547 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |i avril 1791.] reste auprès de son père, partage avec lui les travaux de l’agriculture, et, par son industrie et ses sueurs, améliore son héritage et en double la valeur. Si après la mort du père, les trois enfants partagent également cet héritage, n’est-il pas évident que les deux premiers seront plus avantagés que le troisième, puisqu’ils profiteront du fruit des labeurs de celui-ci, qui ne participera pas de même aux épargnes que ses frères se seront faites? Autre exemple non moins frappant. Un père a deux enfants, l’un est actif, laborieux, plein de force et de talents; l’autre est mal constitué au physique et au moral; il n’a ni santé ni iutelligence. Si le père ne peut pas venir au secours de ce second fils, s’il ne peut rien lui laisser de plus qu’à son frère, le premier regorgera de biens, tandis que l’autre sera réduit à la misère. La même chose arrivera infailliblement, lors même que la nature aura doué ces deux enfants des mêmes forces, de la même activité et des mêmes talents; si l’un se livre à un commerce avantageux, et l’autre à un négoce ou des spéculations qui soient contrariés par les événements; ou si tous deux étant mariés, l’un donne le jour à un grand nombre d’enfants, et l’autre n’en a que très peu, ou même point. Ces différentes réflexions seraient susceptibles d’un développement beaucoup plus étendu; mais les lumières de cette assemblée m’en dispensent; je ne dois pas oublier que c’est à des législateurs que je parle. La faculté de disposer librement de ses biens lorsqu’on n’a point d’enfants, et d’une portion seulement de ses biens lorsqu’on a des enfants, est depuis des siècles en vigueur dans presque toute la France. Cette faculté, l’un des caractères distinctifs du droit de propriété, doit être plus chère que jamais à des hommes que vous avez rendu libres. Les en dépouiller, ce serait les forcer au plus pénible des sacrifices; vous ne pourriez l’exiger, Messieurs, ce sacrifice, qu’autant qu’il serait impérieusement commandé parla politique et la morale; et je viens de prouver que sous l’un et l’autre de ces rapports, non seulement il ne produirait aucun bien à la société, mais même qu’il en résulterait les maux les plus graves. J’ai prouvé que dans un grand empire, dont la prospérité tient au commerce, à l’industrie, aux arts, l'égalité des fortunes n’est ni possible ni désirable, et que d’ailleurs la prohibition des dispositions testamentaires et d’entre vifs ne contribuerait en rien à diminuer la pente naturelle de3 richesses vers l’inégalité. Voici, selon moi, les seuls règlements qu’exige l’intérêt social. Il faut laisser à tous les citoyens, qui n’ont point d’enfants ou descendants, la liberté de se choisir tels héritiers qu’ils jugeront à propos. 11 faut mettre des bornes assez étroites à cette liberté, à l’égard des chefs de famille. C’est assez de leur laisser la libre disposition du tiers de la portion de succession que chacun de leurs enfants eût recueillie, s’ils fussent morts intestats ; et il ne doit pas même leur être permis de disposer de la propriété de cette portion au profit de personnes étrangères; c’est une espèce d’impiété de la part d’un père de préférer qui que ce soit à ses enfants. Sa liberté, sur ce point, doit se borner à des legs viagers ou d’usufruit. Enfin il faut abolir les substitutions. D’après ces idées, voici les principes que je propose de décréter : Art. 1er. « Que nul ayant des enfants ou descendants, ne puisse disposer, soit par testament, soit par donation d’entre vifs, au delà du tiers de la portion de succession que chacun de ses enfants aurait recueillie, s’il lut mort ab intestat. Art. 2. « Qu’il ne puisse jamais disposer de la propriété de cette portion de ses biens, qu’en faveur d’un ou plusieurs de ses enfants, et que toutes libéralités, faites à des personnes étrangères, soient réduites au simple usufruit, sans que, dans aucun cas, cet usufruit puisse excéder le3 revenus de la portion disponible, ni se proroger successivement sur 2 ou plusieurs têtes. Art. 3. « Que les dispositions ci-dessus aient également lieu en ligne directe ascendante. Art. 4. « Que les dispositions, soit testamentaires ou d’entre vifs, de toute personne qui ne laissera ni enfants, ni descendants, soient déclarées valables pour la totalité de ses biens, lorsqu’elles seront faites à des personnes capables, et suivant les formes prescrites. Art. 5. Quel’usage des substitutions fidéi-commissaires, pupillaires et exemplaires, soit aboli ; qu’il soit seulement permis aux chefs de famille d’interdire à leurs enfants ou descendants la faculté d’aliéner, disposer et hypothéquer sous les 2 conditions suivantes : 1° l’interdiction sera bornée à un seul degré ; 2° après que l’enfant ou descendant aura atteint l’âge de 30 ans, elle pourra être levée par un arrêté du tribunal domestique de la famille. M. Victor de Broglic demande la parole pour faire un rapport relatif à des troubles qui ont été occasionnés dans le département du Bas-Rhin, tant par des écrits incendiaires que par des manœuvres coupables. (L’Assemblée décrète qu’elle entendra M. de Broglie sur-le-champ.) M. Victor de Broglie, au nom des comités des recherches, diplomatique, ecclésiastique, militaire et des rapports. Messieurs, vos comités des rapports, des recherches, diplomatique, ecclésiasti-ue et militaire, m’ont chargé d’avoir l’honneur e vous rendre compte de différents faits importants, de plusieurs événements qui ont eu lieu dans les départements du Rhin, et d’un grand nombre de pièces qui ont été apportées par un courrier extraordinaire, expédié par la municipalité de Strasbourg et par les administrateurs du directoire du département du Bas-Rhin. Ces faits, graves par eux-mêmes, et qui le deviennent encore davantage par les circonstances, sollicitent d’autant plus votre attention, qu’ils vont vous dévoiler un complot soupçonné depuis longtemps, et dont les auteurs coupables, trahis déjà par quelques indices, étaient néanmoins parvenus jusqu’à ce moment à s’envelopper avec habileté des ténèbres favorables aux crimes, pour échapper à l’œil vigilant de la loi et à la vengeance publique. Persuadé cpie vous n’avez pas perdu de vue les mesures déjà prises par votresagesse relativement 548 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 avril 1791.J aux départements du Rhin, les motifs qui les ont déterminées, et les éléments de discorde, de fanatisme et d’agitation qui fermentent dans cette partie de nos frontières; je vais commencer par vous faire lecture de plusieurs pièces qui suffiront pour vous donner une connaissance générale des faits que j’ai encore à vous dénoncer. Enfin je vous soumettrai le résultat des discussions approfondies de vos comités, et Je projet de décret auquel ils se sont arrêtés. La première pièce dont je vais vous faire lecture est une lettre de la municipalité de Stras-bourq à l’Assemblée nationale : elle est ainsi conçue : « Strasbourg, le 28 mars 1791.— Leconseil général delà commune a ordonné au corps municipal de vous adresser son arrêté du 27 du courant, au sujet d’une monition canonique et ordonnance de M. Rohan et d’une émeute qui a eu lieu samedi soir, 26, à la cathédrale. M. Jœglé, ci-devant curé de cette paroisse, s’était transporté en surplis pour y dire le salut, quoique M. l’évêque du Bas-Rhin en eût pris possession et y eût été installé en grande pompe la veille. II ne'vou-lut pas céder ses fonctions à un prêtre que M. l’évêque en avait chargé, et il ne renonça à le faire que lorsque M. Brendel se fût présenté lui-même et eût eu aveclui une altercation assez longue dans la sacristie; conflit qui a donné lieu à uu mouvement très violent de la part du peuple qui a insulté et même frappé l’évêque. « Sur l’invitation du conseil de la commune, le corps municipal a pris les deux arrêtés joints à la présente. La monition de M. le cardinal, qui interdit l’église cathédrale, excepte formellement de cette interdiction la chapelle de Saint-Laurent et l’autel destiné au service de la paroisse, tant qu’ils seront desservis parM. Jœglé, ancien curé. Et le soir même où cette monition a été furtivement introduite à Strasbourg, le curé réfractaire, qui ne pouvait ignorer la prise de possession, est contrevenu au décret en voulant encore exercer des fonctions ..... Invité, le 6 mars, à faire les dispositions nécessaires pour chanter le Te Deum en action de grâces de l’élection de M. Brendel, il se refusa à tout ce qui pourrait faire soupçonner sa soumission à V évêque que l’Assemblée nationale venait de créer. Il défendit au sacristain de fournir des ornements aux prêtres que nous avons chargés de célébrer le Te Deum. M. Jœglé et M. Zai-guelins, curé de Saint-Pierre-le-Vieux, peuvent être considérés comme les premiers agents de la coalition formidable qui s’est établie sous la direction de M. le cardinal. Séminaire, collège royal, monastères d’hommes et de femmes, et jusqu’aux sœurs grises, se sont ligués pour ne pas reconnaître l’évêqne constitutionnel. Les curés, les capucins et les récollets auxquels le département et la municipalité avaient en joint de se rendre au Te Deum célébré par M. Brendel, à l’occasion de la convalescence du roi, en leur envoyant le mandement du nouvel évêque à ce sujet, se sont tous refusés à se rendre à la cathédrale, et l’ont célébré chacun dans leur église respective. « Dans les prônes, les sermons et l’instruction publique, nos prêtres et nos moines ne tendent qu’à persuader au peuple et aux enfants qu’il n’y aura plus de religion, plus de sacrements. Tous ceux qui n’ont pas prêté le serment parlent et agissent d’après les principes de la monition de M. le cardinal, ils exaltent le fanatisme au plus haut degré, et nous ne pouvons en imposer que par des coups d’autorité prompts. C’est ce qui a déterminé le corps municipal à prononcer l’arrestation de M. Jœglé, conformément à l’invitation du conseil de la commune, mais à ne point penser comme lui que cette affaire dût être instruite devant le juge ordinaire. Quoiqu’on ne soit point encore parvenu à arrêter M. Jœglé, il nous paraît indispensable que l’Assemblée nationale rende un décret pour sa translation. Le tribunal a prononcé, ainsi que le conseil de la commune, contre la monition ; mais M. le commissaire du roi a cru que M. Jœglé pouvait trouver quelque excuse de la scène abominable à laquelle il a donné lieu sous le prétexte frivole qu’il n’avait pas été averti de cesser ses fonctions. Il nous reste encore à remplir le vœu énoncé dans l’arrêté du conseil de la commune, de mettre sous les yeux de l’Assemblée nationale les différentes lettres, instruction pastorale, déclaration, monition, et autres actes qui décèlent la coalition dont M. de Rohan est le chef, pour prier l’Assemblée nationale de le déclarer déchu de l’inviolabilité que la loi assure aux représentants de la nation, afin que son procès lui soit fait par la haute cour, comme criminel de lèse-nation. Nous avons l’honneur de vous les adresser ..... En rapprochant toutes ces pièces on ne doit plus être étonné de la coalition infernale qu’elles ont produite, et des doutes cruels dans lesquels elles ont jeté les citoyens pou éclairés ; les patriotes ont fait les efforts tes plus puissants pour les lever ; mais les curés intimidés par l’audace avec laquelle M. de Rohan leur insinue qu’incessamment l’armée des princes entrera dans le département du Rhin, pour y rétablir tout sur l’ancien pied, out flattés de cet espoir, agissent avec tant d’ardeur, que si le nombre de nos troupes ne s’augmentait pas incessamment, cette coalition aurait les effets les plus funestes. « Ce détail prouvera sans doute à l’Assemblée nationale la nécessité de déconcerter les manœuvres ennemies. Dans ce moment surtout où le cardinal forme sur ses terres un rassemblement de brigands enrôlés sous le nom de l’armée des princes, dont quelques rapports portent même le nombre à 2,000 hommes, mais qui sont au moins de 900 à 1000 dont on fait les uniformes en ce moment, que M. de Gondé a passés en revue, il y a quelques jours, et dont l’objet ne peut être, ainsi que nous savons que c’est i’intention du vicomte de Mirabeau, et des autres chefs que de tenter une invasion successive dans quelques points de la province, d’effrayer ainsi les esprits irrésolus, d’encourager les traîtres qui se montrent partout avec une audace qui atteste leur sécurité, et prouverait presque la nullité des lois, peut-être de surprendre une place forte, et de former ainsi le noyau d’une armée que les mécontents viendraient grossir. Le séminaire vient de quitter, préposés et élèves, tous sans exception; et on peut assurer avec vérité, et d’après déclaration faite par des séminaristes, que s’ils ont pris le parti de se refuser au serment civique, c’est parce qu’on Jes a induits à jurer le plus solennellement qu’ils ne le prêteraient point. Il y a même lieu de croire qu’ils s’y soumettraient avec le pins sincère abandon, si on pouvait tranquilliser leur conscience sur l’acte qu’on leur a extorqué. C’est de cette coalition, dont le chef se rit de la loi dans sa petite souveraineté de l’autre côté du Rhin, que M. Jœglé s’est montré l’un des zélés missionnaires. 11 faut, par une sévérité trop justement excitée, dégoûter de ce rôle ceux qui ne l’exercent que parce qu’ils croient qu’il est sans danger pour eux, et qu’il peut leur être utile. » 543 JAssemblée nationale.} ARCHIVES �PARLEMENT AIRES. [4 avril 1791.J La seconde pièce dont je vais vous donner lecture est une monition canonique et ordonnance du cardinal de Rohan ( Mouvement .) ; la voici : Monition canonique et ordonnance. « Louis-René-Edouard, prince de Rohan, par la grâce de Dieu et l’autorité du saint siège apostolique, cardinal de la sainte Eglise romaine, prince-évêque de Strasbourg, landgrave d’Alsace, princedu saint empire, proviseurde Sorbonne, etc. « A François-Antoine Brendel, prêtre naturalisé du diocèse de Strasbourg, se portant pour évêque dudit diocèse, ainsi qu'au, clergé séculier et régulier, et à tous les fidèles. « 11 est de notoriété publique, que le siège épiscopal de Strasbourg, auquel nous avons été élu canoniquement, en qualité de coadjuteur, d’abord en l’année 1760, et dont avons pris ensuite possession réelle en 1779, n’est vacant ni par mort, ni par démission, ni par aucun jugement de l’Eglise, qui sont les seuls genres de vacances légitimes, reconnus par les lois ecclésiastiques et civiles.. . » M. de Faucigny-Fucinge. Est-ce anglais ou allemand? car nous n’entendons pas. M. Fa Foule. Vous le savez par cœur. M. Victor de Broglie, rapporteur, continuant la lecture : « Il est notoire encore, que, nonobstant ce défaut de vacance et les protestations réitérées que nous avons faites, et qu’a exigées de notre part la conservation de nos droits, de ceux de notre siège et de notre grand chapitre, ainsi que la fidélité que nous devons, en notre qualité de prince d’Etat d’empire, au maintien des traités solennels qui ont réuni l’Alsace à la Couronne de France, et qui garantissent lesdits droits ; que, nonobstant encore nos déclarations, instruction pastorale et autres lettres adressées à notre clergé et aux fidèles de notre diocèse, pour leur faire connaître les vrais et bons principes, et les sentiments catholiques sur la nouvelle constitution civile touchant la religion, la hiérarchie et la discipline ecclésiastiques, François-Antoine Brendel, prêtre naturalisé de notre diocèse, a été dans la séance de dimanche 6 mars dernier, proclamé élu à l’épiscopat du département du Bas-Rhin par le président de l’assemblée soi-disant électorale, à la suite d’une convocation et élection ordonnées par un pouvoir notairement incompétent, faite par des électeurs sans charge ni mandat à cet effet, et prohibée par les saints conciles, sous peine de nullité; élection vicieuse et scandaleuse sous tous les rapports, et notamment par le refus de la majeure partie des électeurs catholiques d’y prendre part, et ne devant par conséquent être considérée que comme le fait seul d’un nombre de protestants de la confession d’Auesbourg, qui n’ont pu eux-mêmes qu’être abusés dans une démarche aussi inconsidérée. « Que ledit François-Antoine Brendel, au mépris de tant de considérations et d u serment qu’il nous a prêté dans son ordination, au mépris de la connaissance personnelle qu’il a des droits particuliers et inhérents à notre siège, puisqu’il les a publiquement enseignés pendant plusieurs années, a accepté le prétendu choix fait de sa personne pour l’occuper, et a reçu la consécration épiscopale, avec la violation de toutes les règles, au grand scandale de l’Eglise et de la religion; qu’il n’a reçu l’imposition des mains que par Je ministère d’évêques qui n’ont ni autorité ni mission de l'Eglise pour examiner et juger des caractères et des signes de sa vocation ; d’évêques, qui ont procédé à son ordination sans aucun mandat apostolique, dans un diocèse étranger, sans permission de l’ordinaire, et quientin n’ont pu se prêter à tant d’illégalités sacrilèges sans se rendre coupables eux-mêmes de prévarication et de parjure, et sans accumuler sur la tête de François-Antoine Brendel, et sur la leur, les censures prononcées contre les violateurs des règles canoniques, peines si redoutables aux yeux de la foi. D’après l’existence notoire de tous ces traits caractéristiques qui frappent de nullité radicale le titre prétendu de François-Antoine Brendel à notre siège épiscopal, et son ordination de profanation sacrilège, il ne peut être regardé, par nous et tous les catholiques de notre diocèse fidèles à leur croyance, que comme un intrus, et, selon la décision du saint concile de Trente (session XXIII chapitre iv), que comme un voleur qui n' est point entré par la porte dans le bercail. L’honneur de la religion et de l’Eglise, notre devoir, le salut du troupeau confié à notre vigilance, et l’attention que nous devons apporter à la conservation de la foi et de la saine doctrine, exigeraient peut-être que dès ce moment nous déclarassions le susdit François-Antoine Brendel frappé de l’anathème que le même concile prononce dans le canon 7 de ladite session contre les ministres schismatiques et prévaricateurs, et que nous le retranchassions ainsi de la commun ion des fidèles; mais, selon l’expression de l’Ecriture, ne désirant point la mort du pécheur, et qu’au contraire il se convertisse et qu’il vive, voulant nous conformer aux préceptes de l’Evangile, et ne faire usage des moyens de sévérité qu’après avoir employé et épuisé ceux de la charité, afin encore de prévenir, autant qu’il est en nous, tout schisme dans notre Eglise, et dans l’espoir que François-Antoine Brendel, sensible à notre tendresse paternelle, et par un juste retour sur lui-même, reconnaîtra et confessera ses torts, viendra à résipiscence et réparera le scandale public de son intrusion et de son usurpation, en se désistant de sou iojuste et sacrilège prétention sur le siège épiscopal de Strasbourg, en nous reconnaissant pour seul et légitime évêque de ce siège, et en renouvelant en no3 mains le serment de fidélité et d’obéissance qu’il nous a prêté lors de son ordination. A quoi faire, lui fixons un délai de huitaine à dater du jour où il aura connaissance de nos présentes, lesquelles, vu la grièveté du délit, l’urgence des circonstances, et que notre dernière lettre, adressée à MM. les curés, vicaires et au clergé, peut et doit être considérée comme unavertissement suffisant de notre part, lui serviront de première, deuxième, troisième et dernière monition canonique; et faute par lui d’y satisfaire dans ledit délai, et icelui écoulé sans nous avoir fait connaître qu’il est venu à résipiscence, nous, en vertu du pouvoir divin qui nous a été donné, le saint nom de Dieu invoqué et tout considéré : I « Déclarons, dès maintenant, et sans qu’il suit besoin u’uoe nouvelle déclaration de notre part, François-Antoine Brendel avoir encouru, à l’expi- 550 lAssemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (4 avail 1791. | ration du terme de huit jours à lui accordé, l’anathème prononcé par le canon 7 de la session XXIII du saint concile de Trente. « Et attendu que ledit F.-A. Brendel a été ordonné contre toutes les règles de l’Église, nous le déclarons dès lors schismatique, intrus dans notre siège, usurpateur de la juridiction épiscopale qu’il prétendrait exercer en vertu d’une consécration illicite et sacrilège, et, comme tel, soumis aux peines canoniques ; lui interdisons, non seulement l’exercice des fonctions épiscopales, mais encore la célébration des saints mystères. Il « Déclarons en conséquence que tous les sacrements qu’il administrera seront des profanations et des sacrilèges et tous les actes de juridiction, tels que dispenses de mariage, attribution de juridiction aux simples prêtres, et autres actes seront nuis et de nul effet. III « Déclarons également schismmatiques tous curés de notre diocèse, tous vicaires ou prêtres, soit étrangers, soit diocésains, qui recevraient dudit F.-A. Brendel l’institution à l’effet d’exercer aucune fonction pastorale, les suspendons, ainsi que lui, et de la célébration des saints mystères, et de toute juridiction spirituelle ; avertissons les fidèles de notre diocèse, que les absolutions qu’ils donneront seront nulles, excepté toutefois à l’article de la mort ; auquel cas la tendresse de l’Église pour ses enfants l’a portée à accorder la juridiction à tous prêtres sans distinction. IV « Déclarons que toutes démissions extorquées des curés titulaires actuels seront nulles ; qu’ils resteront seuls légitimes pasteurs jusqu’au moment où ils auraient remis entre nos mains leurs démissions, acceptées par nous; et que ceux qui oseraient s’arroger dans les paroisses le titre et les fonctions de pasteurs seraient des schismatiques et des intrus. En conséquence, faisons très expresses défenses à tout prêtre et ecclésiastique d’accepter aucune desdites cures, de s’y faire instituer et installer par ledit F.-A. Brendel et d’exercer, en vertu de cette institution et installation, aucune fonction sous peine de suspense; tout curé, destitué par la seule puissance temporelle, ne demeurant pas moins seul légitime pasteur, qualité qui lui impose l’obligation de continuer à sa paroisse tous les soins et secours spirituels que les circonstances lui permettront de lui donner. V « Et pour empêcher que la contagion d’un mal aussi horrible que le schisme ne se propage et ne corrompe la masse des fidèles de notre diocèse, nous ordonnons à tous les ecclésiastiques séculiers et réguliers, et à tous les fidèles soumis à notre juridiction spirituelle, de se comporter, à l’égard de F.-A. Brendel et de tous ceux qui auront la témérité d’adhérer à son intrusion de la manière que l’Église le prescrit à l’égard des schismatiques, avec lesquels nous leur défendons de communiquer, soit directement, soit indirectement dans i’exercice des fonctions spirituelles; et ce, sous les peines de droit statuées en pareil cas, lesquelles seront encourues par le seul fait, après le délai ci-dessus prescrit. VI « En conséquence, faisons très expresses défen ses à tout prêtre ou laïc que, non seulement de reconnaître F.-A. Brendel pour évêque légitime, et les prêtres, curés ou vicaires institués par lui, légitimes pasteurs, mais même d’assister à leur messe, et de communiquer avec eux pour la participation des sacrements, la célébration de l’office divin, ou de quelque manière que ce soit. VII « Remplis d’une sainte indignation, et le cœur navré d’amertume à l’occasion des irrévérences et indécences qui ont été commises dans le lieu saint le jour de dimanche 6 mars, nous interdisons par ces présentes, et déclarons réellement et par le fait interdite, jusqu’à ce qu’il en soit par nous autrement ordonné, notre église cathédrale, et notamment le chœur, à l’exception toutefois de la chapelle de Saint-Laurent et de l’autel destiné au service de la paroisse, et ce, tant qu’elle sera desservie par le sieur curé de Saint-Laurent, titulaire actuel, ou par un autre prêtre légitimement approuvé et autorisé par lui, et que ledit sieur curé n’aura pas rendu son titre vacant, soit par sa mort, soit par une démission légale acceptée par nous. VIII « Comme, les temps deviennent, hélas! de jour en jour plus mauvais, et que nous touchons peut-être au moment où les prêtres fidèles à leur conscience seront obligés de se cacher dans les antres et les forêts, et ne pourront plus administrer les sacrements de l’Eglise qu’au péril de leur vie, nous déclarons le temps pascal ouvert dès à présent pour tous les fidèles de la partie de notre diocèse située en France, et nous leur permettons, pour la présente année, de recevoir la communion pascale de la main de tout prêtre qui ne sera pas souillé par la prestation du serment abominable exigé des ecclésiastiques fonctionnaires publics. IX « Attendu, en outre, que les circonstances de persécution notoire, dans lesquelles nous nous trouvons, ne permettent pas d’employer, pour la signification et la publication de notre présente monition et ordonnance, les formes usitées, nous déclarons que nous regarderons celles pour suffisamment intimées, dès qu’elles seront notoirement connues dans notre diocèse. « Et, à cet effet, seront les présentes publiées au prône, affichées aux portes des églises dans toute l’étendue de notre diocèse, et partout où besoin sera. « Donné à Ettenbeim, le 21 mars 1791. « Signé : Gard in al DE RoHAN, « prince-évêque de Strasbourg. « Et plus bas : Par Son Altesse Sérèn. et Émin ., « Mathieu. » Nous passons maintenant : 1° à un extrait des registres des délibérations du corps municipal de la ville de Strasbourg, relatif à l’arrestation du sieur Jœglé, ci-devant curé de Saint-Laurent; 2° à une lettre du corps administratif au président de l’Assemblée nationale, au sujet de l’arrestation des sieurs Zipp : [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 avril 1791.) Soi « MM. Zipp, oncle et neveu, curé et vicaire de Schierrietb, ayant été dénoncés à MM. les commissaires du roi au département du Haut et du Bas-Rhin, pour avoir entretenu des pratiques très suspectes avec les ennemis delà Constitution française, qui leur faisaient parvenir, delà rive allemande du Rhin, les écritsles plus incendiaires, pour être ensuite par eux distribués dans le département, où ils fomentent l’esprit de trouble et de rébellion à la loi, lesdits commissaires donnèrent commission à M. Rivage de prendre des informations précises sur l’objet de la dénonciation, et, en cas de vérification, de faire arrêter les coupables, pour être ensuite poursuivis et jugés par qui il appartiendrait, et le directoire du département, de ce requis, donna les ordres nécessaires pour qu’il fût donné main-forte à M. Rivage, par la gendarmerie et la garde nationale les plus à portée. « M. Rivage, sur les informations, crut devoir faire arrêter lesdits curé et vicaire; et, en effet, il fut trouvé chez eux une bonne partie des écrits séditieux dont ils faisaient usage. Le procès-verbal qui en a été dressé contient l’aveu de cette distribution, quoique M. Ripp, curé, prétend qu’elle se bornait à ses amis. Les deux prêtres coupables ont sur le-champ été menés et déposés dans les prisons royales de Strasbourg, où ils resteront en état d’arrestation, jusqu’à ce que l’Assemblée nationale nous ait fait transmettre ses ordres à leur égard. « Nous devons observer à l’Assemblée nationale que les tribunaux de districts ne peuvent connaître des crimes de lèse-nation, et que le délit des deux prêtres détenus étant aggravé et caractérisé par l’infernale coalition de la très grande majorité des fonctionnaires publics ecclésiasti-ues, le péril, où cette conjuration met la patrie, evient chaque jour plus instant et plus grave, en ce que la difficulté de remplacer les prêtres du département n’est que trop réelle, parce que les prêtres de l’intérieur ne peuvent être de secours, la langue allemande leur étant étrangère. Toutes ces considérations ont dû déterminer les commissaires du roi et le directoire du département à prendre les mesures les plus promptes et les plus vives, pour enfin entamer cette ligue abominable des fanatiques et des émigrants. Nous avons dû les envisager comme coupables du crime de lèse-nation, parce qu’en effet il n’en est point qui, après la guerre ou la révolte ouverte, compromette plus évidemment et menace plus hautement le maintien de la Constitution et le salut de la patrie... Nous profitons d’un courrier extraordinaire, que la municipalité de Strasbourg envoie à Paris, pour remettre pareillement à l’Assemblée nationaleles pièces relatives à l'arrestation d’un autre prêtre, M. Jœglé, ci-deyant curé de Saint-Laurent, en la cathédrale de cette ville. « Voici maintenant une lettre de M. ûietrich au comité des recherches, au sujet de l’interrogatoire et arrestation du sieur Durival : « Le comité de surveillance, établi sous l’autorité du département, m’a chargé d’avoir l’honneur de vous adresser la copie ci-jointe d’un procès-verbal qu’il a rédigé hier à l’occasion de l’arrestation faite parla garde nationale, au pont du Rhin, d’un nommé Durival, porteur de papiers d’espionnage : vous en trouverez aussi les copies sous ce couvert... « Copie de différentes pièces saisies sur M. Du-rival, au pont du Rhin, le lundi 28 mars 1791. « Mercredi 16, cher ami, et le jeudi 17, le « maire d’Huningue vint chez moi avec un, je « crois, de ses satellites, pour te faire visite et « t’entretenir soi-disant comme ayant des ordres « de Paris sur la redoute mobile et la dfe cylin-« drique, que tu proposes au comité de la guerre ; « je crois que cette démarche, je me le persuade, « était pour voir si tu étais présent, et peut-être a donner des ordres en conséquence pour t’en-« terrer. Cependant je sais que personne n’a eu «« connaissance de ce mémoire, pas même celui « à qui tu fis voir les autres mémoires dont je me « repens, car les Râlois n’ignorent pas que tu as « travaillé à la destruction de leur commerce, et « je crois que c’est en partie ce qui est cause * du refus des payements qui nous étaient légi-« timement dus. » Autre note. « Monsieur, j’ai observé que dans « toutes les feuilles qui ont paru ici, celle des « trois ordres réunis de la province de Langue-« doc y est absolument rare, une telle adresse « ne peut manquer de faire dans cette province « beaucoup de sensation, attendu que le motif « qui fera agir les paysans est celui de la reli-« gion dont l’adresse fait grandement mention. a II ne faut, je crois, rien négliger pour monter « toutes les têtes à l’incendie, où l’étincelle s’est « déjà attachée. J’ai même observé à M. Dupin, « correspondant avec M. le P. Joseph, qu’il serait « à propos d’ajouter à ladite feuille un supplé-« ment pour réponse, et engagement à toutes les « provinces de suivre un si digne exemple ; je « croirais donc très à propos, Monsieur, de faire « passer ici de ces feuilles dont je crois M. le « vicomte de Mirabeau pourvu, ou d’en faire « imprimer s’il n’en existe. » Autre note. « Vous me fîtes envisager comme « au nombre des plus grandes difficultés le s moyen d’introduction des feuilles dont vous « me chargeâtes, mais rien, avec un peu de « précaution, n’est au monde plus facile. La « garnison est enragée démagogue, le seul ré-« giment des carabiniers est abhorré des natio-« naux et les seuls qui n’ont jamais souffert « d’être foudroyés dans les brasseries; selon « l’examen que j’en ai fait, ils seront prêts à « agir dès qu’ils verront les officiers en tête ; ce « qu’il y a de sûr, c’est que le colonel estl’anta-« goniste des municipaux, et que ses soldats « ont refusé, à l’installation de l’usurpateur « Bremlel, figurant évêque, la droite aux na-« tionaux. Malgré le peu de désertion (car depuis « un mois on ne compte pas 4 hommes), je suis « abouché avec divers soldats du régiment suisse « qui vient de remplacer Saintonge, et dont « Bretagne a pris la place à la citadelle. » Voici, enfin, un extrait des registres du tribunal de district de Strasbourg, relatif à l’arrestation du sieur Wilhelm, homme de loi, et de la nommée Barbe Zimber, femme de Biaise Bur-kner : Strasbourg, le 27 mars 1791. « Vu, par le tribunal du district de Strasbourg, la requête à lui présentée par M9 François-Joseph Kraulss, faisant fonctions d’accusateur public près le tribunal, expositive, qu’il lui est parvenu, que, dans la journée d’hier, la nommée Barbe, née Zimber, femme de Biaise Burkner, chautre à la cathédrale, a été arrêtée par la garde nationale postée au Rhin ; qu’il a été trouvé sur elle un paquet contenant 17 exemplaires d’un imprimé intitulé : Monition canonique et ordonnance; commençant par ces mots : Louis-René-Edouard ; et finissant par ceux-ci : par S071 Altesse Sérèn. et Eminent. Mathieu; que, suivant la 552 (4 avril 1791.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. déclaration de ladite Barbe Burkner, ledit paquet lui a été remis à Offenbourg, par M. Jean-Nicolas Wilhelm, homme de loi, pour le porter en ville; a ordonné et ordonne que Me Jean-Nicolas Wilhelm, homme de loi, sera pris et appréhendé au corps et conduit ès prisons de cette ville, pour être ouï et interrogé. A ordonné et ordonne en outre que, par ledit sieur commissaire, tous les papiers dudit Jean-Nicolas Wilhelm, qui se trouveront dans son étude, cabinet ou autres dépendances de sa maison, seront mis sous le scellé, pour y demeurer ainsi jusqu’à ce qu’il en aura autrement été ordonné; que la nommée Barbe, née Zimber, femme de Biaise Burkner, chantre à la cathédrale, qui a été conduite provisoirement à la maison d’arrêt de cette ville, par ordre de M. le maire, accusée du colporlage du susdit imprimé, sera écrouée ès registres des prisons criminelles de cette ville, pour être pareillement ouïe et interrogée sur les charges résultantes contre elle, par le susdit commissaire, circonstances et dépendances, et autres sur lesquelles l’accusateur public voudra la faire ouïr; a ordonné et ordonne encore que le susdit imprimé, intitulé : Monition canonique et ordonnance, commençant par ces mots ; Louis-René-Edouard, et finissant par ceux-ci : par son Altesse Sêrénissimeet Eminentissime Mathieu , sera et demeurera supprimé comme séditieux, attentatoire à l’autorité législative et tendant à provoquer un schisme dans l’Eglise et une guerre intestine entre les citoyens. » Vous venez d’entendre, Messieurs, le récit des faits qui vous sont dénoncées par les corps administratifs, et par la municipalité de Strasbourg. Vous n’avez pu méconnaître leur importance et, pour vous mettre à même de prononcer sur les mesures qu’il convient de prendre, il me suffira de vous indiquer rapidement la marche que vos comités ont suivie dans l’examen de cette affaire, et les motifs qui ont déterminé le décret que je suis chargé de vous proposer. Nous avons considéré que M. le cardinal de Rohan, prévenu de 2 espèces de délits très distincts et très graves, était néanmoins encore revêtu de la qualité de député à l’Assemblée nationale, puisque sa démission n’avait point été acceptée; et que, par conséquent, aux termes des décrets, aucun tribunal ne pouvait connaître des délits qui lui étaient imputés, avant que le Corps législatif n’eût décidé sfil y a lieu à accusation contre lui. Cette question nous a paru la première à examiner et, pour la décider unanimement à l’affirmative contre M. le cardinal de Rohan, vos comités n’ont eu besoin que de se retracer la position dans laquelle il se trouve. D’un côté il accumule depuis 5 mois des protestations contre vos décrets; il multiplie les actes de sa désobéissance à la loi, sous les formes les " plus incendiaires; il sème avec profusion, parmi le peuple, les germes empoisonnés de la rébellion, de la révolte et du fanatisme; et s’immisçant dans des fonctions qui lui sont interdites par vos décrets, il couvre ses démarches séditieuses du masque imposant de la religion, pour se coaliser avec un clergé réfractaire et pour entraîner de concert dans l’erreur un peuple égaré par leur influence et leurs insinuations perfides. Si l’on considère ensuite la conduite de M. de Rohan au delà du Rhin, on le voit empressé d’accueillir les réfugiés français, qui ne dissimulent plus leurs intentions hostiles; on apprend qu’il fait des levées de soldats dans son territoire; que des agents, tels que le sieur Dufréney, lui adressent des recrues, engagées même sur les terres de France; qu’un nombre de brigands, désignés sous le nom d’armé des princes, sont rassemblés dans le lieu qu’il habite; qu’il dépose des protestations à la diète de Ratisbonne; qu’il n’épargne aucune intrigue pour susciter à la patrie des ennemis puissants et nombreux. Une telle conduite, criminelle dans un simple citoyen, et surtout dans un ministre de la religion, acquiert encore, s’il est possible, un caractère plus grave, dans un homme revêtu de la qualité auguste de député à l’Assemblée nationale. C’est aussi sous ces deux rapports, qui, l’un et l’autre, présentent manifestement l’idée du crime de lèse-nation, que vos comités ont pensé que vous ne balanceriez pas à dépouiller M. de Rohan d’une inviolabilité dont la présomption seule des délits dont il est prévenu le dépouillerait par le fait, et que vous attribueriez son jugement à la haute cour nationale. Cette première détermination a conduit naturellement vos comités à examiner quelle qualification il convient de donner aux délits dont sont prévenus les sieurs Jœglé, ci-devant curé de Saint-Laurent, les sieurs Zipp, curé et vicaire de Schirrieth, dans le département du Bas-Rhin; le sieur Wilhelm, homme de loi ; la nommée Barbe Burkner; le sieur Durival, tous dénommés dans les pièces du procès. Quant au premier, le sieur Jœglé, ci-devant curé de Saint-Laurent de Strasbourg, sa coalition avec M. de Rohan nous a paru résulter : 1° de l’exception qui le concerne, insérée dans l’article 7 de la monition canonique; 2° de la publicité dangereuse qu’il a affecté de donner, même par la voie de l’impression, à une Retire adressée à MM. les officiers municipaux, concernant son refus de prestation de serment ; 3° des procès-verbaux et déposition?, au nombre de S, qui tous le désignent comme le principal auteur et instigateur des désordres qui ont eu lieu le 26 du mois dernier dans la cathédrale de Strasbourg, et dont le nouvel évêque eût été la victime sans l’intervention de la garde nationale. Cette réunion de faits et de circonstances n’a pas permis à vos comités de séparer la cause du sieur Jœglé de celle de M. de Rohan; ils vous proposent en conséquence de renvoyer son jugement à la haute cour nationale. A l’égard des sieurs Zipp, curé et vicaire de Schirrieth, vous avez vu, par la lettre du directoire du département du Bas-Rhin et le procès-verbal qui y est joint, qu’ils étaient dépositaires d’un nombre considérable d’écrits séditieux de plusieurs espèces et que, de leur propre aveu, ils les ont distribués. Ces deux prisonniers, impliqués dans la même coalition, sont donc aussi dans le cas d’être transférés à Orléans. Pour ce qui concerne le sieurWilhelm, homme de loi, et la nommée Barbe Burckner, il résulte de l’extrait des registres du tribunal de Strasbourg, qu’ils sont l’un et l’autre décrétés de prise de corps, comme fauteurs, complices et distributeurs de la monition canonique et ordonnance de M. Rohan ; et qu’étant par le fait même intimement impliqués dans le procès, il y a lieu à accusation contre eux, et ils doivent être jugés par la haute cour nationale. II reste un septième accusé, c’est le sieur Durival, qui vous a été officiellement dénoncé par la municipalité de Strasbourg, qui a été arrêté le 28 au pont d ■ Kelil, sur lequel on a saisi des Jet- 553 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 avril 1791.) très, papiers et notes, qui indiquent clairement, comme il l’a avoué, qu’il était l’agent des sieurs abbés d’Eymar et Rumppler, des vicomtes de Mirabeau et Moyau ; qu’il entretenait à Bâle des correspondances suspectes, sous des noms supposés, et qu’il était particulièrement employé en qualité d’espion par le parti contre-révolutionnaire. Les faits qui lui sont imputés ont une relation trop intime avec les manœuvres attribuées aux autres accusés, pour que vos comités n’aient pas cru devoir vous proposer de citer encore le sieur Durivai à la haute cour nationale. Après avoir arrêté ces premières dispositions, vos comités ont cru que, pour achever d’assurer la tranquillité publique dans les départements du Rhin, ils devaient encore vous proposer d’autres mesures, devenues urgentes par les circonstances, et conformes à l’esprit des décrets sur la constitution civile du clergé. La première est relative au remplacement des fonctionnaires publics, réfractaires à la loi du serment. Dans les départements du Rhin, ainsi que dans tous ceux où il existe deux langues ou idiomes différents, il est indispensablement nécessaire que les ministres du culte les possèdent l’un et l’autre pour remplir utilement leurs fonctions; vos comités ont pensé que cette circonstance rendrait pour le moment leur remplacement très difficile si vous refusez de prononcer, par un article additionnel, que, pour cette année seulement et à l’effet de déjouer les menées du fanatisme, tout prêtre, tant séculier que régulier, qui aura prêté le serment civique, ou fait sa soumission pour le prêter, et qui connaîtra les deux langues ou idiomes du pays, pourra être élu par le peuple aux cure3 vacantes. Cette mesure, ajoutée aux dispositions des décrets qui déterminent les peines qui doivent être infligées aux fonctionnaires publics ecclésiastiques réfractaires à la loi et aux prédicateurs fanatiques , donnera aux administrateurs des armes suffisantes pour tenir en respect cette première classe de séditieux et pour rendre leurs efforts inutiles. Mais il en existe d’autres qui, également salariés par la nation et n’étant pas fonctionnaires publics, échappent à la juste animadversion des lois, bravent impunément toute autorité, profitent de leur nombre et de leur obscurité pour semer partout les écrits les plus séditieux, et fomenter la révolte par leurs discours incendiaires. L’influence de ces moines et ecclésiastiques est peut-être plus dangereuse dans les départements du Rhin que dans toute autre partie du royaume, à cause de l’ignorance superstitieuse dans laquelle ils ont cherché à entretenir le peuple, à cause de la rivalité des religions, et du voisinage du pays étranger : mais pour déconcerter leurs manœuvres pernicieuses, pour les attacher à la Constitution par les liens puissants de leur intérêt, il a paru à vos comités qu’il fallait les livrer à la surveillance active des tribunaux et administrateurs, priver de leurs pensions ceux qui se permettraient un acte public de désobéissance à la loi et les poursuivre extraordinairement comme perturbateurs du repos public. Telles sont, Messieurs, les mesures principales auxquelles vos comités ont cru devoir indispensablement s’arrêter ; telles sont celles qui leur ont paru impérieusement commandées et par la nature des circonstances et par la gravité des délits. Mais cherchant à prévoir tout ce qui, même comme accessoire, pourrait encore laisser subsister dans les départements du Rhin quelques motifs d’inquiétude, vos comités ont pensé que les négociations entamées, depuis si longtemps, avec plusieurs des princes possessionnés en Alsace, avaient une relation assez intime avec les intérêts politiques de cette partie du royaume, pour qu’il pût être utile de provoquer votre surveillance a cet égard et de vous engager à charger votre comité diplomatique de vous rendre compte incessamment de l’état et des progrès de ces négociations. Quant aux moyens de défense rassemblés sur cette frontière, ils vous ont été détaillés eu dernier lieu par le ministre de la guerre ; et vos comités pensent que votre confiance peut se reposer également, et sur la masse imposante des troupes de ligne qui bientôt se trouveront réunies dans les départements du Rhin, et sur l’énergie des nombreuses gardes nationales dont l’accord, l’union et le zèle présentent à la fois un appui solide à la Constitution, et aux ennemis, un rempart redoutable. Voici les deux projets de décret que vos comités vous proposent : Premier décret. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités des rapports, militaire, ecclésiastique, diplomatique et des recherches, décrète ce qui suit ; Art. 1er. Dans les départements où les ministres de la religion sont dans la nécessité d’employer plus d’un idiome pour donner aux peuples les secours spirituels, et même dans ceux des autres départements du royaume où, par des circonstances particulières, il pourrait ne pas se trouver suffisamment de prêtres réunissant toutes les conditions requises par le décret du 7 janvier dernier, il suffira, pendant la présente année seulement, pour être éligible aux cures et appelé aux vicariats, d’être prêtre séculier ou régulier ; l’Assemblée nationale dispensant à cet effet de la seule condition du temps de prêtrise exigé par l’article 2 du décret du 7 janvier dernier, et validant les élections et les choix déjà faits de semblables ecclésiastiques. Art. 2. « L’Assemblée nationale charge les municipalités et les corps administratifs de dénoncer, et les tribunaux de district de poursuivre diligemment toutes personnes ecclésiastiques ou laïques qui se trouveront dans les cas prévus par les articles 6, 7 et 8 du décret rendu le 27 novembre dernier, relativement à la prestation de serment des fonctionnaires publics ecclésiastiques, et que les peines portées auxdits articles, et notamment la privation de leurs traitements, leur seront appliquées; ordonne qu’après l'information et le décret, les tribunaux enverront à l’Assemblée nationale une copie de la procédure, pour être statué par elle sur les cas dont le jugement devra être attribué à la haute cour nationale établie à Orléans. « Charge son Président de porter le présent décret dans le jour à la sanction du roi. »