[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j �novembre f7n93n 635 renvoyées au comité d’instruction publique, pour être consignées précieusement dans 1m annales des actions illustres. Ces deux propositions sont décrétées (1). Suivent, d'après le Bulletin de la Conven¬ tion (2), 1° un extrait dot Bulletin de l’armée des Côtes de Brest; 2° un extrait de Bulletin de l’ar¬ mée des Côtes de l’Ouest, où sont relatés les traits de courage des citoyens Amand Saillant et Laveau. I Extrait du Bulletin de l’armée des Côtes de Brest. Le citoyen Amand Saillant, né à Alençon, volontaire dans le troisième bataillon du dépar¬ tement de l’Orne, cinquième compagnie, âgé de dix-huit ans, doué de tous les avantages de la nature et de toutes les vertus qui font le vrai soldat citoyen, s’étant trouvé dans la malheu¬ reuse affaire de Macheeoul, le 10 juin, une balle l’atteignit à la tempe gauche et sortit par la droite. Devenu tout à coup aveugle, il se refuse aux empressements de ses camarades qui veulent le soulager du poids de ses armes et le porter à l’hôpital ; « Non, leur dit-il, je suis en¬ core en état de me défendre; si l’ennemi s’ap¬ proche, je ne pourrai pas le voir, mais je l’en¬ tendrai. » A ces mots, il met un doigt à chaque ouverture de sa plaie, pour empêcher le sang de couler. Il reçoit encore deux blessures, l’une à la cuisse, l’autre à l’épaule. Enfin, conduit à l’hôpital, il est fait prisonnier par les brigands, qui goûtent le plaisir barbare de le martyriser à coups de crosse de fusil. C’est ainsi qu’il passe quatre jours sans traitement, sans nourriture et baigné dans son sang. Il est enfin secouru par un de ses compagnons d’infortune, l’aide-chi-rurgien de son bataillon. Au bout de 3 mois, il apprend que les brigands vont prendre la fuite. Il se lève, et va seul et presque nu à plus d’un quart de lieue au-devant de notre armée, pour la féliciter d’avoir triom¬ phé des brigands. Ames tièdes, froids égoïstes, qui calomniez la Révolution, parce qu’il vous a fallu renoncer aux vaines jouissances de l’orgueil, parce que les besoins momentanés de la République exigent de vous quelques faibles sacrifices, osez contem¬ pler ce généreux martyr de la patrie; osez écou¬ ter ses discours : le patriotisme qui l’animait avant les pertes qu’il a faites vit encore tout entier dans son cœur. II Extrait du Bulletin de l’armée des Côtes de l’Ouest. Dans le nombre des prisonniers délivrés à Beaupréau, nous citerons le citoyen Laveau, (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 98. (2) Second supplément au Bulletin de la Conven¬ tion nationale du 9e jour de la 2e décade du 2e mois de l’an II dé la République (samedi *9 novem¬ bre 1793). volontaire, natif de Melun, dans le bataillon dé-partementaire de Nantes. Il venait de tomber entre les mains des brigands. Quand on lui eut annoncé son arrêt de mort pour le lendemain : « Je veux mourir comme un homme libre, s’écria-t-il; je veux même qu’ après ma mort le corps d’un républicain ne puisse être confondu avec ceux de ces vils esclaves. » A ces mots faisant des incisions sur son bras, il y a tracé le mot li¬ berté (1). Compte rendu du Moniteur universel (2). Philippeaux lit ce qui suit : Trait de courage et de patriotisme. (Suit V extrait du Bulletin de l’armée des Côtes de l’Ouest que nous insérons ci-dessus d'après le Bulletin de la Convention. ) Le même membre fait récit du trait du jeune Saillant, qui ayant eu les deux tempes percées d’une balle, voulut rester sur le champ de ba¬ taille où il fut mutilé par les brigands. La Convention ordonne l’insertion au Bulletin, renvoie ce trait au comité d’instruction publique, et charge le comité de liquidation de présenter un projet de décret pour donner une pension à ce jeune infortuné. (1) D’après les Annales patriotiques et littéraires [n° 313 du 20 brumaire an II (dimanche 10 no¬ vembre 1793), p. 1453, col. 2] et le Mercure universel [20 brumaire an II (dimanche 10 novembre 1793), p. 154, col. 1], ces deux traits de courage furent vivement applaudis par la Convention. (2) Moniteur universel [n° 51 du 21 brumaire an II (lundi 11 novembre 1793), p. 206, col. 2]. D’autre part, le Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, n° 417, p. 261) rend compte des traits de courage des citoyens Saillant et Laveau dans les termes suivants : « Philippeaux fait lecture du trait suivant : (Suit V extrait du Bulletin de l’armée des côtes de Brest, que nous insérons ci-dessus d'après le Bulletin de la Convention.) « Merlin (de Thionville) dit ! Sans charger le tableau, je puis assurer à la Convention que de tous les blessés par les brigands, il n’en est pas un qui ne soit revenu en s’écriant : Vive la République! mes amis, volez à la victoire! « La Convention charge son comité de liquidation de lui présenter demain un rapport sur ce jeune citoyen. « Philippeaux continue : Autre trait : « Le citoyen Laveau, volontaire, natif de Melun, dans le bataillon départementaire de Nantes, venait de tomber entre les mains des brigands. Quand on lui eut annoncé son arrêt de mort pour le lendemain : «Je veux mourir comme un homme libre, s’écria-t-il, je veux même qu’après ma mort le corps d'un républicain ne puisse être confondu avec ceux de ces vils esclaves. » A ces mots, faisant de légères inci¬ sions sur son bras, il y a tracé le mot liberté, « La Convention décrète l’insertion de ces deux traits au Bulletin et dans les Annales de la Vertu, rédigées par le comité d’instruction. »