310 [18 juin 1791.] {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. teur. Oter les mots : ou d'autrui, serait consacrer la barbarie la plus affreuse. M. Martineau. L’article qui vous est présenté n'est que l’expression üu droit naturel. l/Assemblée repousse la radiation des mots : ou d'autrui , et décrète les articles 5 et 6 présentés par le rapporteur.) (La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.) M. le Président. La parole est à M. Muguet de Nam hou pour faire on rapport sur les événements arrivés à Bastia, dans le département de la Corse. M. Muguet de ÜVauthou, au nom du comité des rapports. Les dé-ordres arrivés dans la ville de Bastia, selon les nouvelles qui sont arrivées ce matin, nécessitent les mesures les plus promptes et les p us urgentes. Le fanatisme, dans cetie partie de l’Empire, a fait les mêmes efforts que dans nos départements; mais il a obtenu un succès d’autant plus facile que cetie île est voisine de l’Italie, où tous les préjugés que vous avez détruits régnent encore. Des prêtres fanatiques ont profité delà circonstance des Rogations pour faiie une procession extraordinaire, et telle qu’il était d’usage d’en faire dans les plus grandes calamités. Les prêtres étaient nu-pied-’, le crucifix à la main, se donnant la discipline. (On rit.) Je sais bien que ce spectacle ne serait que risible, s’il n’avait causé des effets funestes-, mais ce speciacle ridicule avait un but et les prêtres ne l’ont pas manqué. Ils voulaient exciter le fanatisme du peuple et faire naître des inquiétudes dans les âmes timorées; ils voulaient se servir du manteau de la religion pour consommer leurs projets. A la suite de cette procession, tous les membres du département ont été poursuivis, les uns ont été embarqués de force ; les autres ont été obligés de s’évader; leurs maisons ont été dévastée-, ainsi que celle de i’évêque; on s’est emparé de la citadelle. Vous voyez, Messieurs, que cette procession qui ne présentait d’abord qu’un spectable risible et ridicule, avait pour but, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, de soulever le peuple et d’exciter une contre-révolution; mais vous savez que, dans l’Italie et dans cette île qui l’avoisine, ce n’est que par les spectacles que l’on subjugue l’esprit des peu pies ; il a fallu lui en présenter un qui pût couvrir les projets P modes que l’on avait en vue. Je me bornerai à vous donner lecture de la lettre du secrétaire du département, et d’une protestation solennelle de la ville de Bastia, par laquelle cette commune veut maintenir l’ancien état des choses, relativement à tout ce qui concerne le clergé. Voici la lettre : Lettre des administrateurs composant le directoire du département de l'ile de Corse. « Porta, le 5 juin 1791. « C’est avec le plus vif regret que nous allons vous faire part de l’insurrection arrivée à Bastia. Les ennemis de la chose publique ont su allumer la torche du fanatisme peur soulever le peuple, lequel s’est déclaré solennellement rebelle à la loi. Nous avons l’honneur de vous faire passer un exemplaire du procès-verbal dressé par les habitants de ladite ville, qui est un témoignage authentique de leur rébellion. Nous allons vous faire le récit de J’affaire telle qu’elle s’est passée. « Les habitants de Bastia, auxquels nous en avions imposé par la force, lors de l’ékciion du nouvel évêque, avaient, pour quelque temps, caché leur dépit et étaient nstés dans un calme apparent. Mercredi dernier, au malin, ils primat prétexte du jour des Rogations pour faire une procession. Touie la ville intervint à cet acte apparent de religion : les moines la corde au cou, les hommes et les femmes généralement allant nu-pieds, quelques-uns traînant des chaînes de fer, d’autres se donnant des coups sur le dos avec des lames de Dr, et criant tous : Vive notre religion ! Cela suffit pour échauffer tous les esprits; ce fut le signal de la révobe. « Le lendemain, 2 du courant, des femmes fanatiques se portèrent dans la cathédrale et voulaient y replacer b s armoiries du sieur Verclos, ci-devant évêque de Mariana et Accia, qu’on avait ôtées après l’élection du nouvel évêque du département. Les mêmes femmes se portèrent ensuite à la maison du nouvel évêque, enfoncèrent les portes pour entrer dans sa maison, mais elles se retirèrent à lu vue de quelques personnes armées qui étaient da s ladite maison. Dans le moment, elles se saisirent du mai qui avait été planté à la porte de l’évêque, lors do son élection, le traînèrent à la marine et le brûlèrent. « Tous ces actes préliminaires, qu’on peut appeler des fureurs sacrées, nous firent prendre des précautions. Le directoire du département s’assembla, pria la municipalité de s’a-semblcr, lui écrivit et lui remontra que la tranquillité publique était en danger, et iui intima l’ordre de prendre des mesures pour arrêter tout désordre, sous peine de responsabilbé. « Le corps municipal se rendit à la salle du directoire et nous assura qu’il n’y avait rien à craindre. Ensuite le peuple se réunit en assemblée à 2 heures de relevée. Prévoyant que le fanatisme du peuple allait éclater, nous eûmes recours à M. de Rossi, commandant les troupes de ligne en Corse, pour que la troupe fût sous les arum s, et que les portes de la citadelle fussent fermées. Ce commandant, sous prétexte de vouloir se rendre le pacificateur du peuple, différa l’exécution de la demande que nous lui avions faite. Le peuple, en attendant, réuni, nous envoya une députation pour nous engager à envoyer une députation de deux membres à la salle de Rassemblée. Nous nous refusâmes à cetie proposition, prolestant que nous ne pouvions pas adhérer à leurs demandes qui n’étaient rien moins que contraires à la loi. La députation de l’Assemblée se retire, et nonobstant nos protestations, dressa le procès-verbal de demandes que vous trouverez consigné dans l’acte de rébellion que nous vous adressons. « Le peuple, après Rassemblée, se porta en grand nombre à la place de la citadebe. M. de Rossi qui avait adhéré à notre demande de faire mettre la troupe sous les armes, n’avait pas voulu se prêter à faire fermer les portes : le peuple était par conséquent le maître de la cita I lie, et il ne tarda pas à se porter à des excès. Invité par le trompette envoyé de la part de la municipalité à prendre les armes vers les onze heures du soir, il s’attroupa autour de la maison de M. Arena, faisant fonction de procureur général syndic, tira des coups de fusil aux fenêtres, et après