89 [Àsjemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 avril 1790.] millions de billets monnaie, qui ne porteront point d’intérêt; ce sont ceux-là qui serviraient à payer vos créanciers. Les billets et les assignats auraient tous la même valeur; ils porteraient un numéro correspondant. Ceux qui ne voudraient pas garder des billets les échangeraient contre des assignats, qui ne sortiraient de la caisse de l’extraordinaire que dans le cas de cet échange. Ainsi jamais il n’y aurait plus de 400 millions en circulation. M. le marquis de Gouy d’Arsy. Il importe de répondre eu deux mots au préopinant, quoique ses observations ne soient pas parfaitement dans l’ordre du jour. Si chacun doit être libre de rendre des assignats ou des billets-monnaie, un omme qui aurait un billet, et qui voudrait le garder pendant huit jours, irait le changer contre un assignat pour retirer des intérêts pendant ce temps, et rechangerait son assignat contre un billet; de là un mouvement énorme qui exigerait une administration très dispendieuse. L’Etat ne cesserait pas d’être chargé des intérêts dont le préopinant croyait le libérer par le moyen qu’il a présenté. 11 a prétendu que cette charge très considérable est sans aucun objet. 11 aurait pu remarquer que l’Etat éteindra avec des assignats qui lui coûteront 3 0/0 des créances dont les intérêts sont à 5 et à 6. Je passe à la question. De la manière dont elle sera décidée dépendra le succès de votre opération ; et vous savez que de ce succès dépend le salut de l’Etat. Je propose de démontrer : 1° qu’il faut attacher un intérêt aux assignats; 2° que cet intérêt doit être peu de chose. Vous avez voulu rétablir la circulation du numéraire; vous n’v réussirez pas, s’il n’y a pas d’avantage à se défaire de son argent pour garder les assignats en portefeuille. Il faut donc attacher un intérêt aux assignats ; cet intérêt doit être peu de chose, parce qu’il n’a pas pour objet de donner du crédit aux assignats ; c’est l’assurance du paiement qui fait le crédit. Il ne faut pas que les capitalistes trouvent un avantage à soustraire les assignats à la circulation; il ne faut donc pas que l’intérêt soit considérable; il ne faut pas qu’il équivaille à celui des lettres de change; il ne faut pas non plus qu’il soit supérieur au prix des terres. On préférerait les assignats aux lettres de change, parce que leur hypothèque est plus sûre, parce que leur échéance est volontaire. Ces avantages feraient donner la préférence même à l’assignat qui ne rapporterait que 5 0/0; ainsi la faveur s’établirait dans nos changes; ainsi notre commerce se trouverait privé du numéraire fictif des lettres de change; et en voulant augmenter le numéraire, vous l’auriez considérablement diminué. Si les assignats produisaient 4 0/0, on ne les échangerait pas contre des terres qui ne rapportent que 3, qui font courir les risques attachés aux incertitudes d’une récolte, contre des immeubles dont on ne peut pas aisément se procurer la valeur. Les personnes qui se sont opposées à la création des assignats ont toutes demandé qu’on fixât l’intérêt à 4 et demi 0/0, bien sûres qu’alors la masse immense des biens du clergé resterait inattaquable. Vous pouvez être certains qu’il y avait là une arrière-pensée d’intérêt personnel : ona dit que les négociants demandaient la fixation des intérêts à 4 et demi, même à 5 0/0 : il faut déchirer le voile, et distinguer les négociants actifs et les négociants inactifs. Les premiers craignent l’influence d’un intérêt trop fort sur les lettres de change; les autres, qui sont des capitalistes et qui voudraient faire valoir leur argent, désireraient que les assignats portassent un intérêt de 5 et même 6 0/0. Hier, le comité des finances a reconnu que l’intérêt devait être fixé à 3 0/0; je pense qu’il serait plus convenable de le réduire à 2 0/0 et 7 dixièmes, parce qu’il n’y aurait pas de fraction. Notre détresse rend très pressant le secours qu’elle sollicite; il faudrait que les assignats-monnaie fussent déjà là, tandis que six semaines ou deux mois suffiront à peine pour leur fabrication. Je demande, en conséquence, que jusqu’à ce moment les billets de caisse portent intérêt et fassent fonction d’assignats par tout le royaume. M. Burdelot interrompt un moment la discussion et propose l’article additionnel suivant qui prendrait place après l’article 3 décrété hier : v Les porteurs d’assignats auront le droit de provoquer la vente des biens du domaine et du clergé qui seront par eux désignés, jusqu’à due concurrence, en faisant au préalable leur soumission de porter l’encbère au prix de i’estimaiion qui en aura été ou qui en sera faite, et déposant leurs assignats entre les mains de telle personne Sui sera commise par la municipalité du lieu. ans le cas où l’adjudication ne se passerait pas en leur nom, ils auront le privilège du remboursement sur le prix de ladite vente, s’ils sont payés en argent. Il sera procédé incessamment à la vente qui aura été ainsi provoquée, sans qu’il puisse y être sursis, pourvu toutefois que l’objet désigné puisse se détacher, sans perte ou sans inconvénient, ducorpsde ferme dont il serait dépendant. » (Cet article est renvoyé au comité des finances.) M. Anson, rapporteur. Quand le comité des finances s’est déterminé à vous proposer des intérêts à 4 1/2 0/0, il avait pris en considération le vœudesdéputésextraordinaires du commerce, qui viennent encore d’insister, et qui même ont demandé que l’intérêt fût porté à 5 0/0. Votre comité s’est rassemblé hier au soir ; il a été frappé lorsqu’il a vu presque toutes les adresses exprimer le désir des assignats à 3 0/0 ..... Un des objets de l’opération que vous avez décrétée est de retirer les billets de la Caisse d’escompte. Un orateur très éloquent a prétendu que les assignats-monnaie étaient désirés par les agents de change; les agents de change n’y ont nul intérêt; ils sont les intermédiaires entre le numéraire et ce qui n’est pas numéraire, entre celui qui a un effet et celui qui a de l’argent. Le même orateur a dit que la Caisse d’escompte désirait les assignats. Eh bien 1 on ne. donnera, pas d’assignats à la Caisse d’escompte : on a reçu des billets ; le receveur de l’extraordinaire retirera par échange ces billets et les remettra à la Caisse d’escompte avec une marque pour les éteindre. La Caisse d’escompte n’aura alors pas besoin d'assignats pour payer à bureau ouvert. Votre comité des finances m’a autorisé à vous proposer de fixer l’intérêt à 3 0/0 ; de cette manière un billet de 1,000 livres produira 20 deniers par jour. Les articles 4, 5, 6 et 7, sont ensuite mis aux voix et adoptés ainsi qu’il suit : « Art. 4. Au lieu de 5 0/0 d’intérêts par chaque année qui leur étaient attribués, il ne leur sera plus alloué que 3 0/0, à compter du 15 avril de l’année présente, et les remboursements, au lieu d’être différés jusqu’aux époques mentionnées dans lesdits décrets, auront lieu successivement par la voie du sort, aussitôt qu’il y aura une somme de i million réalisé en argent sur les obligations données par les municipalités pour les biens 90 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [47 avril 1790.] qu’elles auront acquis? et en proportion des rentrées de la contribution patriotique des années 1791 et 1792. Si les paiements avaient été faits en assignats, ces assignats seraient brûlés publiquement, ainsi qu’il sera dit ci-après, et l’on tiendra seulement registre de leurs numéros. « Art. 5. Les assignats seront depuis 1,000 livres jusqu’à 200 livres; l’intérêt se comptera par jour; l’assignat de 1,000 livres vaudra 1 soi 8 deniers par jour, celui de 300 livres 6 deniers, celui de 200 livres 4 deniers. « Art. 6. L’assignat vaudra chaque jour son principal, plus l’intérêt acquis, et on le prendra pour celte somme. Le dernier porteur recevra, au bout de l’année, le montant de l’intérêt, qui sera payable à jour fixe par la caisse de l’extraordinaire, tant à Paris que dans les différentes villes du royaume. « Art. 7. Pour éviter toute discussion dans les paiements. le débiteur sera toujours obligé de faire l’appoint, et par conséquent de se procurer le numéraire d ’argentnécessaire pour solder exactement la solde dont il sera redevable. M Audier-SIassillon, après la lecture de l’article 8, demande que les billets d’assignats soient revêtus de la signature de celui qui les livrera, afin d’éviter la falsification. Il justifie la mesure qu’il propose en disant : Vous devez donner de la confiance aux assignats, vous devez éloigner la défiancedes provinces qui, moins à portée de prévenir les moments d’un discrédit possible, peuvent en ressentir davantage les secousses et les inconvénients. Quelles précautions prendrez-vous? Adopterez-Vous la différence des couleurs ? Elles seront imitées par les faussaires. Les billets de la caisse d’escompte n’ont pas été à l’abri de ces inconvénients, malgré l’inspection exacte. Le moyen de la signature des billets à lieu à Rome, à Naples, en Espagne et à Vienne et la falsification y est plus rare que celle des métaux. (Cet amendement est appuyé par divers membres.) M. ftœderer. Je propose d’ajourner la question et de charger le comitédes finances de se concerter avec le comité de commerce et avec quatre commissaires nommés parl’Académiedes sciences, pour trouver les moyens physiques les plus propres à prévenir la contrefaçon des assignats. (Ces différentes propositions sont renvoyées au comité des finances.) Les articles 8, 9, 10, 11, 12 et 13 sont ensuite décrétés dans la teneur suivante : «Art. 8. Les assignats seront numérotés; il sera fait mention en marge de l’intérêt journalier, et leur forme sera réglée de la manière la plus commode et la plus sûre pour la circulation, ainsi qu’il sera ordonné par l’Assemblée nationale. « Art. 9. En attendant que la vente des domaines nationaux qui seront désignés, soit effectuée, leurs revenus seront versés sans délai dans la caisse de l’extraordinaire, pour être employés, déduction faire des charges, au paiement des intérêts des assignats; les obligations des municipalités pour les objets acquis y seront déposées également, et à mesure des rentrées des deniers pur les ventes que feront Jesdites municipalités de ces biens; ces deniers seront versés sans retard et sans exception, leur produit et celui des emprunts qu’elles devront faire, d’après les engagements qu’elles auront pris avec l’Assemblée nationale, ne pouvant être employés, sous aucun prétexte, qu’à l’acquittement des intérêts de leur remboursement, «Art. 10. Les assignats emporteront avec eux hypothèque, privilège et délégation spéciale, tant sur le revenu que sur le prix desdits biens, de sorte que l’acquéreur qui achètera des municipalités aura le droit d’exiger qu’il lui soit légalement prouvé que son paiement sert à diminuer les obligations municipales, et à éteindre une somme égale d’assignats : à cet effet les paiements seront versés à la caisse de l’extraordinaire, qui en donnera son reçu à valoir sur l’obligation de telle ou telle municipalité. «Art. 11. Les 400 millions d’assignats seront employés premièrement à l’échange des billets de la Caisse d’escompte, jusqu’à concurrence des sommes qui lui sont dues par la nation pour le montant des billets qu’elle a remis au Trésor public, en vertu des décrets de l’Assemblée nationale. ' Le surplus sera versé successivement au Trésor public, tant pour éteindre les anticipations à leur échéance, que pour rapprocher d’un semestre les intérêts arriérés de la dette publique. « Art. 12. Tous les porteurs de billets de la Caisse d’escompte feront échanger ces billets contre des assignats de même somme, à la caisse de l’extraordinaire, avant le 15 juin prochain, et à quel-qu’époque qu’ilsse présentent dans cet intervalle, l’assignat qu’ils recevront portera toujours intérêt à leur profit, à compter du 15 avril. Mais s’ils le présentaient après l’époque du 15 juin, il leur sera fait décompte de leur intérêt, à partir du 15 avril jusqu’au jour où ils se présenteront. « Art. 13. L’intérêt attribué à la Caisse d’escompte sur la totalité des assignats qui devaient lui être délivrés, cessera à compter de ladite époque du 15 avril, et l’Etat se libérera avec elle par la simple restitution successive qui lui sera faite de ses billets, jusqu’à la concurrence de la somme fournie en ces billets. » M. le due de Praslin propose un amendement sur l’article 14, consistant à ajouter après les mots : « seront acquittés exactement aux échéances » ceux-ci : « à moins que les porteurs ne préfèrent de les échanger contre des assignats-monnaie. » M. Bouche propose d’ajouter à la fin dû même article 14 ces mots : « et qui en dresseront procès-verbal. » Ces deux amendements sont adoptés, et l’article, mis aux voix avec les amendements, est décrété ainsi qu’il suit ; « Art. 14. Les assignats à 5 0/0 que la Caisse d’escompte justifiera avoir négociés avant la date du présent décret, n’auront pas cours de monnaie, ruais seront acquittés exactement aux échéances, à moins que les porteurs ne préfèrent de les échanger contre des assignats-monnaie. Quant à ceux qui se trouveront entre les mains des administrateurs de la Caisse d’escompte, ils seront remis à la caisse de l’extraordinaire, pour être brûlés en présence des commissaires qui seront nommés par l’Assemblée nationale, et qui en dresseront procès-verbal. » M. Anson, rapporteur, modifie la rédaction de l’article 15 qui est ainsi décrété : « Art. 15. Le renouvellement des anticipations sur les revenus ordinaires cessera entièrement, à compter de la date du présent décret ; et des assignats ou promesses d’assignats seront donnés en payement aux porteurs desdites anticipations, à leur échéance. »