[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 janvier 1791.] M. le Président à M. l'èvèque de Clermont. En conséquence je vous interpelle, Monsieur, de déclarer si vous voulez prêter un serment pur et simple. M. de Donnai, évêque de Clermont. Je dois parler catégoriquement, comme il convient à mon caractère. Je déclare donc que je ne crois pas pouvoir, en conscience, prêter le serment exigé. (On demande l’ordre du jour.) (L’Assemblée décide qu’elle passe à l’ordre du jour.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du, projet de décret relatif aux jurés. M. Duport, rapporteur. Vous avez décrété ce qui regarde la police, vous auriez maintenant à vous occuper de la justice criminelle ; mais il est une institution que nous avons cru devoir placer, pour ainsi dire, à la porte de la justice : le juré d'accusation. Cette institution est déjà donnée par un décret. Vous avez pensé que la liberté des citoyens était une chose assez importante pour que, s’il est nécessaire à la tranquillité publique de donner à la police une grande énergie, une action prompte, il faille décider sans délai sur le sort d’un citoyen arrêté. Voilà le motif de l’institution du juré d’accusation ; vous croirez aussi important de l’établir presque au moment de l’arrestation. Nous avons pensé qu’à l’instant où un homme est mis dans la maison d’arrêt, un juge doit examiner s’il s’agit d’un délit emportant peine infamante, et si l’accusation est de nature à être présentée aux jurés. Ensuite nous avons pensé qu’il fallait que des citoyens s’assemblassent pour juger s’il y avait lieu à l’accusation... L’Assemblée peut décréter, en ce moment, le titre de la justice. Il n’y a que deux articles qui tiennent à la question des preuves écrites; on ne préjugera rien à cet égard en les ajournant. Je demande donc que l’Assemblée décide si elle discutera d’abord le titre de la justice, ou si la discussion s’ouvrira sur la question des preuves écrites ou orales. M. Thouret. La séance est trop avancée pour entamer une discussion aussi importante que celle des dépositions écrites ou orales; une telle discussion ne peut pas être coupée et doit avoir tout son aplomb. Je demande qu’une séance entière y soit consacrée; nous pourrions nous occuper aujourd’hui du juré d’accusation, en ajournant les articles relatifs aux dépositions. (Cette motion est adoptée). La discussion s’ouvre sur les articles 1 et 2 qui portent que le directeur du juré sera pris parmi ses juges du tribunal de district et que les fonctions en seront confiées à tour de rôle tous les six mois aux différents juges qui composent ce tribunal. M. Tronchet. L’importante fonction de directeur du juré nécessite une présence continuelle et il faudra un remplacement dans le tribunal. Il serait plus simplé d’attribuer tour à tour cette fonction aux suppléants, soit pour les accoutumer aux formes criminelles , soit pour ne laisser aucun vide dans le tribunal, où ils seront moins propres, n’étant pas au courant des procédures civiles qui pourront être en état d’être jugées lors de leur entrée dans le tribunal On ne peut lra Série. T. XXI. 753 du reste sans danger se dispenser de leur allouer un traitement pour le temps qu’ils seront occupés au service public. M. Duport, rapporteur , combat l’opinion de M. Tronchet, qui est repoussée. Les articles 1, 2, 3’et 4 sont adoptés. L’article 5 porte qu’aucun acte d’accusation ne pourra être présenté au juré que pour un délit emportant peine afflictive ou infamante. M. Duport, rapporteur. La nature du délit devra être constatée parle directeur du juré. M. Garat l’aîné. Une décision aussi importante ne peut être abandonnée à un seul homme; elle ne peut être prise que par le tribunal de district. Je demande, par amendement, que, dans tous les cas, le directeurdu juré soit tenu de faire assembler le tribunal entier du district qui, après avoir entendu les conclusions motivées du commissaire du roi, décidera si le délit imputé à l’accusé emporte ou n’emporte pas peine afflictive ou infamante. M. Moreau appuie cette opinion. M. Marna ve. On ne fait point attention ici que le tribunal n’est appelé que lorsqu’il y a diversité entre le directeur du juré, le juré et le commissaire du roi et qu’il ne s’agit que du juré d’accusation et non de celui de jugement. La chose est telle, que quand même il y aurait unanimité entre ces trois personnes contre un citoyen, ce ne serait pas encore une raison de le croire coupable, mais bien de le soupçonner et de s’assurer de sa personne : ce premier article ne va pas au delà de la qualification du crime. Si l’amendement de M. Garat était adopté, il réduirait à rien l’influence bienfaisante du juré. Plusieurs membres demandent la question préalable contre l’amendement de M. Garat. (La question préalable est adoptée.) Les articles 5 à 29 sont successivement adoptés. Suit le texte des articles décrétés dans la présente séance: TITRE PREMIER. De la procédure devant le tribunal de district et du juré d’accusation. Art. l8r. « Il sera désigné, dans chaque tribunal de district, un des juges pour remplir, dans les matières criminelles, les fonctions qui vont être désignées; en cas d’absence ou d’empêchement, ce sera celui qui le suit dans l’ordre du tableau. Art. 2. « Ce juge s’appellera directeurdu juré: il sera pris à tour de rôle, tous les six mois, parmi les membres composant le tribunal de district, le président excepté. Art. 3. « Celui qui, sur le mandat d’arrêt d’un officier de police, aura fait, au gardien de la maison d’arrêt, remise du prévenu� en prendra reconnaissance : il remettra les pièces au greffier du 48 754 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 janv «r 1T91.} tribunal, et en prendra pareillement reconnaissance : il rapportera à l’officier de police ces deux actes visés, dans le jour, par le directeur du juré. Art. 4. « Aussitôt après avoir délivré son visa, ou, au plus tard, dans les vingt-quatre heures, le directeur du juré entendra le prévenu et examinera les pièces remises, pour vérifier si l’inculpation est de nature à être présentée au juré. Art. 5. < Aucun acte d'accusation ne pourra être présenté au juré, que pour un délit emportant peine afflictive ou infamante. Art. 6. « Dans le cas où il n’y a point de partie plaignante ou dénonciatrice, soit que l’accusé soit présent ou non, si le directeur du juré trouve, par la nature du délit, que l’accusation ne doit pas être présentée au juré, il assemblera, dans les vingt-quatre heures, le tribunal, lequel prononcera sur cette question après avoir entendu le commissaire du roi. Art. 7. « Si, dans le même cas, il trouve que, par la nature du délit, l’accusation doit être présentée au juré; ou si, contre son opinion. Je tribunal l’a décidé ainsi, il dressera l’acte d’accusation. Art. 8. « Dans le cas où il y a une partie plaignante ou dénonciatrice, le directeur du juré ne pourra ni dresser l’acte d’accusation, ni porter au tribunal la question mentionnée en l’article 6, si ce n’est après deux jours révolus depuis la remise du prévenu en la maison d’arrêt, ou des pièces au greffe du tribunal ; mais ce délai passé, sans que la partie ait comparu, il sera tenu a’agir ainsi qu’il est prescrit par les articles précédents. Art. 9. « Lorsqu’il y aura une partie plaignante ou dénonciatrice, et qu’elle se présentera au directeur du juré par elle-même ou par un fondé de procuration spéciale, dans le susdit délai de deux jours, l’acte d’accusation sera dressé de concert avec elle. Art. 10. « Si le directeur du juré et la partie ne peuvent s’accorder soit sur les faits, soit sur la nature de l’accusation, chacun d’eux pourra rédiger séparément son acte d’accusation. Art. 11. « Si le directeur du juré ne trouve pas le délit de nature à être présenté au juré, la partie pourra néanmoins dresser seule 6on acte d’accusation. Art. 12.