(*3 avril 1790.| [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. trait dans toutes les paroisses du royaume tous les citoyens à une très grande inquisition. Quelques autres opérations pourraient encore adoucir le passage. Si la ville de Strasbourg reste un port franc, comme le désirait M. Colbert , la fabrication qui est le plus important avantage que l’Alsace trouve à son régime actuel, se trouverait conservée dans le seul point de cette province où elle ait lieu. Si l’on adoptait, comme le proposent plusieurs membres de l’Assemblée, l’idée de laisser la liberté de la culture sur la rive extérieure de l’Alsace, de la Franche-Gomté et des provinces belgiques, dans la largeur des trois lieues placées entre les deux cordons d’employés, et sous la réserve de la fabrication pour le compte de l’Etat, ce serait encore un moyen d’accommodement avec l’opinion : moyen* qu’on pourrait ne pas regarder comme un privilège, mais comme une compensation de la gêne que l’établissement de la double ligne d’employés des traites rend inévitable sur la frontière, ou même comme un régime qui serait applicable au royaume entier, si l’on pouvait y employer un aussi grand nombre de surveillants, et si sa constitution ne s’opposait pas aux fonctions qu’ils y auraient à remplir. Ce ne sont pas, Messieurs, des projets que je vous présente, ce sont des vues que je vous expose et des considérations que je vous soumets. Je m’en rapporte à vos lumières pour les juger, et je vous invite à consulter celles du comité d’impositions, du comité des finances et du comité d’agriculture et de commerce, avant de prendre un parti définitif. Trois seules choses me sont clairement démontrées : L’une qu’il faut, aujourd’hui, conserver un revenu sur le tabac; L'autre que le régime de sa perception doit être général et uniforme ; La troisième, que le prix de cette marchandise doit être baissé d’un cinquième dès aujourd’hui, en compensation de l’extension sur tout le royaume et continuer de baisser progressivement à des époques indiquées par la libération des dettes publiques. Le choix entre les différents régimes, les détails de la législation, me paraissent devoir être l’objet du travail de vos comités et d’une décision ultérieure de votre part. Tel est l’esprit du projet de décret que j’ai l’honneur de vous proposer. PROJET DE DÉCRET. V Assemblée nationale a décrété et décrète : Que le revenu punlic provenant de la vente du tabac sera conservé; Que les lois relatives à sa perception et à son administration seront rendues générales et uniformes ; Qu’à la faveur de cette uniformité, qu’embrassera un plus grand nombre de contribuables et qui restreindra la contrebande, le prix du tabac sera diminué; Qu’il continuera de l’être progressivement, jusqu’à l'entière suppression du privilège, à mesure que l’extinction ou le remboursement des dettes publiques laisseront des revenus libres et applicables aux dépenses que l’impôt du tabac solde aujourd’hui. 271 Et que le comité de l’imposition sera chargé, après avoir conféré avec les comités des finances, dAgrieulture et de commerce, de mettre dans huit jours au plus tard, sous les yeux de l’As-seuiblée, les avantages et les inconvénients des différents régimes propres à produire la recette actuellement nécessaire dans cette branche de revenu, avec l’avis des trois comités sur la forme de régie qui pourra rendre la perception de l’impôt du tabac la plus douce qu’il sera possible pour les contribuables, et suffisamment utile aux finances. M. Roussillon. Le comité d’agriculture et de commerce s’est occupé de la question de l’impôt du tabac, comme intimement lié avec le recule-ment des barrières aux frontières; il s’est concerté à cet égard avec le comité de l’imposition et je pense que le travail qu’il se propose de vous soumettre sera prêt la semaine prochaine. En conséquence, je conclus à l’ajournement de toute discussion. M. Rœderer. J’appuie la motion du préopinant et je fais observer que le meilleur moyen de faire accueillir le rétablissement des employés aux frontières, est de leur donner la charge de veiller tant aux traites qu’au tabac. M. Briois de Beaumetz . Je demande l’ajournement et le renvoi aux comités d’imposition et d’agriculture. M. dJEstourmel. Je demande que le rapport soit imprimé et distribué avant d’être lu. M. le Président prend le voeu de l’Assemblée qui prononce le décret suivant : « L’Assemblée nationale a décrété : « Que ses comités d’impositions, d’agriculture et de commerce réunis lui feraient rapport, vendredi prochain, des moyens qu’ils trouveraient les plus convenables pour faire le recouvrement de l’impôt du tabac. » M. Dupont (de Nemours) présente ensuite, au nom du comité des finances, un projet de décret en sept articles sur la gabelle. Les cinq premiers articles sont adoptés sans contestation, ainsi qu’il suit : « Art. lor. Conformément à la stipulation portée par l’article 15 du bail général des fermes, passé à Jean-Baptiste Mager, le 19 mars 1786, laquelle a prévu le cas de la distraction dudit bail, des parties de perception qu’il serait jugé convenable d’en retirer, les grandes et les petites gabelles et les gabelles locales seront distraites dudit hall à compter du 1er janvier 1789, et seront ledit adjudicataire et ses cautions tenus de compter de clerc à maître, comme pour les objets dont ils ne sont que régisseurs, de toutes les recettes et dépenses qu’ils auront faites relativement aux gabelles depuis cette époque. « En conséquence de ladite résiliation, la nation rentre en jouissance de tous les greniers, magasins, bateaux, pataches, meubles, ustensiles de mesurage et autres objets gui servaient à l’exploitation desdites gabelles, ainsi que de l’universalité des sels que ledit Mager avait à sa disposition ie 1er avril. « Les cautions dudit Mager, chargées par le décret du 20 mars, de faire, pour le compte de la nation, au cours fixé par la concurrence du commerce, et sans pouvoir excéder, en aucun ©72 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 avril 1790.] lieu, le prix de trois sols la livre, la vente de tous les sels existants au 1er avril dans les dépôts, magasins et greniers de la nation, même de ceux achetés pour le compte de l’Etat ou qui étaient à sa disposition antérieurement au décret du 20 mars, compteront, tous les mois, des produits de ladite vente à l’administrateur général des finances, et en verseront de mois en mois les deniers au Trésor national,jusqu’à parfaire la somme de 12 millions, destinée aux dépenses de l’Etat. « I) sera ensuite tenu compte audit adjudicataire et à ses cautions, sur le produit desdites ventes, de la valeur des sels et autres effets, suivant les règles établies pour leur évaluation, et comme il se pratiquait à l’expiration de chaque bail, lorsque l’adjudicataire sortant transmettait à son successeur les sels et effets dont celui-ci lui remboursait le prix. « Et le surplus du produit de la vente desdits sels continuera d’être appliqué d’autant au remboursement des fonds et avances desdites cautions de Mager, conformément à l'article 5 du décret du 20 mars dernier. « Art. 2. Tous lesjuges etofticiers des gabelles en titre d’offices quelconques, tant dans les greniers que dans les dépôts, salorges, salins et autres établissements qui tenaient à la manutention et au régime des gabelles, dans les provinces de petites gabelles, de gabelles locales, pays de quart-bouillon, dépôts situés aux frontières des pays exempts et rédimés de cet impôt, sont supprimés et cesseront toutes fonctions à compter de la date du présent décret. « Il sera procédé à la liquidation de leurs offices en la forme qui sera incessamment réglée ; leurs gages seront acquittés jusqu’au jour de leur suppression,, et il sera pourvu, à compter dudit jour, au payement des intérêts de leur finance jusqu’à leur remboursement. « Art. 3. Les quantités de sels appartenant à la nation, et qui existaient au premier avril 1790, à sa disposition, tant dans les greniers, magasins ou salorges, que sur les marais salants, seront constatées par les officiers municipaux des lieux: savoir, dans les dépôts et magasins, d’après les registres et les procès-verbaux, tant des officiers juridictionnels et porte-clefs, que des préposés de la ferme générale, et lesdits registres et procès-verbaux seront clos et arrêtés par lesdits officiers municipaux; à la suite de quoi les officiers porte-clefs remettront lesdites clefs aux préposés de la ferme, qui leur en donneront reconnaissance avec décharge de la responsabilité et garantie des masses dont lesdits préposés continueront seuls d’être tenus, sous l’inspection des municipalités, jusqu’à la formation des assemblées administratives de districts et de départements, qui en seront chargées et pourront commettre, selon les cas, les municipalités des lieux. « Quant aux sels achetés pour le compte de la nation avant le 1er avril, et non encore enlevés des marais salants, leur quantité sera justifiée par la représentation des polices d’achats et des livres de compte des corn missionnaires, lesquels livres et polices seront représentés aux officiers municipaux des lieux, pour être par eux visés et arrêtés. « Art. 4. Le droit qui était exercé pour la nation sur les sels des salins de Peccais, Hierres, Berre, BadoD, Peyriac et Sigean, ne pourra être étendu au delà de ceux qui sont actuellement fabriqués: la nation renonce pour l’avenir à tout privilège sur les sels desdits salins ; la prochaine récolte et les suivantes seront à la libre disposition des propriétaires. «Art. 5. Pour assurerlacomptabilité etlarentrée des recouvrements faits et à faire par les receveurs généraux et particuliers des gabelles, ils seront tenus de laisser au Trésor public les cautionnements qu’ils y sont consignés, et dont les intérêts continueront de leur être payés comme par le passé, jusqu’au remboursement, sans que, dans aucun cas, et sous aucun prétexte, ils puissent retenir aucune somme, ni faire compensation des recouvrements provenant de la vente des sels avec le montant de leurs cautionnements, à peine d’être poursuivis comme, pour divertissement des deniers de l’Etat. « Cette disposition aura effet contre ceux desdits receveurs et comptables qui n’auraient pas vidé leurs mains et remis toutes ies sommes qu’ils ont touchées pour le compte de l’Etat. » L’article 6, relatif à l’introduction du sel étranger, est mis en discussion. M. le baron de Menou. Je demande la question préalable sur cet article, parce que le sel est une denrée de première nécessité. M. de Richler.il y a tout intérêt à ce qu’on se serve du sel de France, parce qu’il est meilleur pour la salaison des pêches; d’ailleurs, quand une denrée est surabondante dans un royaume, au point que 3,000 livres pesant ne valent que 15 livres ou 10 sols le quintal, ce qui u’est qu’gn-viron un denier la livre, il est inutile de provoquer le commerce de cette denrée de la part des étrangers, pour leur envoyer notre numéraire. M. Dupont (de Nemours), rapporteur. Nos côtes sont bordées d’anciens marais salants qui sont aujourd’hui comblés; on ne manquera pas de les déblayer, à cause delà plus grande consommation des sels qui se fera pour les bestiaux, et il est de bon principe de favoriser la fabrication nationale. Cependant le sel de Portugal est nécessaire à la salaison de la morue, etie comité a pensé, afin de favoriser la pêche, qu’il devait être permis de se •servir de ce sel qui est à très bon compte. M. de Richier. Je persiste à demander l’ajournement et le renvoi de cet article au comité des finances et au comité d’agriculture et de commerce réunis. (Cette motion est mise aux voix et adoptée.) L’articie 7, relatif à la restitution des droits payés sur les sels qui, au 1er avril, seront trouvés dans les magasins, est combattu par divers membres. M. Roussillon. Je demande le renvoi de ce dernier article au comité. J’observe que si cet article était adopté, la nation se jetterait dans un labyrinthe de réclamations qui serait interminable. Les articles 6 et 7, ajournés et renvoyés aux comités des finances et de commerce, sont ainsi conçus : « Art. 6. L’entrée du sel étranger, déjà prohibée par l’ordonnance de 1680, le sera dans toute l’étendue du royaume. Les sels étrangers qui seraient regardés comme nécessaires à quelques ports de pêche n’y pourront être introduits que dans les quantités qui seront prescrites par l’administration générale du commerce, d’après la demande des municipalités et l’avis des directoires de district et de département, et devront y demeurer en entrepôt effectif jusqu’au départ pour la pêche.