SÉANCE DU 5 FRIMAIRE AN III (25 NOVEMBRE 1794) - N° 25 165 qu’ils partageoient avec les Français, devenus une seconde fois leurs frères et leurs concitoyens ; ils jurent dévouement sans bornes à la Convention nationale. Mention honorable, insertion au bulletin (69). 25 Les citoyens de la commune d’Orbec, département du Calvados, retracent à la Convention toutes les horreurs du gouvernement atroce de Robespierre et de ses agens. Ils lui donnent connoissance de vexations qu’ils ont éprouvées sous le joug de l’aristocratie déguisée de cinquante ou soixante membres de la société populaire, tous agens de Robespierre, qui, depuis le mois de Prairial dernier, s’étoient emparés de l’autorité civile, de toutes les fonctions publiques, et en avoient éloigné tous les citoyens vertueux. Ils invitent la Convention à frapper de la foudre vengeresse de la loi toutes les factions qui tenteroient de s’élever, à faire disparaître du sol de la République les terroristes, les fripons, les intrigans; à comprimer l’aristocratie; à rappeler le règne de la vertu, de la justice ; à donner au peuple français des magistrats qui, par leurs talens et leur zèle, méritent la confiance. Mention honorable, insertion au bulletin (70). [Les citoyens de la commune d’Orbec à la Convention nationale, s.l.n.d .] (71) Liberté, Égalité ou la mort. Représentans du peuple français, Depuis longtemps la commune d’Orbec gémis-soit sous le joug oppressif de la terreur, l’ineptie, les vices, les passions, l’aristocratie déguisée, le fanatisme s’étoient emparé de l’autorité civile du pouvoir révolutionnaire, de l’esprit public, qu’ils concentraient dans un squelette de société populaire, où les membres au nombre de cinquante ou soixante, depuis prairial dernier, sont presque tous revêtus de fonctions publiques, et dont les républicains vertueux avoient été éloignés par l’ordre de Robespierre et de ses agens. Depuis longtemps, l’homme de bien, le vrai patriote étoit tantôt arraché à sa famille, chargé de fers, et menacé de la fureur du triumvirat, tantôt désarmé ignominieusement, livré aux injures des enfants et des femmes de ces petits florentins (72), celles-ci semblables aux bacchan-(69) P.-V., L, 98. Bull., 6 frim. (suppl.). Le département de Jemappes n’existe pas encore en frimaire an III. (70) P.-V., L, 98-99. (71) C 328 (2), pl. 1455, p. 10. Bull., 7 frim. (suppl.). (72) Dans la marge : « allusion faite aux lettres de cachet du tems de St-Florentin ». tes furieuses dans leur ivresse, dans leurs débordements courraient les rues, y donnoient le spectacle hideux d’un libertinage effréné, et prédisoient au nom de l’autorité de leurs maris, le meurtre et le pillage. Depuis longtemps, le secret des lettres est violé avec une impudeur telle que la correspondance de tous les citoyens indistinctement étoit au pouvoir de l’ignorance et du crime. Tout ce que l’arbitraire a de plus révoltant, l’inquisition de plus barbare, la proscription de plus cruel, tout a été mis en usage par ces tyranneaux. Les citoyens qui avoient quelques talents étoient sous peine de prison, requis le faire le travail et la tâche que leur imposoient ces idiots souverains. Ces mots usités dans le commerce des lettres : « tournez s’il vous plait ». et mis en abrégé au bas d’une lettre adressée à un commerçant étoient jugés des mots de ralliement, et en conséquence un titre pour que le commerçant fut déclaré au moins suspect. Un citoyen étoit jetté dans les fers parce qu’il avoit monté le cheval d’un homme que la proscription avoit marqué de son cachet. Des listes de soixante étoient dressées par décades, pour d’abord désarmer, et ensuite jetter dans les cachots les vérérans de la Révolution. Si un citoyen dont la maison étoit marquée à la craye, si la famille d’un détenu alloit demander les motifs des traitements qu’ils éprouvoient, on faisait briller à leurs yeux la hache de la terreur, la volonté suprême s’agitoit sur son trépied et prononçoit l’oracle royal : tel est notre plaisir. On aura peine à croire que ces familiers agens de l’inquisition n’ayent pu satisfaire qui leur ordonnait de délivrer les motifs de suspicion. On aura peine à croire qu’ils ayent encore depuis le 9 thermidor suivi leur système de tyrannie. On aura peine à croire que depuis les suppressions des autorités révolutionnaires dans cette commune, ils ayent voulu déposer les instruments du pouvoir dans ce qu’ils appellent la société populaire. On aura peine à croire qu’en vertu d’un arrêté de cette association, de faux commissaires soient venus dans le courant de vendémiaire, faire des visites domiciliaires chez tous les citoyens, allar-mer leur tranquillité, et renouveller les scènes de l’inquisition et de la terreur. La vérité nous est cependant garante de tous ces faits, les meneurs de cette faction liberticide méprisent le peuple, méprisent les représentans, méprisent les magistrats. Faut-il procéder à l’épuration des membres des autorités constituées, la société populaire se déclare souveraine, s’attribue exclusivement le droit de censure, empêche le peuple d’émettre son vœu, et le réduit au silence de l’esclavage. Faut-il rendre à la représentation nationale l’expression de la reconnaissance, la société populaire comprime les sentimens les plus purs des citoyens, et semble annoncer qu’elle veut reconnoître une autre autorité. Le directoire du district, l’agent national près cette administration font-il entendre le rappel de 166 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE la loi et des principes: la société populaire le déclare en état d’opposition, et l’anarchie est proclamée par la désobéissance. Législateurs, le peuple est las de ces hommes qui n’ont d’autres talens que l’audace, d’autre vertu que l’hypocrisie, d’autre désir que celui du bien d’autrui, et dont l’arrogance a soif de sang et d’autorité. Votre puissante énergie a abattu la tyrannie, les factions frappées de votre foudre vengeresse n’osent plus lever leurs têtes hideuses, l’atroce calomnie est forcée au silence. Ces hommes dégoûtants de sang et de forfaits sont condamnées à se cacher dans leurs antres perfides, l’honnête homme respire et peut marcher la tête levée, l’époux ne sera plus arraché inhumainement d’entre les bras d’une épouse éplorée, le père ne craindra pas désormais qu’on lui enlève ses enfants, pour les traîner injustement au supplice, ceux-ci n’auront plus à redouter la hache d’un licteur toujours prête à frapper les auteurs de leurs jours. Plus de terreur, plus de proscriptions, que le crime soit impuissant! Faisons à la patrie le sacrifice de notre ressentiment, défions nous même du penchant que nous pourrions avoir à venger l’humanité trop longtemps outragée. Appelions le règne de la vertu, celui de la justice, le gouvernement révolutionnaire jusqu’à la paix, que l’adresse au peuple français soit au milieu de nous le fanal de notre conduite et la garantie des principes de notre gouvernement salutaire et victorieux. Que les aristocrates et les factieux de toutes couleurs soient comprimés par l’activité d’une police où président la probité et les bonnes mœurs. Que la Convention soit le point de ralliement de tous les Français, qu’aucune secte ne puisse s’élever à coté d’elle, que quiconque oseroit provoquer le mépris, l’avilissement et la rébellion, ne puisse le faire sans encourir la vengeance des lois. Que la représentation nationale donne au peuple français des magistrats dignes de son choix, des magistrats qui par leurs talents, leur zèle méritent la confiance et le respect public. Des magistrats qui en marchant sous la bannière des lois, fassent aimer la Convention, en répandant sur la masse du peuple le baume de ses bienfaits, et les douceurs du régime républicain : que les citoyens s’assemblent paisiblement, mais pour se nourrir de la mânne de l’instruction, afin de seconder par un civisme unanime le mouvement qui doit porter l’harmonie dans tous les parties de la République. Que le commerce reprenne son premier lustre, que les arts et les sciences sortent des cachots, et que par une magnificence de vertu, ils pardonnent à l’ignorance crasse qui les avoit opprimés, pour régner, qu’une puissante organisation de l’instruction publique transmette à nos enfants et à nos arrières-neveus le génie de la grâce et les vertus des romains. Tel est, tel est le vœu des citoyens d’Orbec. Tel est le vœu de tous les français républicains. Représentans, continués, achevés votre ouvrage et ce vœu sera entièrement rempli, vos noms, vos actions iront à l’immortalité, les siècles présents et futurs vous couronneront des palmes de la reconnoissance, les nations dans l’étonnement vous admireront. Les Français auront une patrie et vous en serez les pères. Suivent 184 signatures. 26 Les citoyens de la société populaire de Valençay, département de l’Indre, félicitent la Convention nationale sur les grands principes contenus dans son Adresse au peuple français. Ils lui témoignent leur reconnoissance pour avoir anéanti l’affreux système de la tyrannie et ramené le règne des hommes libres, celui de la justice et des vertus. Ils l’invitent à rester à son poste, à se maintenir dans cette attitude imposante, qui, en terrassant les fripons et les intrigans, protège les patriotes probes et vertueux, et à ne jamais souffrir qu’aucune autorité, aucune fraction du peuple ne rivalise avec la représentation nationale, à laquelle ils seront inviolablement attachés. Ces citoyens annoncent à la Convention qu’ils viennent de lui faire envoi de la somme de 762 1. 10 s., provenant d’une souscription faite dans leur sein pour contribuer à la construction d’un vaisseau. Mention honorable, insertion au bulletin (73). [La société populaire de Valençay à la Convention nationale, Valençay, le 12 brumaire an m (74) Liberté, Egalité, Fraternité ou la mort. Citoyen, Le jour de la justice et de l’humanité éclaire présentement la République; les ombres de la Terreur fuyent sur nos ennemis. Législateurs, gouvernés vous-mêmes, nulle section du peuple, nulle société quelque fameuse qu’elle soit par les services, ne doit rivaliser votre autorité, si elle le faisoit elle deviendroit coupable. Nous ne pourrions que faiblement vous exprimer le transport de joie et de reconnoissance, qu’a excité parmi nous, l’adresse sublime que vous venés de faire au peuple français ; les principes sacrés et immortels qui y sont tracés, étoient dans tous nos cœurs mais ils y avoient été comprimés. Qu’ils viennent maintenant ces audacieux, ces intrigants qui sous les dehors du patriotisme, couvrent la tirannie et le crime, qu’ils se présentent les continuateurs du tiran que vous avés (73) P.-V., L, 99. (74) C 327 (2), pl. 1443, p. 11.