre Le Cabec, Lassel, Le Lavier, Le Meleder, Rotenzou, Pierre-François Annotne, Le Rroezie, Yves Derrien, Le Moutréer-Anthoin, LeBrigant, Le Zolie, LeRonien,Kgomar, Fabien Adam-Tugnal, Savidan, Yves Le Glas, Pasquion, maire de Tréguier; Yves Le Thomas, Vincent Nicol, Henri Le Bever, Joseph Le Pou-méllec, Brichet, Lannier, Tremel, Yves Lannir, Kneau, Le Bever, Yves Le Bar, Gadiou, Alloué, Baudouin de Maison-Blanche, Henri Le Beaudour, Le Roux de Chef-Dubois. Les soussigné, greffier du siège royal de Tréguier à Lannion certifie le présent conforme à l’original desdits jour et an. Signé LeTerst, greffier.