[Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 janvier 1790.) Plusieurs membres réclament de nouveau la clôture de la discussion. M. le Président prend le vœu de l’Assemblée qui ferme la discussion. On demande successivement la priorité pour les motions faites par MM. Barrère de Vieuzac, Maury, de Mirabeau, et de Clermont-Tonnerre. M. Duval d’Eprémesnil. Je demande que la discussion soit continuée parce que chez tous les peuples libres et policés ceux qui défendent les accusés ont toujours le droit de prendre la parole les derniers. M. le comte de Mirabeau. Il n’y a ici ni accusateurs, ni défenseurs d’accusés, mais des juges. Quant à la priorité, il est singulier qu’on la réclame pour le décret de M. Clermont-Tonnerre qui est en contradiction avec le discours qui le précède, pour un décret enfin qui ne conduit à aucun jugement. Je dirai à M. de Clermont-Tonnerre: Si votre décret est un châtiment, il est contraire au principe qui nous défend de juger -, si ce n’est pas un châtiment, il est contraire à votre opinion dans laquelle vous avez prouvé que la conduite des magistrats de la chambre des vacations du parlement de Rennes renferme un délit... Prêter serment est un droit de cité, un droit de patrie, non pas une peine. On demande une nouvelle lecture de tous les projets de décrets. M.Trcilhard, Vun de MM. les secrétaires, fait cette lecture ainsi qu’il suit : Projet de décret de M. le vicomte de Mirabeau. « L’Assemblée nationale, ayant reconnu la pureté des motifs qui ont déterminé la conduite des magistrats mandés du département de Bretagne, a décrété qu’elle n’avait pas donné lieu à inculpation ; que la délicatesse de ces magistrats ne pouvait souffrir du mandat qui les a amenés à la barre de l’Assemblée nationale, et que leurs personnes sont sous la sauvegarde de la loi. » Projet de décret de M. Lambert de Frondeville. « L’Assemblée nationale décrète : « Que sur le compte rendu par les magistrats de Bretagne, il n’y a pas lieu à délibérer ; « Qu’ils sont libres de retourner dans leur pays ; « Qu’ils sont mis sous la sauvegarde de la nation et de la loi. Projet de décret de M. Barnave. « L’Assemblée nationale, « Considérant que les lois ne sauraient être exécutées par ceux qui affectent de les méconnaître, et que la constitution ne doit pas être confiée à ceux qui se sont montrés opposés à son établissement; * Voulant, au surplus, user d’indulgence envers les magistrats de la chambre des vacations du parlement de Rennes, à raison des préjugés et des erreurs invétérées qui peuvent avoir contribué à les égarer; a Déclare que les membres de ladite chambre des vacations sont incapables de remplir aucunes fonctions attribuées à ses officiers, non plus qu’aucun emploi public dans la constitution qu’elle est occupée à établir. » Projet de décret de M. Duval d'Eprémesnil. 11 sera dit par M. le président aux magistrats de Rennes : « L’Assemblée nationale rend justice à la pureté de votre zèle ; vous avez cru devoir réclamer les anciens droits de votre province , mais l’Assemblée nationale n’a point entendu y porter atteinte. Les députés de la Bretagne n’ont renoncé à sa constitution particulière, que sous l’expresse condition d’être avoués par leurs commettants et c’est aussi sous cette condition que l’Assemblée a reçu leur renonciation. Elle vous charge, Messieurs, quand vous serez de retour en Bretagne, d’assurer vos compatriotes qu’ils n’ont pas d’amis plus sincères, et que le Roi n’a pas de sujets plus fidèles que nous. » Projet de décret de M. le comte de Mirabeau. « L’Assemblée nationale, « Arrête que des citoyens chargés des fonctions publiques, qui déclarent que leur conscience et leur honneur défendent d’obéir à la loi, se reconnaissent par là même incapables d’exercer aucunes fonctions publiques. « En conséquence, l’Assemblée nationale déclare les magistrats de la chambre des vacations de Rennes, par le fait de la déclaration qu’ils ont proférée en sa présence, inhabiles à exercer aucunes fonctions publiques, jusqu’à ce qu’ils aient reconnu leur faute et juré obéissance à la constitution. Quant au crime de lèse-nation dont ces magistrats sont prévenus relativement à leur désobéissance aux décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le Roi, l’Assemblée en renvoie la connaissance au tribunal déjà chargé provisoirement d’informer des délits de cette nature. « Ordonne que lesdits magistrats seront incessamment traduits pardevant ledit tribunal, pour le procès leur être fait jusqu’à jugement définitif. « Arrête de plus de commettre quatre membres de l’Assemblée, pour assister le procui’eurdu Roi du siège du Châtelet dans l’instruction et la poursuite de cette affaire. » Projet de décret de M. de Cazalès . « L’Assemblée nationale, après avoir entendu la justification des magistrats de la chambre des vacations du parlement de Rennes, a décrété qu’ils seraient renvoyés par devers le pouvoir exécutif, afin que l’offre qu’ils ont faite du sacrifice de leur office soit réalisée. * Projet de décret de M. Barrère de Vieuzac. « L’Assemblée nationale, considérant qu'elle ne peut confier l’exécution des lois à ceux qui affectent de les méconnaître, et qui se sont formel-*' lement opposés à leur transcription, déclare leâ membres de la chambre des vacations du parléJ ment de Rennes inhabiles à exercer aucune fonction publique, jusqu’à ce qu’ils aient prêté lë serment d’être fidèles et soumis à la constitution du royaume ». Projet de décret de M. Vabbé Maury. « L’Assemblée nationale décrète que les magistrats, qui formaient ci-devant la Chambre des vacations de Rennes, seront renvoyés au pouvoir exécutif, et que Sa Majesté sera suppliée depren- J 68 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 janvier 1790.] dre les mesures les plus promptes pour rétablir l’administration de la justice en Bretagne. » Projet de décret deM. le comte Stanislas de Clermont-Tonnerre. Le président de l’Assemblée nationale déclarera aux membres de la chambre des vacations ce qui suit : « L’Assemblée nationale improuve votre conduite et les motifs que vous avez allégués pour votre justification ; votre résistance à la loi vous rend inhabiles à en être les organes, jusqu’à ce que vous ayez prêté le serment qui attache tous les citoyens à la constitution française, décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le Roi. « L’Assemblée nationale pourvoira dans sa sagesse à faire rendre à la province de Bretagne la justice dont votre résistance l’a momentanément privée. » Projet de décret remis par M. Vabbé de Barmond. « L'Assemblée nationale décrète que les témoignages d’adhésion, envoyés à l’Assemblée, seront communiqués à Messieurs de la Chambre des vacations du parlement de Rennes et que ces magistrats seront renvoyés par devant le Roi, qui sera supplié d’ordonner que le parlement de Rennes sera assemblé pour nommer une nouvelle chambre des vacations qui enregistrera les décrets de l’Assemblée. » Projet de décret remis par M. de Cocher el. « L’Assemblée nationale délibérant sur la lettre au Roi de la chambre des vacations du parlement de Rennes, décrète que le jugement de ladite chambre sera renvoyé à la nation bretonne elle-même solennellement assemblée. » Après cette lecture, la discussion recommence sur la question de priorité. La priorité est décidée en faveur du projet de M. le comte Stanislas de Clermont-Tonnerre. M. Leyris Desponchez, évêque de Perpignan , propose, par un amendement au projet de décret, ue les magistrats de Rennes ne soient pas man-és à la barre, mais que le projet de discours soit converti en forme de décret et notifié aux magistrats par le pouvoir exécutif. M. de Cazalès appuie cet amendement. Cet amendement est rejeté par la question préalable. M. Camus transforme la motion de M. de Clermont-Tonnerre en décret et la lecture en est très-applaudie. M. Alexandre de Lameth observe que ces mots jusqu'à ce qu'ils eussent prêté le serment de fidélité à la Constitution tendraient à rendre les magistrats juges de la peine qui leur était infligée et que ces mots jusqu'à ce que existaient pour tous les autres citoyens; il propose de supprimer cette phrase de la rédaction de M. Camus. M. lie Chapelier ajoute qu’il vaudrait mieux dire que les magistrats seraient inhabiles à remplir aucunes fonctions de citoyen actif, jusqu’à ce que, sur leur requête présentée au Corps législatif, ils eussent étéadmisà prêterle serment de fidélité à la constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le Roi. M. Lambert de Fronde ville dit qu’il faut que l’Assemblée prononce d’abord pour savoir si elle veut condamner ou absoudre les magistrats. Après de longs débats, le projet de décret de M. Camus, substitué à la motion de M. de Clermont-Tonnerre et modifié lui-même par l’adoption de divers amendements, est adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, improuvant la conduite des magistrats de la chambre des vacations du parlement de Rennes, et les motifs qu’ils ont allégués pour leur justification, déclare que leur résistance à la loi les rend inhabiles à remplir aucune fonction de citoyens actifs, jusqu’à ce que, sur leur requêteprésentée au Corps législatif, ils aient été admis à prêter le serment de fidélité à la constitution décrétée par l’Assemblée nationale, et acceptée par le Roi; « Et en exécution du présent décret, l’Assemblée ordonne que les magistrats de la chambre des vacations du parlement de Rennes seront mandés à la barre de l’Assemblée, pour entendre le présent décret par l’organe de son président. » La séance est levée à 7 heures du soir et indiquée à demain neuf heures du matin. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. L’ABBÉ DE MONTESQUIOU. Séance du mardi 12 janvier 1790 (1). M. Massieu, curé de Cercy, l'un de MM. les secrétaires , donne lecture du procès-verbal de la séance de la veille; il est adopté sans réclamation. M. Duport, autre secrétaire , fait connaître les adresses et dons patriotiques ainsi qu’il suit : Délibération de la Motte-Chalançon en Dauphiné, qui demande d’être réunie au tribunal du bailliage du Buis, en cas qu’il n’en soit pas établi un à Die, et offre en don patriotique le produit de la taxe sur les ci-devant privilégiés. Délibération et adresse de la ville du Buis, avec approbation de celle de la Motte-Chalançon, et adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale; elle demande que son bailliage soit remplacé par un des tribunaux à établir dans le nouvel ordre judiciaire, comme étant absolument indispensable à la commodité et à la position de la contrée des Baronnies, et fait en outre le don patriotique de la taxe sur les ci-devant privilégiés. Adresses d’adhésion et dévouement de la ville de Beaurepaire, des communautés de Lay, de Ra-bou, Sigoyeetd’Izeron.delamême province; cette dernière fait le don patriotique de la taxe sur les ci-devant privilégiés, et les trois premières, demandent que la ville de Gap soit le siège d’un tribunal supérieur. Adresses d’adhésion de sept communautés dépendantes de la châtellenie de Castillon en Cou-serans ; elles demandent l’établissement d’un département dans ce pays, dont le chef-lieu soit à Saint-Girons, et l’établissement d’un district à Castillon. La communauté de Betbezé en Cominges demande que la ville de Salies soit réunie au département de Couserans, et soit le chef-lieu d’un district. (1) Cetle séance est incomplète au Moniteur.